PLACE DES TECHNOLOGIES TRADITIONNELLES DE L’AFRIQUE CENTRALE DANS LA CONTEXTUALISATION DE L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE – GASPARD MBEMBA

PLACE DES TECHNOLOGIES TRADITIONNELLES DE L’AFRIQUE CENTRALE DANS LA CONTEXTUALISATION DE L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE – GASPARD MBEMBA PLACE OF CENTRAL AFRICAN TRADITIONAL TECHNOLOGIES IN THE CONTEXTUALIZATION OF THE SCIENTIFIC AND TECHNOLOGICAL TEACHING

PLACE DES TECHNOLOGIES TRADITIONNELLES DE L’AFRIQUE CENTRALE DANS LA CONTEXTUALISATION DE L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE – GASPARD MBEMBA
PLACE OF CENTRAL AFRICAN TRADITIONAL TECHNOLOGIES IN THE CONTEXTUALIZATION OF THE SCIENTIFIC AND TECHNOLOGICAL TEACHING

PLACE OF CENTRAL AFRICAN TRADITIONAL TECHNOLOGIES IN THE CONTEXTUALIZATION OF THE SCIENTIFIC AND TECHNOLOGICAL TEACHING

Maître-assistant CAMES, Directeur honoraire – École Normale Supérieure, Université Marien Ngouabi

– Brazzaville, République du Congo

SUMMARY

Central Africa lays out a vast number of traditional technologies increasingly threatened by the urbanization of the customs. Although very anchored in the habits, in addition rather close, of the rural populations, these technologies have not the place which they must have had neither in the programs of the lesson, nor in research, for their valorization, their promotion and their protection. On all the area, the programs of the scientific lesson, in particular physical sciences and technology, similar to those of North, make case of the African local context little. Despite of the many reforms that these programs been underwent, even for needs for contextualization, thought not of including elements of these traditional technologies there, undoubtedly because of the weight of colonial heritage because. This study, after a brief presentation of the under area situation and international context, show, holding account of the context regional current, the relevance, in the plans socio-cultural, economic, didactic and scientific, of the use of these traditional technologies, raise the character of short cut which this use can present in teaching of the sciences, in general, physical sciences in particular, to facilitate and accelerate the acquisition, by the target populations, of a modern and solid scientific knowledge as result of the cultures complementarities.

INTRODUCTION

La contextualisation et l’harmonisation des programmes d’enseignement de sciences physiques et de la technologie (HPSPT) constituent, ces dernières années, une des préoccupations des systèmes éducatifs de seize pays d’Afrique francophone et de l’Océan indien, bénéficiaires du projet intitulé « appui aux recherches sur la contextualisation et à l’harmonisation des enseignements au  secondaire » (ARCHES), mis en place à la fin des années 90, avec l’aide de la coopération française, pour encourager et élargir des actions d’harmonisation développées auparavant dans certains de ces pays depuis les années 80 (Beaudlet et al., 2000). Pour des disciplines enseignées dans ces pays depuis des décennies, penser à contextualiser leur enseignement dans les années 90 pourrait paraître anormale et mérite une explication si l’on considère que la contextualisation des notions à enseigner a toujours été une exigence pédagogique. L’actualité de cette préoccupation signifierait-elle que l’enseignement des disciplines concernées ne satisfait pas à cette exigence ? Qu’il n’utilise pas le contexte de l’apprenant ? Pas nécessairement. C’est peut-être en vertu du même impératif pédagogique que cette préoccupation est d’actualité, pour suivre et s’adapter à l’évolution  du contexte, qui, par sa nature polysémique, prend des contenus divers. C’est tantôt le lieu ou le milieu, l’environnement, l’époque, la mode, les coutumes, tantôt la conjoncture sociale, politique, internationale, la mondialisation, la modernité, la période, tantôt le développement mental, intellectuel, psychologique de l’apprenant, tantôt un courant de pensée, l’ère des grands ensembles régionaux et sous-régionaux, du virtuel, etc. La nécessité de contextualiser les disciplines visées par le projet ARCHES est née d’un constat : pour tous les acteurs nationaux des pays impliqués dans ce projet, les programmes en vigueur « étaient analogues aux programmes français ». Ceux-ci sont bien sûr contextualisés dans le sens de la conformité à la modernité, au niveau de développement et aux exigences actuelles de la société française, occidentale, à l’ère de la mondialisation. Leur utilisation dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, caractérisé notamment par l’insuffisance ou l’obsolescence des équipements, le délabrement des laboratoires dus à l’absence de maintenance, aggravés par les difficultés économiques, a été et demeure, sans nul doute, dans bien des cas,  source d’incompréhension, d’acquisition superficielle, d’échec, de découragement des apprenants dans l’enseignement des sciences physiques et de la technologie, et explique le nombre relativement faible d’étudiants et de spécialistes nationaux dans ces disciplines (Mbemba, 2003 a) . Si l’on ajoute le caractère abstrait pour le public africain des modèles de représentation utilisés dans les manuels en vigueur et qui, pour nombreux d’entre eux, sont restés les mêmes que dans les années 60 (Mbemba, 2004), même s’ils ont disparu de l’environnement de l’apprenant, surtout avec, de surcroît, le  handicap de la langue, on peut comprendre le choix des pays concernés par le projet ARCHES, de concevoir en commun de nouveaux programmes et de construire des équipements adaptables aux spécificités des pays concernés. Mais comment réussir la contextualisation de ces programmes ?

Il ne s’agit pas d’enseigner une science différente de celle enseignée jusqu’ici. Le succès, en France au début des années 70, des ouvrages canadiens de physique, de ceux de la collection de Moscou, de la collection Berkeley, n’était pas dû au fait qu’ils présentent une autre science, mais la même science autrement. On peut déjà penser que, comme c’est le cas pour toutes les autres disciplines, en Afrique comme ailleurs, la solution est de puiser, à l’instar des pays du Nord, d’abord dans l’environnement immédiat de l’apprenant, de prendre dans ce qu’on a toujours laissé de côté, d’adapter les contenus notionnels à son niveau intellectuel, d’utiliser son contexte socioculturel afin de faciliter sa compréhension, d’accélérer l’appropriation, de valoriser son environnement et susciter, de ce fait, son intérêt pour les sciences physiques et la technologie. A titre d’exemple, la situation est quantitativement et qualitativement bien meilleure dans le domaine des sciences naturelles où cette contextualisation rendue obligatoire par la nature même de la discipline est réalisée depuis longtemps, même si, là aussi, beaucoup reste encore à faire. (Mbemba G., 1976). Pour l’enseignement des sciences physiques et de la technologie en Afrique centrale, cette prise en compte du milieu de l’apprenant ne peut pas exclure certaines technologies traditionnelles, entendues comme des techniques et produits des savoirs autochtones, en raison de leur contenu scientifique et technologique et de leur ancrage dans la culture locale, en dépit des menaces de disparition liées à l’urbanisation des mœurs. Dans cette réflexion, après une brève présentation de la sous-région concernée, nous discutons de la possibilité de laisser une place à certaines technologies traditionnelles sur la base des arguments inspirés par la pratique pédagogique, l’intérêt scientifique de certains exemples de technologies encore en usage et le contexte international favorable aux savoirs autochtones. Nous proposons par la suite les éléments de stratégies d’intégration de ces technologies dans les nouveaux programmes à concevoir, en vue de l’amélioration de l’enseignement des sciences physiques et de la technologie dans l’ensemble de la sous région.

LE CONTEXTE DE L’AFRIQUE CENTRALE

La présente étude vise l’Afrique Centrale, région connue pour la richesse de son sous-sol, de ses écosystèmes, l’importance de sa pluviométrie et de son réseau hydraulique, constituée principalement par quatre bassins dont le plus vaste, le Bassin du Congo (Gouvernement, 2003), représente 228 millions d’hectares de forêts denses et abrite, à lui tout seul, 100 millions d’habitants sur les 113 millions  que  comptent  les  États  de  la  Communauté  Économique  des  États  de  l’Afrique  Centrale (CEEAC, 2004). Elle concerne donc les États suivants : Angola, Burundi, Cameroun, Centre Afrique, Congo, Congo Démocratique, Gabon, Guinée équatoriale, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Tchad. La plupart d’entre eux composent le Bassin du Congo (Encarta, 2002). La langue officielle – langue des études – est le portugais pour l’Angola et Sao Tomé et Principe, l’espagnol pour la Guinée équatoriale, le français pour les autres États. La majorité de ces pays, ont un taux moyen de scolarisation relativement élevé, largement supérieur à 50%, atteignant parfois 90% au primaire, 31 % au secondaire, des effectifs des étudiants de l’enseignement supérieur croissant chaque année et dépassant souvent les capacités de gestion de ces États (Teferra D.,2003). Certains pays sont producteurs de pétrole, mais tous sont « en voie de développement » et éprouvent de difficultés réelles pour faire face aux exigences d’un enseignement scientifique moderne de qualité.

Les populations autochtones sont en majeure partie de race bantoue, les zones forestières étant principalement peuplées par la race pygmée. Bien que formées par de nombreuses ethnies, ces populations ont pour principales activités traditionnelles la pêche, la chasse, l’agriculture, la musique, avec leurs corollaires dans les domaines de l’artisanat, du transport, de la manutention, de la communication, de la transformation et de la conservation des denrées alimentaires. Depuis des temps immémoriaux, elles se sont forgé des technologies traditionnelles pour résoudre les problèmes posés par la réalisation de leurs activités. Nombre de ces technologies sont remplacées progressivement par d’autres plus modernes ; mais certaines continuent d’être utilisées, surtout en zones rurales. Souvent, les technologies concernant un domaine donné sont comparables, sinon identiques d’une population à une autre, mais leurs appellations sont très variées en raison de la multiplicité des dialectes. L’enfant rentre très tôt en contact et se familiarise avec les technologies utilisées couramment dans sa famille, dans son environnement immédiat : ces technologies font partie de l’éducation reçue par l’enfant auprès de sa famille ou de son milieu social. Malheureusement, l’école, dans la sous région, fait peu cas de ce contexte pour bâtir les programmes de sciences physiques et de technologie. L’entrée à l’école, en plus du handicap de la langue correspond, dans de nombreux cas, à une rupture avec des pratiques, avec des connaissances familières, une mise à l’écart d’un raccourci de taille dans l’acquisition des savoirs scientifiques de base. Il y a donc des arguments qui militent en faveur de l’intégration des technologies traditionnelles dans l’enseignement des sciences et de la technologie dans la sous-région.

POUR    UNE    PLACE    DES    TECHNOLOGIES   TRADITIONNELLES   DE     L’AFRIQUE    CENTRALE    DANS L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES ET DE LA TECHNOLOGIE

Ces arguments sont de natures diverses, pédagogique, scientifique, liées au contexte international…

Logique pédagogique

Au plan pédagogique, les technologies traditionnelles encore en usage et connues des apprenants doivent être mises à profit dans l’enseignement des sciences et de la technologie dans la sous-région. Comme tout enseignement bien conçu se fonde sur un socle, les pré requis, il s’agit surtout, parce  que faisant appel à des représentations familières et à des pré requis ancrés sur la pratique quotidienne et rendus, de ce fait, dans certains cas, pratiquement instinctifs, de mettre à profit le caractère de raccourci que peut présenter l’intégration de ce patrimoine dans la compréhension et l’appropriation des connaissances scientifiques indispensables à la poursuite des études ou à la transformation et à l’amélioration de l’environnement socioculturel. Pour ce faire, un soin particulier doit être réservé à l’organisation des contenus notionnels et des séquences pédagogiques afin que la maîtrise des savoirs traditionnels facilite ainsi l’acquisition de savoirs savants plus complexes.

L’intérêt scientifique

Au plan scientifique, il s’agit de prendre ce qu’il peut y avoir comme connaissances à exploiter dans l’environnement immédiat de l’apprenant, dans l’immense patrimoine culturel que se partagent les populations de l’Afrique centrale. En effet, il est permis d’affirmer que certaines technologies traditionnelles renferment des savoirs scientifiques exploitables pour l’enseignement des sciences physiques et de la technologie. À titre d’exemple, le tableau ci-après présente quelques technologies traditionnelles encore en usage sur une partie du Congo et les domaines et notions de physique identifiées pour l’enseignement desquelles elles peuvent être utilisées. Cette liste, non exhaustive, couvre les domaines de la mécanique, de la résistance des matériaux, de l’acoustique et de la thermodynamique. A titre d’illustration, nous donnons, figures 1, 2 et 3, une analyse plus complète sur quelques-unes de ces technologies traditionnelles : « mpondji », un panier utilisé pour le transport et « n’saadi », un fusil de chasse. Bien sûr, dans certains cas, il y a lieu de montrer au préalable, grâce à la recherche, que ces technologies traditionnelles présentent un intérêt scientifique avéré. Ainsi, l’implication des technologies traditionnelles dans la pratique pédagogique ouvre des champs nouveaux de recherche.

Le premier porte sur l’inventaire, l’identification des technologies encore en usage en Afrique centrale. Ensuite, l’analyse de ces technologies en vue de leur utilisation éventuelle dans l’enseignement scientifique et technologique dans toute la sous région. Enfin, l’exploitation, dans l’enseignement, des quelques technologies traditionnelles déjà inventoriées sur le tableau, peut nécessiter au préalable, l’explicitation de certains paramètres, par exemple, les propriétés physiques des matériaux mis en jeu dans ces technologies. Comme on le sait, les matériaux locaux de l’Afrique centrale (argile, bois, fibres, etc.) utilisés dans ces technologies sont peu connus et constituent de ce fait, une source potentielle importante de connaissances scientifiques susceptibles d’occuper les équipes des chercheurs sur les matériaux de la sous région. A titre d’exemple, dans nos travaux antérieurs sur les pièges traditionnels (Mbemba G., 2002, Lela Vingou E., 2001), nous avons dû recourir à des mesures de modules d’élasticité du bois local, dans les conditions de fonctionnement des pièges traditionnels, pour parfaire le calcul, par la méthode des éléments finis, des valeurs théoriques des énergies potentielles élastiques stockées dans ces pièges

Tableau 8 : Contenus notionnels relevant de la mécanique et de la résistance des matériaux

Technologies (appellations en usage dans le sud

du Congo)

Domaine(s) d’utilisation Contenus notionnels identifiés
N’godi Agriculture Force, équilibre, tension, frottement
Nsaadi Chasse Tension, vitesse initiale, énergie cinétique, énergie potentielle élastique, forces concourantes, composition des forces concourantes, trajectoire, portée, flèche, mouvement parabolique
n’tambu (mitambu = pièges) : buubulu, tsiemba, bulu, n’singa, n’tambu, nsaanza, mpombolo, sioosio, tsisaka, ntambudi, tsikokolo, Chasse Force, poids, matériau élastique, systèmes déformables, énergie potentielle de pesanteur, énergie potentielle élastique, flexion, module d’Young, fatigue des matériaux, plasticité
mpondji ou mpidi manutention, transport forces, décomposition des forces, équilibre, action, réaction
mukama (digue) Pêche Pression hydrostatique, barrage

Tableau 9 : Contenus notionnels relevant de la mécanique et de l’acoustique

Technologies (appellations en usage dans le sud

du Congo)

Domaine(s) d’utilisation Contenus notionnels identifiés
Dibu ou grelot chasse Son, propagation, détection, excitation, résonance, modes propres
calebasse agroalimentaire oscillation, fréquence propre, excitation, résonance
Ngoma (tam-tam) Musique, communication vibration, fréquence propre, tuyau ouvert, fermé, excitation, résonance, propagation du son
ngongui musique vibration, intensité sonore, résonance, propagation du son
nsambi musique Flexion, élasticité, tension, oscillation, fréquence, résonance

 Étude de cas : analyse détaillée de deux technologies traditionnelles « mpondji » et « nsaadi »

La photo (fig.1), prise en 2004, représente le transport habituel du panier dénommé « mpondji » ou « mpidi », et le schéma (fig. 2) la répartition de la charge et l’exploitation que l’on peut en faire en physique dans l’étude des forces : résultante de deux forces, décomposition d’une force en deux forces concourantes. On peut également discuter des conséquences biologiques d’une telle technique de transport en vue de réfléchir aux améliorations possibles.

Figure 12 Transport du « mpondji » ou du « mpidi » LIBREVILLE2005

Figure 12 Transport du « mpondji » ou du « mpidi » LIBREVILLE2005

Figure 13 : répartition de la charge LIBREVILLE2005

Figure 13 : répartition de la charge LIBREVILLE2005

Le « nsaadi » ou « fusil » lance flèches (fig. 3) est une sorte d’arbalète utilisée pour la chasse. Il est constitué par une partie déformable : une poutrelle élastique de longueur Lo encastrée en son milieu que met en flexion un fil inextensible de longueur L < Lo attaché aux extrémités de la poutrelle. L’ensemble est monté sur un bâti rigide muni d’un canon et d’une « gâchette ». Pour armer le fusil, le chasseur tire sur le fil par le milieu, l’accroche à un crochet solidaire de la « gâchette », et pose la  base de la flèche contre le fil tendu, l’extrémité de la flèche étant engagée dans le canon. La libération du fil par la « gâchette » propulse la flèche.

Figure 14  « nsaadi » ou « fusil » lance flèches LIBREVILLE2005

Figure 14 « nsaadi » ou « fusil » lance flèches LIBREVILLE2005

L’analyse du fonctionnement de ce dispositif permet de distinguer une force extérieure Fext1 exercée par le chasseur pour armer le fusil, remplacée par la force Fext2 que continue d’exercer le crochet – une fois Fext1 supprimée – pour le maintenir armé, une force intérieure Fint de rappel, résultante des tensions exercées par chaque brin de fil tendu et qui propulse la flèche dès que Fext2 du crochet est supprimée. Il s’agit donc d’un exemple de mouvement d’un projectile avec vitesse initiale vo due à Fint, ou à l’énergie potentielle élastique Epél communiquée par flexion statique au système déformable constitué par la poutrelle, le fil et la flèche. Pour une position donnée de l’arme, la connaissance de cette énergie permet de calculer celle du projectile au moment où elle atteint une cible placée à une distance donnée. Ce dispositif couvre donc les niveaux secondaire et supérieur de l’enseignement.

Le contexte international

L’analyse du contexte international actuel permet de relever le paradoxe suivant : l’ère de la mondialisation semble favorable à la valorisation des savoirs traditionnels. En effet, après avoir reconnu que « la mondialisation », non seulement « procède largement par standardisation et uniformisation jusque dans les modes de vie » (UNESCO, a), et que «le processus de mondialisation a pour effet de marginaliser l’Afrique et d’accentuer la pauvreté » (UNESCO, 2002, b), l’UNESCO, dans sa « Stratégie à moyen terme 2002-2007 », promet « un appui à la rénovation du système africain d’éducation scientifique par la démystification des sciences en commençant par l’éducation de base, et en favorisant un enseignement de la science et de la technologie qui soit en harmonie avec l’environnement socioculturel, un soutien à l’application des savoirs traditionnels… ». (UNESCO, 2002, c). Par ailleurs, les « savoirs autochtones » constituent l’un des thèmes d’action clé de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable que vient de proclamer le Directeur Général de l’UNESCO, ce 1er mars 2005, à New York : « Le savoir local est un conservatoire de la diversité et une ressource essentielle pour comprendre l’environnement et l’utiliser au mieux, dans l’intérêt des générations actuelles et futures. Introduire ce savoir dans la trame de l’apprentissage permet aux apprenants de tirer de leur environnement immédiat des principes scientifiques et une image de la société, ce qui resserrera les liens entre savoir exogène et autochtone. Le savoir local est associé aux manières de l’exprimer dans la langue locale – l’emploi des langues locales dans l’éducation, couplée avec d’autres, est un facteur non seulement de l’équilibre du développement cognitif des enfants mais aussi de la reconnaissance, de la validation et de l’utilisation des leçons tirées directement de la vie quotidienne et de la communauté locale. » (UNESCO, 2005)

Pour le Nouveau Partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD) : « il est indispensable de protéger et d’utiliser correctement le savoir autochtone, qui représente une dimension importante de la culture du continent et d’en faire bénéficier toute l’humanité ». Le NEPAD s’engage à consacrer «une attention toute particulière à la protection et au développement du savoir traditionnel…», à prendre

«d’urgence des mesures pour faire en sorte que le savoir autochtone de l’Afrique soit protégé par des législations appropriées» (UNESCO, 2002d). Les effets des conflits armés qui secouent nombreux des pays concernés par cette réflexion est un argument supplémentaire pour ne pas continuer à laisser de côté ces technologies traditionnelles. Il est clair que pour freiner l’aggravation de la situation et rattraper, en partie – autant que faire se peut – le temps perdu par les jeunes en raison de ces conflits, il n’est pas possible d’envisager pour ces jeunes, les programmes de formation classiques, mais plutôt des scénarios faisant appel à des raccourcis fondés inévitablement sur les pré requis des apprenants, évidemment sur les pré requis liés aux technologies traditionnelles, surtout en milieu rural où elles font partie de la vie quotidienne de ces jeunes.

ÉLÉMENTS DE STRATÉGIES POSSIBLES D’INTÉGRATION DES TECHNOLOGIES TRADITIONNELLES DANS L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES ET DE LA TECHNOLOGIE

Il s’agit, pour changer, d’obtenir l’insertion de certaines technologies traditionnelles dans les programmes officiels. Pour cela, il faut, auparavant, réaliser un inventaire et une identification des technologies encore en usage dans tous les pays concernés, suivis d’une analyse afin de sélectionner celles qui se prêtent à une exploitation pédagogique avantageuse, puis de la sélection des éléments et des matériels didactiques adaptés à insérer dans les programmes. Ces différentes étapes exigent un travail d’équipes, à réaliser dans le cadre d’un projet sous régionale appuyé par les États concernés et qui peut profiter de la tendance pour les grands ensembles qui existe déjà dans la sous région. On doit pouvoir impliquer ces ensembles pour constituer et coordonner les travaux des équipes d’experts ressortissants des pays concernés, obtenir et gérer des financements pour mener des actions sur l’ensemble des pays de l’Afrique centrale dans le but de réaliser des économies d’échelle dans le développement des programmes communs de recherche, la mise en place de programmes et de matériels didactiques réellement contextualisés. On pourrait, par exemple mettre à contribution la CEEAC, l’UA, l’AIF, l’UNESCO et la coopération française et autres institutions de recherche opérant dans la sous région, pour la mise en œuvre de ce projet consacré à l’identification des technologies traditionnelles encore en usage en Afrique centrale, à l’analyse de leurs bases scientifiques et à leur sélection en vue de l’utilisation de ces technologies dans la contextualisation de l’enseignement des sciences physiques et de la technologie.

CONCLUSION

Nous avons voulu montrer dans cette étude, par l’analyse de la conjoncture internationale, en raison de l’importance de l’enseignement de sciences pour sortir les populations du sous développement, d’une part, l’intérêt scientifique de certains savoirs autochtones ; d’autre part, qu’il est possible, voire même pertinent, d’utiliser les technologies traditionnelles comme socle d’un enseignement scientifique, certainement plus accessible et au moins aussi solide que celui qui est assuré actuellement dans les États de l’Afrique centrale. Cette stratégie offre, en plus, sans nul doute, les chances d’une valorisation de l’environnement, d’une meilleure connaissance de leur milieu par les apprenants et une meilleure disposition de ceux-ci à contribuer à son amélioration, à la protection de ces savoirs autochtones, mais aussi d’une meilleure conscience de la place et de l’importance de ces savoirs, dans la culture mondiale et du rôle que les apprenants, parce que initiés au partage au niveau régional, sont appelé à jouer dans les échanges avec des régions du monde qui partagent des préoccupations analogues sur les savoirs scientifiques contenus dans les savoirs autochtones et de façon générale, sur la société de connaissance. Si l’on pense à la place insignifiante et à l’importance minime, surtout au plan scientifique, réservées jusqu’ici aux savoirs autochtones, la réussite d’une intégration de technologies traditionnelles dans l’enseignement des sciences physiques et de la technologie dans la transmission et l’appropriation des savoirs scientifiques de base apparaîtra bien comme une réhabilitation des cultures autochtones, La réalisation d’une complémentarité heureuse des cultures, une contribution de l’Afrique centrale à la société de connaissance.

BIBLIOGRAPHIE

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Teferra D., P.G. Altbach, ed., 2003, African Higher Education, An International Reference Handbook, part 2. Countries, Indiana University Press

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