L’enseignement technique et professionnel au Cameroun : quelle place dans l’organisation du système éducatif ? Ernestine Antoinette Ngo Mélha Melhaernestine@yahoo.fr

L’enseignement technique et professionnel au Cameroun : quelle place dans l’organisation du système éducatif ? Ernestine Antoinette Ngo Mélha Melhaernestine@yahoo.fr

L’enseignement technique et professionnel au Cameroun : quelle place dans l’organisation du système éducatif ? Ernestine Antoinette Ngo Mélha Melhaernestine@yahoo.fr

Résumé

Parti des missions assignées à une direction du ministère de l’Éducation nationale, le cadre règlementaire de l’enseignement technique et professionnel au Cameroun a évolué au cours du temps, débouchant sur la création des ministères ayant en charge et de manière spécifique les questions d’enseignement technique et professionnel ; fruit de l’expression d’une certaine volonté politique et de l’engagement des différents partenaires dans l’élaboration de la politique de l’ETFP et de son financement (Ngo Mélha, 2012). Cependant, de nombreux défis persistent pour la mise en place d’un véritable système d’ETFP.

Sur la base d’une recherche documentaire, cet article propose une analyse du contexte de la mise en place du système d’ETFP au Cameroun et présente les problématiques repérées ainsi que les pistes de solutions envisageables.

Mots clés

Enseignement technique, enseignement professionnel, planification de l’éducation, système éducatif

Introduction

Depuis l’adoption par la Conférence générale de l’Unesco en 2001 de la convention révisée sur l’enseignement technique et professionnel, celui-ci est appelé à faire partie intégrante de l’instruction de base de chacun. Cette instruction se fait sous forme d’initiation à la technologie, au monde du travail ainsi qu’aux valeurs humaines et aux normes requises pour se comporter en citoyen responsable. Considéré comme le parent pauvre du secteur de l’éducation, la plupart des pays africains, confrontés aux problèmes de chômage des jeunes et de la pauvreté sont de plus en plus conscients du rôle de levier économique que l’ETFP est susceptible de jouer et de

la nécessité de s’arrimer au monde actuel globalisé. Avec l’accent particulier porté sur l’éducation dans les objectifs du millénaire pour le développement (ODM) et les objectifs de l’éducation pour tous (EPT) adoptés par l’ONU, comme moyen visant le développement humain, l’amélioration des conditions de vie des populations ; l’ETFP, dans une perspective de développement durable, n’est plus perçu ni comme un « luxe », ni comme « l’école de la seconde chance », cette voie de relégation qui accueille les inadaptés des systèmes d’éducation classique mais plutôt comme un levier de développement qui permet d’acquérir et d’élever les compétences professionnelles.

Dans les contextes marqués par le développement du secteur informel, la massification de l’éducation et la suprématie de l’enseignement général sur l’enseignement technique, quelle place est accordée à l’ETFP selon cette nouvelle vision ? Quels sont les défis et perspectives pour la mise en place d’un véritable appareil d’enseignement technique et professionnel ? Cet article tente d’apporter quelques ébauches de réponses à ces interrogations à partir d’une analyse du cas du Cameroun.

Analyse du contexte

Contexte  socio-économique

Selon certaines estimations, la population camerounaise est majoritairement jeune et relativement pauvre ; la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est de l’ordre de 30,4 %. Le marché de l’emploi se caractérise par l’existence du secteur formel et du secteur informel et une dégradation de la mobilité sociale et professionnelle ; un taux de chômage avoisine 17 %, chômage qui frappe davantage les jeunes ; une forte prépondérance des emplois du secteur informel (près de 90 % des travailleurs actifs) et une dégradation du niveau de qualité et de qualification des emplois (Ngo Mélha, 2012).

Données générales sur l’éducation 

Les données générales sur l’éducation indiquent le système éducatif camerounais se caractérise par la coexistence des sous-systèmes anglophone et francophone ; de l’enseignement public et privé et des sous-secteurs d’enseignement général et technique. La loi d’orientation de 1998 stipule que l’enseignement primaire est obligatoire, il assure l’éducation fondamentale de l’élève et a pour objectif de doter celui-ci de compétences de base nécessaires pour les niveaux d’études ultérieurs et des apprentissages tout au long de la vie.

Les encadrements du système éducatif camerounais sont déterminés par l’État qui en est la principale institution organisatrice. Le rôle organisateur de l’État est dévolu depuis le décret de 2004 aux ministères de l’Éducation de base, des enseignements secondaires, de l’emploi et de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. Les niveaux administratifs chargés de la gestion de l’éducation et de la formation sont hiérarchisés de la façon suivante :

  • le niveau central (le ministère) s’occupe de la définition de la politique stratégique, de la gestion administrative et pédagogique de l’éducation ;
  • le niveau régional (la délégation régionale), assure notamment la coordination pédagogique et administrative des structures et la gestion administrative du personnel ;
  • le niveau départemental a pour mission la coordination pédagogique et administrative ;
  • le niveau d’arrondissement, du district et le conseil d’école.

Les finalités de l’école déterminent l’enjeu de scolarisation des enfants dans un pays (Unesco, 2000). La politique éducative du Cameroun a pour cadres de référence les états généraux de l’éducation de 1995, la constitution révisée de 1996, la loi d’orientation de l’éducation de 1998 et le document de stratégie sectorielle de l’éducation de 2006 entre autres.

L’État du Cameroun, conformément aux engagements internationaux pris tels que : l’éducation pour tous, le cadre d’action de Dakar, la convention révisée de l’enseignement technique et professionnel pour ne citer que ceux-là a mis sur pied un dispositif normatif qui consacre l’éducation comme une priorité nationale et une mission fondamentale de l’État.

L’analyse de la situation globale de la scolarisation au Cameroun montre qu’en 2012, le taux brut de scolarisation (TBS) dans le primaire était de 110,6 % (Unesco, 2014) traduisant des redoublements et des entrées précoces ou tardives de certains enfants dans le système. Elle indique aussi des disparités entre les régions et entre filles (103,2 %) et garçons (117,9 %).

Le taux net de scolarisation quant à lui était de 91,5 %. Dans le secondaire, le TBS était de 50,4 % et dans le supérieur, 11,9 % de jeunes adultes y étaient inscrits.

Caractéristiques  du système

Tableau 1 : Progression et réalisation en éducation Source : Unesco, 2014

Total Masculin Féminin Année
Espérance de vie scolaire CITE 1-6 (en années) 10,4 11,2 9,5 (2011)
Pourcentage de redoublants au primaire (%) 12,3 12,7 11,9 (2012)
Total Masculin Féminin Année
Taux de survie en dernière année du primaire (%) 69,8 69,1 70,4 (2011)
Taux brut d’accès à la dernière année de l’enseignement primaire (%)  

72,8

 

78

 

67,6

 

(2012)

Taux de transition à l’enseignement secondaire (%)  

65,1

 

61,7

 

69,2

 

(2011)

Concernant la progression dans le cycle, le système éducatif du Cameroun se caractérise par le phénomène des redoublements (11,9 % dans le primaire), un taux de déperdition élevé : seuls 69,7 % d’enfants complètent un cycle entier du primaire, 67,6 % atteignent la 5e année, et un taux de transition vers le secondaire de 69,2 %. Il en résulte que l’école primaire a un rendement moyen inférieur aux possibilités que laissent supposer le TBS et une faible efficacité interne. Ceci invite à supposer d’une part qu’il y aurait un grand nombre d’enfants déscolarisés ou sous- scolarisés et d’autre part que le système d’éducation ne qualifierait pas les jeunes aux compétences de base nécessaires pour une insertion dans le marché de l’emploi. Dans la même période, les dépenses d’éducation représentaient 3,1 %

en pourcentage du PIB et 15,6 % en pourcentage des dépenses totales gouvernementales (15,6 % du budget gouvernemental est alloué à l’éducation). Ces dépenses sont réparties entre les différents niveaux d’enseignement.

La part de l’enseignement technique formel dans l’enseignement secondaire est de 23,5 % des effectifs scolarisés

 

Effectifs scolarisés dans l’enseignement et formation techniques et professionnels (EFTP) en % des effectifs totaux au secondaire

Total 16,5 16,5 16,5 16,9 18,9 17,7 22,4 23 23,5
 

Féminin

 

15,1

 

15,3

 

15,3

 

15,2

 

18,5

 

15,2

 

20

 

 

20,3

 

21,1

Masculin 17,7 17,5 17,5 18,3 19,2 19,7 24,4 25,3 25,4

Source : Unesco, 2014

Articulation entre enseignement secondaire général et enseignement technique et  professionnel

L’EFTP désigne l’ensemble des parcours éducatifs et des dispositifs de formation formels, dont la finalité est l’acquisition des connaissances, des compétences et d’attitudes qui allient la maîtrise des techniques et des sciences, et la connaissance du monde travail en vue de l’insertion professionnelle des jeunes (Unesco, 2001).

L’enseignement et la formation techniques et professionnels sont des outils essentiels pour réduire la pauvreté et accroître sensiblement les possibilités de trouver un travail décent ou d’entreprendre une activité indépendante, génératrice de revenus.

L’EFTP fait l’objet de débats dans ce contexte où prédomine l’enseignement général sur l’enseignement technique et où la question du développement économique et celle de la pauvreté sont encore préoccupantes. Pour certains, l’EFTP est considéré comme une « école de la seconde chance » et est inefficace ; les raisons évoquées pour appuyer cet argumentaire sont les suivantes : la qualité insuffisante de la formation dispensée et la faible prise en compte des réalités socio-économiques locales dans la définition des contenus de programmes ; son coût élevé et son inadaptation aux contextes professionnels due à l’absence d’une évaluation préalable des besoins et d’une planification de la formation basée sur les possibilités du marché de l’emploi, et un déficit de communication entre les institutions de formation et les employeurs potentiels.

D’autres le considèrent par contre comme un levier du développement des pays en développement dans le sens où il permet d’acquérir et d’élever les compétences professionnelles. Il contribuerait ainsi à encourager les investissements et les initiatives, et aiderait à résorber le chômage. Selon cette perspective, la nécessité de mettre sur pied un réel appareil d’EFTP qui tient compte des besoins et des potentialités du pays est indéniable. De même, la création des cadres pour une synergie d’action et une complémentarité des structures s’avère incontournable. Selon le document de la stratégie du secteur de l’éducation de 2006, le gouvernement du Cameroun, en réactivant ces ordres d’enseignement vise, à développer une nouvelle politique de l’enseignement technique orientée vers les besoins réels de l’économie grâce au développement d’un partenariat efficace avec

les milieux socioprofessionnels et les secteurs productifs de l’économie.

L’enseignement technique formel fait partie intégrante du système éducatif camerounais. Il est organisé dans les établissements dont la structure est similaire à celle de l’enseignement général, il est assuré à tous les niveaux : moyen, secondaire et supérieur, avec l’existence de passerelles entre les différents niveaux et entre l’enseignement général et l’enseignement technique.

Il est dispensé aussi bien dans les établissements publics que ceux relevant du secteur privé. Il se compose d’une section industrielle et des métiers du tertiaire. Il est davantage concentré au niveau secondaire et ne prend pas encore en compte le niveau primaire où l’on enregistre pourtant des sorties précoces d’élèves du système scolaire. L’offre de formation est plus importante dans le secteur privé et les structures de formation des formateurs en nombre limité par rapport à celles que compte l’enseignement général.

Quelques problématiques repérées

L’analyse du système éducatif camerounais a permis de faire un certain nombre de constats :

L’EFTP dans ce contexte est concentré surtout au niveau du secondaire.

L’EFTP est appelé à suivre les évolutions majeures de la société contemporaine pour s’adapter aux politiques de développement, or la politique éducative mise en place vise la démocratisation de l’éducation, avec une place de choix accordée à l’éducation de base notamment à travers la poursuite de l’atteinte de la scolarisation primaire universelle. Cette préoccupation éclipse la prise en compte de la problématique de la scolarité au-delà de l’école primaire. Elle privilégie l’acquisition des savoirs généraux au détriment des compétences et savoirs qui préparent à l’accès à l’enseignement technique ou à l’insertion professionnelle.

L’EFTP est souvent sujet à certaines contraintes parmi lesquelles celles relatives à son financement et à la qualité et la formation des enseignants, il est assez souvent tributaire des financements extérieurs. Il en résulte que l’EFTP est plutôt très scolaire, peu efficient, ne prend pas en compte le secteur informel et est par conséquent détaché du marché de l’emploi.

Malgré les progrès enregistrés en termes d’effectifs scolarisés dans l’enseignement technique, le secteur de l’EFTP connaît encore un faible attrait pour les élèves et leur famille en raison probablement de son coût et de la perception parfois erronée de ce sous-secteur de l’éducation.

Discussion et perspectives

La politique de l’enseignement technique et professionnel au Cameroun vise la réduction du chômage et de la pauvreté. Elle est orientée vers la demande et un développement  partenarial.

Bien que l’on note un partage des responsabilités entre différents dépar- tements ministériels et d’autres acteurs, l’enseignement technique et professionnel fait partie intégrante du système éducatif camerounais formel. Pour remplir efficacement son rôle de levier de développement qui lui est assigné par l’orientation politique, ce sous-secteur estappelé à se développer en tenantcompte de l’évolution et des besoins de la société grâce à une diversification des filières d’études, à l’instauration du dialogue entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise et à la réorganisation de la formation professionnelle.

Bibliographie

CONFEMEN (1998). L’Insertion des jeunes dans la vie active par la formation professionnelle et technique, Dakar.

Ministère de l’Éducation nationale (2006). Document de la stratégie sectorielle de l’éducation, Yaoundé. MINEFOP (2008). Stratégie de formation professionnelle, Rapport final, Yaoundé.

Ngo Mélha, E. (2012). Enseignement technique et professionnel au Cameroun. Paris : L’Harmattan. OCDE (2008). Perspectives économiques en Afrique, Paris.

PNUD (2011). Rapport mondial sur le développement humain, New York.

République du Cameroun (1998), Loi du 14 avril 1998 de l’orientation de l’éducation au Cameroun, Yaoundé.

République du Cameroun (2007). Déclaration de la politique nationale de l’emploi. Yaoundé. République du Cameroun (2010). Document de stratégie pour la croissance et l’emploi. Yaoundé. Unesco (2001). Recommandation révisée concernant l’enseignement technique et professionnel. Paris. Unesco (2009). Recommandation révisée concernantla mise en œuvre de la stratégie pour l’EFTP. Paris.

Walther, R. (2006). La formation professionnelle en secteur informel. Rapport sur l’enquête terrain au Cameroun. Document de travail, 17.

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