Summary
How to think the teaching of physical sciences in vocational school? In this school context, where the pupils follow a technological formation leading them to a professional qualification, the function of physical sciences must be clarified, in particular in its relationships to the technology of speciality, before making proposals for a teaching. This work was undertaken in the case of the modelling of the mechanical interactions in vocational school, for pupils in formation in the field of automobile mechanics on the level of the BEP (Certificate of Vocational Training). A confrontation between the two disciplines shows that physical sciences have, in vocational school, primarily a function of discipline for the service of technology. The comparison also reveals specificities, oppositions, but also of the possibilities of suplementarities or synergies. This analysis makes it possible to make founded courses proposals, while privileging what can contribute to the technological training of the pupils or reinforce it, but also by maintaining the coherence internal of the physical discipline and by integrating epistemological specificities of the model to be taught. A sequence was worked out and evaluated from the point of view of the relevance of the problems. The evaluation shows that it is not only legitimate but profitable, for the pupils of vocational school, to take up this duty of service of the discipline.
Comment penser l’enseignement des sciences physiques dans un contexte de formation professionnelle ?
La question relève d’une problématique éducative. Trop souvent, la réponse se résume en des prescriptions fixant les contenus et les compétences à acquérir, alors que les choix à opérer ont une dimension de curriculum, et les critères externes à la discipline sont déterminants : contexte social de la formation (quelles missions éducatives pour la discipline ? quelle utilité dans une perspective professionnelle ?), contexte scolaire (quelles fonctions pour la discipline ?) et contexte humain (quel public ?).
Dans cet article sera surtout questionné le deuxième de ces aspects. Dans un contexte de formation technologique ou professionnelle, la fonction des sciences physiques demande à être clarifiée. En effet, l’enseignement de cette discipline ne peut s’envisager de la même façon que dans une formation de type général, comme le collège ou le lycée pour la France. En particulier sont à préciser ses relations avec la technologie, puisque c’est cette discipline qui est au cœur de la formation. Cette analyse est un préalable pour être en mesure de faire des propositions d’enseignement fondées. Ce travail a été mené et évalué dans le cas de la modélisation des interactions mécaniques en lycée professionnel, pour des élèves en formation dans le domaine de la mécanique automobile au niveau BEP (Jouin, 2000).
La formation en lycée professionnel
En France, les élèves entrent au lycée professionnel à la sortie du collège. Ils suivent une formation qui les mène à une qualification professionnelle – certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou brevet d’études professionnelles (BEP), puis baccalauréat professionnel – et leur permet d’accéder à des postes d’ouvriers qualifiés dans un domaine professionnel particulier. La formation comprend une partie d’enseignement dit général (français, mathématiques, sciences physiques…) et un enseignement dit professionnel, qui relève d’une formation disciplinaire technologique, tout en maintenant une référence forte à des pratiques professionnelles (Pelpel, 2000). Les élèves suivent des cours théoriques de technologie de leur domaine professionnel et des séances d’atelier.
La partie proprement professionnelle de la formation a lieu à l’occasion de stages en entreprise que les élèves doivent effectuer dans leur cursus. Les prescriptions concernant l’enseignement dit professionnel figurent dans le référentiel du diplôme, qui comporte une partie concernant les savoir-faire, ce qui correspond à la partie pratique de la formation, et une partie intitulée savoirs technologiques associés, qui précise les savoirs à maîtriser. Les programmes de sciences physiques fixent les finalités de cet enseignement et ses contenus : connaissances à acquérir et compétences à développer. La référence à la formation technologique est présente tant dans les objectifs – les élèves doivent trouver des réponses aux questions que pose la technologie pour le niveau BEP – que dans les propositions d’activités qui accompagnent les savoirs à enseigner – les exemples illustrant le cours seront préférentiellement pris dans le champ du métier.
La fonction des sciences physiques en lycée professionnel
Martinand (1992) distingue, selon les contextes scolaires et les visées de formation, des disciplines ayant une fonction de cœur lorsqu’elles sont discipline de base de la formation ; de service dans une filière fondée sur d’autres spécialités ; dans tous les cas une fonction d’ouverture (p. 61). La fonction d’ouverture comprend les approches, les méthodes et les savoirs propres à la discipline qui permettent d’appréhender avec un regard averti et des outils de pensées pertinents une situation nouvelle, les objets et les questions afférentes. En lycée professionnel, dans ce contexte de formation technologique, c’est la technologie de spécialité du domaine professionnel qui a une fonction de cœur.
L’enseignement scientifique n’a alors véritablement de sens que s’il s’inscrit dans cette perspective de formation technologique et y apporte une contribution. Il prend donc une fonction de discipline de service par rapport à la technologie (Jouin, 2000). Pour établir la légitimité de la proposition de considérer les sciences physiques dans leur fonction de service par rapport à la technologie, une confrontation entre les deux disciplines est nécessaire. Elle a été menée au niveau BEP dans le domaine de la maintenance des véhicules automobiles et dans le cas de la mécanique, plus particulièrement de l’étude des interactions mécaniques. La mécanique étant enseignée dans les deux disciplines, peut donner matière à comparaison.
Propositions curriculaires
Comment proposer un enseignement de sciences physiques qui assume sa fonction de discipline de service, tout en poursuivant ses finalités propres de manière à maintenir sa fonction de discipline d’ouverture ? Comment penser cette articulation avec la technologie ? La comparaison entre disciplines permet de repérer les complémentarités et les synergies mais également les oppositions, dans les contenus à enseigner et les compétences à développer. Des propositions curriculaires peuvent ainsi être faites et fondées. Les choix didactiques pour l’enseignement des sciences physiques en lycée professionnel privilégient ce qui peut contribuer à la formation technologique des élèves ou la renforcer, et tiennent compte des spécificités de chaque discipline. Une séquence d’apprentissage du concept de force a ainsi été élaborée puis passée dans une classe de BEP maintenance des véhicules automobiles).
Confrontation des sciences physiques et de la technologie de l’automobile
Cadre théorique et méthodologique
Pour mener cette confrontation entre disciplines, nous avons utilisé le schéma de la modélisation à trois registres de Martinand (1996). Il permet en effet de caractériser les trois registres d’une discipline – matrice cognitive, référent empirique et modèles – à prendre en compte dans une perspective d’enseignement de la modélisation, ce qui est le cas pour les disciplines concernées. Le registre de la matrice cognitive de la discipline comprend les paradigmes épistémiques (les questions et les problèmes qu’elle pose) et les ressources théoriques dont elle dispose. Le registre du référent empirique est celui des objets, des phénomènes et de leur connaissance phénoménographique. Celui des modèles ou des concepts permet de répondre, par un processus d’élaboration interprétative à des questionnements et des exigences qui n’ont pas de solution dans le registre du référent empirique. L’étude des articulations entre les registres permet en effet d’envisager les ruptures et les continuités à gérer pour l’apprentissage. De plus, il peut servir de cadre pour l’analyse de la physique comme de la technologie et il en permet donc la comparaison. Le corpus choisi pour cette analyse est constitué des instructions officielles, référentiel du diplôme de l’enseignement technologique et programme de sciences de BEP, qui déterminent le curriculum prescrit, et des manuels scolaires de ce niveau.
La comparaison des instructions officielles
Dans le registre de la matrice cognitive
La technologie et la physique sont des disciplines approchant la rationalité de deux manières différentes : l’efficience et la responsabilité pour la première, l’intelligibilité pour la seconde. Cela se traduit, au niveau d’étude et dans la filière considérés, par des différences dans les finalités des deux disciplines : compréhension du fonctionnement en vue de l’intervention sur le véhicule en technologie de l’automobile, acquisition de savoirs et de méthodes en vue d’expliquer ou de prédire des phénomènes en physique.
Dans le registre du référent empirique
Conséquence des finalités différentes, les objets ne sont pas regardés de la même façon dans les deux disciplines : (i) en technologie, les objets sont étudiés dans leur complexité, d’un point de vue fonctionnel, structurel et analytique. Ce sont des systèmes composés d’éléments liés entre eux ou des parties de systèmes plus complexes, tous désignés précisément. Dans le domaine de la maintenance automobile, les systèmes appartiennent au véhicule automobile et sont étudiés en fonctionnement et dans les cas de dysfonctionnements. Les objets intervenant dans les interactions étudiées dans les manuels peuvent être rigides, liquides (eau, huile) ou gazeux (mélange air-essence, air), (ii) en physique, les objets sont idéalisés. Ce sont des objets de différentes natures, de la vie courante, objets techniques divers ou de laboratoire.
Leur fonction d’usage n’est pas prise en compte, mais seulement les caractéristiques pertinentes par rapport à la question étudiée : une bille d’acier par exemple ne sera pas considérée sous le même angle dans le domaine de la chimie, de l’électricité et de la mécanique. Les expressions utilisées – un solide ou le solide, un fluide dans le cas des forces pressantes – renvoient à un objet isolé, en interaction avec d’autres objets certes, mais qui ne s’intègre pas nécessairement dans un système et n’est pas composé – en tout cas ce n’est pas ce qui est considéré – de plusieurs éléments comme les systèmes mécaniques de la technologie.
Dans le registre des modèles
L’analyse des instructions officielles montre des différences dans les modèles utilisés dans les deux disciplines : le modèle utilisé en technologie pour interpréter les interactions mécaniques dans un système est celui d’ action mécanique. Il permet d’interpréter l’équilibre ou le mouvement d’objets susceptibles d’avoir un mouvement de translation et/ou de rotation par rapport à un axe et est mis en relation avec le concept de liaison mécanique, qui étudie les différents types de liaisons existant entre deux éléments d’un système et permettant les deux types de mouvements. La plupart des propriétés de l’action mécanique sont identiques à celles de la force ou du moment d’une force, mais la transmissibilité au niveau d’une liaison mécanique (Agati, 1989) est spécifique à la technologie. Dans les manuels de technologie de l’automobile, c’est la force qui est utilisée, mais cette propriété demeure quand il est question de la force exercée sur la surface du piston est transmise à la crémaillère par une liaison mécanique ou des pneumatiques doivent transmettre l’effort moteur et l’effort de freinage. La représentation graphique des forces n’est pas homogène dans les différents schémas du manuel, l’extrémité du vecteur étant parfois placé à l’endroit du point d’application de la force. La représentation évoque dans certains schémas une idée d’entrée et de sortie.
Figure 1 : principe de transmission de la force dans un circuit hydraulique (Mémeteau)
Légende : 1 : émetteur ; 2 : récepteur ; 3 : canalisation
Du point de vue des compétences
Concernant les compétences à développer dans ce domaine professionnel, ce sont les capacités liées à l’intervention sur le véhicule qui ont le plus d’importance, et une part importante est faite à celles en jeu dans le processus de diagnostic de panne : inventorier les anomalies, concevoir le processus diagnostic et réaliser le diagnostic. En sciences physiques, les compétences exigées relèvent de la résolution de problèmes et de la démarche expérimentale : (i) définir l’objet d’étude, inventorier les paramètres dont dépend un phénomène, (ii) formuler des hypothèses, (iii) choisir le mode de saisie et d’exploitation des données à recueillir, (iv) énoncer une loi expérimentale et en donner les limites de validité, (v) choisir et utiliser un modèle théorique et enfin (vi) proposer et réaliser un dispositif expérimental ayant pour fonction de tester la validité d’une hypothèse.
Spécificités et complémentarités des deux disciplines
La confrontation entre la technologie de l’automobile et les sciences physiques met ainsi en évidence des spécificités, tant dans les finalités, le regard sur les objets, les modèles utilisés que dans les compétences à développer. Pourtant, elle montre aussi qu’il est possible d’envisager des complémentarités ou des synergies en ce qui concerne (i) les finalités, dans la mesure où la technologie fait référence à la physique et utilise certains savoirs enseignés en sciences physiques, (ii) l’étude des objets, car l’approche scientifique peut être envisagée comme l’une des composantes de l’approche technologique : quand est traité le principe de fonctionnement du système, (iii) les modèles, car l’action mécanique recouvre en partie ceux de force et de moment d’une force des sciences physiques et (iv) les compétences, car la recherche de paramètres influant sur un phénomène et l’émission d’hypothèses suivie d’une validation expérimentale peuvent être comparées à la démarche de diagnostic de panne. Seule la propriété de transmission d’une force à travers une liaison mécanique est en opposition avec les propriétés de la force en physique. Par ailleurs, certaines ambiguïtés se rencontrent dans les termes ou les représentations graphiques utilisées.
Pour désigner l’objet d’étude, les manuels de sciences physiques utilisent entre autres le terme de système, qui peut prêter à confusion, les systèmes techniques désignant en technologie des ensembles composés de plusieurs éléments. L’action de… sur, précurseur de la force dans de nombreux manuels de sciences physiques, pourrait être assimilée au modèle d’action mécanique de la technologie. Enfin, certains concepts utilisés en technologie de l’automobile – force motrice, couple moteur, adhérence et force centrifuge – sont à discuter. En conclusion, dans la mesure où la technologie utilise certains savoirs qui sont enseignés en sciences physiques, et exige certaines compétences convergentes avec celles développées en sciences, l’enseignement scientifique peut effectivement contribuer à la formation technologique et professionnelle des élèves. Considérer les sciences physiques comme une discipline de service par rapport à la technologie paraît donc légitime.
L’apprentissage du modèle de force
Assumer cette fonction de service amène à faire des choix didactiques concernant les contenus d’enseignement et les stratégies d’apprentissage. La séquence d’enseignement du modèle de force pour le niveau BEP et dans le domaine de la maintenance automobile est un exemple de la prise en compte de cette problématique.
Choix didactiques
Pour ce domaine technologique, le référent empirique pour l’apprentissage du modèle de force doit comprendre des exemples de la vie courante, mais surtout des systèmes techniques appartenant au véhicule automobile et mettant en jeu un problème technique à résoudre (Cf. Leçons 1 et 8 ci-dessous). Les objets proposés dans les problèmes à étudier peuvent être rigides, mais aussi liquides et gazeux Ils peuvent se trouver tantôt en équilibre et tantôt en mouvement, les systèmes d’un véhicule pouvant le plus souvent se trouver alternativement dans les deux situations. Il est donc nécessaire de rompre avec la manière habituelle d’enseigner la physique, qui présente de façon séparée dans le curriculum et les manuels la statique, la dynamique et la résistance des matériaux (étudiée dans la partie matériaux et structure de la matière dans le programme de sciences physiques au niveau BEP) et d’étudier dans une unité plus cohérente ces différents aspects du modèle.
Leçon 1 : description de phénomènes où un objet est immobile ou mis en mouvement | Leçon 8 : les forces pressantes |
Concernant les propriétés et les forces particulières étudiées, sont privilégiées celles qui sont utilisées en technologie de l’automobile. L’étude d’équilibres ou de mises en mouvement s’est limitée à des objets soumis à deux forces, le cas d’objets soumis à trois forces ayant peu d’applications dans ce domaine technologique et pouvant se résoudre par la décomposition des forces selon deux directions. La propriété de composition- décomposition sera traitée dans une leçon particulière. Deux forces sont étudiées en particulier pour leur importance dans ce domaine technologique : les forces pressantes et les forces de frottement. La transmission des forces au niveau d’une liaison mécanique en technologie ne pouvant faire l’objet d’un compromis avec les propriétés du modèle physique, sont présentés en parallèle la logique et le discours des deux disciplines : en sciences physiques, en mécanique, tous les objets sont considérés de la même façon, ce sont des objets d’étude. La mécanique permet d’étudier l’équilibre ou le mouvement de ces objets en fonction des autres objets en interaction avec eux. La force permet de décrire ce qui se passe entre deux objets, force exercée par l’un des objets sur l’autre. En technologie, il s’agit souvent d’étudier le fonctionnement de systèmes comprenant plusieurs éléments. Les différents éléments ont une fonction dans ce fonctionnement. En mécanique, un des problèmes qui se pose est la conséquence pour un élément (d’arrivée) des mouvements d’un autre élément (de départ). Les éléments situés entre les deux ont une fonction de transmission. En technologie, on parle de forces qui se transmettent d’un élément à un autre. Une attention particulière doit être portée aux termes utilisés afin d’éviter les ambiguïtés avec ceux du domaine professionnel. Pour désigner les objets en interaction, le terme objets est préféré à celui de systèmes ou de solide, le premier en raison de l’ambiguïté avec les systèmes techniques et le second parce que les phénomènes proposés mettent en jeu des objets rigides, mais aussi fluides. L’action de… sur… ne sera pas utilisée dans le sens d’un modèle précurseur de la force mais uniquement dans un sens événementiel. Enfin, les concepts de force motrice, couple moteur, adhérence et force centrifuge sont discutés à l’occasion des leçons portant respectivement sur le moment d’une force, les forces de frottement et le mouvement de rotation.
La fonction de service impose également des choix concernant les stratégies d’apprentissage. Le questionnement de départ d’une leçon s’appuie sur un problème technique issu du domaine professionnel des élèves qu’il s’agit de résoudre à la fin de la leçon. Il vise à mobiliser les connaissances technologiques des élèves et à favoriser le transfert des connaissances scientifiques dans des situations technologiques. La recherche de paramètres influents sur un phénomène et l’émission d’hypothèses suivies d’une validation expérimentale sont des phases présentes dans la plupart des leçons car elles permettent de développer des compétences convergentes avec celles concernant la conception et la réalisation d’un processus de diagnostic de panne en mécanique automobile.
La séquence d’enseignement du modèle de force
La séquence se situe de plus dans une perspective constructiviste et tient compte de travaux didactiques antérieurs concernant la question : difficultés des élèves qui associent force et mouvement (Viennot, 1977), ou qui considèrent la force comme propriété des objets (Lemeignan et Weil-Barais, 1994). Elle se compose de différentes parties :
- Étude de l’immobilité ou de la mise en mouvement d’objets (translation)
- Leçon 1 : description de phénomènes où un objet est immobile ou mis en mouvement
- Leçon 2 : force d’un objet sur un autre
- Propriétés de la grandeur
- Leçon 3 : l’intensité d’une force
- Leçon 4 : composition et décomposition d’une force
- Leçon 5 : où s’exercent les forces ?
- Leçon 6 : principe des actions réciproques
- Étude de forces particulières
- Leçon 7 : les forces de frottement
- Leçon 8 : les forces pressantes
- Étude de l’immobilité ou de la mise en mouvement d’objets (rotation)
- Leçon 9 : équilibre d’un objet pouvant tourner autour d’un axe
- Effet d’une force sur le comportement d’un objet
- Leçon 10 : comportement d’un objet soumis à des forces dans un mouvement de translation
- Leçon 11 : comportement d’un objet soumis à des forces dans un mouvement de rotation
- Leçon 12 : déformation d’un objet soumis à des forces
- Travail d’une force
- Leçon 13 : travail mécanique
Les stratégies d’apprentissage traduisent le souci d’assumer la fonction de service mais également la fonction d’ouverture de la discipline. Les différentes leçons ont donc la structure suivante, qui rejoint la méthode hypothético-constructive proposée par Scache (1986) pour l’enseignement des sciences physiques en LP :
- problème technique, issu du domaine professionnel,
- problème scientifique, introduit par une classe de phénomènes et un questionnement, puis formulation d’une hypothèse, portant sur l’influence des paramètres ou des relations entre grandeurs,
- phase expérimentale, permettant de valider ou d’invalider l’hypothèse formulée,
- structuration, consistant en l’élaboration d’une loi ou d’une propriété du concept,
- utilisation du modèle pour résoudre le problème technique et d’autres problèmes.
Conclusion
Des choix didactiques légitimés par l’évaluation de la séquence
Ces orientations didactiques ont été mises en œuvre dans une classe de Terminale BEP MVA. Elles ont été évaluées du point de vue de leur contribution à la formation technologique, par des observations en classe, où certaines séances ont été enregistrées en vidéo, des tests avant et après enseignement, et des entretiens quelques mois après la passation. Dans les entretiens, les élèves se disent effectivement motivés par le problème technique proposé en début de leçon et la phase expérimentale. Ils ont tous perçu le lien entre la démarche expérimentale suivie et une démarche de diagnostic de panne. Les stratégies pédagogiques proposées s’avèrent non seulement être une source de motivation, mais également une aide pour l’apprentissage. Leur représentation du véhicule automobile a progressé. Ils mentionnent dans les entretiens de nombreux systèmes et phénomènes du véhicule faisant intervenir des forces, y compris certains qui n’ont pas été évoqués dans la séquence, et ils sont capables de transférer de façon satisfaisante les propriétés étudiées en physique pour décrire qualitativement le comportement d’un véhicule sur une route ou l’équilibre d’un objet soumis à deux forces, y compris quand il est posé sur le sol. Concernant le véhicule sur une route, ils passent massivement dans les tests d’une explication faisant appel à des systèmes techniques – freins, accélérateur – à une interprétation en termes de force de frottement exercée par le sol. En revanche, les difficultés à utiliser un vocabulaire et des représentations graphiques précises sont encore présentes chez certains élèves après enseignement et les empêchent de résoudre quantitativement les problèmes proposés dans les tests.
La fonction de service, critère de choix curriculaires
Cette évaluation montre qu’il est non seulement légitime mais également fructueux pour les élèves d’assumer la fonction de service de la discipline en lycée professionnel. La confrontation avec la technologie de spécialité est un préalable à l’enseignement des sciences physiques. Celui-ci prend ainsi un sens pour les élèves, car il est en prise sur leur formation. De plus, la connaissance qui en résulte permet de repérer les éléments d’ambiguïtés ou de contradictions avec l’enseignement scientifique qui peuvent être source de difficultés pour les élèves, et de chercher les moyens de les résoudre. En ceci, le travail effectué peut apporter une contribution aux travaux du colloque. Il reste à poursuivre le travail pour d’autres grandeurs physiques, à envisager les questions qui se posent pour d’autres contextes scolaires et d’autres dispositifs, voire à étendre la méthode à d’autres disciplines, quand elles ne fonctionnent pas comme discipline de cœur.
Bibliographie
Deforge, Y. (1991). Enseignement technique, enseignement professionnel, enseignement technologique : essai d’élucidation de ces trois titres. In J. Perrin : Construire une science des techniques (p. 399-406).
Jouin, B. (2000). Problèmes de l’enseignement des sciences physiques en lycée professionnel, dans sa fonction de discipline de service par rapport à la technologie, dans le domaine de la mécanique automobile. Thèse de doctorat. ENS Cachan.
Lemeignan, G. & Weil-Barais, A. (1994). Approche développementale de l’enseignement et de l’apprentissage de la modélisation. In Équipe INRP/LIREST : Nouveaux regards sur l’enseignement et sur l’apprentissage de la modélisation en sciences (p. 85-114). Paris : Institut National de la Recherche Pédagogique.
Martinand, J-L. (1992). Enjeux et ressources de l’éducation scientifique. Introduction au thème. In : Actes des XIV° journées internationales sur la communication, l’éducation et la culture scientifiques et techniques (p. 57-65).
Martinand, J-L. (1996). Introduction à la modélisation. In : Actes du séminaire de didactique des disciplines technologiques. Cachan 1994-95. Paris : LIREST
Pelpel, P. (2000). Pratiques et modèles pédagogiques de l’enseignement technique. In : Revue Française de Pédagogie, 131, 43-53.
Scache, D. (1986). Pour l’introduction d’une composante technologique au LEP en sciences physiques.
Bulletin de l’Union des Physiciens, 680, 409-426.
Viennot, L. (1977). Le raisonnement spontané en dynamique élémentaire. Thèse de doctorat en Sciences physiques. Université Paris 7.
Résumé
Comment penser l’enseignement des sciences physiques en lycée professionnel ? Dans ce contexte scolaire, où les élèves suivent une formation technologique les menant à une qualification professionnelle, la fonction des sciences physiques doit être clarifiée, en particulier dans ses relations avec la technologie de spécialité, avant de faire des propositions d’enseignement. Ce travail a été mené dans le cas de la modélisation des interactions mécaniques en lycée professionnel, pour des élèves en formation dans le domaine de la mécanique automobile au niveau du BEP (brevet d’enseignement professionnel). Une confrontation entre les deux disciplines montre que les sciences physiques ont, en lycée professionnel, essentiellement une fonction de discipline service par rapport à la technologie. La comparaison fait également apparaître des spécificités, des oppositions, mais également des possibilités de complémentarités ou de synergies. Cette analyse permet de faire des propositions curriculaires fondées, en privilégiant ce qui peut contribuer à la formation technologique des élèves ou la renforcer, mais également en maintenant la cohérence interne de la discipline physique et en intégrant les spécificités épistémologiques du modèle à enseigner. Une séquence a été élaborée et évaluée du point de vue de la pertinence de la problématique. L’évaluation montre qu’il est non seulement légitime mais fructueux, pour les élèves de lycée professionnel, d’assumer cette fonction de service de la discipline
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