Compréhension de l’application des Serious Games aux enseignements en éducation à l’entrepreneuriat Yousra Charrouf Yousracharrouf@gmail.com Mourad Taha Janan m.tahajanan@um5s.net.ma

Compréhension de l’application des Serious Games aux enseignements en éducation à l’entrepreneuriat Yousra Charrouf Yousracharrouf@gmail.com Mourad Taha Janan m.tahajanan@um5s.net.ma

Compréhension de l’application des Serious Games aux enseignements en éducation à l’entrepreneuriat
Yousra Charrouf Yousracharrouf@gmail.com Mourad Taha Janan
m.tahajanan@um5s.net.ma

Résumé

Le problème de l’emploi des jeunes est un challenge récurrent qui ne cesse de prendre de l’ampleur au fil du temps. Nous pensons que l’entrepreneuriat présente une solution potentielle à ce problème. La vulgarisation d’une culture entrepreneuriale pourrait aider les jeunes diplômés à se lancer dans la création d’entreprise. Seulement, cela ne peut se faire sans une compréhension du fonctionnement de l’entreprise dans sa globalité et une mise en situation à même de motiver les étudiants. Dans cet article, avons essayé de présenter les Serious Games que nous voulons utiliser comme outil permettant d’appliquer les acquis du cours d’entrepreneuriat. Une enquête terrain a été menée afin de déterminer le profil des étudiants, ainsi que leurs prédispositions à utiliser les Serious Games. Les premiers résultats de cette enquête sont favorables et nous ont permis de justifier la pertinence du sujet mais aussi la préparation d’une seconde expérimentation où sera étudiée l’utilisation du jeu par ces mêmes étudiants.

Mots-clés

Jeux Sérieux (Serious Games), entrepreneuriat, enseignement

Contexte général

Comme dans pratiquement tous les pays du monde, la question de l’emploi des jeunes est fondamentale et d’une grande sensibilité sur la scène politique marocaine. En plus d’être un moteur pour la création des richesses, ce dernier permet une amélioration des conditions de vie, favorise l’insertion sociale et une meilleure répartition des revenus. Parmi les causes qui expliquent le chômage dans notre pays nous retrouvons le manque d’expérience qui caractérise ces jeunes, ainsi qu’un faible taux d’entrepreneuriat. Dans cette optique nous avons choisi d’étudier les formations de l’entrepreneuriat, car nous pensons que l’enseignement est l’acteur clé de la vulgarisation de la culture entrepreneuriale. De plus comme l’écrivent (Walter & Block, 2016) « based on multilevel analyses of data from more than 11,000 individuals in 32 countries we find that entrepreneurship education is more effective, in terms of stimulating more entrepreneurial activity, in entrepreneurship hostile institutional environments ».

Cela dit, il ne suffit pas d’étudier théoriquement l’entrepreneuriat, encore faut- il le pratiquer. La classe peut présenter un endroit propice à cette pratique, dans le cadre de travaux dirigés et encadrés par un professeur expérimenté. Parmi les outils disponibles nous avons choisi d’utiliser les Serious Games, dit jeu sérieux, qui donnent la possibilité de découvrir le monde de l’entreprise dans son ensemble et ce, dans un environnement sécurisé proche de la réalité.

État de l’art

L’enseignement de l’entrepreneuriat est une question problématique du fait de la complexité de la tâche et de l’inexistence d’un consensus dans la définition même du terme « entrepreneuriat ». Cela étant, les différents auteurs consultés s’accordent à dire que l’enseignement de l’entrepreneuriat est tout à fait possible (Fayolle, 2007 ; Marchesnay, 2000 ; Fayolle, 2000 ; Hindle, 2007 ; Heinonen, 2006 ; Aouni & Surlemont, 2007).  Comme l’explique (Tounés, 2003) l’entrepreneuriat est « non seulement une pratique et un champ de recherche, mais aussi un domaine d’enseignement qui peut avoir des effets sur les attitudes, les normes et les perceptions des étudiants quant à leur choix de carrière ».

Serious Games

Nous nous sommes intéressés à l’utilisation des Serious Games comme outil d’apprentissage suivant la logique de (Rafael & José, 2013) qui expliquent que les jeunes de nos jours y passent tellement de temps que nous gagnerions à les exploiter à des fins éducatives. (Khenissi, Essalmi, & Jemni, 2015) ont écrit « students of this generation are disengaged, bored, suffering from a bad attitude and they aren’t challenged in traditional classroom », ils ont donc besoin d’une source de motivation afin d’éveiller leur attention et stimuler leur apprentissage. Dans la même optique (Garris, Ahlers, & Driskell, 2002) expliquent que l’intérêt d’utiliser les jeux dans le monde professionnel était de tirer profit de l’engagement et de l’implication présentée par les joueurs, afin d’améliorer l’enseignement et la formation.

En d’autres termes, si les éducateurs pouvaient transposer cet engagement à l’activité d’apprentissage, il serait possible d’obtenir des résultats forts intéressant dans les classes de cours et atteindre les objectifs pédagogiques plus facilement. Ceci est exactement ce à quoi aspire le Serious Game ; profiter du jeu pour faire passer un savoir, une connaissance combinant pratique, pédagogie et amusement.  Aussi comme l’écrit (Reigeluth, 2013) « there is only one effective way to teach someone how to do anything, and that is to let them do it. »

Notre objectif est de discuter de l’éventualité d’utiliser un Serious Game dans l’optique de permettre aux étudiants en entrepreneuriat de trouver l’outil propice à l’expérimentation de leurs acquis. Les Serious Games attirent de plus en plus d’intérêt puisqu’ils sont facilement utilisables dans plusieurs champs disciplinaires. (Zyda, 2005) les définit comme : « a mental contest, played with a computer in accordance with specific rules, that uses entertainment to further government or corporate training, education, health, public policy, and strategic communication objectives ». Dans le même sens, (Sabri et al., 2010) expliquent le Serious Games représente un détournement du jeu dans son optique ludique vers un but éducatif ‘dit sérieux’ : « Serious games usually refer to games that are used for training, advertising, simulation, or education and are designed to run on personal computers or video game consoles ».

Parmi les disciplines ayant utilisé les Serious Games nous retrouvons l’armée américaine qui a adopté le jeu America’s Army pour la formation et le recrutement de nouveaux soldats, tout en le développant afin qu’il réponde aux besoins d’autres organes tel que les services secrets, ou le département de la défense (Zyda, 2005). En médecine (Sabri et al., 2010), parmi bien d’autres, ont utilisé « Total knee arthroplasty Serious Game » pour aider les étudiants à bien comprendre les étapes de la procédure chirurgicale ainsi que le processus décisionnel et cognitif qui entre en lice lors de l’opération. Les auteurs expliquent que la réalisation de ces tâches au préalable permet, le moment venu, de se concentrer exclusivement sur les aspects techniques.

Pour que le Serious Game ait une valeur et un poids dans l’éducation il ne doit pas être départi des caractéristiques qui font sa valeur telles que : l’interaction, le réalisme, mais surtout cette capacité qu’à le jeu de prendre le joueur entre ses filets et de le plonger dans un autre monde, lui procurant du plaisir et de la satisfaction, mais surtout l’envie d’y revenir. Tout cela en gardant en ligne de mire la connaissance comme objectif final. (Giessen, 2015) note en effet, que « Serious Games have to find a balance between the ludative element that exists for its own sake, and didactical or pedagogical goals that should neither be all too intrusive, nor lose sight of the aims ». De plus, comme l’indique (Ahrens, 2015) le jeu ne doit point se départir de son aspect fun et amusant car c’est cela même qui déclenche l’intérêt chez l’étudiant et à travers quoi sera véhiculée la connaissance.

Expérimentation

Notre hypothèse est que l’utilisation des Serious Games pousse à davantage d’engagement de la part des étudiants dans leurs apprentissages de l’entrepreneuriat. Le questionnaire établis vise à déterminer le profil des étudiants ainsi que leur prédisposition à utiliser un Serious Games.

Lors de l’élaboration des questions nous avons essayé de déterminer l’objet de chaque question en fonction du type de réponse que nous cherchions. Le questionnaire contenait vingt et une questions divisées en trois sections qui représentent les trois facteurs que nous voulons étudier. Chaque facteur est fractionné en plusieurs items qui sont eux mêmes exprimés en modalités. Le schéma qui suit explique l’arborescence suivie :

Figure 1 : Items du questionnaire

Figure 1 : Items du questionnaire

Résultats et discussion

En ce qui concerne le profil des étudiants, la classe est homogène avec 48% de filles et 52% de garçon dont la moyenne d’âge est de 22 ans et sont en première année Master Spécialisé en Sciences de l’Eau, de l’Énergie et de l’Environnement.

Concernant la possibilité d’entreprendre dans le futur et le type de travail désiré pour l’avenir (salariat, ou propre compte), nous avons constaté qu’il y avait un certain déséquilibre dans les réponses. En effet, des étudiants prétendent vouloir travailler pour leurs propres comptes alors qu’à la question probabilité de créer une entreprise ils répondent « plutôt probable » ou « plutôt improbable ». Une première explication pourrait être que vouloir travailler à leur compte représente l’option désirée ou le souhait, alors qu’en réalité elle semble lointaine. Une autre explication pourrait être liée au moyen financier dans le sens où ces étudiants souhaiteraient travail pour leur propre compte mais savent qu’ils n’auront pas les moyens pour le faire.

Tableau croisé 1 : Q7 : Que préférez vous ? * Q8 : Estimez vous que votre environnement familial soit favorable à la création d’entreprise ?

Tableau croisé 1 : Q7 : Que préférez vous ? * Q8 : Estimez vous que votre environnement familial soit favorable à la création d’entreprise ?

Tableau croisé 1 : Q7 : Que préférez vous ? * Q8 : Estimez vous que votre environnement familial soit favorable à la création d’entreprise ?

Une liaison significative relie les 2 variables « type emploi » et « situation familiale» : ceux qui préfèrent être des salariés, estiment que leur milieu familial n’est pas du tout favorable  à la création d’entreprise (18,2%). Alors que ceux qui préfèrent créer leur propre entreprise, voient que l’environnement familial est plutôt favorable et encourageant (36,4%).

Tableau croisé 2 : Q7 : Que préférez vous ? * Q6 : Quelle est la probabilité qu’un jour vous créez votre entreprise ?

Tableau croisé 2 : Q7 : Que préférez vous ? * Q6 : Quelle est la probabilité qu’un jour vous créez votre entreprise ?

Tableau croisé 2 : Q7 : Que préférez vous ? * Q6 : Quelle est la probabilité qu’un jour vous créez votre entreprise ?

En parallèle le tableau suivant traduit une liaison importante entre les variables « type d’emploi désiré » et « possibilité de création de sa propre entreprise ». En fait, 42,4% des enquêtés (18,2%+24,2%) qui préfèrent créer leur propre entreprise, jugent cela probable. D’autre part, 18,2%, des étudiants, préfèrent être des salariés et jugent plutôt probable de créer leur propre entreprise par la suite.

Nous avons utilisé l’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) qui permet l’étude des liaisons entre plus de deux variables qualitatives. Elle est donc très bien adaptée au traitement d’enquêtes lorsque les variables sont qualitatives. Les résultats de cette étude nous ont permis de dégager le schéma suivant :

 Figure 2  Diagramme joint des points de modalités (le 1er Plan factoriel)

Figure 2 Diagramme joint des points de modalités (le 1er Plan factoriel)

Le sens donné aux axes et l’analyse des proximités entre variables et modalités sont généralement élaborés à partir des plans factoriels. Nous nous limiterons dans cet article au premier plan factoriel, composé par les deux premiers facteurs (1er et 2ème facteurs).

La figure suivante nous permet une visualisation des différentes modalités et par conséquent cerner les proximités et les groupes homogènes graphiquement.

Nous classons clairement 2 groupes distincts par rapport au 1er axe :

  • Zone 1 : Les proximités entre les modalités des 7 variables actives (Q8, Q7, Q16, Q6, Q18, Q10, Q11) révèle qu’il y a une relation entre le profil de l’étudiant, l’entrepreneuriat et le Serious Games = ceux qui se considèrent joueurs et jouent tous les jours aux jeux vidéo, voient que le cours d’entrepreneuriat est extrêmement intéressant et très utile pour l’avenir. Aussi, profitant d’un environnement familial plutôt favorable, ils préfèrent créer leur propre entreprise.
  • Zone 2 : Les proximités entre les modalités des 7 variables actives (Q8, Q7, Q4, Q17, Q18, Q10, Q11) révèle également, qu’il y a une relation entre le profil de l’étudiant, l’entrepreneuriat et le Serious Games = les étudiants qui ne jouent pas aux jeux vidéo voient que le cours d’entrepreneuriat est suffisamment intéressant, mais pas vraiment utile pour l’avenir. De plus, avec un niveau faible en anglais et un environnement familial pas du tout favorable à la création d’une entreprise, ils préfèrent être salariés.

Quant au 2ème axe, nous distinguant aussi 2 zones différentes :

  • Zone 1 : Les proximités entre les modalités des 4 variables actives (Q8, Q6, Q18, Q5) montrent que les étudiants membres d’associations étudiantes, ne jouent que rarement aux jeux vidéos (une fois par mois), et jugent qu’il est plutôt improbable de créer un jour leur propre entreprise car l’environnement familial n’est pas favorable.
  • Zone 2 : Les proximités entre les modalités des 4 variables actives (Q8, Q7, Q18, Q4) ; montre que les étudiants qui n’ont pas encore de préférence en termes d’emploi désiré, jouent une ou deux fois par semaine aux jeux vidéos et ont un bon niveau d’anglais. En outre leurs environnement familial est tout à fait favorable à la création d’entreprise.

Conclusion

Les étudiants sont intéressés par l’entrepreneuriat curieux d’apprendre mais surtout, ce sont des personnes ayant une intention entrepreneuriale. Aussi le fait qu’une familiarité existe avec les jeux vidéo couplé au fait qu’il s’agit d’une génération connectée crée une ouverture d’esprit chez eux. En effet, cet état d’esprit nous permet de constater une prédisposition à utiliser un Serious Game dans le cadre d’un travail dirigé au terme de leurs cours d’entrepreneuriat.

Ces résultats sont d’autant plus encourageants que ce travail n’est qu’une partie de ce que nous envisageons de faire, à savoir répondre à une seconde hypothèse qui est : l’existence d’une éventuelle augmentation d’engagement dans l’étude de l’entrepreneuriat à travers l’utilisation des Serious Games.

Bibliographie

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Marchesnay, M. (2000). L’entrepreneuriat : une vue kaléidoscopique. Revue internationale P.M.E.: Économie et gestion de la petite et moyenne entreprise, 13(1), 105. https://doi.org/10.7202/1008672ar

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Zyda, M. (2005). From visual simulation to virtual reality to games. Computer, 38(9), 25–32.

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