Colloque en hommage au Professeur Pierre Fonkoua : Quel avenir pour la professionnalisation en Afrique ?

Dans le cadre du colloque international en Hommage à Monsieur Pierre Fonkoua, Professeur Emérite des universités, l’Unité de Développement de Recherche sur les Pratiques Sociales et les Changements de Comportements (UDREPS) lance un appel à communication et de texte portant sur les récits de pratique touchant spécifiquement au domaine de la professionnalisation des enseignements.

En effet, Fonkoua Pierre a développé au cours des années une oeuvre multiforme et influente.

Ses champs d’intérêts ont en effet été multiples et variés, allant de la prospective (premiers centres d’intérêts) à la professionnalisation, en passant par des questionnements sur l’éducation spécialisée, ou l’enseignement des adultes. Ses premiers travaux ont essentiellement porté sur la prospective ou les prévisions à long terme. Dans ce cadre, il défend sa thèse de doctorat de troisième cycle sur les éléments théoriques requis pour une prospective de l’éducation adaptée au Cameroun (Fonkoua ; 1983), et son doctorat PhD sur les valeurs consensuelles à promouvoir pour un système éducatif camerounais (Fonkoua ; 1993). Toujours dans ce domaine, il écrira par la suite plusieurs articles notamment « Education et prospective : notes de synthèse sur le cas du Cameroun » (Fonkoua ; 1987), les valeurs éducatives dans l’épopée de Ndzana Ngazo’o (1998) ; « Vial et le futur » (Fonkoua ; 1998).
Son engouement pour la question de la prospective va ouvrir la porte à d’autres questionnements concernant cette fois la professionnalisation, pour autant qu’il réalisera la complexité pour les acteurs éducatifs de traduire dans les pratiques les valeurs, la vision de l’éducation telle que définie/élaborée par le politique en amont, surtout dans un contexte d’évolution d’avenir pluriel. C’est cette limite de la prospective qui l’amène en effet à
s’intéresser, entre autres, à la question de la professionnalisation et en à faire son champ de prédilection.

Les travaux de Fonkoua sur la professionnalisation s’ancrent dans la dimension de la formation des éducateurs en général, et des enseignants en particuliers. Il étudie dans ce champ, aussi bien les fins de l’éducation/formation professionnelle que la dimension pédagogique, didactique et éthique de la formation des éducateurs. Il interroge notamment la professionnalisation des pratiques enseignantes dans la formation « des formateurs des
formateurs », les dispositifs de formation dans les institutions de formation (2003), la formation des enseignants en lien avec le développement durable (2006), la place de la didactique générale dans la formation des enseignants à l’ENS de Yaoundé (2006), mais aussi la place de divers outils dont les TIC dans cette formation, les pratiques d’enseignement de l’ECMI, etc. dans ses recherches, il publie « professionnalisation et formation des enseignants au Cameroun » (référence….) dans lequel il questionne la formation professionnelle des enseignants en donnant des clés pour mieux en comprendre les ressorts en vue de l’améliorer.

Il publie un autre livre portant sur l’intégration des TIC dans le processus enseignementapprentissage au Cameroun (2007) dont l’idée maîtresse est la nécessité de réajustement du système éducatif camerounais, et partant de la formation professionnelle des enseignants au Cameroun comme étant la condition sine qua none d’intégration des TIC dans le processus enseignement-apprentissage. Cette oeuvre de Fonkoua sur la professionnalisation, est en effet très révélatrice de l’orientation qui devrait être donnée en amont en termes de formation initiale ou continue des enseignants et des formateurs ; elle épouse la vision qu’il se fait de la finalité de l’éducation, et partant, de la formation professionnelle des enseignants.

Dans son ouvrage intitulé « Quels futurs pour l’éducation en Afrique ? » (2008), Fonkoua précisait un enjeu central de son oeuvre : mettre en place une éducation en Afrique qui réponde aux besoins actuels et à venir de l’Afrique. En ancrant ses travaux dans une approche projectiviste, il pose ici les jalons pour une réflexion de fond sur une formation professionnelle qui, s’éloignant des influences des courants de recherches internationales,
répond aux besoins de développement endogène et durable de l’Afrique. En d’autres termes, il pose une réflexion sur la nécessité de redéfinir la formation des éducateurs au Cameroun afin de l’arrimer, non seulement aux normes internationales et rendre ainsi plus visible l’intellectuel camerounais aux yeux du monde, mais aussi et surtout, de façon à ce qu’elle s’adapte aux réalités contextuelles et réponde aux besoins d’éducation et de formation réels en contexte aussi bien qu’aux besoins de développement de l’Afrique et du Cameroun en particulier.

Un tel projet exige/implique de revoir, dans le cadre d’un colloque qui lui est consacré, pensons-nous, l’orientation de la formation des travailleurs dans divers secteurs dont l’enseignement, et donc de leur professionnalisation en prenant appui sur des éléments réels issus des contextes sociopolitiques et socioéconomiques dans lesquels elle s’incarne. Cela étant, ce colloque en hommage à Fonkoua est une invite à réinterroger à de nouveaux frais, dans une perspective de prolongement de ses travaux, la question de la professionnalisation, et ce dans une triple perspective qui est au fondement même des significations de ce concept ô combien pluriel.

En effet, le concept de professionnalisation dans son état de fait dégage 3 significations repérables à travers les travaux de Hayle (1980 et 1983) et de Bourdoncle (1991).

Le premier sens renvoie au processus d’amélioration des capacités et de rationalisation des savoirs mis en oeuvre dans l’exercice de la profession. Toute chose qui induit une grande maîtrise et une plus grande efficacité individuelle et collective. Ce sens de la professionnalisation dégage un état de fait que l’on désigne par professionnalité. Il s’agit alors des capacités que l’on cherche à développer chez les professionnels d’une profession ou d’un métier, grâce à des actions de formation continue. Cette logique de professionnalisation correspond au développement professionnel. De nombreux travaux sur la question ont été développés notamment pour l’enseignant (Daouda, 1997 ; Fonkoua, 2008 ; Djeumeni, 2016). Mais les dynamiques de l’évolution des sociétés avec ses corollaires font naître chaque jour des métiers, complexifient les attentes des professions existantes. Pour autant que, dans bien de cas, les usagers de ces professions sont de plus en plus exigeants. La question reste donc posée du comment les professionnels et usagers d’une profession donnée conçoivent et réalisent le développement professionnel des acteurs. Selon la profession, quelles pourront être les formes de ces conceptions et leur incidence réelles sur leur développement professionnel ?

Le deuxième sens porte non plus sur les connaissances et les capacités qu’exige la pratique de la profession mais plutôt sur les stratégies et la rhétorique déployée par les groupes professionnels pour revendiquer une élévation dans l’échelle des activités. Dans ce sens, la professionnalisation désigne le processus d’amélioration collective du statut social de l’activité, qui se manifeste par un certain nombre de critères. Elle prend ici l’état du
« professionnisme» pour désigner les activistes de la profession qui, s’appuyant sur des stratégies et une rhétorique commune, cherchent à faire reconnaître à la hausse la valeur du service qu’ils rendent, afin d’augmenter leur monopole d’exercice. C’est par exemple le quotidien des associations professionnelles, des syndicats et corporation dont les actions visent à défendre et à promouvoir ceux qu’ils représentent. Il se pose alors la question du comment les associations professionnelles, syndicats et corporations conçoivent le « professionnisme » de leur profession, métier ou activité ; et/ou oeuvrent à l’amélioration de la qualité de leurs services et de leur monopole d’exercice ? Une lecture actuelle du professionnisme est de voir les relations de pouvoir qui y ont lieu. Il s’agit de questionner pour qui roulent les syndicats en Afrique ? Pour eux-mêmes, pour les adhérents, les
professionnels de manière générale ou ont-ils des rapports incestueux avec l’Etat ou les autres employeurs ?

Le troisième sens indique, à l’échelle individuelle, l’adhésion à la rhétorique et aux normes établies collectivement selon le deuxième sens. La professionnalisation correspond à ce moment au professionnalisme. Le processus conduisant à cet état est la socialisation professionnelle. Il s’agit de l’état des membres d’une profession qui manifestent leurs adhésions aux normes résultantes de la transformation de la nature d’une profession par les
groupes professionnels, telles que le respect des règles collectives, la conscience professionnelle et l’exigence d’efficacité. Des connaissances méritent d’être mobilisées sur les conceptions que les professionnels d’une profession ont sur la socialisation à celle-ci. Tout intéressant aussi, les connaissances sur les conceptions des usagers des professions sur cette socialisation. Comment s’effectue la socialisation des acteurs à l’exercice professionnel de leur métier ? Quels mécanismes et matériaux/outils sont mis en jeu ? Pour quels buts/finalités ?
Quels problèmes/difficultés rencontrent-ils dans ce processus de socialisation ? Comment font-ils pour les résoudre ou les surmonter ?
Ces différents questionnements issus de cette triple perspective invitent à prendre pour pointd’ancrage ou de départ, le récit des pratiques  professionnelles et réactions des acteurs de terrain ; c’est-à-dire des agents qui vivent au quotidien diverses expériences en lien avec la pratique professionnelle de leur métier ainsi que le processus de professionnalisation en cours dans leur secteur de travail et auquel ils participent en oeuvrant pour son implémentation.

Prendre pour point de départ le récit des pratiques professionnelles ou des expériences des acteurs est heuristique, pour autant qu’il s’observe, dans diverses professions, un décalage de la vision de formation développée par le politique en amont à travers divers programmes d’avec les réalités et problèmes que pose la professionnalisation en contexte camerounais au quotidien. Une telle perspective favorisera une plus grande saisie des problèmes que pose cette réalité, mais aussi des mécanismes que développent les acteurs pour y faire face et réaliser ce qui est attendu d’eux, pour autant qu’elle permet d’aller au plus près des acteurs pour saisir ce qu’ils imaginent, savent et/ou font à partir de l’analyse de leurs expériences concrètes, c’est-à-dire les représentations associées à leur métier et la manière dont ils contribuent ou peuvent contribuer à mieux repenser les politiques de formation professionnelle (ou professionnalisation), et donc, leurs pratiques socioprofessionnelles En adéquation avec ce projet, les contributeurs sont invités à proposer des études fondées sur des approches méthodologiques participatives mobilisant des entretiens ethnographiques
fondés sur des images, des photos (supports non écrits) et des enregistrements audiovisuels recueillis par les enseignants, les étudiants, mais aussi les professionnels des autres métiers concernés par les différentes études, etc.

Les contributions des auteures et des auteurs pourront s’articuler autour des axes thématiques ci-dessous.

Axe1 : Développement professionnel

Le développement professionnel est envisagé comme l’amélioration quotidienne de ses aptitudes, compétences et capacités nécessaires à l’exercice réussi d’une profession ou d’un métier. Développer ses capacités professionnelles est donc être en train de réactualiser de manière permanente ses connaissances pour mieux faire face aux difficultés d’exercice de son métier. Dans l’enseignement, le développement professionnel se situe à l’axe de la formation continue et de la recherche permanente. L’axe 1 accueille les contributions sur les récits des pratiques des acteurs professionnels et des usagers sur le vécu de ceux-ci du développement professionnel. Quelles dynamiques ? Quelles pertinences ? Quels besoins ? Quelles satisfactions ? Quelles structures ? Quels états des lieux ? Quelles normes ?

Les contributions pourront aussi questionner l’engouement des professionnels à s’investir dans le développement professionnel. Qu’est-ce que les professionnels eux-mêmes pensent du développement personnel ?

Axe 2 : Stratégies et rhétoriques collectives

Travailler sur le « professionnisme » dans un contexte de transformation des professions reste une préoccupation intéressante, mais qui fait l’objet de très peu d’investigation dans le contexte des dynamiques des professions. Les contributions à cet axe examineront le vécu par les membres des associations professionnelles, des syndicats et corporations du processus de transformation des professions en déclinant les perceptions de ceux-ci. Comment le vivent-ils ? Est-il aisé ou parsemé de luttes ? Quels types de relation entretiennent-ils avec les autorités destinataires ? Quelles craintes ? Quelles satisfactions ?

Cet axe s’intéressera aussi aux   conceptions que les employeurs ont de cette activité des groupes professionnels. Comment accueillent-ils ces activités ? Quelles réponses apportent-ils ? Comment répondent-ils ? Il serait aussi intéressant d’analyser dans une approche comparative les conceptions de
transformation de la nature de profession chez les membres des groupes professionnels et des autorités

Axe 3 : Socialisation professionnelle

Les contributions analyseront ici la manière dont les professionnels et usagers d’une profession pensent, perçoivent et conçoivent la socialisation professionnelle. Les conceptions des professionnels et des usagers changent-ils selon les contextes, l’ancienneté ? Quelles dynamiques ? Quels processus ? Quelles pesanteurs ? Quelles catégorisations ?

Axe 4 : Métier et profession

L’axe 4 comprend les contributions qui analysent les statuts des professions. Dans une société donnée quelles sont les vraies professions ? Les vraies professions et les autres ? Comment partir d’un métier à une profession ? Cet axe analysera aussi les comparaisons entre métiers et professions du point de vue des professionnels.

Axe 5: Ingénierie des métiers

Cet axe recevra des contributions qui analysent et proposent des référentiels des métiers.
Quels référentiels pour quels métiers ? Quelles conception les professionnelles ont-ils des référentiels des métiers de leur profession ? Quelles dynamiques doivent suivre les référentiels des métiers ? Quelles didactiques pour les métiers de l’enseignement technique et professionnel ?

Référence Bibliographique

Bourdoncle, R. (1991, janvier-février). La professionnalisation des enseignants : analyses sociologiques anglaises et américaines. Revue française de pédagogie ; N°94; pp73-92
Djeumeni Tchamabe, M. (2016). La formation pratique des enseignants au Cameroun. Formation et profession. N°23 (3) ; pp168-180
Fonkoua, P. et Tchombe, M.T. (2006, janvier). Professionnalisation et formation des enseignants au Cameroun. Les cahiers de terroirs, revue africaine des sciences sociales ; N°1
Maingari, D. (1997). La professionnalisation de l’Enseignement au Cameroun : des sources aux fins. Recherche et Formation N°25. L’identité enseignante : entre formation et activités professionnelles. Pp97-112
Wittorski, R. (2008). La professionnalisation. Savoirs N°17 ; pp11-38

MODALITÉS DE PROPOSITION DES CONTRIBUTIONS

Les contributions peuvent être rédigées en français ou en anglais. Elles seront accompagnées d’un résumé (français) et d’un abstract (anglais) de 250 mots (maximum), et d’un maximum de 5 mots clés. Elles doivent avoir 60 000 signes au maximum, y compris les espaces, la bibliographie, les annexes et tableaux. Le corps du texte doit être présenté sous version Word, sous format Word.doc, police Times New Roman, corps 12, interligne 1,5. Les normes de rédaction doivent respecter le style de présentation des références American Psychological Association.

La première page des propositions de contributions doit porter l’axe choisi, le titre et le résumé, la désignation de l’auteur principal, des co-auteurs éventuels, ainsi que de l’auteur correspondant ; Nom & prénom ; titre/grade ; et institutions de rattachement de l’auteur ou des co-auteurs.

Chaque contribution précisera la problématique de recherche (ou Background), l’objectif de la recherche, la méthodologie et le terrain d’enquête, les principaux résultats et la conclusion.

Les contributions sont adressées à l’Unité de Développement de Recherche sur les Pratiques Sociales et les Changement de Comportement : udreps.lab@gmail.com

Date limite de soumission des propositions de résumé : 31 janvier 2020
Date de retour de l’expertise aux contributeurs : 31 mars 2020
Dates de la tenue du colloque : du lundi 09 au mercredi 11 novembre 2020 

Renseignements: udreps.lab@gmail.com ou tel: (+237) 697640818 / 670100669 / 699839725

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Pr Pierre Fonkoua, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr. Barnabé Mbala Ze, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Antoine Socpa, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Innocent Fozing, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Estelle Kouakam, UCAC, Yaoundé, Cameroun
Pr Abel Adder Goda, Université de Maroua
Pr Alawadi, Université de Dschang, Dschang, Cameroun
Pr Samuel-Beni Ella Ella, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Armand Leka Essomba, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Ebalé Moneze Chandel, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Daouda Maingari, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Vandelin Mgbwa, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Sariette Batibonak, Université des montagnes, Bagangté, Cameroun

Pr Yves Bertrand Djouda Feudjio, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Gustave Messanga, Université de Dschang, Dschang, Cameroun
Pr Pierre Paul Onana Atouba, ENS, Université de Yaoundé I, Cameroun
Pr Hypolite Bikitik, ENS, Université de Maroua, Maroua, Cameroun
Pr Afsata Kaboré, Université de Koudougou, Burkina Fasso
Pr Abdel Baba Moussa, Université d’Abomey Calavi, Benin
Pr Louis Marmoz, Université de Paris Versailles, France
Pr Therese Tchombe, Université de Buea, Cameroun
Pr Alain Jaillet, Université Cergy Pontoise, France
Pr Ongoka Pascal Robin, Université Marien Mgouabi, République du Congo
Pr Jean Itoua Ekembe, ISEP, Université Marien Mgouabi, République du Congo
Pr Jean Paulin Moundoumou, Université Marien Mgouabi, République du Congo
Pr Florentin Azia Dimbu, Université de Pédagogique Nationale de R D Congo,
Pr Menye Nga Fabrice, Université de N’Gaoundéré, Cameroun
Pr Bachir Bouba, Université de Maroua, Cameroun
Pr Gilbert Nguema Endamne, ENS de Libreville, Gabon
Pr Hélène Kamdem, IFORD, Université de Yaoundé 2 – Soa, Cameroun
Pr Honoré Mimché, IFORD, Université de Yaoundé 2 – Soa, Cameroun


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