2011 Le diplôme comme déterminant de la satisfaction au travail des enseignants Boubacar Traoré & Ansoumana Sané

Le diplôme comme déterminant de la satisfaction au travail des enseignants Boubacar Traoré & Ansoumana Sané

Le diplôme comme déterminant de la satisfaction au travail des enseignants
Boubacar Traoré & Ansoumana Sané

Abstract

The article aims at clarifying the African debate on the role of the diploma in job satisfaction of teachers of science and technology. In this contributory paper, it is a matter of testing the hypothesis according to which the variable “diploma” would have an impact on teacher’s job satisfaction. The study based on a sample of secondary school teachers in Senegal and Burkina Faso. The results obtained show that if not long ago, the graduate teacher had a certain job satisfaction, today the source “diploma” does not seem to be a systematic source of variation of the teachers’ satisfaction or dissatisfaction.

The first part recalls the contributions of studies on job satisfaction and the still low level of comparative studies in this area, taking into account the influence of the diploma. The second part presents the methodological approach for collecting and processing the necessary data to check the hypothesis. The third part states the main empirical results and underlines the differences between countries. Finally, the last part presents a conclusion as well as the bibliographic references that supported our analysis and helped us draw the conclusion.

Keywords: job satisfaction, professional world, physical universe, human universe, occasional universe, routine tasks, occasional tasks

Introduction

Depuis quelques dizaines d’années, des études sur la satisfaction au travail occupent une place de choix en économie du travail. L’enseignement n’est pas en reste, notamment celui des sciences et de la technologie, depuis que le Sommet de Banjul en 2001 s’est donné comme objectif prioritaire la qualité de l’enseignement des sciences et de la technologie à tous les niveaux du cursus éducatif. En vue d’éclairer le débat sur la qualité de l’enseignement, cet article analyse les déterminants de la satisfaction au travail des enseignants de sciences et de technologie du secondaire dans 2 pays africains. L’enjeu est de déterminer ce que peut être un bon enseignement des sciences et de la technologie aux yeux des enseignants et de s’interroger sur son rapport avec le diplôme acquis. Dans un premier temps, nous rappelons les principaux résultats des études sur la satisfaction au travail en soulignant l’intérêt des approches comparatives, encore peu développées actuellement. Nous détaillons ensuite les enjeux méthodologiques. Dans un troisième temps, nous présentons nos résultats empiriques ainsi que nos tentatives d’interprétation des différences observées.

La satisfaction au travail 

Des approches diverses

De nombreuses études soulignent que la satisfaction exprimée par les travailleurs contenait des informations intéressantes pour comprendre et prédire les comportements sur le marché du travail. Elles démontrent, entre autres, que le degré de satisfaction dans l’emploi explique en partie les transitions des travailleurs (Clark & Georgellis, 2004 ; Lévy-Garboua, Montmarquette & Simonnet, 2006). Une grande partie de cette littérature adopte une approche plus descriptive : elle s’attache à explorer ce qui semble important et satisfaisant dans un emploi, aux yeux des travailleurs. Pourtant, il existe des indices qui permettent  cette satisfaction au travail à partir de l’analyse des réponses des travailleurs aux questions sur le degré d’importance accordé à différents aspects du travail (Clark, 2005). Mais si toutes ces études montrent le rapport existant entre la satisfaction sur certains aspects du travail (satisfaction vis-à-vis du temps de travail, du salaire, des conditions de travail, etc.) et les comportements des travailleurs (Bonhomme & Jolivet, 2005 ; Clark, 2001), rares sont celles qui ont essayé d’aborder la question à partir des caractéristiques objectives des travailleurs, notamment le diplôme acquis, pris comme une variable explicative (Skalli, Theodossiou, & Vasileiou, 2005).

Le salaire, comme modèle standard de la satisfaction au travail

Plusieurs études soulignent que, pendant longtemps encore, la théorie standard a accordé une place centrale au salaire dans la satisfaction des travailleurs (Holländer, 2001 ; Clark, 1995 ; Lévy-Garboua & Montmarquette, 2004). Selon ces études, le travail est recherché dans la mesure où il procure un salaire. Des études récentes sur la satisfaction au travail suggèrent d’envisager le travail comme un bien complexe, aux différentes facettes, qui procurent chacune une certaine satisfaction à l’individu et à la société (Davoine, 2006 ; Skalli et al, 2005 ; Bonhomme & Jolivet, 2005 ; Böckerman & IImakunnas, 2004 ; Elliot & Sandy, 1998). En effet, d’un point de vue théorique, il est tout à fait possible d’ajouter, parmi les arguments de la fonction d’utilité, d’autres facteurs que le salaire : conditions de travail, risques, horaires, etc. L’enjeu est alors d’analyser les différentes facettes du travail pour corriger un effet de propagation du mécontentement vis-à-vis du salaire aux autres aspects du travail. Dans cette optique, nous nous proposons l’effet des caractéristiques individuelles sur la satisfaction au travail des enseignants, en particulier le diplôme acquis. Pour échapper à la critique selon laquelle les nombreuses publications jusqu’ici sur ce sujet s’appuient essentiellement sur des données nationales, qui ne permettent pas d’envisager l’impact du contexte diplômant sur la satisfaction au travail et de savoir si les phénomènes mis en évidence sur des données nationales sont « universels », nous envisageons d’examiner la question en s’appuyant sur des données supranationales. L’objet de notre article est d’examiner si le diplôme est à considérer ou non comme un déterminant de la satisfaction au travail dans les pays et, en cas de résultats affirmatifs, essayer de faire ressortir des typologies de pays, en fonction des différences observées. Mais, au-delà de cet aspect comparatif, l’enjeu est également d’apporter des éléments d’interprétation et d’explication.

Notre question-problème

A la veille et au lendemain des indépendances des pays d’Afrique au sud du Sahara, les regards étaient braqués sur les différents interlocuteurs qu’étaient leurs élites, parce que « diplômés »  des  Grandes  Écoles  ou  Universités  des  anciens  pays  colonisateurs. Était Grand Monsieur ou Grande Dame, celui ou celle qui occupait une fonction importante dans l’appareil d’État ou dans le Secteur privé, fonction liée aux diplômes acquis. Ainsi, les « diplômés » avaient marqué leur participation effective aux différentes sphères politiques, administratives et socio-économiques dans chacun des pays jusqu’à une date récente. L’école n’y a pas échappé. Mieux, elle était même le lieu privilégié de l’ascension sociale, renversant du coup la structuration sociale traditionnelle. L’enseignant, nanti de son diplôme, était la référence pour son milieu pendant toute une époque. Cela donnait de la satisfaction à celui-ci et constituait une source importante de motivation au travail.

Aujourd’hui, l’agitation scolaire et universitaire de plus en plus grandissante nous amène à nous poser la question de savoir si les enseignants d’aujourd’hui gardent toujours ce sentiment d’occuper une position sociale enviable, acquise grâce à leur diplôme ? Comment se sentent-ils dans le cadre de leur travail ? Sont-ils satisfaits de ce qu’ils font, de ce que leur procure leur diplôme obtenu après des efforts soutenus durant une bonne période de leur vie ? Si effectivement, les enseignants se sentent satisfaits dans leur travail au regard du diplôme acquis, est-ce pour toutes les activités de l’école ? Existe-t-il des tâches pour lesquelles leur satisfaction varie suivant le diplôme acquis ?… Le problème posé est donc le suivant : dans quelle mesure le fait d’avoir tel ou tel diplôme constitue un facteur additionnel important de variation entre les sujets ? On savait qu’il y a de nombreuses raisons pour que les sujets diffèrent ; il s’agit donc de savoir si le fait d’avoir une formation de tel ou tel niveau constitue, parmi ces raisons, une raison particulière importante.

L’hypothèse

Nous pensons que la satisfaction au travail des enseignants dans une tâche donnée est susceptible de variation liée au niveau de formation scolaire ou universitaire, sanctionné par un diplôme.

La satisfaction au travail et l’univers professionnel de l’enseignant

La satisfaction au travail

La satisfaction est définie ici par l’écart entre la situation actuelle réelle R et la situation souhaitable D (Sané, 2001). Elle est donc déterminée par D – R. Si D – R = 0, on dit qu’il y a satisfaction. Si D – R > 0, alors, il y a insatisfaction. L’échelle de mesure utilisée comporte sept degrés et l’enquêté avait à entourer un (un seul) symbole sur chaque item où il s’agit i) pour chaque affirmation, de décrire la situation telle qu’elle est, c’est à dire telle qu’il la vit personnellement (situation actuelle réelle : R) et ii) la situation souhaitable (D) où il s’agit de décrire la situation qui serait souhaitable pour qu’il puisse assurer un enseignement de qualité. Ces symboles sont les suivants : ¹ : Signifie « Non pertinent car elle n’existe pas dans l’école ou cela est impossible » ; 0 : « Jamais, c’est-à-dire à ne  jamais  utiliser  ou  faire » ; 1 : « Très rarement » ; 2 : « Rarement » ; 3 : « Assez fréquemment » ; 4 :

« Fréquemment » ; 5 : « Très fréquemment » ; 6 : « Toujours ».

 

L’Univers professionnel

L’Univers professionnel doit être compris comme (Sané, 2001) :

  • le lieu physique de travail, c’est-à-dire les locaux, le matériel didactique audiovisuel et d’expérimentation, le cadre ou environnement physique de travail interne (aménagement intérieur de l’école) et externe (accès, environnement proche, ).
  • l’univers humain de travail, c’est-à-dire ses relations avec les élèves, les collègues, le chef de l’établissement, les parents d’élèves (univers interne), les écoles de formation, les structures de formation continue, le corps de contrôle et d’encadrement pédagogique, les ressources potentielles de l’environnement local (artisans, industriels, centres culturels, ).
  • l’univers « des tâches » de l’enseignant habituelles (préparation de ses cours, préparation du matériel didactique pour ses cours, prestation de ses cours, gestion de sa classe, l’évaluation des élèves et de son travail, corrections, etc.). Des tâches occasionnelles à l’intérieur de l’école (préparation du plan de cours de l’année, participation à des réunions de coordination des enseignements avec les collègues concernés, participation à des réunions à propos de questions administratives ou d’organisation de l’école, participation à des réunions pour concevoir le projet éducatif de l’école, fabrication du matériel didactique avec des collègues, etc.) et des tâches occasionnelles à l’extérieur de l’école (participation à des réunions de formation continue, participation à des groupes de travail sur le programme, participation à des groupes de recherche, ).

Méthodologie

Démarche d’investigation privilégiée

Pour vérifier l’hypothèse, nous nous sommes appuyés sur les représentations des acteurs que sont les enseignants eux-mêmes. Le recueil de leurs points de vue s’est fait à partir d’un questionnaire construit et testé par nos soins. Le test du questionnaire s’est fait auprès d’une trentaine d’enseignants diplômés de différents niveaux (élémentaire, secondaire, supérieur). Ce test a permis d’explorer différentes facettes de l’univers professionnel des enseignants et de cibler certaines tâches spécifiques à l’enseignement. C’est sur cette base que nous avons construit un questionnaire qui a été soumis à des experts. Après correction et amélioration, la forme finale a été adoptée et soumise aux enquêtés.

Le questionnaire

Le questionnaire comporte deux grandes parties. Une première partie recueille des informations générales sur les caractéristiques biographiques de l’enquêté, notamment le diplôme, l’âge, le sexe, l’ancienneté dans la carrière, le type d’établissement fréquenté, la discipline enseignée, etc. Une deuxième partie recense l’opinion évaluative de l’enquêté quant à la situation actuelle R et à la situation souhaitable D. Chacune des quatre dimensions de l’univers professionnel est explorée par une famille d’items spécifiques. Certains de ces derniers, au sein de chaque famille, présentent deux formes :

  • la forme A : qui interroge sur un état réel (par exemple sur la fréquence actuelle réelle des relations avec les autres collègues de même discipline). Le traitement statistique de ces questions donnera le score R (Réalité) ;
  • la forme B : qui interroge, en cas d’insatisfaction avouée de l’enseignant, sur ce qui devrait être, selon lui, l’état de chose considéré pour qu’il fût, par lui, considéré comme satisfaisant. Le traitement statistique de ces questions donnera le score D (Désir).

Les éléments statistiques, en l’occurrence les enseignants, seront distribués en fonction de leur indice individuel moyen d’insatisfaction. Cet indice m1 est le quotient de la somme des écarts entre les réponses R (Réalité) et D (Désir) de chaque élément par le nombre d’items auxquels il a répondu. S’il y a satisfaction entière pour un groupe d’items n, on a pour chacun d’eux : R = D et donc :

Comme les échelles d’intensité correspondant à chaque item présentent sept degrés, le champ de variation de l’indice m1 va de 0 à 6. Ce modèle appliqué ici est un système comportant deux variables de telle sorte qu’il y a une principale cause alimentant la variable dépendante : l’effet direct de la variable indépendante (diplôme) sur la variable considérée comme à expliquer (variable dépendante). La fonction d’effet n’est remplie qu’aux conditions suivantes : les variations au niveau de la variable indépendante ont sensiblement un effet sur les variations en ce qui concerne la variable dépendante.

Échantillon

Nous avons touché un échantillon d’enseignants du secondaire issus de deux pays : le Burkina Faso et le Sénégal et réparti comme suit : Burkina Faso (167) ; Sénégal (428), soit un effectif global de 595 enquêtés. Ces enseignants sont de différentes disciplines : Économie Familiale et Sociale (EFS), Éducation Technologique (ET), Mathématiques (M), Sciences Physiques (SP), Sciences de la Vie et de la Terre (SVT). Nous avons traité les données et analysé les résultats en fonction de cette répartition et du type de diplôme obtenu par chaque enseignant enquêté.

Résultats

La répartition des enquêtés par rapport au pays d’origine et à la variable « Diplôme » indique qu’environ 49% des enseignants enquêtés ont, le baccalauréat ou le diplôme universitaire d’études scientifiques (DUES). La licence recueille 23,4% des enseignants et 27,4% ont la maîtrise ou plus. Les licenciés étant prioritairement formés pour évoluer dans le premier cycle du secondaire (collège), on peut s’interroger sur leur effectif aussi faible par rapport aux deux autres catégories de diplômés dont l’une n’intervient – ou ne devrait intervenir – que dans le second cycle du secondaire (lycée : maîtrisards 27,4%).

Le croisement des variables Diplôme et niveau d’enseignement montre que parmi les 139 licenciés (23,4% des enquêtés), 86 (62%) enseignent dans le 2nd cycle du secondaire, cycle pour lequel ils n’étaient pas formés. Par contre, seulement 38% des licenciés interviennent dans le 1er cycle du secondaire, niveau pour lequel ils ont été prioritairement formés. 3.41% des enseignants possédant un baccalauréat ou un DUES, dont 1.69% au Sénégal et 10.52% au Burkina Faso, évoluent dans le 2nd cycle du secondaire, niveau pour lequel ils n’ont été ni formés, ni préparés. 40% des maîtrisards enseignent dans le 1er cycle du secondaire, alors que leur formation initiale les prédestinait pour le 2nd cycle du secondaire. Au Sénégal, ils sont 35% à enseigner dans le 1er cycle du secondaire et seulement 65% au secondaire supérieur. Au Burkina Faso, l’on note 45% de maîtrisards enseignant au secondaire inférieur. Le blocage du recrutement dans la Fonction Publique  au Sénégal en est-il pour quelque chose ? Probablement que devant l’augmentation des effectifs des élèves dans le 1er cycle du secondaire, et pour faire face au besoin en enseignants qui en découle, l’administration scolaire s’est vue contrainte de procéder à une redistribution des enseignants déjà en place. Ce qui n’est certainement pas sans effet sur la qualité des relations que les enseignants entretiennent avec leur univers professionnel, en particulier avec l’univers humain.

Influence du diplôme sur la satisfaction (ou l’insatisfaction) des enseignants

Nous émettons l’hypothèse selon laquelle la satisfaction (ou l’insatisfaction) des enseignants du secondaire est influencée par la variable « diplôme ». L’analyse en régression prédisant la satisfaction (ou l’insatisfaction) par la variable « diplôme » appliquée donne comme résultats ceux indiqués ci-dessous. L’analyse des données permet de constater que le diplôme se révèle moins souvent significatif (2 fois sur 5) ; il l’est seulement pour les facettes univers physique et univers des tâches occasionnelles. Globalement, le score d’insatisfaction le plus élevé est pour les enseignants possédant le baccalauréat ou le  DUES ; le plus faible score est pour les enseignants ayant une licence. Les maîtrisards sont entre les deux. La même situation est observée pour les scores d’insatisfaction globale.

Tableau 1 : Moyennes d’insatisfaction par rapport au diplôme

 

 

Indice d’insatisfaction

Type de diplôme
Baccalauréat ou

DUES

Licence Maîtrise ou plus
Moyenne Écart-

type

Moyenne Écart-

type

Moyenne Écart-

type

Univers physique 1,31 1,10 1,41 1,07 1,55 1,03
Univers humain 1,79 0,89 1,74 0,99 1,76 0,93
Univers tâches habituelles 0,78 0,77 0,71 0,59 0,82 0,67
Univers tâches occasionnelles 2,12 1,20 1,81 1,14 1,82 1,14
Global 1,50 0,64 1,42 0,65 1,49 0,63

La seule observation visuelle qu’on peut faire à ce niveau (tableau n°1) est que les scores observés diffèrent, c’est-à-dire que les sujets n’ont pas le même niveau d’insatisfaction. Ils diffèrent même d’une facette à une autre. Le problème posé est donc le suivant : dans quelle mesure le fait d’avoir tel ou tel diplôme constitue-t-il un facteur additionnel important de variation entre les sujets ? On savait qu’il y a de nombreuses raisons pour que les sujets diffèrent ; il s’agit donc de savoir si le fait d’avoir une formation de tel ou tel niveau constitue, parmi ces raisons, une raison particulière importante. Les enseignants bacheliers ou ayant un DUES ont les scores d’insatisfaction les plus forts pour l’univers humain et l’univers des tâches occasionnelles. Pour ces mêmes univers, les scores les plus faibles sont notés chez les enseignants licenciés. Les enseignants possédant une maîtrise ou plus sont les plus insatisfaits pour l’univers des tâches habituelles. L’univers des tâches habituelles présente les scores d’insatisfaction les moins forts. On peut retenir de cette analyse quatre éléments importants :

  • les enseignants sont globalement insatisfaits à l’égard des quatre facettes de l’univers professionnel ;
  • de façon générale, les enseignants qui ont les scores d’insatisfaction les plus élevés sont ceux possédant le baccalauréat ou le DUES, tandis que les scores les plus faibles sont recensés chez les licenciés ;
  • l’insatisfaction des enseignants est plus marquée pour ce qui concerne la facette

«l’univers des tâches occasionnelles » et, dans une moindre mesure,  « l’univers  humain » ; ils se montrent beaucoup moins insatisfaits pour « l’univers des tâches habituelles » qui, en fait, relèvent d’eux-mêmes, contrairement aux tâches occasionnelles dont la responsabilité relève des autres.

Nous avons effectué une analyse de variance pour comparer les moyennes de satisfaction (ou d’insatisfaction) entre les trois catégories de diplômés, d’une part, les moyennes des quatre facettes de l’univers professionnel, d’autre part. Les résultats sont consignés dans le tableau n°2.

Tableau 2 : Comparaison des moyennes d’insatisfaction des trois catégories de diplômés (GLM- Factorielle)

Source de variation Somme des

carrés des écarts

df Carrés

moyens

F Signification
Inter-sujet
Diplôme 2,77 2 1,39 0,88 0,42
Erreur 913,36 579 1,58
Intra sujet
Facettes 403,61 3 134,54 177,64 0,000
Diplôme * facettes 17,20 6 2,87 3,79 0,001
Erreur 1315,50 1737 0,76

L’analyse révèle l’absence de différence significative entre les moyennes d’insatisfaction  des trois catégories de diplômés. Autrement dit, on est amené à accepter l’hypothèse d’égalité de ces trois moyennes observées ; les différences constatées sont probablement dues à des erreurs de manipulation ou à des facteurs aléatoires. La comparaison des moyennes d’insatisfaction entre catégories de diplômes et facettes de l’univers professionnel montre que la satisfaction ou insatisfaction de l’enseignant n’est pas la même aux différentes catégories de diplômes. Pour en savoir davantage, nous avons effectué une analyse post hoc par la procédure de Tukey sur la variable satisfaction ou insatisfaction à l’égard des tâches occasionnelles par la variable diplôme. Les résultats sont notés dans le tableau n°3.

Tableau 3 : Résultats des tests de comparaisons multiples post hoc (Tukey) entre des moyennes de satisfaction (ou d’insatisfaction) à l’égard des tâches occasionnelles et le diplôme

Diplôme
Baccalauréat ou DUES

(moyenne)

Maîtrise (moyenne) Licence (moyenne)
2,12 1,82 1,81
A
B B

Les tests d’intervalle post hoc appliqués identifient deux sous-groupes homogènes de moyennes de satisfaction ou d’insatisfaction à l’égard des tâches occasionnelles. Nous avons, d’une part, le baccalauréat ou DUES qui diffère significativement de l’autre sous- groupe constitué par la licence et la maîtrise ou plus, d’autre part. La licence et la maîtrise ou plus ne diffèrent pas entre elles. Analysons les réponses des enseignants aux items de cet univers des tâches occasionnelles pour voir concrètement comment ces deux sous- groupes réagissent. L’analyse des pourcentages d’insatisfaction par rapport aux 10 items1 de l’univers humain par rapport au diplôme des enseignants révèle que c’est sur la totalité des 10 items de l’univers des tâches occasionnelles que les enseignants se montrent majoritairement insatisfaits. Les bacheliers sont globalement moins insatisfaits que leurs collègues licenciés ou maîtrisards sur les items 6 (entretien avec le chef d’établissement des difficultés que l’on rencontre dans son travail), 7 (participation aux réunions à propos des questions administratives ou d’organisation de l’école), 8 (participation aux réunions sur le projet éducatif), 9 (fabrication par soi-même du matériel d’expérimentation) et 10 (fabrication du matériel d’expérimentation avec ses collègues).

1 1 – Préparer son plan de cours annuel en consultation avec mes collègues ; 2 – Préparer son plan de cours annuel  en s’informant sur les conceptions et expériences pédagogiques modernes ; 3 – Participer aux réunions de coordination des enseignements avec ses collègues ; 4 – Entretenir ses collègues des difficultés rencontrées, des résultats heureux ou décevants obtenus par telle méthode ou tel procédé ; 5 – Entretenir le corps de contrôle et d’encadrement des difficultés rencontrées, des résultats heureux ou décevants obtenus par telle méthode ou tel procédé ; 6 – Entretenir le chef d’établissement des difficultés que l’on rencontre dans son travail ; 7 – Participer aux réunions à propos des questions administratives ou d’organisation de l’école ; 8 – Participer aux réunions sur le projet éducatif de l’école ; 9 – Fabriquer soi-même du matériel d’expérimentation ; 10 – Fabriquer du matériel d’expérimentation avec ses collègues.

Ce qui paraît important ici, c’est l’écart entre le souhait D et la réalité R. Le souhait D est si fortement exprimé qu’il atteint sur certains items trois fois la valeur de la réalité R : item 7 (participation aux réunions à propos des questions administratives ou d’organisation de l’école), item 8 (participation aux réunions sur le projet éducatif de l’école), item 9 (fabrication par soi-même du matériel d’expérimentation), item 10 (fabrication du matériel d’expérimentation avec ses collègues) ; cela indépendamment du sous-groupe de diplômés auquel l’on appartient. Résultat encourageant pour ce qui concerne notamment la fabrication du matériel didactique.

Au-delà de ces aspects pédagogiques, l’analyse statistique incite à la prudence quant à la grande confiance à accorder aux avis de notre population. En effet, l’observation des résultats relatifs aux items d’insatisfaction à l’égard de l’univers des tâches occasionnelles révèle une forte hétérogénéité des avis des enseignants sur la plupart des items dont les quatre derniers qui concernent la participation aux réunions internes et la fabrication du matériel d’expérimentation. L’écart-type sur ces items varie entre 1,79 et 2,14.

Conclusion

Au départ de notre étude, l’ambition était de vérifier l’hypothèse selon laquelle la variable socioprofessionnelle « le diplôme » influence de façon significative la satisfaction (ou l’insatisfaction) de l’enseignant par rapport à son univers professionnel. Cette satisfaction (ou insatisfaction) était définie comme l’écart entre les attentes ou désir (D) de l’enseignant et la réalité vécue (R). Si l’écart (D – R) est égal à 0, il y a satisfaction ; lorsque l’écart (D – R) est supérieur à 0, on dira qu’il y a insatisfaction (on devrait faire plus) ; si (D – R) est inférieur à 0, on est aussi en présence d’une situation d’insatisfaction (on devrait faire moins).

L’univers professionnel de l’enseignant comprenait quatre facettes : l’Univers Physique, l’Univers Humain, l’Univers des Tâches Habituelles et l’Univers Tâches Occasionnelles. L’étude s’est appuyée sur un échantillon de 595 enseignants du secondaire du Sénégal et du Burkina Faso. Les résultats obtenus montrent que si jusqu’à une époque peu lointaine, l’enseignant diplômé trouvait une certaine satisfaction au travail, aujourd’hui, la référence « diplôme » ne semble pas être une source systématique de variation de la satisfaction ou de l’insatisfaction des enseignants.

L’analyse révèle qu’il existe entre les moyennes des quatre facettes de l’univers professionnel une différence hautement significative. On peut conclure que la satisfaction (ou l’insatisfaction) des enseignants, pour chacune des trois catégories de diplômes, varie d’une facette à une autre. Cette variation est imputable à des facteurs très divers tenant certainement au fait que tous ne vivent pas les mêmes conditions de travail et/ou ne perçoivent pas les problèmes de la même manière. Ce qui paraît aussi important, c’est l’importance de l’écart entre le souhait (D) et la réalité (R). Le souhait (D) est si fortement exprimé qu’il atteint sur certains items trois fois la valeur de la réalité (R). Ce mouvement collectif est, en effet, d’autant plus digne d’intérêt qu’il dénote un authentique souci pédagogique qui ne pointe que de façon timide là où l’on se serait attendu à le voir se manifester avec plus de vigueur (recherche et formation continue).

Bibliographie

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Discussion Paper, n°20, Septembre.

Bonhomme, S., & Jolivet, G. (2009). « The Pervasive Absence of Compensating Differentials », Journal of Applied Econometrics, vol. 24 (5), pp. 763-795.

Clark, A. E. (2005). « What makes a good job? Evidence from OECD countries ». In : S. Bazen & C. Lucifora & W. Salverda (Eds.), Job Quality and Employment Behavior, New York, Palgrave, pp. 11-30Davoine, L. (2006). Les déterminants de la satisfaction au travail en Europe : l’importance du contexte. Paris : Centre d’économie de la Sorbonne, Université Paris 1, Centre d’études de l’emploi – Version provisoire – Avril 2006.

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Sané, A. (2001). Univers Professionnel et motivation des enseignants. Rôle, de la satisfaction ou l’insatisfaction, Thèse de Doctorat – Université Catholique de Louvain (UCL). Louvain-la-Neuve : UCL.

Skalli, A., Thedossiou, I., & Vasileiou, E. (2005). Jobs as Lancaster Goods: Facets of Job Satisfaction and Overall Job Satisfaction », article présenté à la conférence IZA European Summer School in Labor Economics, Buch am Ammersee, 3-9 Avril 2006.

Résumé

L’article vise à éclairer le débat africain sur le rôle du diplôme dans la satisfaction au travail des enseignants de sciences et de technologie. Dans la présente contribution, il s’est agi de vérifier l’hypothèse selon laquelle la variable « diplôme » aurait un impact sur la satisfaction au travail des enseignants. L’étude s’appuie sur un échantillon d’enseignants du secondaire du Sénégal et du Burkina Faso. Les résultats obtenus montrent que si jusqu’à une époque peu lointaine, l’enseignant diplômé trouvait une certaine satisfaction au travail, aujourd’hui, la source « diplôme » ne semble pas être une source systématique de variation de la satisfaction ou de l’insatisfaction des enseignants.

La première partie rappelle les apports d’études sur la satisfaction au travail et la place encore faible des études comparatives dans ce domaine, prenant en compte l’influence du diplôme. La deuxième partie présente la démarche méthodologique de collecte et de traitement des données nécessaires pour vérifier l’hypothèse. La troisième partie expose les principaux résultats empiriques et souligne les différences entre pays. Enfin, la dernière partie présente une conclusion ainsi que les références bibliographiques sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour faire l’analyse et tirer la conclusion.

 

 

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