Problématique de la mise en œuvre de l’approche par compétences dans l’enseignement technique et professionnel au Burundi Damien Bahenda damienbahenda@gmail.com Rénovate Irambona renirambona@yahoo.com Venant Nyandwi vetydwi@yahoo.fr

Problématique de la mise en œuvre de l’approche par compétences dans l’enseignement technique et professionnel au Burundi

Problématique de la mise en œuvre de l’approche par compétences dans l’enseignement technique et professionnel au Burundi

Résumé

Les programmes de l’enseignement technique et professionnel actuellement en application au Burundi datent de l’année 2008. Ces programmes accusent quelques manquements techniques et  pédagogiques.

Premièrement, les enseignants doivent prester d’une façon théorique et les travaux pratiques sont parfois négligés voire impossibles à réaliser. Deuxièmement, l’élaboration de ces programmes de 2008 a été faite de façon précipitée par des conseillers pédagogiques qui n’étaient pas eux-mêmes formés sur l’approche par compétences, alors que cette approche constituait le clou de cette révision des programmes. De ce fait, la plupart des contenus sont mal formulés car ne respectant pas les étapes de l’élaboration du scénario pédagogique. Troisièmement, les programmes souvent incomplets laissent la place à l’improvisation par les enseignants, ce qui fait qu’il n’y a pas d’harmonisation au niveau national. Quatrièmement, à la suite de l’avancement technologique, les programmes devraient être révisés régulièrement, ce qui n’est pas le cas. Par conséquent, les compétences acquises à la sortie sont mal adaptées au monde de l’emploi. Cinquièmement, la majorité des enseignants des écoles secondaires techniques et professionnelles n’ont pas de formation initiale pédagogique dans leur cursus de formation. Ce sont des techniciens supérieurs et ingénieurs sans agrégation pédagogique.

Ces lacunes montrent que l’enseignement technique et professionnel au Burundi nécessite d’être révisé et réadapté.

Mots clés

Approche par compétences, enseignement technique et professionnel, révision de programmes

Contexte

Les programmes de l’enseignement technique et professionnel actuellement en application au Burundi dans les écoles datent de l’année 2008. Il s’agit d’une révision-adaptation des programmes issus du colloque de 1989 (BEPES, 1989). Ces programmes de formation avaient pour objectif de réformer les méthodes d’enseignement, les charges horaires, les cours généraux, la durée et l’organisation des stages, les profils et le niveau de sortie. Un autre impératif était de contenir les compétences transversales telles que les droits de l’homme, la préservation de l’environnement, le VIH/SIDA, l’éducation à la citoyenneté, etc.

Avec l’appui de la coopération technique belge à travers le projet AESTP (Appui à l’enseignement secondaire technique et professionnel), 30 programmes de 4 filières (génie civil, agro-sylvo-zootechnique, technologique et industrielle, tertiaire) ont été élaborés.

Ces programmes en application dans toutes les écoles publiques et privées du Burundi à partir de 2008 accusent quelques manquements techniques et pédagogiques et nécessitent d’être réorientés, reformulés et élaborés en fonction des exigences pédagogiques du moment.

La décision du Burundi de la mise en application de l’approche par compétences comme approche pédagogique privilégiée dans l’enseignement technique a connu beaucoup de tâtonnements de la part de l’autorité, sous prétexte que le gouvernement ne disposait pas d’assez de moyens pour l’achat du matériel didactique et technique. Ce tâtonnement dans l’enseignement technique quant à l’application de l’approche par compétences, a jusqu’aujourd’hui mis l’enseignant dans une situation inconfortable dans la conduite des leçons, l’organisation des travaux pratiques, l’exploitation du matériel didactique et la gestion des laboratoires d’analyse et de recherche. Les formateurs doivent prester d’une façon théorique et malheureusement les travaux pratiques sont parfois négligés ou impossibles à réaliser.

Dans les lignes qui suivent, nous développons de façon non exhaustive les différentes lacunes qui minent le secteur éducation-formation technique et professionnel (EFTP) au Burundi.

Quelques lacunes de l’enseignement technique et professionnel au Burundi

Approche théorique et non pratique

Seulement vingt écoles secondaires techniques publiques sur 60 remplissent les conditions d’équipement. Pour ces 20 écoles, les ateliers sont disponibles, équipés et appuyés techniquement et pédagogiquement par la coopération technique belge (matériels de laboratoires, ordinateurs, consommables, bibliothèque, manuels et livres…).

Pour le reste, on remarque la prédominance de la théorie non appuyée par des travaux pratiques alors que ces derniers sont l’essence même de ce secteur d’enseignement. Malheureusement et par manque de moyens financiers les autres écoles ne donnent pas des enseignements techniques adaptés à cause de l’absence de matériel didactique adéquat. Les contenus des programmes de formation n’indiquent pas les aspects techniques des disciplines enseignées car les guides méthodologiques et d’organisation des travaux pratiques dans certains cours font défaut.

Conception fantaisiste des programmes

L’élaboration des programmes de 2008 a été faite de façon précipitée par des concepteurs des programmes qui n’étaient pas eux-mêmes formés sur l’élaboration des outils didactiques. Ainsi, les programmes de l’enseignement secondaire et technique sont mal conçus car ne respectant pas schématiquement et au niveau des contenus les mêmes étapes et le même scénario de l’approche par compétence.

Il n’y a pas de lien logique entre les composantes des programmes au niveau de la forme et du fond. Ces programmes s’articulent seulement sur les contenus, les pré-requis peu détaillés, une certaine confusion entre les savoirs et les savoir- faire. Les conseils pédagogiques et les indicateurs de performance ne sont pas différenciés.

Normalement, l’enseignement technique et professionnel s’appuyant sur l’approche par compétence devrait suivre la démarche suivante :

  1. L’élaboration d’un référentiel métier
  2. L’élaboration d’un référentiel compétences
  3. L’élaboration d’un référentiel formation
  4. L’élaboration d’un référentiel évaluation
  5. Les guides méthodologiques et des travaux pratiques
  6. Les syllabus par discipline

Avec la réforme de l’enseignement qui est en cours depuis 2010, qui met en place l’enseignement fondamental dans le système éducatif burundais, le ministère  prévoit quelques réaménagements. La conception et l’élaboration de l’architecture de l’enseignement technique post-fondamental devra tenir compte de ces manquements cités ci-dessus. La formation continue des conseillers pédagogiques et des enseignants à l’approche par compétences dans le nouveau système et le renforcement des capacités pédagogiques sont prioritaires et incontournables.

Programmes incomplets laissant la place à l’improvisation

Ces programmes n’ont pas suivi la démarche référentielle pour dire qu’on ne sent pas d’articulation entre les quatre référentiels à savoir les référentiels métier, compétences, formation et évaluation. Aussi, les programmes non accompagnés par des guides méthodologiques, des guides pédagogiques et des guides des travaux pratiques laissent la place à l’improvisation, aux tâtonnements et à l’absence d’harmonisation des enseignements au niveau national dans l’enseignement technique et professionnel.

Inadéquation formation-emploi

Compte tenu de l’évolution technique et technologique, les programmes devraient être révisés régulièrement (OIF, 2009). Les compétences acquises à la sortie ne sont pas adaptées au monde de l’emploi. Les stages pratiques et professionnels dans les entreprises ne sont pas organisés et encadrés conformément aux exigences du partenariat public et privé. Les profils de sortie devraient être repensés et réorganisés pour répondre aux exigences de l’adéquation formation-emploi. Le profil de sortie devrait être repensé pour réaliser une adéquation formation-emploi compte tenu des spécificités nationales et sous- régionales.

Enseignants sans formation initiale pédagogique

Pour tout le système éducatif burundais, il n’existe pas d’école de formation technique initiale destinée aux enseignants de l’enseignement technique et professionnel. Seulement, l’université du Burundi organise des sections de l’enseignement technique pour que les diplômés de l’École normale supérieure (ENS) puissent enseigner dans les écoles et centres d’enseignement technique et professionnel.

Notons que la majorité des enseignants des écoles secondaires techniques et professionnelles n’ont pas de formation initiale pédagogique dans leur cursus de formation initiale et universitaire car ce sont des techniciens supérieurs et ingénieurs, sans agrégation pédagogique.

Dispositif mis en place pour pallier ces lacunes

Nous pensons qu’avec les nouvelles missions du secteur de l’EFTP (éducation- formation technique et professionnelle) à travers la DDCTP (direction de développement des compétences techniques et professionnelles) ancien BEET (bureau d’études de l’enseignement technique), les difficultés propres à l’organisation et la gestion pédagogique du secteur de l’enseignement technique et professionnel seront levées. En effet, la réforme en cours (réforme de 2010) vient corriger les lacunes dudit afin de répondre aux exigences du moment en essayant de mettre l’apprenant au centre des enseignements-apprentissages. Dans ce cadre, les missions dévolues aux concepteurs des programmes de la

DDCTP sont les suivantes :

  • Concevoir, élaborer, expérimenter, généraliser et évaluer les programmes de formation de l’enseignement secondaire
  • Entreprendre toutes les recherches et initiatives susceptibles d’améliorer constamment la qualité de l’enseignement
  • Élaborer des modules de formation continue des enseignants au niveau des CEM (Centre d’enseignement des métiers), des CFP (Centre de formation professionnelle) et des écoles
  • Mener des études et recherches en termes de besoins locaux de formation technique et professionnelles par rapport au marché de l’emploi et de la consommation en collaboration avec les autres structures économiques publiques et privées.
  • Suivre l’évolution de la technologie et de la recherche au niveau national pour les métiers existants et les nouveaux métiers jugés nécessaires pour tout le
  • Déterminer le cadre de développement et de reconnaissance des compétences techniques et professionnelles maîtrisées.
  • Organiser en collaboration avec le monde du travail des évaluations qualifiantes et
  • Servir de relais pour l’importation ou le transfert des technologies nouvelles au profit de la vie socio-économique et professionnelle du

Avec ce dispositif, l’objectif visé est de relever les défis de l’EFTP une fois que la réforme sera enclenchée et que la DDCTP sera fonctionnelle.

Conclusion et recommandations

Le dispositif mis en place avec la réforme 2010 devra tenir compte des problèmes majeurs concernant la gestion pédagogique du système éducatif, c’est-à-dire les entorses liées aux manquements ci-après.

 

  • Insuffisance du personnel et des supports pédagogiques en qualité et en quantité.
  • Faible développement de l’enseignement technique et professionnel alors que la demande et l’engouement de formation sont très élevés.
  • La problématique de l’enseignement privé : certains promoteurs ne respectent pas la loi en matière d’équipement, de qualité, d’ouverture et faute de moyens, la plupart des enseignants du secteur privé sont des vacataires œuvrant dans les écoles publiques, ce qui entraîne un mauvais et faible rendement ; surtout que le matériel didactique est insuffisant, l’inscription et le recrutement des élèves sont anarchiques avec une incidence pédagogique néfaste sur la mise en application de l’approche par compétence.

Nous pensons donc qu’avec la volonté manifeste des autorités du ministère, la disponibilité et la détermination des services techniques, la conception et l’élaboration des programmes tiendront compte de l’approche par compétence.

Les programmes de l’EFTP devront préciser les différentes activités, le degré d’autonomie de l’apprenant dans la réalisation du travail dirigé et du travail pratique. Ainsi, le gouvernement du Burundi aura évité d’hypothéquer les intérêts des générations futures par ce souci de mise en place d’une approche pédagogique harmonisée au niveau national et régional.

Bibliographie

Allaire, L.et Ratte, F. (2001). Renforcement des capacités pour l’analyse des réformes éducatives, pour l’Afrique subsaharienne francophone, document 1, 2 et 3. Bujumbura : centrale des syndicats du Québec (CSQ), syndicat des travailleurs de l’enseignement du Burundi (STEB).

BEET (2009). Programme des cours de la section génie mécanique. Bujumbura.

BEPES. (1989). Rapport du colloque national des programmes de l’enseignement secondaire.

Bujumbura.

OIF. (2009). Les guides méthodologiques d’appui à la mise en œuvre de l’approche par compétences en formation professionnelle : guides 1, 2, 3, 4, 5,6.

MEBSEMFPA (2011). Décret no 100/125 du 21 avril 2011, portant organisation du ministère de l’Enseignement de base et secondaire, de l’enseignement des métiers, de la formation professionnelle et de l’alphabétisation. Bujumbura.

 

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