Abstract
This study is part of work done at a European project (UPDATE).It is based on the analysis of curricula from Austria, Estonia, Finland, France, Germany, Romania, Slovakia, Scotland, Spain. Each country has proposed an initial description based on a predefined presentation guide. We collected these data with a questionnaire. This will build on the data from this survey whose results showed significant contrasts at European level regarding the fairness technology programs appear to be reserved for girls and boys.
Keywords: gender, technology education, curriculum.
Introduction
La sous-représentation des filles dans les filières et les métiers scientifiques et technologiques est un phénomène répandu et dénoncé depuis longtemps. De nombreuses initiatives et mesures ont successivement été opérées pour tenter d’y remédier. Citons notamment au plan international : le programme phare des Nations Unies en faveur de l’éducation des filles (UNGEI), le programme FEMSA de l’UNESCO et le réseau INWES (International Network of Women Engineers and Scientits). Au niveau européen mentionnons les projets« womeng » (pour « creating culture of success for women engineers » et le programme « prometea » (empowering women engineers in Industrial and Academic Research) dans le cadre du 5° et 6° FP (Framework Programme). En France, plusieurs conventions ont été mises en place dans le but de favoriser l’égalité des genres dans le système éducatif. La première, signée en décembre 1984 entre le ministère des droits de la femme et le ministère de l’éducation nationale, proposait des mesures relatives à l’orientation, à la création de trois postes d’étude pluridisciplinaires féministes, et à l’intégration dans la formation initiale des professeurs d’un enseignement sur l’analyse des préjugés liés au sexe (lequel apparemment n’a toutefois jamais été réellement mis en œuvre). La loi d’orientation sur l’éducation de juillet 1989 réaffirme le rôle de l’école dans la promotion de l’égalité des femmes et des hommes. La convention du 25 février 2000 signée entre sept ministères répond aux mêmes objectifs en proposant des actions en matière d’orientation, d’élargissement des choix professionnels, de formation des acteurs, et de création d’outils de promotion de l’égalité. Enfin, cette convention pour l’égalité entre les (1 Aix-Marseille Université, ENS Lyon, IFé ; EA 4671 ADEF ; Gestepro ; Marseille (France)) filles et les garçons dans le système éducatif a été renouvelée en 2006 (BO n°5 du 1er février 2007). Il existe par ailleurs des prix chargés d’encourager les filles à s’orienter vers les enseignements scientifiques et techniques comme par exemple, le prix « Irène Joliot- Curie » crée en 2001 et le prix de la « vocation scientifique et technique des filles » qui existe depuis 1991. Malgré toutes ces mesures, les tentatives de remédiation sont restées largement inefficaces du fait sans doute de la pluri détermination du phénomène et notamment de son ancrage tant socioculturel que psychologique. Il est aussi plus que vraisemblable que l’école contribue, elle aussi, à sa manière, et de maintes façons plus ou moins sournoises, à renforcer ce problème (Murphy, 2006, 2007).
Les recommandations susceptibles d’être tirées à partir des multiples constats de la recherche en éducation (Baudelot & Establet, 1993 ; Duru-Bellat, 2004 ; Mosconi, 2004 ; Stepulevage, 2001) sont restées elles-mêmes largement inefficaces, sans doute du fait de leur haut degré de généralité si ce n’est du fait de l’absence de convergence des résultats de ces travaux, voire de leurs limites au plan méthodologique. Il y a plus de vingt ans déjà, dans un article de synthèse sur la littérature anglo-saxonne consacrée à ce sujet, Terlon (1985) mettait ainsi l’accent sur la surestimation des différences entre filles et garçons mises à jour par les recherches en psychologie du fait de différents biais : hypothèses privilégiant les intérêts masculins au détriment de la prise en compte des stéréotypes liés aux rôles de chaque sexe, utilisation de tests et de situations adaptés aux garçons ; négligence des effets d’attentes des expérimentateurs, interprétation des résultats en faveur de l’idéologie dominante, etc. La différenciation liée au genre est en outre apparue d’autant plus complexe que ces études ont contribué à la relier à une multitude de facteurs : maturation différentielle selon le sexe des habilités sensori-motrices et langagières, des aptitudes en mathématique, des capacités visuelles spatiales, des styles cognitifs, et aussi des dispositions affectives (estime de soi, niveau d’aspiration, etc.). Du côté des recherches sur la socialisation différentielle des sexes nombre de facteurs susceptibles d’être influents ont également fait l’objet d’investigations tels que notamment : l’influence parentale et les expériences extrascolaires mais aussi le caractère sexiste des manuels scolaires et les attitudes différenciées des enseignants qui consacrent plus de temps et d’attention aux garçons dont la réussite scolaire constitue idéologiquement un enjeu jugé plus important que celle des filles.
Peu de travaux contribuent à éclairer finement la façon dont, au sein de chaque discipline, les processus d’enseignement apprentissage créent ou renforcent concrètement des mécanismes ségrégatifs en faveur de l’un ou l’autre genre (Chatoney & Andreucci, 2009 ; Chevet, 2006 ; Ginestié, 2005 ; Roustan et al, 2002). De nombreuses questions sont pourtant en suspens. S’agit-il, par exemple, des mêmes processus (mais inversés) qui sont à l’œuvre dans l’enseignement des langues vivantes et dans l’enseignement de la technologie bien qu’il s’agisse d’un côté d’une discipline de prédilection pour les filles et de l’autre pour les garçons ? Plus concrètement encore, de la même façon qu’en technologie il arrive que le professeur invite les filles à se faire aider par les garçons, observe-t-on que les garçons sont au contraire encouragés à recourir à l’assistance des filles en classe de langue ? Nous disposons de fait de peu de données relevant des relations : genre-contenus à enseigner, genre-type d’activités, genre-forme d’études, genre-gestes de l’enseignant, genre-configuration scolaire, etc. Quoi qu’il en soit de l’analyse des pratiques réelles au sein des classes, on ne sait déjà pas grand-chose du contenu de ce qui est effectivement enseigné aux différents niveaux.
Cette contribution tente plus particulièrement de faire la synthèse des apports fournis dans le cadre du projet européen UPDATE (Understanding and Providing a Developmental Approach to Technology Education) sur la question du rapport entre genre-curriculum. Ce projet – conduit entre 2006 et 2009 – a impliqué dix partenaires européens (Allemagne, Autriche, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Roumanie, Slovaquie,) dans une étude des facteurs qui conduisent les filles à abandonner l’éducation technologique à différent niveaux du parcours scolaire et des pistes qui permettraient de rendre la technologie plus attractive pour les filles afin qu’elles se détournent moins de métiers majoritairement réservés aux hommes.
Méthode
Ce travail porte principalement sur une description de l’organisation et des contenus de l’éducation technologique (ET) prescrits aux différents niveaux dans les différents pays partenaires. Plus spécifiquement encore il repose sur l’analyse des curriculums d’Autriche, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Roumanie, Slovaquie, Écosse, Espagne2.
Chaque pays a proposé une première description selon un guide de présentation prédéfini ce qui a donné lieu à différents compte rendus intermédiaires mis en ligne sur la plateforme de UPDATE3. L’analyse des curriculums a également fait l’objet du séminaire commun (http://www.aix-mrs.iufm.fr/) qui a réuni les différents partenaires à mi-parcours du projet (IUFM Aix en Provence, 2008). La synthèse des différents rapports étaye une partie des faits exposés ci-dessous. Toutefois l’hétérogénéité des différents contextes a limité la possibilité de s’en tenir à une description rigoureusement commune. De fait, il nous a donc semblé nécessaire de réunir d’autres données pour affiner les descriptions disponibles. Un questionnaire a été élaboré à cette fin pour recueillir un certain nombre de données complémentaires pour dresser un panorama de l’état de l’éducation technologique en Europe. Ce sont les résultats de cette enquête complémentaire qui sont présentés ci- dessous.
L’enquête comporte trois grandes rubriques. La première permet de renseigner plus finement ce qui se passe aux différentes tranches d’âges, notamment en ce qui concerne les caractères optionnel et mixte. Les tranches d’âges concernent la scolarité obligatoire qui dans tous les pays commence à 6-7 ans. Nous n’avons pas retenu les actions éducatives situées en amont de la scolarité obligatoire (early year school en Finlande ou l’école maternelle en France). Ceci se justifie d’autant plus qu’à ce niveau quand éducation technologique il y a, les acquisitions visées concernent essentiellement le domaine sensori- moteur et la socialisation. La seconde rubrique, permet de renseigner les références, les secteurs, d’activités et les modes de production sous-jacents. Une troisième rubrique, approfondit la question en tentant de spécifier les domaines d’étude ainsi que les supports d’étude privilégiés.
Résultats de l’enquête
Le caractère obligatoire ou non de l’éducation technologique
Dans la majorité des pays concernés (Estonie, Finlande, Roumanie, Ecosse, Espagne) l’enseignement de la technologie est optionnel au niveau du préélémentaire. À ce niveau, cela ne veut pas dire que les élèves ont ou non le choix de réaliser des activités dans le domaine. Cela signifie que ce sont les professeurs qui en décident. Vraisemblablement, ceci est dû au fait que les curriculums ne comportent pas d’indications précises qui contraindraient les enseignants à organiser des activités technologiques pour les 6-7 ans.
3 http://update.jyu.fi2 Un seul des partenaires du projet UPDATE, l’Italie, n’a pas fourni les données nécessaires à cette analyse.
Tableau 1 : est-ce que la Technologie est une matière obligatoire ou optionnelle ?
Les seuls pays où le curriculum serait prescriptif à ce niveau sont l’Autriche, l’Allemagne et la France. Ainsi, en France, les programmes pour le niveau 6-7 ans indiquent au sujet de la découverte du monde que « Le maître aidera les élèves à appréhender le milieu dans lequel ils vivent et les matériaux disponibles autour d’eux, à développer leur goût de l’invention, leur sens de l’innovation. Il les amènera progressivement à élaborer de petits projets techniques » (MEN, 2002). Au sujet de l’approche des objets et des matériaux il est explicitement fait référence à :
- Utilisation d’objets techniques usuels (jouets, objets ou appareils appartenant à l’environnement de l’enfant à la maison ou à l’école).
- Démontage et remontage d’objets techniques simples; fabrications diverses et réalisations technologiques élémentaires à caractère utilitaire ou ludique; maniement d’outils et d’ustensiles appropriés ; propriétés de quelques matériaux
- Utilisation d’appareils alimentés par des piles (lampe de poche, jouets, magnétophone…) (MEN, 2002).
Notons que la question des apprentissages à installer reste par contre non élucidée. Soulignons aussi qu’eu égard précisément à l’exploration « spontanée » qu’ils font des objets de l’environnement, filles et garçons ne sont pas supposés être logés à la même enseigne. Ainsi, comme le soulignait Terlon (1985), « une autre différence est relative aux modes privilégiés par la petite fille pour accroître sa connaissance du monde, favorisant un mode basé sur la communication impliquant activement la réponse de l’entourage, plutôt que d’explorer comme les garçons le monde des objets de leur environnement… L’observation des enfants d’âge préscolaire montre que les garçons sont plus curieux de l’exploration des objets qui sont à leur portée et manipulent mieux que les filles l’espace à trois dimensions… ». De tels faits demanderaient certes à être reconfirmés. Dans ce cas en effet, pour que l’atteinte des objectifs prescrits par le curriculum et rappelés plus hauts soit rendue équitable, c’est alors dès le début de la scolarité qu’il conviendrait d’intervenir pour contrecarrer « le handicap » ou « l’inappétence naturelle des filles envers tout ce qui relève de la sphère technologique ». Sans doute conviendrait-il ainsi de les encourager spécifiquement et doublement à s’intéresser et à s’investir dans la discipline par le choix de supports attrayants pour elles, par le biais d’une attention soutenue, d’activités propres à les valoriser, de feed-back positifs, etc.
Au niveau de l’enseignement élémentaire, l’enseignement continue à être optionnel dans quatre pays : Estonie, Finlande, Slovaquie, Écosse. Ceci tend à indiquer que la technologie n’est pas considérée partout en Europe comme une discipline indispensable pour installer
des apprentissages fondamentaux entre 7 et 12 ans. On note même que dans certains pays comme l’Estonie, la technologie demeure optionnelle sur l’ensemble du cursus (6-18 ans), ce qui voudrait dire que certains élèves ne l’étudient jamais. Quoi qu’il en soit la tendance au niveau du secondaire rejoint ce qui se passe au niveau du préélémentaire : de façon majoritaire l’enseignement devient optionnel au-delà de 15 ans. Il n’a donc pas de statut d’enseignement majeur comme le sont les mathématiques et la littérature. Les pays dans lesquels la technologie demeure le plus développé sont la France où l’enseignement traverse l’ensemble du cursus scolaire jusqu’à 15 ans et surtout l’Autriche où la technologie concerne les élèves de 6 à 18 ans. De ces premières données ressortent donc déjà de forts contrastes d’un pays à l’autre.
Le caractère mixte ou non de l’éducation technologique
Le tableau 2 renseigne sur la mixité ou non de l’enseignement dans les neuf pays. Les données montrent que la mixité de l’enseignement de la technologie est de règle partout sauf en Estonie ou garçons et filles reçoivent un enseignement séparé.
Tableau 2 : Cours de technologie les garçons et les filles sont-ils ensembles ou séparés ?
Il convient à cet égard de rappeler qu’en France cette situation était aussi en vigueur dans le cadre de l’enseignement des « Travaux Manuels Éducatifs » (TME) qui a précédé l’introduction en 1977 de « l’enseignement manuel et technique ». À cette date il est aussi à noter que les ¾ des professeurs qui enseignaient les TME étaient des femmes, preuve s’il en fallait que le caractère nettement « genré4 » des activités proposées aux élèves semble aller de pair avec le genre des enseignants qui mettent ces activités en œuvre.
Ainsi l’introduction de l’EMT en France s’est accompagnée d’une modification importante de la composition du corps professoral marquée par une parité au début des années 1980 puis par une masculinisation progressive (Lebeaume, 2002 ; Rambour, 1982). L’enseignement de la technologie en France est donc aussi progressivement devenu l’affaire des hommes.
L’uniformité ou non des contenus enseignés selon le genre des élèves
Le tableau suivant, fait référence à l’uniformité ou non des contenus enseignés en fonction du genre. Les données confirment le résultat précédent : les contenus enseignés variant selon le genre en Estonie et en Espagne au niveau de l’école élémentaire.
4 En dépit de son caractère « rébarbatif » il s’agit d’un terme consacré dans la littérature sur le genre. Ce néologisme a l’avantage par rapport à l’adjectif sexué de faire référence au caractère culturel et social et non pas au caractère du déterminant biologique.
Tableau 3 : Les contenus sont-ils les mêmes ou non pour les garçons et pour les filles ?
Les références sous-jacentes aux curricula en vigueur
Le tableau qui suit, précise le type de référence (manuelle et ou industrielle) auquel l’enseignement de la technologie renvoie.
Tableau 4 : L’enseignement se base-t-il sur le métier sur le TE ou sur les deux ?
Les données font ressortir qu’au niveau préélémentaire, les activités scolaires de technologie ont principalement (dans la plupart des pays) pour référence le domaine du travail manuel. Par exemple en France, une des réalisations typiques consiste à fabriquer un petit pantin (cf. Les études de cas). Seuls l’Allemagne et l’Espagne se distinguent à cet égard en faisant référence dès le niveau préélémentaire aux deux domaines de production (industrielle et artisanale). Au niveau élémentaire, seuls deux pays (Finlande et Roumanie) font encore référence de manière exclusive au travail manuel. Au niveau du secondaire, seul subsiste en Finlande cette référence exclusive au travail manuel qui cède la place dans tous les autres pays au mode de production industrielle.
Les secteurs d’activités sous-jacents à l’enseignement dispensé en éducation technologique
Les items relatifs à cette question ont étés regroupés afin d’obtenir une vue d’ensemble de la représentativité de chaque secteur. Nous avons comptabilisé le nombre de fois où chacun d’entre eux était cité. Sachant que le score maximum pourrait être de 27 (secteur cité pour chaque niveau par chacun des neuf pays), on a classé les réponses par ordre décroissant du secteur le plus souvent impliqué au moins impliqué (Tableau 5).
Le classement fait ressortir que l’ET fait massivement référence de manière prioritaire à quatre secteurs : la mécanique, l’électronique, les Technologies de l’Information et de la Communication (ICT) et l’informatique. Notons qu’il n’y a qu’en Espagne que le secteur de la mécanique est totalement absent. Soulignons que l’électronique fait partout référence au moins au secondaire sauf en Slovaquie où ce secteur n’est pas représenté. On note que l’ICT fait également partout référence, au moins au secondaire, sauf en Écosse où il n’apparaît pas. Enfin on constate que l’ET ne fait pas du tout référence à l’informatique dans trois pays : Roumanie, Slovaquie, Écosse.
Tableau 5 : Score et classement des différents secteurs d’activité.
Score | Classement | ||
Mécanique | 18 | 1 | |
Électronique | 15 | 2 ex-aequo | |
ICT | 15 | ||
Informatique | 13 | 4 | |
Mécatronique | 10 | 5 ex-aequo | |
Textile | 10 | ||
Génie civil | 8 | 7 | |
Robotique | 7 | 8 | |
Biotechnologie | 4 |
|
|
Archi | 4 | ||
Agro-industrie | 4 | ||
Agronomie | 3 | 12 |
On constate donc que les secteurs qui font majoritairement référence sont éminemment masculins contrairement à d’autres secteurs qui sont réputés intéresser davantage les filles (Biotechnologie, agroalimentaire, architecture) et qui se retrouvent parmi les secteurs de second rang.
L’Écosse parait se singulariser en ceci qu’aucun des secteurs d’activité mentionné n’a été reconnu en tant que référence. Par contre la question ouverte « autres secteurs à préciser » a été renseignée sans doute parce que la référence n’est pas industrielle comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau 6 : l’ET fait-il appel à d’autres domaines de référence ?
Les deux tableaux qui suivent renseignent sur la façon dont les différents pays impliqués dans UPDATE inscrivent les activités dans un ou plusieurs types de mode de production. Il ressort que seuls deux pays (Cf. tableau 7), l’Estonie et l’Allemagne font exclusivement référence au mode de production industriel à tous les niveaux d’enseignement. L’Estonie, la Finlande et la Roumanie combinent les deux modes sur tous les niveaux alors que la France ne le fait qu’en ce qui concerne les 6- 7ans pour ne plus faire référence ensuite qu’à la production industrielle. Pour l’Écosse cette référence est aussi à l’œuvre mais seulement pour les 13-18 ans.Les types de mode de production sous-jacents aux activités consacrées à l’éducation technologique
Tableau 7 : s’agit-il seulement d’ingénierie ou d’ingénierie et de travail manuel ?
Comme le montre le tableau 8, la France et la Roumanie contrairement à tous les autres pays ne font pas du tout référence au travail domestique. La Slovaquie y fait référence aussi mais seulement en ce qui concerne les 6-7ans. Cela montre que la référence à ce genre d’activité reste relativement répandue en Europe, et qu’elle est aussi souvent étalée sur l’ensemble du cursus scolaire. En outre, on note que pour l’Espagne cela constitue la seule référence en vigueur.
Tableau 8 : est-ce un processus de travail domestique ?
Domaines d’étude impliqués dans les activités technologiques
Les précisions apportées par l’Autriche à la question ouverte renvoient sur les activités de planification et de conception. Ces indications laissent supposer que ce sont les tâches scolaires qui font sens ici dans ce genre de question. Il en est de même pour la Finlande qui fait référence à l’aspect ludique du travail confié aux élèves.
Comme nous l’avons fait pour les secteurs d’activité, nous avons ici regroupé sous un même tableau les réponses fournies pour chaque domaine d’étude et comme précédemment le score maximal serait de 27 pour une réponse unanime.
Le classement fait ressortir que l’ET fait massivement référence de manière prioritaire au domaine des transports. La robotique, la cuisine, le design intérieur et la domotique constituent les domaines d’étude qui sont ensuite les plus représentatifs. Les autres semblent être nettement plus marginaux.
Tableau 9 : score et classement des différents domaines d’étude
Score | Classement | |
Transport | 15 | 1 |
Robotique | 9 | 2 |
Cuisine | 7 | |
Design intérieur | 7 | 3 ex aequo |
Domotique | 7 | |
habillage | 5 | 6 |
jardinage | 4 | 7 |
Décoration | 3 | 8 |
Cosmétique | 1 | 9 |
On peut voir que les deux domaines qui arrivent en tête sont des secteurs qui sont réputés intéresser davantage les garçons. Ceux qui sont censés intéresser les filles se retrouvent nettement moins valorisées. La Finlande et l’Autriche ont précisé dans la question ouverte d’autres domaines d’étude relevant des matériaux (bois, plastique, métaux…).
Objets ou systèmes étudiés dans l’enseignement de la technologie
Ici aussi ont été regroupées sous un même tableau les réponses fournies pour chaque support d’étude et comme précédemment le score maximal serait de 27 pour une réponse unanime.
Tableau 10 : score et classement des matériels supports d’étude
Score | Classement | |
véhicules | 18 | 1 |
modèles | 11 | 2 |
systèmes techniques | 10 | 3 |
robots | 7 | 4 |
mobilier & textile | 5 | 5 |
jouets & gadgets | 4 | 6 |
On constate que la classe des véhicules parait de loin la plus étudiée, avant les modèles et les systèmes techniques. Cet item aurait mérité d’être nettement plus détaillé ou de donner lieu à une question ouverte.
Conclusions et perspectives
Ces quelques données font preuve de la grande disparité des organisations curriculaires dans les pays européens impliqués dans le projet. Deux modèles de conception semble se dégager : celui du travail manuel en référence aux situations de la vie domestique, voire aux activités de la sphère artisanale ; l’autre prenant appui sur le modèle industriel.
Le premier de ces modèles a d’abord prévalu dans la plupart des pays où il a subsisté plus ou moins longtemps avant d’être remplacé par la référence du modèle industriel. Ainsi, en France le modèle actuel n’a été mis en place qu’en 1985. Son implantation a d’ailleurs justifié un plan de reconversion d’une année complète de tous les enseignants afin de les former à une nouvelle discipline. En effet, l’enseignement à proprement parler de la technologie imposait une rupture avec les pratiques antérieures des travaux manuels. Cette évolution des références a en outre entrainé une masculinisation du corps professoral, preuve s’il en fallait que le curriculum convient mieux à un genre qu’à l’autre ! Toutefois le choix des domaines industriels voir des métiers de référence (informatique, mécanique, électronique, bâtiment) qui ont servi à structurer la plupart des curriculums de l’enseignement technologique explique lui-même cet effet. Les pays émergents en situation de reconfiguration de l’ET devraient au vu de ces résultats ne pas tomber dans le piège d’une sélection des pratiques à dominante masculine, qui servent de références à nos enseignement.
Une plus grande homogénéité entre les pays européens partenaires du projet UPDATE se dessine au niveau de l’enseignement préélémentaire et au lycée. Pour les élèves les plus jeunes, la tendance généralement partagée est d’encourager l’enseignement de la technologie, en laissant néanmoins aux enseignants la possibilité de le mettre en œuvre ou pas et selon des modalités laissées à leur initiative. Par ailleurs à ce niveau sous couvert d’une « neutralité » des activités a caractère technologiques proposées aux élèves et du fait de la féminisation du corps enseignant, on constate une forte tendance à privilégier des thèmes d’étude et des approches qui relèvent davantage de celui des sciences que de la technologie proprement dite.
Pour les élèves du lycée, la tendance va dans le sens d’un enseignement optionnel. Les élèves ont à choisir un parcours qui inclut ou non de la technologie. Autrement dit, à un âge où le choix des options est malheureusement déterminant quant à l’orientation ultérieure vers des filières spécialisées, rien n’est fait pour compenser la tendance qui conduit les filles à se détourner des options jugées les plus représentatives de la technologie industrielle (mécanique appliquée, électrotechnique, informatique…). Comme précédemment, les secteurs d’activité professionnelle auxquels la technologie réfère, le choix des supports d’étude, des situations et des tâches scolaires de même que la masculinisation du corps professoral, tendent tous à renforcer l’image d’une discipline qui est moins destinée aux filles qu’aux garçons. Pourtant le monde de la production ne manque pas de secteurs d’activité où les femmes sont plus nombreuses que les hommes (industrie textile, agro- alimentaire, industrie pharmaceutique par exemple). Mais ceux-ci ne servent pas de référence car la parité n’est pas de mise non plus au niveau de commission qui décident des programmes.
Quelles mesures permettraient de faire avancer les choses du point de vue du genre ? (i) Un rééquilibrage des secteurs d’activité auxquels font référence les enseignements. Les secteurs féminins et les secteurs masculins devraient être représentés de la même façon.
- Une meilleure prise en compte dans les curriculums de domaines plus attractifs pour les filles qui savent bien que certains secteurs d’emploi leur sont fermés. (iii) Une attention particulière du corps professoral sur le choix de situations et des tâches qui servent à l’apprentissage lesquels ne sont pas neutres du point de vue de l’investissement que consentent les élèves. (iv) Une revalorisation du caractère intellectuel des secteurs industriels dans lesquelles les femmes sont en majorité (par exemple : textile, habillement….) autrement dit une revalorisation de la place et du rôle actif des femmes dans la société et dans l’économie. (v) L’égalité des qualifications professionnelles et pour l’Afrique une meilleure accessibilité des filles à l’enseignement. (vi) L’information sur les métiers et un accompagnement aux choix d’orientation, dans le cadre scolaire plus que dans des organismes périscolaires. (vii) Une meilleure formation des enseignants à la question du genre. (vii) L’abandon de l’image restrictive et machiste de la technologie. (ix) Une plus forte participation des femmes aux commissions chargées de définir les curriculums d’éducation technologique. Tous ces aspects dépassent donc largement le cadre strict de l’enseignement et des solutions que les didacticiens seraient en mesure de suggérer et de
Bibliographie
Baudelot, C & Establet, R. (1993). Allez les filles ! Paris : Points actuels.
Chatoney, M., & Andreucci, C. (2009). How study aids influence learning and motivation for girls in technology education. International Journal of Technology and Design Education, 19(4), 393-402.
Chevet, M. (2006). L’impact du genre dans la relation entre enseignant-e-s et apprenant-e-s. Étude de linguistique appliquée, 2, 142, 163-174.
Dakers, J. & Dow W. (2009). Editorial. International Journal of Technology and Design Education, 19, 4, 347-351.
Duru-Bellat, M. (2005). L’école des filles, quelle formation pour quels rôles sociaux ? Paris : l’Harmattan.
Ginestié, J. (2005). Filles ou garçons, seuls ou à deux : Quelle influence sur les activités de production en éducation technologique ? Aster, 41, 217-241.
Lebeaume, J. (2002). L’enseignement régulier de la technologie dans l’hétérogénéité des acteurs et des contextes. Aster, 35, 65-83.
Ministère de l’Éducation Nationale (MEN, 2002). Programme de l’école primaire, 1, HS du 14 février, Paris.
Mosconi, N. (1994). Femmes et savoir. La société, l’école et la division sexuelle des savoirs. Paris : l’Harmattan.
Murphy, P. (2007). Gender and pedagogy. In D. Barlex (ed), Design and technology for the next generation (pp. 237-251). Shropshire: TEP and Cliffeco.
Murphy, P. (2006). Gender and technology : Gender mediation in school knowledge construction. In
J.R. Dakers (ed.), Defining technology literacy: Toward an epistemological framework (pp 219- 237). New York: Palgrave Macmillan.
Roustan-Jalin M. ; Ben Mim H. ; Dupin J-J. (2002). Technologie, sciences, filles, garçons : des questions pour la didactique ? Didaskalia, 21, 9-42.
Stepulevage, l.(2001). Gender/ technology relations: complicating the gender binary. Gender and Education, 13 (3), 325–338.
Terlon, C. (1985). Filles et garçons devant l’enseignement scientifique et technique. Recherches anglo- saxonnes. Revue française de pédagogie, 72, 51-59.
Résumé
Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un travail réalisé au niveau d’un projet européen (UPDATE). Il repose sur l’analyse des curriculums d’Autriche, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Roumanie, Slovaquie, Écosse, Espagne.
Chaque pays a proposé une première description selon un guide de présentation prédéfini. Ces données ont été complétées par des réponses à un questionnaire. La communication s’appuiera sur les données de cette enquête dont les résultats font état de contrastes importants au niveau européen en ce qui concerne l’équité que les programmes de technologie semblent réserver aux filles et aux garçons.
Mots clés : genre, technologie, curriculum.
En savoir plus sur RAIFFET
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.