Co-construction des savoirs écrits à travers les activités et les ressources des tuteurs/enseignants : le cas de la lecture de l’œuvre intégrale par des élèves-professeurs finissants de l’ENS de l’Université de Yaoundé I Julia Ndibnu-Messina Ethé ju_messina@yahoo.fr

Co-construction des savoirs écrits à travers les activités et les ressources des tuteurs/enseignants : le cas de la lecture de l’œuvre intégrale par des élèves-professeurs finissants de l’ENS de l’Université de Yaoundé I Julia Ndibnu-Messina Ethé ju_messina@yahoo.fr

Co-construction des savoirs écrits à travers les activités et les ressources des tuteurs/enseignants : le cas de la lecture de l’œuvre intégrale par des élèves-professeurs finissants de l’ENS de l’Université de Yaoundé I
Julia Ndibnu-Messina Ethé ju_messina@yahoo.fr

Résumé

La lecture est l’une des activités qui ouvre la voie vers l’acquisition de connaissances aussi bien linguistique que non linguistiques. Toutefois, pour enseigner la lecture, le futur enseignant doit posséder une culture littéraire suffisante et une imagination pour susciter l’envie de lire, comprendre les écrits et produire des écrits chez leurs élèves. Mais il se pose le problème de savoir si le numérique et les activités sur la plateforme Moodle serait assez puissants pour accroître les performances rédactionnelles et les cultures littéraires chez les élèves-professeurs. A travers une expérience d’un mois avec des élèves-professeurs de cinquième année en Lettres Modernes Françaises, ayant déjà suivi des cours de « lecture de l’œuvre intégrale » et sur la base des théories de médiation à distance et d’interactionnisme, les résultats ont présenté une autonomisation des apprentissages et un fort intéressement sur les aspects pédagogiques à travers la plateforme. Toutefois, ils n’ont pas tous montré un intérêt pour la production des écrits comme leurs téléchargements et lectures e-book pouvaient laisser croire.

Mots-clés

Apprentissage mixte, lecture, œuvre intégrale, production écrite

Introduction

En tant qu’enseignante, l’observation fortuite des activités laissent croire que la lecture et l’écriture sont indissociables, surtout lorsque la première activité ambitionne le développement cognitif des habiletés rédactionnelles. De plus, façonner l’élève à la production des écrits demande une attention soutenue, des activités bien précises et des ressources appropriées. Car, pendant les évaluations de fin d’années, particulièrement lors de l’examen des mémoires des élèves professeurs portant sur la littérature, la majeure partie des enseignants s’accordent à relever l’absence de relation entre les textes étudiés et les autres textes et surtout le niveau de langue non soutenu de certains élèves-professeurs. C’est pourquoi nous déduisons que le présentiel, les ouvrages prescrits à lire dans la salle de classe ou à la maison ne suffisent plus. Le numérique semble le premier point sur lequel s’appuyer, aussi bien en tant qu’outil (ordinateur, tablette et téléphone) qu’en tant qu’espace d’échange collaboratif (internet, plateforme LMS, réseaux sociaux). Cette expérience ambitionne d’apprivoiser l’outil informatique comme instrument d’amélioration de la didactique de l’œuvre intégrale et source de développement de l’écriture scientifique et créative. Si toutes les activités peuvent être prescrites sur la plateforme Moodle, il demeure quand même le problème soulevé par les enseignants : le numérique peut-il relever le niveau assez bas de culture littéraire et rédactionnel des élèves-professeurs ? En se fondant sur des théories interactionnistes et de médiation, l’expérimentation a impliqué la présence des élèves-professeurs du département de français. Les résultats sont probants. Les 96 élèves professeurs du département de français ont collaboré pendant un mois sur une Unité d’Enseignement dénommée « FRA 513 : Etude de l’œuvre intégrale ». L’étude intègre la lecture, non plus des extraits, mais des œuvres intégrales permettant ainsi aux élèves-professeurs d’acquérir un ensemble de concepts opératoires propres à chaque genre tout en développant des stratégies de lecture et d’interprétation en autonomie totale ou guidée. Ils peuvent solliciter partiellement l’assistance de leurs enseignants ou s’en défaire pendant la phase interprétative de leurs lectures.

Contexte d’enseignement de la lecture de l’œuvre intégrale

La discipline de français s’enseigne sous deux principales formes à l’ENS : la langue et la littérature. Les élèves-professeurs formés à l’ENS devraient être capables d’être sensibles à l’unité de l’œuvre littéraire et à son intégrité. C’est pourquoi leurs enseignants sont supposés susciter en eux l’envie et le goût de lire, les inciter à comprendre les stratégies de lecture autonome à transmettre plus tard à leurs élèves, les doter d’une culture littéraire multidimensionnelle, à respecter le programme en vigueurs et les œuvres inscrites au programme.

Toutefois, contrairement aux objectifs fixés par les lois d’orientation de l’éducation, les cours de littérature à l’ENS n’ont pas d’ouvrages littéraires explicitement inscrits au programme de manière annuelle. Certains enseignants préfèrent utiliser les œuvres au programme dans les lycées ou encore certaines œuvres de leurs collègues. Ce qui tend à limiter l’horizon littéraire des élèves-professeurs à la littérature française et africaine de l’Afrique subsaharienne même s’il est mentionné une dimension à la littérature francophone maghrébine et caribéenne.

Comme une manne tombée du ciel, la plateforme Moodle est utilisée par l’Université de Yaoundé I avec pour vocation la mise en ligne des cours par tous les enseignants qui le souhaitent. Mais, les cours des enseignants de français en général et ceux de littérature n’y figurent pas toujours et tout le dispositif est géré par une personne externe au département de français. Si d’aucuns pensent que les pratiques universitaires n’échappent pas aux logiques de complémentarité, les enseignants de littérature à l’ENS n’utilisent pas cette complémentarité entre le numérique et le cours en présentiel.

Rappel : les différentes formes de lectures

La présentation des différentes formes de lecture découle de l’analyse des ressources sur la lecture cursive (Roussel, 2004) et des enseignements reçus par les élèves en présentiel pendant le cours de FRA513. Nous pouvons citer entre autres, la lecture privée, la lecture cursive, la lecture analytique et la lecture documentaire.

La lecture privée est personnelle qui échappe à l’école. Elle fait partie des éléments de distraction de l’apprenant et ne saurait être négligée car elle guide la culture littéraire et incite le goût à la rédaction.  (Hamon, 2004). En tant qu’élément de distraction, la lecture privée participe à l’autonomisation de l’apprentissage car l’élève qui la pratique applique les compétences acquises en lecture. La lecture privée se déroule au travers des extraits de textes et des ouvrages aussi bien numériques que papiers.

La lecture cursive  donne l’occasion d’échanger des opinions. « Elle peut s’effectuer en dehors de la classe ou dans la classe, par exemple pour découvrir ce qui sépare deux extraits étudiés en classe. La lecture cursive peut-être pratiquée en réseau, c’est-à-dire autour d’un ensemble d’œuvres qui entrent en résonnance par leur thème et/ou leur genre (les élèves choisissent librement). C’est aussi celle que choisit l’enseignant pour faire partager, pour éventuellement échanger mais sans entrer dans un exercice codifié, pour donner envie de poursuivre la lecture » (Roussel, 2004). De manière discrète, elle permet de guider l’élève sur les raisons du choix d’une œuvre, d’établir un lien entre l’œuvre et l’actualité socioculturelle, économique, politique et même géographique de l’heure, etc. mais il semble raisonnable de déduire que : « En tout état de cause, pour éviter le fléchissement de la lecture qui aboutit souvent à son abandon, on doit varier l’accompagnement des lectures cursives : cahier de lecture, invitation de l’écrivain, participation à un concours à des prix littéraires, proposition d’un contrat de lecture avec un parcours allégé (résumé de certains chapitres, lecture orale par l’enseignant, échanges au cours de la lecture pour relancer l’intérêt …) ». (Roussel, 2004)

La lecture analytique permet de focaliser l’attention sur les éléments qui particularisent une page. « C’est une activité de relecture pour faire découvrir les moyens par lesquels l’auteur a obtenu l’effet recherché, donc c’est une activité lente et réfléchie.  L’effort demandé aux élèves nécessite que nous choisissions des textes riches ». (Dupuy, 2004). La relecture sert comme élément fédérateur entre les activités quotidiennes et l’élément lu. La culture littéraire de l’élève est mise en exergue de même que le renforcement des capacités de lecture et d’interprétation personnelle du texte. Se référant à la dichotomie saussurienne signifiant/signifié, cette analyse permet de passer de la signification objective du texte lu à une plus personnelle et enfin en un jugement interprétatif en lien avec l’environnement étudié. Ricoeur (1969) parle de la mise en relation de la sphère de la pensée avec celle du langage et de l’expression. Même si son enjeu est philosophique, il permet de comprendre les faits relatifs à l’interprétation d’un texte. Le signe qui peut être relatif à un morphème ou un phonème est différent du sens qui, lui est tributaire des paramètres linguistiques et extralinguistiques (cf. contexte, cotexte, connotation, dénotation, polysémie, implicite, et bien d’autres éléments). Les paramètres extralinguistiques font références également au substrat culturel des lecteurs qui associe chaque symbole à une signification en fonction des marques sociales comme le communisme est associé au rouge ou encore des faits socio-historiques marquants comme la religion. C’est pourquoi le symbole est essentiel dans l’attribution d’un sens à un extrait si nous nous fions à la déclaration de Ricoeur (1969 :16) :

« [le symbole est] toute structure de signification où un sens direct, primaire, littéral désigne par surcroît un autre sens indirect, secondaire, signé qui ne peut être appréhendé qu’à travers le premier ».

Ce moment interactif dans l’analyse est essentiel et privilégié au cours de la présente recherche à travers le tchat, l’atelier, le forum et les discussions en direct sur Facebook ou Skype.

la lecture documentaire  vise la recherche de l’information et de renseignements. « Il convient d’abord de rechercher le ou les textes pertinents dans la quantité de supports proposés notamment par les nouvelles technologies. Il faut ici s’attacher au développement des stratégies de lecture adaptées au contexte de recherches (survol rapide, prélèvement d’indices…) » (Roussel, 2004). Elle est utilisée dans toutes les disciplines, elle est utilisée pour la préparation d’exposés de débats, de synthèses et ne sera pas prioritaire dans ce travail.

Les trois premières formes de lecture sont fondamentales dans la présente étude car elles orientent la motivation personnelle des élèves-professeurs tout en les remettant dans le processus de jugement d’une œuvre et d’échanges d’idées sur les interprétations personnelles relatives à l’actualité du moment. Actualité bien évidemment en rapport avec l’œuvre proposée.

Les difficultés de la lecture de l’œuvre intégrale

Si nous nous intéressons à la lecture intégrale, c’est parce qu’elle pose des difficultés aussi bien au niveau supérieur avec les élèves-professeurs qu’au niveau secondaire, avec les élèves des lycées. Nous pouvons citer à titre d’exemples, le groupement de texte et/ou des documents et le plan de lecture dans une œuvre intégrale.

lecture d’un groupement de textes et/ou documents : L’élève éprouve souvent des difficultés à trouver « sa finalité dans la problématique qui s’en dégage, apporte[r] une réponse à cette problématique » (Hamon, 2004). L’élève a tendance à orienter ce groupement vers un seul thème, une seule époque ou un du même auteur. Or pour une ouverture d’esprit, il devrait mettre en exergue sa culture littéraire et identifier les thèmes, même si repère une thématique générale dans laquelle les autres s’encastrent.

Plan de lecture dans une œuvre intégrale : « c’est une étude par extraits (proche du groupement de textes) qui permet de contourner la difficulté que peuvent rencontrer les élèves face à une œuvre intégrale qu’ils auront du mal à lire intégralement. Il répond donc à un projet déterminé, qui nécessite de faire des choix, de renoncer à certains aspects du texte. Cela permet de faire connaître aux élèves des œuvres majeures que nous avons souvent tendance à juger trop complexes, mais qui sont indispensables à la culture patrimoniale » (Hamon, 2004). Le groupement de textes respecte le choix d’extraits marquants d’une œuvre avec l’assistance d’un enseignant. Les textes, comme c’est la tendance, ne devraient pas être divergents dans leurs idées générales.

L’étude de l’œuvre intégrale n’est pas une étude analytique en profondeur, elle permet de susciter le goût pour la lecture d’œuvres littéraires et donc donner des instruments et des compétences pour une pratique autonome de la lecture. C’est la lecture elle-même qui importe et elle ne nécessite pas à priori une connaissance littéraire. Elle permet cependant de développer la culture générale, en apportant des connaissances historiques et en rapprochant l’œuvre d’autres arts et d’autres textes.

Problématique et objet de la recherche

Problématique

La pratique de la lecture intégrale d’une œuvre est une priorité dans la formation des élèves professeurs des lycées. Elle est nécessaire dans la mesure où ces derniers ont le devoir d’enseigner les paramètres relevant des différentes formes de lecture et surmonter les obstacles relatifs au groupement de textes ou au plan de lecture tout en mettant en exergue la culture générale et littéraire de ses élèves. Egalement, étant donné qu’il est exigé des élèves professeurs une production finale sous forme de mémoire dans l’un des domaines suivants : littérature, langue et didactique, ils ont une obligation d’application d’une des formes de lecture. En outre, ceux dont le choix repose sur la littérature usent des 3 formes de lecture sur les œuvres étudiées et appliquent les résultats sur les questions vives actuellement vécues en société.

En associant la formation des élèves professeurs à l’aspect numérique allant au-delà du téléchargement des œuvres de l’imagination, les plateformes collaboratives comme les réseaux sociaux semblent participer à une collaboration effective entre enseignants et élèves et entre élèves eux-mêmes. Si d’aucuns se sont focalisés sur la construction des textes scientifiques à partir d’une plateforme sous forme de wiki, le problème de la collaboration effective et de la construction des savoirs en littérature et aspects corollaires pose un problème général : celui de l’harmonisation du niveau des élèves en culture littéraire de manière à ce que la lecture permette de répondre aux questions prégnantes de l’heure.

Ce problème soulève la question générale suivante : les ressources et activités mises à disposition par les enseignants sur les plateformes et réseaux sociaux participeraient-il à une construction collaborative des écrits par les élèves professeurs spécialisés en littérature ? Les questions de recherche qui fondent cette étude sont subséquentes :

  • Quelles sont les ressources relatives à la littérature mises à la disposition des élèves en présentiel qui se retrouvent sur les réseaux sociaux ?
  • Comment sont réalisées les activités d’analyse littéraires proposées sur les plateformes ?
  • Comment se présentent les capacités des élèves professeurs à produire des écrits imaginaires et scientifiques à partir de leur formation en en « étude d’une œuvre intégrale » ?

La problématique de la construction collaborative et interactive des savoirs écrits à partir de l’application des principes de la lecture intégrale d’une œuvre la voie à un objet d’étude qui n’est pas tout à fait actuel mais qui appelle une pratique réelle en contexte camerounais et surtout dans les écoles de formation des enseignants comme l’ENS de Yaoundé.

Objet de l’étude

Les universités camerounaises se trouvent aujourd’hui confrontées à une série de défis, notamment ceux relatifs aux progrès technologiques fulgurants connus ces dernières années (Tonye, 2010 : 2). Dans ces universités, la transition du mode d’enseignement traditionnel (sans NTIC) vers la nouvelle approche qui intègre l’enseignement à distance ne connaît toujours pas d’enclenchement. Encore moins lorsqu’il s’agit d’une collaboration à distance par plateforme interposée où l’enseignant agit comme un tuteur et un pédagogue. En effet, la modernisation des modes d’enseignement semble ne pas trouver sa pertinence dans les systèmes éducatifs camerounais (Ndzengue, 2015). L’objet de cette recherche est d’investiguer et d’analyser les moyens à disposition des élèves professeurs qui leur permettent ou pas de co-construire leurs savoirs écrits aussi bien en littérature qu’en rédaction des écrits scientifiques incorporant des lectures cursives et analytiques. L’analyse n’étant pas comparatiste, elle se focalise sur les aspects numériques comme l’usage des réseaux sociaux et des plateformes d’apprentissage.

Notre étude doit son fondement à l’actualisation du problème de la formation des futurs enseignants des lycées et collèges en langue et littérature françaises, dans une perspective qui permet l’utilisation des nouvelles pratiques pédagogiques, qui incluent l’usage des outils numériques et des plateformes d’enseignement. Il s’agit en définitive de dégager les éléments positifs d’une collaboration médiée médiatisée et interactive sur les connaissances écrites et analytiques des élèves professeurs à partir de leurs acquis « étude d’une œuvre intégrale ».

Approche théorique : médiation et interactionnisme

Les élèves-professeurs sont formés à interagir avec leurs élèves des lycées. Pour cela, ils doivent développer des compétences en littérature et des habiletés analytiques censées servir leur profession. Comme acteurs de leurs construction et co-construction des savoirs en littérature et en didactique de la littérature, nous avons opté pour des théories interactionnistes et de médiation.

Les théories souvent évoquées par Develotte (2009) et Perraya (2004) sur l’importance de la médiation fondent les bases de la présente recherche. Il s’agit de prescrire des activités en ligne après que la thématique générale a été validée en classe, d’ouvrir un forum dans lequel les élèves  déposent leurs commentaires et débuts d’analyse, de créer des ateliers pour qu’ils portent leurs critiques sur l’intertextualité des textes de manière synchronique et/ou diachronique, et enfin déposer des devoirs sous forme de synthèse de texte et de productions d’écrit (poèmes, mini-roman, critique littéraire, lecture méthodique  des extraits en rapport avec l’œuvre  intégrale, synthèse de lecture de plusieurs extraits ayant en commun une problématique pour en relever les points de divergence et de convergence).

Méthodologie : une formation action-recherche

Nous nous servons d’une méthode traditionnelle de recherche-action pour sensibiliser les enseignants sur les opportunités que leur offrent les plateformes d’apprentissage. Nous avons préféré placer le terme action dans le cadre de la priorisation des concepts même si ceux-ci restent encastrés l’un à l’autre.

A l’ENS de l’Université de l’Université de Yaoundé I, le département de français accueille environ 400 élèves-professeurs répartis de manière inégale de la 1ère à la 5e année. Ces niveaux représentent les deux cycles effectués à l’École normale supérieure :

  • le premier cycle, d’une durée de trois ans, accueille les élèves nantis d’un Baccalauréat et s’achève par l’obtention du Diplôme de professeur de l’enseignement secondaire premier grade (DiPES 1) ;
  • le deuxième cycle, d’une durée de deux ans, accueille les Licenciés, les retours sur titre et les meilleurs du premier cycle. Il se termine par un Diplôme de professeur de l’enseignement secondaire deuxième grade (DiPES II).

La formation prévoie un aspect professionnalisant et un aspect théorique axé sur les savoirs savants. Cette alternance ne laisse pas toujours assez de place à la sensibilisation et à la mise en exergue de la culture littéraire et surtout le développement des aptitudes rédactionnelles créatives ou scientifiques. Aussi, dans le cadre de la présente étude, avons-nous choisi au hasard des élèves-professeurs du second cycle, inscrits en 4e et 5e années ayant accepté d’être suivis à distance en littérature et en didactique de la littérature. L’étude s’est focalisée sur la «  FRA 513 : étude de l’œuvre intégrale » animée par Dr Awoundja Nsata. Au préalable, chacun devait signaler comme pré-réquis : un savoir en identification sur un réseau ou sur un site et se déconnecter de celui-ci, accéder par téléchargement aux logiciels et documents disponibles sur un espace de travail (site, réseau social, etc.), avoir un compte sur un réseau social ou un site comme Yahoo ou Gmail et avoir suivi le cours de FRA513.

Pour mener l’expérimentation d’un mois, nous nous sommes assurée que les cours ont été achevés avant de nous focaliser sur la conception du cours en ligne. Ce cours intègre la lecture, non plus des extraits, mais des œuvres intégrales permettant ainsi aux élèves professeurs d’acquérir un ensemble de concepts opératoires propres à chaque genre tout en développant des stratégies de lecture et d’interprétation en autonomie.  En tant que tutrice et enseignante d’autres disciplines de français, nous participions à la co-construction des savoirs à travers l’application de la pédagogie de projet et l’approche par les compétences (APC.) Ces deux approches pédagogiques ont permis de dresser les éléments d’évaluation des compétences finales aussi bien en termes d’auto-évaluation que d’évaluation par l’enseignant.

Nous étions donc en pleine observation participante des échanges sur l’analyse des quelques œuvres prisées par les élèves comme « Temps de chien » de Nganan, « Sous le ciel, la cendre », « le vieux nègre et la médaille » de Ferdinand Oyono. Les interactions synchrones avaient généralement lieu sur la plateforme Skype. Comme autre activité menée, nous avons celle centrée sur le groupement de textes dans lequel l’apprenant après avoir découvert d’autres textes peut réinvestir ses acquis pour pouvoir produire des écrits ou les analyser tout en gardant à l’esprit, tous les aspects de l’intertextualité qui influencent ses productions.

Cette expérimentation a permis de dresser les formes de construction des savoirs menant à l’adoption de la lecture comme outils de distraction, d’enseignement et de production de savoirs de manière autonome.

Compte-rendu de quelques résultats

Les résultats seront présentés en fonction des phases du travail sollicité des élèves-professeurs. Nous avons procédé en 4 principales phases qui correspondaient aux 4 semaines du mois avec pour but l’analyse et l’interprétation d’une œuvre de « son » choix, la proposition d’une pédagogie et enfin la production écrite et cohérente d’un texte ou d’une analyse.

Les ressources littéraires déposées sur la plateforme

La première tâche a consisté à subdiviser le groupe en 2 : ceux centrés sur la poésie et d’autres sur le roman. En sachant que l’hybridité des textes est de nouveau sur la sellette. A partir de cette mise au point, la première activité du travail était à effectuer à la maison. Elle consistait à sélectionner une œuvre pouvant être lue sur tablette, téléchargée sur Youtube ou encore transposée sous forme orale (films, poésie chantée, etc.). Sur les 96 élèves-professeurs, 40 ont présenté des textes contre 56 qui ont sollicité un travail de groupe avec ceux ayant trouvé des textes.

Pour le compte des lectures sur tablette à partir des e-book téléchargeables gratuitement, les élèves-professeurs ont proposé les romans et œuvres poétiques suivantes (toutes ne seront pas listées)[1] :

  • Alcools de Guillaume Apollinaire (genre poétique)
  • La peau de chagrin d’Honoré de Balzac (genre romanesque)
  • Andromaque de Jean Racine (genre théâtral, tragédie)
  • Les amours jaunes de Tristan Corbière
  • Germinal d’Emile Zola
  • L’avare de Jean-Baptiste Molière (Théatre, comédie)

Sur Youtube, ils n’ont pu télécharger qu’en forme de films le roman de Gustave Flaubert « Madame de Bovary », « Germinale » d’Emile Zola et quelques œuvres d’auteurs non africains.

Comme les exemples ci-dessus le montrent, après le choix d’une œuvre, le genre était précisé ainsi que l’auteur. Les auteurs sélectionnés étaient ceux étudiés au secondaire (en FLE pour la sous-section anglophone ou FLS pour la sous-section francophone) ou pris en exemple pendant les cours de FRA513.

Il faut noter que le style d’Aimé Césaire était très peu sollicité : la poésie libre. Les genres romanesque et théâtral étaient les plus prisés car le style était plus clair et les rapports à la société plus évidents selon certains d’entre eux. La panoplie de textes francophone en ligne n’était pas très satisfaisante parce que les textes écrits par les Africains n’étaient pas très nombreux et il fallait surfer d’un site à l’autre pour découvrir des extraits de texte. Pourtant, les sites présentant des analyses de ces œuvres étaient nombreux et divers.

Le groupement de texte : analyse textuelles en ligne

Après avoir sélectionné les œuvres, la deuxième activité consistait à rédiger une fiche de lecture téléchargée de la plateforme avec des colonnes à remplir. Ces colonnes se présentaient ainsi qu’il suit :

Tableau 1 : Fiche de lecture

Titre du roman et année de parution
Auteur
Evènements spéciaux de la période parution (contexte)
Liens avec l’actualité mondiale et nationale du moment
Liens avec d’autres textes d’autres auteurs
         

Cette activité avait pour but de familiariser les élèves- professeures avec la plateforme afin de pouvoir noter des commentaires, les partager avec ses camarades et la tutrice sous des formes d’hypothèses. Ces hypothèses étaient présentées dans les ateliers et débattus de manière synchrone sur Skype. Le résumé des débats était posté par les deux rapporteurs des deux groupes formés.

Après l’analyse de la première et de la quatrième de couverture, de l’auteur et de ses rapports avec la société, les éléments d’analyse étaient fournis par les sous-groupes formés à la demande des apprenants. Cela n’était pas difficile lorsque l’œuvre entière était téléchargée (le cas de ceux cités plus haut). Dans le cas des romans sous forme de film, ils étaient obligés soit de télécharger le document soit de l’obtenir en version papier afin qu’ils puissent en premier s’imprégner de l’histoire. Tous les textes regroupés présentaient 3 thèmes communs : l’amour, les inégalités sociales, la déception. Des thèmes corollaires et relatifs à l’Afrique étaient évoqués lorsque certains romans de romanciers africains francophones étaient retrouvés. Nous avions par exemple l’idéologie colonialiste/post colonialiste, les guerres civiles, le mixage des cultures et de manière plus récente, le genre féminin sous le prisme de la littérature. Mais la démarche n’ayant pas prévu une problématique commune aux textes groupés, il était difficile de se focaliser sur des questions générales abordées diversement par les auteurs. Les problématiques étaient soulevées en fonction des sous-groupes. Aussi, y-a-t-il eu des thèmes comme les écarts socioéconomiques, les amours utopiques, la décolonisation mentale, etc.

Les élèves-professeurs, ayant mis leurs textes en rapport avec d’autres textes sélectionnés par les pairs et à l’actualité, pouvaient construire des projets de rédaction de textes. Mais le plus important, était la présentation éloquente de leurs résultats d’analyse.

La production des textes : synthèses scientifiques et écriture créative

Après une étude analytique de l’œuvre à partir de l’étude des personnages, du dénouement de l’histoire, du découpage séquentiel, de la temporalité, du schéma actantiel, du champ lexical et sémantique, les élèves-professeurs sont chargés de manière individuelle de débuter une rédaction synthétique des axes d’analyse. Lorsque ces premiers écrits avaient été postés, il leur était demandé d’écrire des textes en se référant aux auteurs choisis et étudiés.

Tous les 96 élèves-professeurs ayant accepté de participer à l’expérimentation ont déposé des synthèses des œuvres étudiés en groupe. La longueur de leurs résumés variaient entre 2 et 5 pages saisi à Times new roman, police 12, interligne 1,5. Il faut noter que près de la moitié d’entre eux ont ajouté l’aspect intertextuel. Près de la moitié ont structuré leurs présentations par une numérotation des titres et la présence des introductions entre les parties. En moyenne, ils étaient capables de synthétiser une étude. Le problème s’est généralement posé au niveau de l’interprétation et de la mise en rapport avec une actualité mondiale et nationale. Ils ne recherchaient généralement pas les références y relatives et donc ne citaient pas leurs sources et encore moins des citations pour renforcer leur argumentaire.

Pour la production des textes créatifs, seuls 20 d’entre eux ont produit en majorité des poésies sur deux pages au maximum. Toutes ces poésies reposaient sur la déception et l’amour. Très peu d’actualité. La minorité d’entre eux ont produit des nouvelles mêlant les lectures préalables et les faits culturels camerounais marquant comme les rituels d’initiation et de dot. La singularité de leur production reposait sur le fait qu’ils proposaient une analyse de leurs propres textes.

L’auto-évaluation en ligne : niveau d’analyse, niveau de langue

Pour que les élèves puissent s’auto-évaluer, des fiches étaient mises à disposition sur la plateforme afin qu’ils puissent s’exercer sur : les thématiques abordées, les aspects de la narratologie (temporalité), les registres de langues (humour, ironie, satire), niveau de langue (basilecte, mésolecte, acrolecte), l’intervention des personnages (principaux, secondaires, figurants), le schéma actantiel (le dénouement de l’histoire) et enfin l’élaboration du titre.

Ces fiches, téléchargées, servaient d’évaluation partielle de leurs propres productions afin d’en ressortir la pertinence et les enjeux. L’accent était mis sur le registre et le niveau de langue. Ils avaient tendance à n’utiliser que des basilectes, ce qui n’agissait pas en faveur de leur formation en langue française. Leurs emprunts aux autres textes et cultures africaines ne respectaient pas toujours les langues empruntées. Il a fallu remettre à niveau ceux des élèves qui l’avaient souhaité au cours de la dernière semaine de formation.

Quelques propositions

Plusieurs actions permettent de réhabiliter le plaisir de lire et ensuite, celui d’écrire. Il s’agit de permettre toutes les actions susceptibles de développer la lecture sous toutes ses formes. Les enseignants devraient, dans le meilleur de cas, être au centre de l’acte de lecture de leurs élèves : mettre à leurs disposition des livres,  réconcilier l’élève avec toutes les formes actuelles de lecture  y compris les e-book, écoute de lecture, comprendre la transposition d’un texte écrit en film ou en chanson car « La lecture est par ailleurs une pratique qui s’appuie sur des compétences construites grâce à un accompagnement professoral (Lire au lycée professionnel n° 40 référence ? Auteur ?) ».

Aux enseignants de « faire oublier le contenant et de faire goûter le récit en proposant des histoires : proches ou explicites, qui emmènent loin dans le temps ou dans l’espace, qui disent quelque chose de ma propre vie, écrites, pas brouillonnées (pas de démagogie), claires avec une mise en place des personnages, des lieux, de la problématique et prendre un peu de temps pour ces lectures gratuites (privées ou cursives) » référence ? Auteur ?).

De manière synchronisée avec les chefs d’établissements, proposer des animations animées par les élèves autour des thèmes d’actualité ou encore des faits historiques marquants, utiliser les plateformes et quelques sites où sont proposés des téléchargements gratuits des œuvres comme :

www.monbestseller.com/auteur/liste/roman

www.vousnousils.fr/ebooks-gratuits/100-grands-titres-litterature-telecharger-gratuitem…

www.ebook-gratuit.co/roman-gratuit-a-venir/

www.lecturegratuite.com/

www.telechargementz-stream.com/ebooks/roman/

www.decitre.fr › E-books

www.commentcamarche.net

Ensuite ? proposer aux élèves de manière hebdomadaire, la présentation d’un nouveau roman qui frappe par la singularité de sa thématique afin que chaque classe puisse obtenir à terme, une bibliothèque et envisager des rencontres avec l’auteur. Tous ces aménagements et prix sont signifiants s’ils sont postés sur une plateforme d’apprentissage, un réseau social (Facebook, Youtube) et si des votes sont sollicités sur ces plateformes pour élire le meilleur auteur, la meilleure performance en présentation orale des œuvres, etc. Certains auteurs recommandent de « demander aux élèves de laisser une trace de leurs lectures : panneaux d’affichage, livre d’or, présentation à la classe d’un roman aimé par l’élève, mais pas de travail obligatoire, de fiche de lecture, de contrôle … ».

Ces actes mettent au centre aussi bien les activités de lecture que celles de rédaction créative. La rédaction créative débute avec des habitudes de synthèse des lectures et s’achève par des constructions de petites nouvelles ou de poésie. Les concours littéraires en ligne et surtout avec l’usage des réseaux sociaux semblent parfaits pour améliorer le niveau de langue et de culture littéraire des élèves-professeurs.

Conclusion

Il était question dans cet article de répondre à la question de l’apport de la plateforme d’apprentissage LMS sur la culture littéraire et les performances rédactionnelles des élèves-professeurs. Il est vrai que les élèves-professeurs ont amélioré leurs capacités à rechercher des œuvres et à les parcourir avec pour but d’enseigner mais, en revanche, la majorité est restée réfractaire à la production des écrits non scientifiques. Leur enthousiasme est un pas en avant qui oriente les futurs enseignants à recourir aux nouvelles pratiques pédagogiques et surtout aux outils numériques complémentaires.

Bibliographie

Guillot, P. (2009). Faciliter la lecture d’une œuvre intégrale à l’aide des dictionnaires en ligne. Lettres, langues et cultures de l’antiquité.  http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/lettres/spip.php?article63

Chavant, V. et Le Meur, F. (2012). Entretien avec Mérieux. Educ-revue en ligne, n°39.

Dupuy, C. (2004). Lectures, jeux et débats. EDUSCOLE, Cahiers pédagogiques : enseigner la littérature, n° 420.

Ecole des Lettres. Étude d’œuvre intégrale au lycée d’après les instructions officielles. http://ww2.ac-poitiers.fr/lettreshg/IMG/doc/lecture_et_oeuvre_integrale-2.doc

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Ricoeur, P. (1969). Signe et sens. Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 août 2017. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/signe-et-sens/

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