RAIFFET2008 Éducation technique, formation professionnelle et promotion sociale au Burundi Venant Nyandwi

Éducation technique, formation professionnelle et promotion sociale au BurundiVenant Nyandwi

Éducation technique, formation professionnelle et promotion sociale au Burundi
Venant Nyandwi

Cette communication a été nominée pour le Grand Prix du RAIFFET 2008

 

Summary

Burundi, small country strongly populated, mainly agricultural and little developed on the industrial sphere, knows an endemic state of poverty worsened by a conflict of more than ten years. The national plan of the Burundian government aims at universal schooling before 2015, particularly at technical and professional. It is firstly a question of reinforcing the technical sections of the Department of Sciences Applied of the National university of Bujumbura and the Department of Physics-Technology of the Institute of Pedagogy Applied to the University of Burundi. But also a Research department in Technical education will accompany the capacities by management and formation for the teaching of the trades. Everywhere, the constraints are  on the pedagogical and financial levels. On the pedagogic, the formation runs up against the shortages of infrastructures, equipment, and sufficiently qualified human resources. On the financial, the share of the budgetary and extra-budgetary resources is very weak, compared to that assigned to the other sectors.

Introduction

L’organisation de l’enseignement au Burundi a véritablement commencé en 1924 (Niyongabo, 2005). C’est à la période où la Société des Nations avait donné à la Belgique de gérer le Rwanda-Burundi. Le pouvoir colonial a confié la gestion de l’enseignement à l’Église catholique. Il s’agissait essentiellement de la scolarisation au niveau du cycle primaire. Le cycle secondaire se développera à partir de 1948, tandis que l’enseignement supérieur prend racine avec la création de l’Université du Burundi en 1964, et celle de l’École Normale Supérieure et de l’École nationale d’administration en 1967, soit au lendemain de l’indépendance du pays. Dans les années 1972-1980, le Burundi applique la politique définie par l’UNESCO qui prévoit l’enseignement universel au primaire, et les taux de passage au secondaire et au supérieur sont de 30% et de 20% respectivement. Dans la même période, le Burundi préconise la rationalisation de l’enseignement à travers la communautarisation de l’enseignement primaire et la fusion des trois institutions universitaires en une Université publique. Le résultat en termes de taux de scolarisation au niveau primaire est médiocre : 29,3%.

A partir de 1987, une série de réformes est lancée dans le secteur de l’éducation pour une autre décennie. Les principales mesures politiques mises en chantier sont les suivantes : (i) scolarisation universelle à partir de l’âge de 7 ans avec la double vacation comme mesure d’accompagnement ; (ii) production de la carte scolaire pour orienter l’implication des écoles et réduire les disparités régionales ; (iii) production du livre scolaire et formation intensive des enseignants de l’école primaire du niveau D6 ; (iv) généralisation de l’externat et promotion des collèges communaux ; (v) introduction du prêt-bourse aux étudiants universitaires et promotion des universités privées.

A la fin de cette période et dans le prolongement du Forum de Dakar qui a promu les objectifs d’éducation universelle, le Ministère de l’Éducation a adopté une politique sectorielle plus ou moins stable et orientée vers les objectifs suivants : (i) développement de l’enseignement préscolaire ; (ii) éradication de l’analphabétisme ; (iii) généralisation de l’enseignement pour tous ; (iv) égalité des chances ; (v) adéquation formation-emploi ; (vi) amélioration de la qualité de l’enseignement ; (vii) décentralisation de la gestion de l’éducation. Il s’agit là d’une politique bien pensée et conforme aux objectifs du millénaire mais qui connaîtra des difficultés d’application par la suite à cause du manque de financement adéquat mais également faute de planification et d’efficience. Selon les statistiques établies par l’UNESCO, à partir de 1999, seulement 2% des enfants se sont inscrits dans le pré-primaire. Au primaire, 58% des filles et 63% des garçons se sont fait inscrire en 2005. Parmi ceux-là, seulement 36% terminent le cycle entier du primaire. Au secondaire, le taux brut de scolarité est de 13% en 2005 tandis que qu’au supérieur, il n’est que de 2%. Un budget de 17% est destiné à l’enseignement et il est réparti comme suit : 52% du budget pour le primaire, 33% pour le secondaire et 15% pour le supérieur (Unesco, non daté).

Orientations générales de l’enseignement supérieur au Burundi

Au Burundi, l’enseignement supérieur s’est développé à une allure accélérée depuis les années 1990. Cette croissance est due à la hausse de la demande émanant du nombre élevé des diplômés de l’enseignement secondaire public et communal. L’Université du Burundi, qui souffrait d’un manque de ressources et d’une instabilité endémique, ne pouvant pas faire face à la demande accrue, les universités privées ont ouvert leurs portes pour accueillir une jeunesse motivée, en quête d’une formation universitaire appropriée. Depuis les années 1990-2000, les effectifs sont passés de 350 en 2000 à 7 002 en 2006. Au cours de son évolution, l’enseignement supérieur au Burundi a changé plusieurs fois de structures et même de tutelle ; l’École Normale Supérieure et l’Université du Burundi ont connu de nombreux gestionnaires. Cette instabilité a eu comme conséquence un manque de cohérence et de continuité dans la mise en œuvre des décisions et politiques adoptées. Les départements ministériels chargés de piloter l’enseignement supérieur n’opèrent pas de façon efficace, ayant des cahiers de charge qui sont largement au-dessus de leurs moyens humains et matériels.

Pour ce qui est de l’offre de la formation, l’enseignement supérieur burundais compte une douzaine d’établissements supérieurs privés et cinq publics (Université du Burundi (UB), École Normale Supérieure (ENS), Institut Supérieur des Cadres Militaires (ISCAM), Institut National de Santé Publique (INSP) et l’École Nationale de Police (ENAPO)). Au niveau des filières de formation, on relève un déséquilibre caractérisé par la concentration des formations en Droit et des Sciences Économiques/Gestion aux dépens d’autres disciplines, surtout les filières scientifiques et technologiques qui par ailleurs sont coûteuses et manquent d’enseignants sur place. Des redondances sont observées à l’intérieur de l’Université du Burundi et entre cette dernière et les autres établissements publics et privés, par exemple, entre l’ENS et l’Institut de Pédagogie Appliquée (IPA), entre l’Institut Supérieur d’Agriculture (ISA) et la Faculté des Sciences Agronomiques (FACAGRO). Quant à la demande de la formation, elle est entrain d’exploser. Les données disponibles indiquent que les effectifs de l’enseignement supérieur sont passés de 5 300 en 2000 à 18 802 en 2005. Cet accroissement est observé surtout dans les universités et instituts privés car ils accueillent des candidats non détenteurs du diplôme d’État homologué et cela, risque de compromettre la validation officielle de leurs diplômes. En ce qui concerne le genre, les filles représentent 26% des effectifs à l’UB et plus de 50% dans les universités privées, la moyenne nationale au supérieur étant de 31%. Les programmes ne sont pas actualisés et restent essentiellement théoriques. Cette situation découle en somme du fait qu’il n’y a pas de profil de sortie bien défini.

En ce qui concerne les méthodes d’enseignement, elles sont magistrales en général, ce qui se reflète dans les évaluations qui ne portent que sur la rétention de la matière et ne font pas appel à l’analyse critique et au raisonnement. Il manque en outre une évaluation institutionnelle pour se rendre compte de la qualité des prestations. Le niveau de la recherche est très faible, en grande partie par manque de motivation et de ressources appropriées. Les ressources humaines à l’UB se caractérisent par des carences et déséquilibres notoires. Le nombre de Professeurs titulaires est en baisse par rapport à la situation qui prévalait avant la crise burundaise à cause du phénomène de la fuite des cerveaux. Quant aux ressources financières, l’enseignement supérieur burundais est parmi les plus onéreux en Afrique, le coût par étudiant étant 7,18 fois par le PIB par tête. Les dépenses sont déséquilibrées dans le sens que le gros des salaires bénéficie aux personnels non-enseignants.

La formation des enseignants de l’enseignement secondaire, général et technique

Formation initiale

L’École Normale Supérieure (1965-1973) fut la première institution du pays chargée de la formation des enseignants du Secondaire général. En 1973, l’École devient un Institut universitaire des sciences de l’éducation offrant une licence en quatre ans, avant d’être intégrée à l’Université du Burundi en 1977. La création au sein de l’Université du Burundi de l’Institut Pédagogique (IP) en 1979, avec un cycle d’études d’une durée de deux ans et de l’Institut de Pédagogie appliquée en 1993, va constituer un cadre formel pour la formation initiale des enseignants des deux cycles du Secondaire général. L’IPA offre une formation de deux cycles, de trois ans et de deux ans. Pour le premier cycle, un Diplôme de Professeur du cycle inférieur des humanités en français, Anglais-Kirundi, Mathématique, Biologie-Chimie et Physique-Technologie est délivré. Pour le second cycle, les candidats sont proclamés Licencié en Pédagogie Appliquée, agrégé de l’enseignement secondaire en Français, Anglais, Mathématique, Biologie, Chimie, Physique, Kirundi et Technologie. Les autres structures impliquées dans la formation des enseignants, au sein de l’Université du Burundi, sont la Faculté de Psychologie et des sciences de l’éducation, l’Institut d’Éducation physique et des Sports, la Faculté des Sciences et la Faculté des lettres et Sciences humaines qui délivrent une licence au bout de quatre ans.

L’École normale supérieure fut recréée en 1999. Elle offre une formation initiale de trois ans. Sa mission est de former les enseignants de deux cycles du Secondaire, général et technique. Elle doit par ailleurs assurer le perfectionnement des enseignants en exercice au Secondaire. Pour la première fois, l’ENS offre une formation des enseignants de l’enseignement technique dans trois filières : Génie civil et métiers connexes, Génie électrique et métiers connexes et Génie mécanique et métiers connexes. Un regard général sur les intitulés des programmes des différentes filières s’occupant de la formation des enseignants indique ce qui suit. Dans les Facultés des Lettres et Sciences Humaines, le poids de la formation disciplinaire est écrasant. A l’ENS et à l’IPA, on observe un équilibre satisfaisant entre la formation disciplinaire et la formation pédagogique. Partout les contenus devraient être réactualisés. Par ailleurs, les profils de sortie et les compétences à acquérir devraient être clairement définis. Malgré ces efforts, on remarque qu’il y a absence d’une politique explicite en matière de formation des enseignants de l’enseignement secondaire et technique.

Alors que les effectifs de l’enseignement général et technique, public et communal, augmentent à un rythme accéléré, il n’existe pas, pour faire face à l’afflux, de stratégie en termes d’enseignants qualifiés à mettre à disposition. Les représentations sur les capacités et compétences des enseignants du Secondaire se présentent comme suit. Les Licenciés de l’Université sont brillants en termes de connaissances scientifiques, mais peu efficaces sur le plan didactique et pédagogique, excepté ceux de l’Institut d’Éducation Physique et des Sports, mais qui sont rares sur le terrain ; les diplômés de l’IP et de l’IPA sont en général très bons et, les diplômés de l’ENS montrent des lacunes au niveau des connaissances scientifiques, de la compétence pédagogique et de la communication. En ce qui concerne le ratio élèves/enseignants, la situation est convenable : il est de 33 élèves par enseignant en 2005-2006. Le problème se trouve dans la répartition des enseignants sur le territoire national. Ainsi, il y a des disparités entre zones rurales et urbaines. Par ailleurs, il y a un déficit énorme de professeurs qualifiés en Mathématiques, Physique et Chimie.

Formation continue

Dans l’ensemble, on observe un manque de politique et de programmation en matière de formation continue des enseignants. Les fonds alloués à cette activité sont presque inexistants. Les formations aujourd’hui sont sporadiques alors que dans le temps, les coopérations belge et française avaient permis d’organiser des formations en faveur de centaines d’enseignants. Pour l’Enseignement supérieur, il faudrait institutionnaliser la formation continue des enseignements en termes de stages, colloques et séminaire de pédagogie universitaire.

Situation nationale du secteur de l’enseignement des métiers et de la formation professionnelle

Le secteur de l’enseignement des métiers et de la formation professionnelle axe ses actions sur la formation et la réinsertion socio-économique des jeunes afin de promouvoir leur auto- emploi. Pour concrétiser cela, le Gouvernement de transition avait mis sur pied un Ministère ayant en charge l’enseignement des métiers et la formation professionnelle par le décret n°100/031 du 30 novembre 2001.

Structure d’enseignement des métiers et de la formation professionnelle

Le système d’enseignement des métiers ayant été conçu pour servir à la fois d’alternative et de complément au système d’éducation formelle dont il se distingue par son organisation et ses objectifs, il existe plusieurs structures de formation professionnelle tant publiques que privées, organisant une formation essentiellement pratique au profit des jeunes déscolarisés et non scolarisés. Dans le cadre de l’enseignement des métiers, la formation est dispensée par les centres d’enseignement des métiers. Partant, sur 169 centres d’enseignement des métiers publics que comptent notre pays, 98 sont fonctionnels et les autres ont interrompus leurs activités pour diverses raisons : le manque de matériel didactique suite à un budget insuffisant alloué par l’État, manque de personnel qualifié et de l’insécurité. La majorité des filières enseignées concernent la couture, la maçonnerie, la menuiserie, la mécanique-auto, l’agro-sylvo-pastoral, l’art culinaire, la maroquinerie pour ne citer que ceux-là. Chacune de ces filières comporte des cours théoriques et pratiques comme le Kirundi, le Français, les Mathématiques, le civisme, la Puériculture, l’Hygiène, l’Environnement, l’Organisation de petites entreprises et l’Étude du milieu. En plus de ces cours théoriques communs, chaque section a ses cours pratiques appropriés à son domaine. A titre indicatif, le réseau des centres de formations et de perfectionnement professionnels a trois volets, à savoir, la formation initiale, la formation des formateurs et le perfectionnement en cours d’emploi.

Ces trois volets sont développés dans le cadre des huit filières professionnelles qui sont actuellement opérationnelles au centre : bâtiment-plomberie, construction métallique, mécanique automobile (essence et diesel), menuiserie, électrotechnique, informatique, couture et mécanique générale. Ainsi, l’adéquation formation-emploi nécessite non pas une formation classique mais celle reflétant les besoins réels du milieu du jeune à former. Les jeunes qui, naguère, s’adonnaient à l’exode rural après leur échec dans l’enseignement formel sont désormais réorientés et formés aux différents métiers leur permettant de s’insérer socio-professionnellement en milieu rural.

La production des centres d’enseignement des métiers

Articulés autour des centres d’enseignement des métiers, les centres de formation et de perfectionnement professionnel, les centres de formation professionnelle et les centres de formation artisanale, les structures de formation professionnelle jouent un rôle à la fois le rôle de centre de formation mais aussi de production. A titre indicatif, les ateliers de couture produisent des biens et services issus de la confection des tissus, de la broderie ainsi que d’autres services faisant appel aux techniques de couture. Tandis que la menuiserie s’occupe de former les apprenants et de produire des mobiliers de bureau ainsi que d’autres matériels domestiques. Au cours de l’exercice 2004, la production en biens et services dans les structures de la formation et de production a été évaluée à 14. 951. 000 FBU (MENC, 2005). Cette production est injectée dans les circuits de la vie sociale et profite à la fois aux apprenants et à la population environnante en mettant au marché des produits de qualité moyenne avec un prix presque subventionnés parce que la matière première est souvent celle utilisée pour la formation. Cependant, dans le but d’avoir une nette lisibilité sur l’impact réel du secteur sur le bien-être de la collectivité, il s’avère nécessaire d’organiser un suivi des lauréats du secteur lors de leur insertion socioprofessionnelle. Ce qui permettra de se rendre compte du revenu additionnel injecté au sein de la collectivité du fait de la formation acquise par les lauréats et leur concours à la lutte contre la pauvreté.

Conclusion

L’éducation technique, la formation professionnelle et la promotion sociale au Burundi se cherchent encore. Des mesures tant au supérieur qu’au primaire et au secondaire sont à envisager pour un développement intégral et durable.

Référence bibliographique

Ministère de l’éducation nationale et de la culture (Direction générale de l’enseignement des métiers, Département de l’enseignement des métiers), Situation nationale du secteur de l’enseignement des métiers et de la formation professionnelle, mars 2005.

Mivuba A., Étude rétrospective sur l’éducation au Burundi, mars 2005 ;

Niyongabo J., pour le compte du Forum pour le Renforcement de la Société Civile au Burundi, Étude sur la problématique de l’éducation au Burundi, mars 2005 ;

UNESCO, (non daté). http ://stats.uis.unesco.org/unesco

Résumé

Le Burundi, petit pays fortement peuplé, principalement agricole et peu développé sur le plan industriel, connaît un état de pauvreté endémique aggravé par un conflit de plus de dix ans. Le plan national du gouvernement burundais vise la scolarisation universelle d’ici 2015, notamment technique et professionnelle. Il s’agit prioritairement de renforcer les sections techniques du Département des Sciences Appliquées de l’École Normale Supérieure de Bujumbura et du Département de Physique-Technologie de l’Institut de Pédagogie Appliquée à l’Université du Burundi. Mais aussi un Bureau d’Étude de l’Enseignement Technique au niveau des filières technologiques accompagnera les capacités de gestion et de formation pour l’enseignement des métiers. Partout, les contraintes se rencontrent aux niveaux pédagogique et financier. Sur le plan pédagogique, la formation se heurte aux pénuries d’infrastructures, d’équipements, et de ressources humaines suffisamment qualifiées. Sur le plan financier, la part des ressources budgétaires et extrabudgétaires allouée au secteur est très faible par rapport à celle affectée aux autres secteurs.

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