
L’éducation au carrefour de la mondialisation et la répartition des outils technologiques
Zaoui Néjib
Summary
Globalization has a multidimensional meaning: economic, political and cultural; and it is presented in the form of a large cultural and spiritual destabilizer for the world under development. In fact, the effect of globalization also appears in the very fast transfer of the social goods. From this point of view, science and technology take a dominating place in this movement which is posed like a determining factor: it is the technico-economic and scientific, at the same time paradigm of bringing together between the rich and poor countries, and the factor which separates them. Of course, globalization would not seem to have contributed today to improve the wellbeing of the humans. From this point of view, education appears a field allowing the transfer of the technological tools between the various countries, if it is accompanied by devices aiming at supporting a fair distribution of human and material resources, and a rational use of the technological tools.
Keywords: globalization, poverty, new technology, education, developing country.
Introduction
La question des inégalités réapparaît toujours dans les débats sur la mondialisation. En effet, les bouleversements économiques et sociaux entraînés par la mondialisation ne semblent légitimes que dans la mesure où ils stimulent les processus de développement et permettent des processus de rattrapage, notamment au bénéfice des pays les plus pauvres, dites du sud. Mais les constats actuels montrent que la mondialisation semble accroître les inégalités et la pauvreté. Ce phénomène contribue à élargir le fossé entre les pays riches et les pays pauvres et elle a certes des contrecoups sur l’éducation. En effet, nous parlons aujourd’hui de la nécessité d’introduire des nouvelles technologies dans le système éducatif entre autres les cours assistés par ordinateur. Dans ce contexte, les pays en voie de développement peuvent-ils rénover leur système éducatif notamment qu’ils n’ont pas tiré grand-chose de la répartition des technologies ? Pouvons-nous établir une mondialisation raisonnable et équitable qui prend en compte l’intérêt de tout le monde ?
Mondialisation et pauvreté : quel rapport ?
La mondialisation est le processus d’ouverture de toutes les économies nationales sur un marché devenu planétaire. La mondialisation est favorisée par l’interdépendance entre les hommes, la déréglementation, la libéralisation des échanges, la délocalisation de l’activité, la fluidité des mouvements financiers, le développement des moyens de transport, de télécommunication… Le terme de mondialisation est surtout utilisé dans le domaine économique, mais celle-ci touche toutes les activités humaines : industrie, services, commerce, politique, social… Elle concerne aussi la communication et les échanges entre tous les individus, entre les différentes cultures. Aujourd’hui, la mondialisation a contribué à stimuler la croissance économique presque partout dans le monde, hormis quelques exceptions non négligeables, mais, comme nous le savons, elle n’a pas engendré une amélioration généralisée des niveaux de vie.
La pauvreté recule, quoique lentement, mais le fossé entre pauvres et riches se creuse de plus en plus. En d’autres termes, le principal écueil de la mondialisation, à ce jour, est celui de l’accroissement des inégalités tant à l’intérieur des pays qu’entre les pays. Ces inégalités reflètent à leur tour un déficit démocratique qui a pour conséquence une sous-estimation des populations pauvres et défavorisées dans le processus de décision. Dans ces conditions, quelles que soient les retombées positives de la mondialisation, il est parfaitement clair qu’elles ne sont pas systématiques. Ainsi, « la mondialisation en cours s’inscrit pour l’essentiel dans le prolongement de diverses dynamiques antérieures et contemporaines : expansions nationales, internationalisations, multinationalisations, continentalisations, globalisations, dynamiques principalement impulsées par les capitalismes nationaux dominantes : la mondialisation est donc fortement polarisée, inégale et asymétrique125 ».
La mondialisation a produit tant de richesses et des technologies aussi développées. Également, les échanges ont été aussi nombreux entre les pays. Pourtant les inégalités et la pauvreté ne cessent de s’accroître. La mondialisation, phénomène marquant depuis une trentaine d’années, générée par les progrès des transports et des télécommunications, a amplifié les relations économiques, financières, culturelles entre les sociétés humaines, mais n’a pas à ce jour amélioré le bien-être des hommes. La mondialisation pourrait être positive pour les populations et la planète, mais, les choix actuels ont plutôt entraîné des phénomènes d’appauvrissement et un pillage généralisé des ressources. Les richesses mondiales ont certes augmenté, mais l’écart entre les plus riches et les plus pauvres a été multiplié par trois, ces trente dernières années. Certains se sont peut-être enrichis mais globalement, la pauvreté augmente dans les pays pauvres comme dans les pays riches. On ne peut certes tout imputer à la mondialisation. Néanmoins, la mondialisation a des effets directs indéniables. Ainsi la concurrence entre les ouvriers du monde entier pousse les entreprises à payer toujours moins leurs employés, entraînant ainsi une violation des droits sociaux. Par ailleurs, beaucoup d’échanges internationaux non contrôlés tendent à fragiliser les économies locales.
Du point de vue environnemental, également, l’accroissement des transports est une catastrophe et contribue au réchauffement climatique. À cet égard, l’expansion des communications pourrait permettre d’améliorer les relations entre les hommes, de réduire les inégalités, d’augmenter la coopération entre États, mais ce n’est pas ce qu’on constate. Bien entendu, la mondialisation n’est pas un Fait mauvais en lui-même. Elle a permis la diffusion du savoir et de l’information, l’échange des connaissances et des techniques, la croissance économique et l’amélioration du niveau de vie des populations dans certains cas. En effet, la mondialisation peut être bénéfique, elle est potentiellement capable d’enrichir chaque habitant de la planète, et en particulier les plus pauvres. Pourtant, elle est aujourd’hui fortement contestée surtout dans les pays en voie de développement qui en subissent les crises sans n’en récolter aucun fruit. Nécessairement, nous constatons que la mondialisation n’a pas tenu ses promesses ; elle engendre des crises économiques profondes et durables, elle provoque le chômage, accroît les inégalités entre riches et pauvres, débouche sur des mouvements sociaux. Le décalage entre une mondialisation théoriquement bénéfique et celle qui se développe aujourd’hui est imputable à la manière dont le processus est conduit – imposé – par les institutions internationales notamment le FMI et la banque mondiale. Ces derniers ont été crées au lendemain de la deuxième guerre mondiale, pour développer une action collective mondiale visant à soutenir la reconstruction d’après guerre et à assurer une stabilité économique et financière à l’échelle de la planète. Cependant, leurs interventions restent jusqu’à présent insuffisantes dans les pays pauvres. Par ailleurs, les inconvénients de la mondialisation pourraient être surmontés par le renforcement du système éducatif des pays pauvres.
125 Beaud., M, Mondialisation : les mots et les choses, Paris, Karthala, p. 12.
Mondialisation de l’éducation
Afin de lutter contre la pauvreté, la collectivité internationale doit intensifier et accroître ses efforts en vue d’élargir l’accès à l’éducation notamment pour les plus pauvres dans le monde, principalement en matière d’éducation de base. Dans le même ordre d’idée, l’éducation est la pierre de voûte pour la lutte contre la pauvreté. Il est indispensable que les institutions internationales et bilatérales intensifient leur collaboration afin de faire en sorte que l’aide accordée aux programmes nationaux d’éducation pour les pauvres soit augmentée. De ce fait, l’éducation est la manière la plus efficace qui permettrait aux pays en développement de s’affranchir de la pauvreté. Dans le débat sur la mondialisation, plusieurs se montrent à juste titre inquiets en ce qui concerne le fossé de plus en plus grand qui se creuse entre les riches et les pauvres. Dans ce contexte nous nous sommes posé la question suivante : un investissement durable dans l’éducation pourrait-il contribuer à combler ce fossé ? Cependant, nous signalons que la mondialisation n’a pas touché seulement l’économie mais elle a contribué aussi au bouleversement du système éducatif lui-même notamment dans les pays les plus pauvres. En effet, il est évident de constater la place dominante des pays industrialisés et la place défavorisée des pays dits du tiers monde dans la mondialisation de l’éducation qui est liée étroitement à l’uniformisation de l’économie mondiale. La politique néolibérale qui vise à ajuster les sociétés au libre marché mondial ne se cantonne pas à la seule sphère économique et financière. Elle concerne toutes les institutions et en particulier le domaine de l’éducation. Dans la doctrine dominante, la distinction subtile qu’on essaie de faire parfois entre économie de marché et société de marché n’a, à proprement parler, aucun sens. Ce sont tous les domaines de la vie sociale et culturelle qui sont mobilisés dans une quête illimitée de l’efficacité et de compétitivité. Non seulement l’éducation n’y échappe pas, mais elle est même érigée en facteur fondamental de croissance et de productivité dans les conceptions dominantes du capital humain et de la formation des ressources humaines.
L’éducation est regardée par des organismes dont le principal bénéfice est de nature économique. Les motifs qui guident les choix scolaires sont les retours sur l’investissement et le besoin en main d’œuvre des entreprises. Certes, les rapporteurs et les orateurs liés à ces organisations internationales négligent souvent le couplet humaniste sur l’importance de la culture, du lien social ou de la citoyenneté. Mais l’essentiel de leur propos n’est pas là. Il s’agit principalement de réduire les coûts de l’éducation quand ils sont assurés par la dépense publique, de faire appel à des financements privés, d’introduire des mécanismes et des valeurs du marché, de privilégier les objectifs économiques dans la définition des contenus et des méthodes pédagogiques et, finalement, de faire de l’éducation une source de profits. Cette subordination de l’école à la compétitivité globale inspire de plus en plus la réforme de l’éducation prônée par les organisations internationales et appliquée par les gouvernements influencés par l’idéologie néolibérale. Cette menace, surtout depuis la conférence ministérielle de l’organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en décembre 1999 à mis en lumière l’existence de forts dangers dans des secteurs que beaucoup pensaient jusque-là épargnés parce qu’administrés à la seule échelle nationale, comme c’est encore assez largement le cas pour l’éducation. Nous le voyons de mieux en mieux comment les réformes de l’enseignement dans chaque pays obéissent à des orientations libérales qui transcendent les frontières nationales : réductions des coûts, réorganisation managériale, constitution de marchés éducatifs et privatisations plus ou moins rampantes leur donnent un cachet commun. Nous le savons aussi que la lutte à mener dans le domaine éducatif est mondiale. Ce qui donne une nouvelle responsabilité aux mouvements qui luttent contre la marchandisation du monde. Et parmi eux, principalement, les organisations syndicales de l’enseignement et de la culture. Cela donne plus d’importance aux liens entre les syndicats des différents syndicats des différents pays et régions de la planète et change la façon dont il convient d’analyser et de combattre les réformes d’inspirations libérale. La mondialisation pourrait réaliser le bien être de l’être humain et opérer le développement des pays pauvres à condition que les savoir et les nouvelles technologies soient équitablement répartis.
Vers une mondialisation équitable
La mondialisation d’aujourd’hui a pour seul objectif de tirer des bénéfices économiques et financiers au détriment des valeurs. A cet égard l’éducation dont sa finalité primordiale est de construire des citoyens penseurs et des êtres humains tolérants n’échappent pas à l’influence de la mondialisation. Pour lutter contre ces inconvénients, une action collective mondiale semble nécessaire. L’intervention des institutions internationales reste plus que jamais à l’ordre du jour, mais doit être profondément réformée. L’idéologie du libre marché doit être abandonnée au profit d’une conception plus réaliste et pragmatique admettant que les marchés sont imparfaits et que l’intervention de l’État est nécessaire. Toutes les institutions internationales doivent évoluer vers plus de transparence, plus d’ouverture. L’aide au développement doit être amplifiée et assise sur des fondements plus permanents, moins dépendants des aléas politiques. L’annulation de la dette doit être poursuivie en y incluant des pays moins pauvres. Le système de gouvernance mondial doit être profondément modifié afin que les pays pauvres puissent y prendre la parole et y jouer un rôle actif. Partout, le développement de la démocratie doit être encouragé. En effet, « pour que la mondialisation devienne synonyme de développement, il ne faut pas qu’elle vise à réaliser un monde unifié et uniforme, mais un monde où le pouvoir et les ressources seront équitablement répartis. Le développement ne sera jamais une conséquence logique du progrès de l’humanité. Il est un projet hautement politique126 ». Dans ce contexte nous constatons qu’une autre philosophie éducative s’y affirme. Elle est fondée sur l’humanisme le plus large plutôt que sur l’utilitarisme étroit, sur la solidarité entre pays riches et pauvres plutôt que sur la domination et la rivalité, sur l’universalisme plutôt que sur le nationalisme et l’égoïsme. Par ailleurs, une autre conception de la mondialisation est possible si d’autres règles et fondements de l’échange entre peuples doivent s’imposer à la place du seul calcul égoïste des profits, l’éducation y tiendra une place majeure. Une mondialisation qui prend en compte l’intérêt de tout le monde, l’ouverture sur l’autre sans domination ni exploitation, l’aide et l’échange d’expériences, et la rencontre des cultures n’aura pas pour principe le commerce mais la transmission, non la guerre commerciale mais le partage et le don. L’éducation comme activité gouvernée par ces valeurs sera au cœur d’un ordre mondial plus juste.
En guise de conclusion
La mondialisation, comme processus est indissociable des enjeux politiques, économiques et socioculturels. Elle pourrait avoir des répercutions négatives sur l’être humain si l’intervention du système éducatif ne prenait pas en compte quelques valeurs humaines comme la tolérance et l’égalité. En effet, le développement des technologies peut élargir nos connaissances, aider à résoudre certains problèmes, jadis insurmontables, mais jamais elles ne remplaceront ni la chaleur humaine ni l’intelligence typiquement humaines et humanisantes. En outre, la répartition équitable des nouvelles technologies est la clé d’une mondialisation bénéfique aux pays riches ainsi qu’aux pays pauvres.
126 Mestrum., F, Mondialisation et pauvreté de l’utilité de la pauvreté dans le nouvel ordre mondiale, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 26.
Résumé
La mondialisation a une signification multidimensionnelle, économique, politique et culturelle, et se présente comme un grand déstabilisateur culturel et spirituel pour le monde en développement. En fait, l’effet de la mondialisation apparaît aussi dans le transfert très rapide des biens sociaux. A cet égard, la science et la technologie prennent une place prépondérante dans ce mouvement qui se pose comme un facteur déterminant : c’est le paradigme technico- économique et scientifique, à la fois moyen de rapprochement entre les pays riches et les pays en développement, et facteur d’étirement de l’écart qui les sépare. Bien entendu, la mondialisation ne semblerait pas avoir contribué aujourd’hui à améliorer le bien-être des Hommes. Dans cette perspective, l’éducation apparaît un domaine permettant le transfert des outils technologiques entre les différents pays, si elle s’accompagne de mesures visant à favoriser une répartition équitable des ressources humaines et matérielles et une utilisation rationnelle des outils technologiques.
Mots-clés : mondialisation, pauvreté, nouvelles technologies, éducation, pays en développement.