Des débats autour de questions socioscientifiques controversées en classe de sciences auprès d’élèves français et tunisiens : avec ou pour une acculturation scientifique ? Fatma Saïd Touhami Fatma.said@univ-amu.fr

Des débats autour de questions socioscientifiques controversées en classe de sciences auprès d’élèves français et tunisiens  avec ou pour une acculturation scientifique

Des débats autour de questions socioscientifiques controversées en classe de sciences auprès d’élèves français et tunisiens avec ou pour une acculturation scientifique

Résumé

Cette recherche interroge l’efficacité de l’introduction de débat autour de question socioscientifique controversée en classe de sciences par rapport à l’une des attentes principales des enseignements, qui est l’appropriation d’une culture scientifique et technologique. Ce travail tente d’étudier plusieurs aspects de l’appropriation d’une culture scientifique (acculturation scientifique) chez des élèves français de seconde et des élèves tunisiens du secondaire, à partir de l’analyse des interactions langagières (sur les plans de la conduite argumentative, du travail cognitif et de la prise en charge énonciative). Il interroge ainsi l’influence de l’appartenance socioculturelle des apprenants sur leur acculturation scientifique, dans le cas où la question débattue est socialement vive. Pour mener cette étude, deux débats argumentatifs sous forme de jeu de rôles ont été instaurés auprès d’élèves français de seconde et d’élèves tunisiens de l’enseignement secondaire.

Mots clés

Acculturation scientifique, questions socioscientifiques controversées, débat scientifique, interactions langagières, argumentation

Introduction

Étant donné l’importance de nombreuses questions socioscientifiques controversées dans notre société, les élèves sont ou seront confrontés à des prises de décision sur des questions que l’école doit les y préparer. Dans ce cadre, l’enseignement des sciences a intérêt à interroger des stratégies de gestion didactique des dimensions socioscientifique en relation avec des programmes qui n’évoquent le plus souvent que des questions scientifiques stabilisées. Parmi les pistes pédagogiques proposées, les débats offriront un champ d’exercice pour privilégier la participation active des élèves.

Ce présent travail s’inscrit dans la lignée des travaux qui considère que les pratiques discursives jouent un rôle clé dans les apprentissages scolaires. Il tente d’apporter des éclairages sur le rôle du débat scientifique en classe pour que les élèves développent une culturation scientifique lorsqu’il s’agit d’aborder une question  socioscientifique controversée.

Ancrages théoriques : des pratiques langagières en classe de sciences vers l’appropriation d’une culture  scientifique

Au sujet de l’entrée de l’élève dans la culture scientifique, deux écoles de pensées interprètent ce phénomène de façons différentes, soit comme acculturation qui suppose la substitution d’une culture par une autre, soit comme enculturation. L’enculturation, selon Jiménez Alexandre et De Bustamante (2009) qui reprennent les propos de Hodson (1998), correspond à une initiation de l’élève aux ressources culturelles, en termes de savoirs, savoir-faire, pratiques et langage, d’une communauté de savoir pour qu’il puisse les employer de façon autonome. Dans cette même optique, Driver et al., (1994) considèrent que, pour le modèle d’apprentissage cognitif, apprendre les sciences consiste à apprendre les pratiques discursives d’une communauté scientifique. Toujours, en rapport avec l’acculturation, Bernié et al., (2003) considèrent que l’entrée de l’élève dans de nouveaux apprentissages disciplinaires est liée à ses déplacements de nouvelles positions énonciatives et à sa construction en tantque sujet cognitif dans une discipline donnée, distinguée par ses pratiques, dont les pratiques discursives. À cet égard, la démarche scientifique en classe de sciences, ne se limite pas à la simple construction de la connaissance, mais s’étale à l’évaluation et la justification de ces savoirs par l’élève, d’où l’importance de favoriser un environnement riche en activités permettant la description, l’analyse, l’argumentation et la communication dans le langage de la science.

Divers travaux didactiques, notamment ceux de Jaubert et Rebière (2001) repris par Bisault (2009) ainsi que ceux d’Orange (1997) ont montré que les pratiques langagières en classe de sciences permettent de créer un objet potentiel, générateur d’hypothèses et de manipulations formelles. Ceci permet de dire que l’activité langagière et l’argumentation permettent la mise à distance de l’expérience première, la construction de l’espace problème et l’exploration des champs des possibles, ce qui permet d’interroger les modèles construits, comme solutions proposées, de manière critique par la mise en tension des registres des modèles et des registres empiriques. Par conséquent, Orange (2002) en déduit que ces activités langagières permettent la modélisation.

D’autres travaux comme ceux de Schneeberger (2008) ont montré que la construction de l’objet de savoir fait appel à des marques linguistiques qui permettent la construction d’un nouveau point de vue et de faire évoluer la position énonciative. Ces mêmes travaux ont montré que l’activité langagière en classe de science permet de délimiter l’objet d’étude, de s’arracher à la singularité, de construire un objet de discours commun à travers une connaissance partagée du réel et d’avoir un recours systématique aux références, ce qui permet l’inscription dans un champ partagé.

Un discours scientifique sert à négocier, reformuler, évaluer ou contester implicitement ou explicitement les propos d’autrui. Ainsi, l’activité langagière, selon Bisault (2009) permet la reconnaissance et la prise en compte du discours de l’autre ; de convaincre les pairs et de négocier ce qui fait preuve (négociation des significations) ; de prendre une décision et de construire un point de vue argumenté sur des questions scientifiques socialement controversées.

Dans la même perspective, ces derniers travaux ont montré que l’activité langagière en classe de science permet de socialiser et stabiliser des énoncés de savoirs en reconfigurant l’activité humaine de construction de savoir, comme elle permet de s’approprier des procédés propres aux scientifiques et donc l’entrée dans la culture scientifique.

Problématique et hypothèses de  travail

Dans ce présent travail, nous cherchons à identifier en premier lieu le degré d’acculturation scientifique d’élèves dans le cas d’un débat autour d’une question socioscientifique controversée. Nous nous interrogeons par la suite sur l’influence de l’appartenance socioculturelle des élèves sur leur niveau d’acculturation scientifique (sur les plans cognitif, argumentatif et énonciatif) au cours d’un débat sur une question socialement vive comme les OGM.

Relativement à cette interrogation posée ci-dessus, nous postulons que dans des débats autour de sujets socialement vifs :

  • Les arguments des apprenants seraient un amalgame de ceux façonnés par les médias, répandus dans l’entourage social, à l’école et même des convictions Si nous nous posons cette hypothèse c’est en se basant sur l’idée que la nature de la controverse sur les questions socialement vives, comme les OGM touche aussi bien le plan scientifique qu’économique, social et médical.
  • Le débat autour de tels sujets serait plus riche sur le plan argumentatif que cognitif et énonciatif. Ainsi, le niveau d’acculturation scientifique des apprenants aussi bien sur le plan énonciatif que cognitif risquerait d’être assez faible. Cette hypothèse que nous venons de formuler est attribuée  à l’idée qu’une telle situation se base essentiellement sur la recherche d’arguments pour convaincre autrui.
  • L’appartenance socioculturelle des apprenants influencerait leur construction de preuves au sein de ce type de débats. Nous posons cette hypothèse en se basant d’une part, sur l’idée que la notion d’OGM n’a pas la même importance (de point de vue débat médiatique et social) dans tous les pays, et d’autre part, sur l’idée que le débat sur les organismes génétiquement modifié a souvent suscité des polémiques éthiques, sociale et médicale.

Méthodologie de recueil des données

La situation proposée pour répondre à la problématique relative à l’étude de débats autour de sujets socialement vifs, est celle du jeu de rôles. Cette situation est fréquemment utilisée dans les recherches didactiques (Kölster, 2001 ; Albe, 2005 ; Simonneaux, 2003…) sur les débats en classe autour de questions socialement vives. Ce genre de situation conduit les élèves à s’engager dans une activité de construction de preuves et de problématisation (Albe, 2005). Cependant, elle oblige les élèves à respecter le rôle qu’on leur a attribué, et qui ne reflète pas forcément leur point de vue ou leur position réelle, c’est ainsi que « les élèves apparaissent piégés dans un répertoire empirico-réaliste qui les conduit à chercher des preuves scientifiques, et la situation proposée pour le jeu de rôles semble renforcer cette centration sur les preuves » (Albe, 2005).

Outre ce choix de jeu de rôles, nous avons choisi de fournir des documents aux élèves avant de lancer les débats. Ayant comme objectif de favoriser l’acculturation scientifique des apprenants, les documents ont été fournis en amont du débat afin d’aider les élèves à mieux comprendre les différentes facettes d’un domaine qui ne leur est pas forcément familier. À cet égard, Simonneaux (2005) considère que la qualité de l’argumentation est influencée par la nature des informations apportées.

Ainsi, notre stratégie de recueil des données, est subdivisée en deux parties.

Dans un premier temps, nous avons réalisé un débat scientifique, sous forme de jeu de rôles, auprès d’élèves français de seconde (15-16ans). Pour traiter cette question, nous avons regroupé les élèves dans une séance de débat scientifique. Nous les avons subdivisés en trois groupes : le premier groupe est représentatif des pays en voie de développement qui sont pour la production et l’utilisation des OGM, le deuxième groupe a dû défendre la position des agriculteurs, qui ont une position nuancée concernant les OGM, quant au dernier groupe, il jouera le rôle des écologistes qui sont tout à fait contre les OGM. Nous rappelons que les thématiques des documents distribués aux élèves étaient les suivantes :

Les documents donnés au groupe des écologistes traitent de l’environnement (risque du pollen génétiquementmodifié sur le papillon monarque ; etrisque des PGM sur les abeilles qui les visitent), la santé (résultats d’expériences faites sur des rats, effet d’un herbicide GM sur la santé humaine, les allergies alimentaires), l’agriculture (la contamination génétique des plantes, la fabrication des super « mauvaises herbes » très résistantes aux herbicides) et l’industrie (relation entre les fabricants de semences transgéniques et les agriculteurs).

  • Les documents donnés au groupe représentant un pays en voie de développement traitent de la santé (OGM et SIDA, OGM et fabrication d’hémo- globine, OGM et vaccin, céréales anti-allergies, production de la vitamine A grâce au riz transgénique) et du médico-socio-politique (OGM et la famine).
  • Les documents fournis aux élèves représentant les agriculteurs traitent surtout de l’agriculture (la résistance des plantes aux virus et aux herbicides tels que les bananiers et le coton) ainsi que de la santé (hémoglobine obtenue grâce aux plants de tabac…). Nous signalons que certains documents sont communs aux deux groupes des pays en voie de développement et aux
  • Avant de lancer le débat en classe, nous avons distribué à chaque groupe d’élèves des documents qui contiennent des résultats de recherches sur les OGM et qui renforcent la position du groupe auquel ils ont été affectés. À travers la lecture préalable de ces documents, chaque groupe d’élèves a eu l’occasion d’obtenir un nombre assez important de preuves qui renforcent sa position, et au sein de chaque groupe, les élèves étaient appelés à discuter ensemble pour sélectionner les arguments et les preuves qu’ils vont présenter à leurs « adversaires » : il s’agit d’une phase de préparation du jeu de rôles. Quelques minutes après (15 min), l’enseignant qui était l’animateur de la séance a lancé le débat.

Pour répondre à notre deuxième question, relative à l’influence de l’appartenance socioculturelle des élèves sur leur appropriation de la culture scientifique dans le cas d’un débat sur une question socialement vive, nous avons réalisé la même situation de débat (jeu de rôles, mêmes documents fournis, même question débattue) déjà menée en France, auprès d’élèves tunisiens de l’enseignement secondaire (15-16 ans).

Méthodologie et outils d’analyses

Les séances de débat étant intégralement filmées et transcrites, pour les étudier nous avons procédé d’abord à :

Une analyse macroscopique : qui nous aidera à répondre à notre interrogation quant au rôle de l’argumentation dans l’apprentissage, la conceptualisation et le changement de points de vue. Elle consiste à faire un découpage de la séance en épisodes afin de déterminer la dynamique des échanges et d’avoir une idée sur l’ensemble des thématiques débattues et surtout celles qui sont récurrentes. À travers ce premier niveau d’analyse, nous allons reconstruire l’histoire de l’argumentation (moments de démarrage, arguments déterminants, enchaînement de ce qui est dit, continuité et rupture, moment de clôture…).

Nous prenons appui sur les travaux de Fischer (2002) et Weinberger (2003) pour réaliser notre analyse et tenter de trouver des traces, au sein du débat en classe, de la construction de séquences argumentatives. Notre corpus de débat sera donc d’abord analysé à un premier niveau qualifié de macroscopique selon les catégories présentées ci-dessous (tableau 1).

Tableau 1 : Catégories de descriptions

 

Assertion simple

Déclaration d’une position sans délimitation de sa validité ni apport de fondements ou de garanties.
 

Assertion qualifiée

Assertion sans apport de fondements mais comportant la délimitation de sa validité grâce à des éléments qualifiants.
 

Assertion garantie

Assertion sans délimitation de sa validité mais comportant l’apport de garanties qui la justifient.
Assertion garantie et qualifiée Assertion comportant l’apport de garanties qui la justifient et la délimitation de sa validité.
 

Non argumentatif

Questions, digressions et plus généralement tout énoncé sans rapport avec le débat.

 Cette distinction nous permettra d’avoir une idée sur la fréquence des assertions non justifiées en fonction des groupes d’élèves, en fonction des moments de débat, ce qui correspond à un des indicateurs de l’appropriation de la culture scientifique.

La construction des arguments est inspirée du modèle de l’argumentation de Toulmin centré sur les éléments suivants : assertions, garanties et qualificateurs (Toulmin, 1958 ; van Eemeren, 2003, Von Tyler et Yengo, 1983 ; Voss et Van Dyke, 2001, cités par Weinberger, 2003). Les assertions sont des déclarations qui mettent en évidence la position que les apprenants prennent. Les garanties sont des données (observations, témoignages, expériences, références théoriques…) qui présentent les raisons pour lesquelles une assertion peut être considérée comme valide. Ce sont donc des assertions d’ordre général qui sont souvent implicites (loi de passage). Les fondements viennent attribuer aux garanties leur caractère valide. Des liens logiques signalent souvent la manière dont une assertion est reliée aux données la garantissant. Enfin, les « qualificateurs » sont des données qui limitent la validité d’une assertion à un public ou à des circonstances spécifiques.

Grâce à une analyse plus fine, nous avons repéré les indicateurs d’acculturation scientifique sur le plan argumentatif en regardant la nature des garanties avancées (fonctionnalistes, utilitaristes, basées sur l’expertise ou la logique). Nous avons également repéré les indicateurs d’acculturation sur le plan cognitif en essayant d’identifier les traces de modélisation, de problématisation, et en regardant la nature des concepts mobilisés et la notion de vérité. Les indicateurs d’acculturation sur le plan énonciatif sont identifiés en regardant de près les types d’hybridations mobilisées par les élèves. Notons que ces types d’hybridations nous renseignent sur le degré d’implication du sujet énonciatif dans la sphère scientifique. Le schéma suivant de nos outils d’analyse récapitule les différents indicateurs d’acculturation scientifique suivis.

Schema 1 Récapitulatif des outils d analyse Fatma Saïd Touhami RAIFFET2014

Schema 1 Récapitulatif des outils d analyse Fatma Saïd Touhami RAIFFET2014

Ces indicateurs d’acculturation scientifique sur les plans argumentatif, cognitif et énonciatif sont repérés grâce à l’analyse des opérations langagières mobilisées par les élèves, comme le montre le tableau suivant :

Tableau 2 : Récapitulation de l’usage des opérations langagières comme indicateurs du travail cognitif, énonciatif et argumentatif

Indicateurs  linguistiques
Relation d’étayage à analyser  

Description

 

Exemples d’opérations langagières mobilisées

 

* les raisons et les causalités :

alors, puisque, parce que…
* les finalités : la finalité assertée (… à ce que…), la
finalité réfutée (ils ont fait ça pour… Ce n’est pas
Issues des relations pour…), et la contre-finalité (… sinon…).
d’étayage : les étayages * les témoignages :
accréditifs consistent (il y a déjà, je vois que, il existe…,
Relations accréditives et explicatives à donner des raisons de dire, alors que les étayages explicatifs

consistent à donner des

* les comparaisons : telle l’analogie

* les reformulations :

— Les reformulations syntaxiques à visée réductrice :

« ne…que », « juste ».

raisons d’être. Ces deux — Les reformulations lexicales : la recherche du mot
relations sont souvent juste
liées — Les formulations floues : « ce qu’il a besoin / pas
besoin », « ça », « quelque chose », « c’est »…
* les modalisations : déontique (il faut, …),
appréciatives (c’est une bonne chose,…), logique
(si elle l’est, c’est que / C’est probable que…),
pragmatique (si c’était moi,…)
 

* d’orientation et d’interlocution : sur la

 

 

 

 

Étayages bouclés

Le segment se trouve au point de départ d’un discours argumentatif est

répété, tel quel ou sous forme de paraphrase, afin de clôturer ou de conclure ce parcours argumentatif.

connaissance de l’objet (nommer, identifier, exemplifier,  hiérarchiser,  résumer, inventer,…)

* d’enchaînement ou de ce qu’on appelle reprise- modification (anaphore lexicale, modification du statut de l’énoncé, thématisation,…)

* enrichissement de la classe objet : en parallèle ou en série, en complémentarité, en relation chronologique, en commentaire analogique (s’opposer à l’explication ou à la comparaison grâce à un inventaire ou à une description…)

* couplage : associer un prédicat à un objet

Résultats et discussion

Débat auprès des élèves français de seconde

L’analyse macroscopique du débat a révélé que le nombre total des interventions dans cette séance de débat est de 88 interventions, dont 26 sont attribuées à l’enseignant, une intervention commune (plusieurs élèves se sont manifestés en même temps) et 61 interventions des élèves. Notons que parmi les 10 élèves qui ont assisté à la séance, 8 ont participé activement au débat. En ce qui concerne les thématiques débattues et celles qui sont récurrentes, nous remarquons que les élèves ont abordé des thématiques relatives aux domaines scientifiques, socio- économique, politique, écologique, de l’agriculture, mais ce qui est remarquable est que le domaine de la santé était le plus présent. Le volet médical constitue pour ces élèves un appui important. Nous attribuons ceci à la nature de la question débattue (OGM) et à la controverse qu’elle suscite pour la santé humaine. Le plus remarquable dans ce débat est que le groupe des agriculteurs, à qui l’enseignant a donné la parole en premier lieu, a commencé par évoquer des exemples relevant du domaine de la santé pour convaincre autrui des bienfaits des PGM.

Nature des assertions des élèves et leur évolution

Nous continuons cette analyse macroscopique par une analyse de la nature des assertions 1 avancées par les élèves :

Figure 1 Répartition des différentes assertions au sein du groupe

Figure 1 Répartition des différentes assertions au sein du groupe Fatma Saïd Touhami RAIFFET2014

Les figures suivantes décriventl’évolution des tours de paroles etdes assertions garanties et qualifiées (AGQ), non argumentatives (NAN), simples (AS), garanties (G) et garanties qualifiés (AGQ) au cours du débat et selon les phases de la séance.

1. ANA : Assertion non argumentative ; AS : assertion simple ; AG : assertion garantie ; et AGQ : assertion garantie et qualifiée

igure 2 Évolution des tours de paroles et des AGQ au cours du débat

figure 2 Évolution des tours de paroles et des AGQ au cours du débat

Figure-3-4-5-6 Evolution des tours de paroles Fatma Saïd Touhami RAIFFET2014

Figure-3-4-5-6 Evolution des tours de paroles Fatma Saïd Touhami RAIFFET2014

Sur le plan argumentatif

Les assertions non argumentatives (ANA) sont absentes au début et à la fin du débat. Bien que l’épisode correspondant à la recherche de solution, soit le plus pauvre en tours de paroles, il est le plus riche en assertion non argumentatives. Nous attribuons l’absence d’assertions non argumentatives au début du débat à la présence de données et d’exemples pouvant jouer le rôle de preuves et d’arguments. Quant à leur absence à la fin du débat, elle pourrait être due à l’implication des élèves et à leur motivation pour gagner « le jeu de rôle qu’on leur a attribué ». Dans l’épisode correspondant à la recherche de solutions, l’augmentation des assertions non argumentatives pourrait être due au fait que les élèves avaient le souci de chercher une solution au problème plus que d’argumenter. Les assertions garanties (AG) sont fréquentes au début et à la fin du débat mais quasiment absentes dans l’épisode de recherche de solution. Nous pouvons attribuer ceci à la nature même de la situation proposée (débat argumentatif), sauf que la phase de recherche de solution a poussé les apprenants à dévier de cette mission, ce qui a fait diminuer le nombre d’assertion garanties pendant cette phase. Les assertions qualifiées (AQ) sont assez fréquentes au début du débat. Elles diminuent jusqu’à disparition complète à la fin.

Les assertions garanties et qualifiées (AGQ) bien présentes au début du débat, diminuent progressivement jusqu’à disparition complète à la fin.

Nous interprétons les deux derniers constats par l’épuisement progressif des données des documents fournis aux les élèves. Ainsi, au début, les exemples qui étaient sur les documents ont permis aux élèves de mieux spécifier leur exemples (ou échantillons) et même dans des cas leur validité temporelle (parfois, avant, toujours…). Progressivement, les apprenants ont commencé à chercher des preuves à partir de leur répertoire personnel, ce qui a favorisé la diminution des assertions garanties et qualifiées. L’analyse microscopique de ce débat, nous a permis d’obtenir les résultats suivants.

La plupart des garanties mobilisées par les apprenants sont ou bien empiriques ou basées sur l’expertise. Notons également que presque toutes les garanties sont fonctionnalistes (« on a besoin de…, ainsi l’OGM permet de …. »). L’empirisme des garanties des arguments proposées dans ce débat appartient à deux catégories : ou bien d’ordre scolaire (document fournis en amont du débat) ou bien du vécu quotidien. Aucune garantie logique n’a été repérée dans ce débat. Ceci s’explique par le fait qu’aucune théorie ou connaissance scientifique stabilisée n’est disponible pour l’instant (au moins chez ces élèves dans ce débat) pour constituer un fondement d’argument. Nous signalons également l’apparition de certains arguments d’autorité « c’est le prof qui a dit » ou « c’est dans le document ». Les élèves se sont appuyés sur les exemples fournis dans les documents pour étayer leurs arguments. Un certain idéalisme a été repéré chez quelques élèves. De ce qui précède, nous retenons que :

  • Dans ce débat sur une question socialement vive, qui est celle des OGM, les assertions garanties et garanties qualifiées diminuent au cours du débat.
  • Les élèves font appel à des garanties d’ordre plutôt fonctionnaliste, empirique et basé sur l’expertise.
  • Les garanties empiriques scolaires mobilisées appartiennent tous aux documents fournis avant le débat. Ceci montre que la situation proposée (débat avec documents fournis a fortement influencé la conduite argumentative des élèves).
  • Les exemples qui figurent sur les documents fournis aux élèves n’ont pas servi uniquement de preuves, mais dans certains cas (comme chez Charlotte) d’arguments d’autorité.
  • À partir des exemples qui figurent sur les documents, les élèves ont conclu quant aux avantages ou inconvénients de l’application des OGM : généralisation excessive à partir d’un
  • Aucune garantie logique n’a été signalée dans ce débat.
  • Présence d’idéalisme.

Sur le plan cognitif

Nous avons remarqué que la plupart des élèves, d’une part, ont un discours riche en assertions simples (AS) et par conséquent en assertions où ils ne présentent pas de raisonnement explicite, d’autre part, ils mobilisent dans les autres interventions de leur discours des types de raisonnements diversifiés (inductif, hypothético- déductif, par analogie, concessif critique…). Le raisonnement déductif est très rare dans leur discours. La notion de vérité chez ces élèves est liée aux données (résultats d’expériences, propos de chercheurs, statistiques) qui figurent dans les documents qu’ils disposent. Certains élèves comme Marie, par exemple, vont jusqu’à inventer des données statistiques pour donner plus de légitimité à leurs arguments. Le problème se pose dans ce débat au niveau de la construction de la connaissance. En effet, nous avons remarqué que les connaissances scientifiques mobilisées par la plupart des élèves participant à ce débat sont puisées des documents que l’enseignant a fournis. Rare sont les élèves qui ont mobilisé des connaissances scientifiques appartenant à leurs connaissances préalables. Ceci rejoint le résultat qu’aucun des élèves, à part Indiana n’a eu recours à la modalisation ni à la problématisation. Bien que nous assistions, dans ce débat, à un enrichissement de la classe-objet (au sens du terme proposé par Grize) par la mobilisation de notions et de concepts variés appartenant à des champs disciplinaires et à des thématiques diversifiées (écologie, médecine, économie…), l’objet de savoir mis en jeu (OGM) n’est pas vraiment discuté. En fait, dans un tel débat d’opinion (pour ou contre) l’objet de savoir discuté n’est pas prédéfini, d’autant plus que les élèves semblent ne pas posséder des connaissances suffisantes sur les OGM, ce qui explique qu’ils ne se partagent pas la même signification du mot « OGM ». Certains le considèrent même comme un virus (cas de Marie). Ce non partage de signification de l’objet discuté, avec l’insuffisance des connaissances sur les OGM et en plus de non- disponibilité de théories scientifiques stabilisées par rapport à la notion d’OGM, ont constitué un obstacle à la modélisation et à la conceptualisation. Seule Indiana, en diversifiant ses propos (chaîne alimentaire, coton transgénique, écosystème) et qui a mobilisé certaines de ses connaissances préalables, a pu présenter une ébauche de modélisation et de problématisation. De ce qui précède, nous retenons que :

  • Le débat sur une question socialement vive comme les OGM avec des documents fournis en amont du débat, montre une diminution au cours du débat des assertions à travers lesquelles se manifeste un
  • Les documents fournis aident les élèves à avoir un discours plus raisonné (articuler description, explication et argumentation). Les élèves finissent par puiser les données qui sont dans leurs documents et à s’en détacher.
  • Ce débat montre une difficulté majeure pour les élèves, qui est celle des partages de significations (signification du mot OGM).
  • Le concept d’OGM proprement dit (sa signification, techniques de transgénèse…) ne sont ni questionnés ni discutées dans le débat.

Sur le plan énonciatif

Nous remarquons qu’au début du débat, lorsque les élèves commencent à utiliser les données de leurs documents, il y a eu présence d’hybridations intentionnelles avec ébauches d’orchestration. Plus nous avançons dans le débat, plus les hybridations conscientes mais dissonantes deviennent fréquentes jusqu’à même l’apparition d’hybridations involontaires et des modalisations déontiques, sauf cas rare comme chez Marie par exemple, qui présente une modalisation logique. Certains élèves comme Charlotte ont une position énonciative non scientifique stable tout au long du débat. Cette position n’a pas évolué chez elle. De ce qui précède, nous retenons que le travail de la position énonciative diminue au cours du débat et n’évoluent pas chez les élèves qui ont une position énonciative non scientifique dès le début.

Débat auprès des élèves tunisiens de l’enseignement secondaire

Nous rappelons que l’analyse macroscopique du débat sur les OGM auprès d’élèves tunisiens du secondaire, a connu quatre moments importants : une phase de discussion et de négociation des documents, une autre phase dans laquelle un débat sur des questions écologiques est lancé, une troisième phase qui correspond à un débat sur les allergies et les risques et une dernière phase qui correspond à un débat sur des sujets sociaux divers. Ce débat est marqué par l’absence totale d’assertions non argumentatives et la fréquence d’assertions simples. Ceci traduit le souci des élèves tunisiens à participer au débat même si leurs assertions ne sont pas fondées sur des garanties. L’analyse microscopique du débat montre que :

Sur le plan argumentatif

Les élèves tunisiens ont mobilisé des arguments plutôt empiriques et basées sur l’expertise. Ce qui est remarquable chez les élèves tunisiens, est que les garanties empiriques étaient, au début du débat, scolaires (résultats des recherches qui figurent sur les documents) et progressivement, les élèves ont mobilisé des garanties empiriques extra-scolaires (médias, vie quotidienne…). Dans ce débat nous avons rencontré des cas de généralisations excessives et d’arguments d’autorité.

Sur le plan cognitif

Les types de raisonnements mobilisés sont variés sauf dans le cas de quelques élèves comme Samar qui ne présente pas vraiment de raisonnement explicite. La notion de vérité est liée chez la plupart des élèves aux résultats des recherches scientifiques, sauf chez un seul élève (Moudhaffer) qui lie la notion de vérité à tout ce qui est réel. Les concepts mobilisés au début du débat étaient plutôt d’ordre scientifique, mais progressivement des concepts socio-économiques les ont remplacés. Dans ce débat, aucun élève n’a présenté des formes de modélisation ou de problématisation, sauf une élève Chaima qui a présenté une construction des possibles. Nous signalons que dans ce débat, les élèves tunisiens ont débattu et négocié des éléments en relation avec l’application et la consommation d’OGM, donc des éléments tributaires aux OGM, mais pas les OGM proprement dits (leur signification, leur technique de fabrication…).

Sur le plan énonciatif

La plupart des élèves participant à ce débat ont présenté des hybridations conscientes mais dissonantes et même involontaires avec des modalisations déontiques et appréciatives, sauf une élève (Chaima) qui a présenté dans son discours des hybridations intentionnelles avec ébauche d’orchestration au début de la séance du débat. Progressivement, Chaima à son tour est passée dans son travail énonciatif à des hybridations conventionnelles avec des éléments superflus pour arriver à montrer des formes de modalisations déontiques.

Discussion

De ce qui précède, nous retenons que :

  • Le débat sur les OGM auprès des élèves tunisiens ne présente pas d’indicateurs d’acculturation scientifiques élaborés au cours du débat. Au contraire, certains indicateurs d’acculturation scientifiques disparaissent quand les élèves se détachent des documents qu’ils possèdent et mobilisent leurs propres arguments et
  • Sur le plan argumentatif, les garanties empiriques mobilisées par les élèves tunisiens sont plutôt extra-scolaires, contrairement à celles des élèves français.

Si nous comparons les résultats des deux débats sur les OGM chez des élèves français et tunisiens : nous remarquons qu’au début du débat tous les élèves, sauf quelques-uns, ont adopté un travail cognitif, argumentatif et une posture énonciative assez proches de ceux des scientifiques (problématisation, modélisation, combinaison de différents types de raisonnements avec explication, description et argumentation, recours aux études quantitatives…). Au fur et à mesure qu’ils avancent dans le débat, les élèves se sont éloignés de la culture scientifique du point de vue travail cognitif, d’où l’apparition de raisonnement non explicatif à travers des modalisations déontiques, la disparition de la modalisation, le recours à la généralisation excessive à partir d’un seul exemple, la certitude absolue… Ce constat rejoint celui que nous avons fait dans l’analyse de la position énonciative et du travail argumentatif. Nous attribuons ceci au détachement progressif des élèves de leurs documents, à la nature de la question débattue qui pousse les élèves à aborder plutôt le monde quotidien que scientifique, et à la nature de la situation proposée (jeu de rôles avec documents fournis). L’implication des élèves dans le débat a induit leur détachement des données documentaires qui sont à leur disposition et par conséquent, la diminution de la masse de données et d’affirmations à valeur scientifique. Un autre constat au niveau du travail cognitif, concerne le partage de significations des notions mobilisées dans ce débat. En effet, nous avons remarqué que les élèves ne partageaient pas la même signification de la notion d’OGM par exemple (virus, entité, gène…). Nous attribuons ceci à la nature de la question débattue. Les élèves n’avaient pas, ou peu de connaissances sur les OGM du point de vue mécanisme biologique (technique de génie génétique). Cette question est souvent abordée des points de vue pratique et application et non pas du point de vue scientifique (mode de fabrication). Dans ce cas, c’est le rôle de l’enseignant qui est interrogé : dans le débat sur une telle question, doit-il introduire le débat par une étude scientifique du phénomène ? Comment doit-il vérifier la signification qu’attribuent ses élèves à une telle notion controversée ? Une autre interrogation se pose : quel est l’objectif de l’incorporation d’une telle question en classe de sciences ? Si notre objectif se limite à celui de l’éducation à la citoyenneté, pourquoi nous l’abordons en classe de sciences ? Si nous considérons que l’objectif principal de l’enseignement des sciences est celui d’approprier une culture scientifique, que peut nous apporter ce genre de débat sur les questions socialement vives ? Permet-il vraiment d’approprier une culture scientifique, ou au contraire nous devons disposer d’une culture scientifique avant d’aborder ce genre de question ? Dans ces mêmes débats sur des questions socialement vives, le discours des élèves tunisiens semble plus attaché au monde quotidien qu’au monde scientifique. Leurs points de vue personnels ont fini par l’emporter sur la construction d’un objet de savoir. Pour discuter ces derniers résultats et ces diverses interrogations, nous rejoignons Golder (1996 ; 2003) qui considère qu’un débat argumentatif doit favoriser chez l’élève, d’une part, la prise de position du point de vue moral, du point de vue technique, du point de vue esthétique et du point de vue de vérité. Cette prise de position doit être complétée par des justifications et même par une négociation de ces justifications. Un débat argumentatif favorise ainsi cette négociation des justifications et permet par conséquent à l’apprenant de gérer et même de planifier ses arguments. Pour réussir ce processus, plusieurs facteurs entrent en jeu, en particulier la familiarité avec la thématique débattue. En effet, la négociation des arguments passe nécessairement par la négociation des significations en particulier de l’objet de savoir mis en question. Dans ce présent travail, cette condition indispensable pour débattre a été remarquée dans les débats sur les OGM. Les élèves qui avaient des significations différentes de la notion d’OGM ont ainsi débattu des arguments et des notions tributaires de cet objet de savoir et non pas de l’objet de savoir lui-même. Ce problème se pose en particulier par rapport aux débats sur des questions socialement vives. Alors que Chevallard considère que tout savoir enseigné doit être une réponse à une « question vive », Legardez et Alpe (2001) considèrentque les questions socialement vives constituent un champ d’étude spécifique en didactique, car pour eux, il y a des questions « historiques socialement vives » et des questions « biologiques socialement vives ». Quant à nous, nous interrogeons ce problème par rapport à l’apport de l’incorporation de telles questions sur l’appropriation de la culture scientifique. L’exemple le plus frappant dans notre étude est lié à l’un des indicateurs principaux de l’acculturation scientifique, celui de la modélisation. Dans un contexte qui devrait normalement permettre une éducation proprement scientifique, la modélisation et la problématisation de savoirs incertains semblent poser des difficultés aussi bien pour l’enseignant que pour l’apprenant. Étant donné que tout problème scientifique doit appartenir à un domaine auquel l’apprenant doit se référer, comment ce dernier peut-il problématiser quand il s’agit d’un objet de savoir appartenant à des champs disciplinaires divers sur lequel la science ne semble pas encore avoir dit son dernier mot ? Nous avançons dans ce travail, l’idée que pour aborder en classe de science une telle question socialement vive, l’enseignant a intérêt à délimiter dès le départ le champ de la controverse, c’est-à-dire se limiter par exemple à l’approche technique de la question. Cette approche permettra de toucher des axes en relation avec des données d’ordre plutôt scientifique (technique de génie génétique…) que social, politique et éthique. Nous considérons que l’introduction d’une telle question en classe de sciences devrait permettre ou bien la construction d’un objet de savoir scientifique ou bien renforcer certaines connaissances scientifiques pré-existantes. Les aspects sociaux, éthiques, économiques, en classe de sciences ne viennent que motiver l’apprenant et renforcer son rapport avec de telles questions dont l’aspect technique semble un peu compliqué par rapport au niveau intellectuel de certains élèves. Ceci nous pousse à interroger le rôle de l’enseignant dans sa préparation d’un débat sur une telle question en classe de sciences. Nous avançons l’idée que l’enseignant devrait déjà disposer de certaines connaissances préalables suffisantes et de capacités à manipuler ces données et ces connaissances pour les rendre accessibles à ses apprenants.

  • Quand il s’agit d’un débat sur une question socialement vive, le travail argumentatif est souvent favorisé (surtout qu’il s’agit dans ce cas d’un jeu de rôles) sauf que la nature des garanties des arguments reste liée à la quantité et la qualité des données dont disposent les Dès qu’ils puisent les données scientifiques qui sont sur leurs documents, ils mobilisentdes connaissances communes etdes points de vue personnels loin du monde scientifique. L’acculturation scientifique sur le plan énonciatif ne peut être étudiée qu’en relation avec celle sur le plan argumentatif et cognitif. L’inscription de l’élève dans la sphère scientifique est favorisée dans un débat sur un concept scientifique stabilisé. Cependant, dans le cas de débat sur une question socialement vive, la spécificité de la situation proposée a fait que l’utilisation par les élèves, des données qui figurent sur leurs documents, a permis leur inscription dans le monde des sciences. Une fois séparé de leurs documents, la plupart des élèves ont mobilisé leur prise en charge personnelle liée plutôt au monde quotidien.
  • Comme réponse à la deuxième question relative à l’influence de l’appartenance socioculturelle des élèves sur leur acculturation scientifique dans le cas où la thématique débattue appartientaux questions socialement vives, nous avons remarqué qu’aussi bien pour les élèves tunisiens que français, le travail cognitif (modélisation, problématisation…) n’est pas élaboré dans le cas d’une telle question et que la difficulté majeure se présente par rapport au partage de la signification du concept mis en jeu (qui estdans ce cas les OGM). Sur le plan argumentatif, les deux échantillons d’élèves tunisiens et français ont présenté un travail argumentatif (du point de vue de la nature des garanties mobilisées) plus élaboré au début de la séance du débat que vers la La différence entre ces apprenants est liée à ce que les garanties empiriques des élèves tunisiens sont plus de nature extra-scolaire (média, société, politique, économie…) que celle des élèves français. Sur le plan énonciatif, aussi bien pour les élèves tunisiens que français, leur inscription dans la sphère scientifique estplus manifestée au début de la séance qu’à la fin.

Nos résultats viennent confirmer ceux d’autres chercheurs comme ceux de Simonneaux (2005), et Urgelli (2012) qu’à propos des questions socialement vives, les élèves ont en tête des opinions, des croyances, des attitudes, et des informations issues de diverses sources. Ces recherches révèlent que les élèves de seconde possèdent des connaissances très lacunaires dans les champs scientifiques concernés. Les confusions terminologiques sont fréquentes, bien qu’ils utilisent un jargon scientifique qui ne fait que prouver qu’ils possèdent un vernis lexical. Les procédures mises en œuvre, les limites scientifiques et techniques sont largement inconnues. Ces élèves expriment des attitudes, voire des opinions, même s’ils ne maîtrisent pas les connaissances scientifiques (Lewis et al., 1999 ; Simonneaux 1997).

Conclusion, limites et perspectives

À partir de ce travail, nous déduisons que, qu’ils soient tunisiens ou français, face à un débat sur une question socialement vive comme celle des OGM, les élèves trouvent une difficulté pour s’approprier la culture scientifique, surtout sur le plan cognitif. Il semble qu’une telle situation ne facilite pas vraiment la modélisation et la problématisation par exemple. En absence de modèle définitif d’OGM chez les élèves, cette opération cognitive est difficilement abordée. Cependant, il serait intéressant de penser à des situations différentes de débat permettant l’acculturation scientifique dans le cas où la question débattue est socialement vive. Les pistes de recherche restent ouvertes pour tester d’autres indicateurs d’acculturation scientifique ainsi que d’autres situations qui peuvent favoriser cette acculturation scientifique.

Comme tout travail de recherche, ce présent travail présente des limites liées à plusieurs facteurs. La première limite est liée à nos outils d’analyse : nous avons pris le risque d’utiliser des outils d’analyse qui ont été utilisés dans des recherches en didactique de français pour les appliquer en didactiques des sciences. Cette méthode nous a été utile pour analyser finement nos données, mais elle nous paraît dans certains endroits un peu ambiguë dans la mesure où les opérations langagières sont transversales au niveau du travail cognitif, argumentatif, et énonciatif ; ces trois volets sont tellement liés que leur analyse séparément a été très délicate. Comme perspective, nous proposons de faire appel à d’autres indicateurs de la culture scientifique pour vérifier s’ils sont présents dans le discours des apprenants. La deuxième limite est liée au choix de la situation dans le cas du débat sur les OGM. Ainsi le jeude rôles a obligé certains élèves à respecter le rôle qu’on leur a attribué, même s’ils ne partagent pas les mêmes arguments que les défendeurs de ce rôle.

Un autre facteur mis en jeu est celui des données que l’enseignant a fournies aux apprenants avant le débat. Bien que ces données aient favorisé l’enrichissement du répertoire argumentatif des élèves et la compréhension de certains aspects en relation avec les OGM, nous avons remarqué que ces données ont été souvent mal comprises par les élèves qui ont mal interprété certaines données.

Ce travail vient enrichir la panoplie de travaux sur l’introduction des questions socioscientifiques controversées en classe de sciences tout en interrogeant cette introduction par rapport à la question de l’acculturation qui reste un objectif central dans les apprentissages scientifiques et technologiques.

Bibliographie

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