Résumé
Le projet « Amélioration de la qualité de la formation des enseignants en Haïti », financé par le MAECD (Ministère d’Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada), mis en œuvre par le MENPF avec l’assistance technique de l’UNESCO, a été lancé en 2011. Le RAIFFET a répondu à l’appel d’offre publié en 2015 qui vise à faire un état des lieux de la formation des enseignants Haïtiens. Conformément aux TDR (termes de référence) l’étude du RAIFFET porte sur l’évaluation des programmes des institutions de formation pour les enseignants du préscolaire, fondamental et du secondaire, l’évaluation de la mise en œuvre de ces programmes et enfin la rédaction de recommandations adressées au ministère en terme de réforme de curricula pour les nouvelles institutions de formation.
Mots-clés
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Contexte et étendue de la mission
Les orientations générales sont établies par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) dans le plan opérationnel de refondation du système éducatif Haïtien (MENFP, 2010) :
- Une école nationale accessible à tous les Haïtiens et Haïtiennes, quel que soit leur sexe et leur lieu de résidence, selon le profil que nous voulons selon notre culture et nos valeurs ;
- Un système d’éducation et de formation qui soit en adéquation avec les besoins de l’économie du pays ;
- Une éducation de qualité appuyée sur un socle commun de connaissances, de savoir-faire, de savoir-être et de savoir vivre ensemble et dispensée par des enseignants et enseignantes compétentes.
« Dans le cadre de la reconstruction nationale, l’école haïtienne se donne pour mission de participer à la socialisation et à l’éducation de citoyens et citoyennes modernes, ouverts, critiques, vigilants, participatifs, conscients de leurs droits et respectueux de leurs devoirs et responsabilités » (MENFP, 2010).
Cela suppose de redéfinir et renforcer la gouvernance générale de l’éducation et de la formation, de mettre en place des changements dans la prise en charge du préscolaire et de l’école fondamentale tout comme dans la structuration de l’école secondaire vis-à-vis de la formation des personnels, sans oublier la modernisation de l’enseignement supérieur.
Suite à ces orientations, le projet « Amélioration de la qualité de la formation des enseignants en Haïti », financé par le MAECD (Ministère d’Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada), mis en œuvre par le MENPF avec l’assistance technique de l’UNESCO, a été lancé. Le RAIFFET a répondu à l’appel d’offre publié en 2015 qui vise à faire un état des lieux de la formation des enseignants Haïtiens. Conformément aux TDR (termes de référence) l’étude du RAIFFET porte sur l’évaluation des programmes des institutions de formation pour les enseignants du préscolaire, fondamental et du secondaire, l’évaluation de la mise en œuvre de ces programmes et enfin la rédaction de recommandations adressées au ministère en terme de réforme de curricula pour les nouvelles institutions de formation.
Méthodologie : Enquête de terrain
Préparation de l’enquête de terrain : Semaine 1
Deux missions ont eu lieu. La première s’est déroulée du 14 au 20 mars 2016. D’une part, elle avait comme objectif, de rencontrer et échanger avec les responsables de l’Unesco, du MENFP et de la DFP (Direction de la Formation et du Perfectionnement) quant à la surface de la mission et au plan de travail. D’autre part, elle devait s’imprégner du contexte haïtien en effectuant une série de rencontres avec des institutions de formation de Port-au-Prince.
L’enquête de terrain : semaines 2 et 3
La deuxième partie de la mission, s’est déroulée du 25 avril au 8 mai 2016. Il s’agissait de récolter des données analysables concernant les programmes de formations d’enseignants auprès d’un échantillon d’établissements aussi bien à Port-au-Prince qu’en région. Cet échantillon a été validé par la DFP et l’Unesco avant le début de la semaine 2. Ainsi, l’ensemble des résultats analysés sont issus de l’enquête réalisée pendant la seconde partie de la mission.
Échantillons
Des échantillons pondérés en fonction des variables choisies (privé/public ; rural/urbain ; statut des institutions – ENI[1]/ENS/CFEF[2]/Universités) ont été construits après échange avec le MENFP et l’Unesco. Cet échantillon a été construit de façon aléatoire (mais en veillant à la pondération mentionnée précédemment). Ainsi, 13 institutions ont été visitées et une fiche signalétique a été remplie en présence des responsables de la formation dans les institutions. 215 questionnaires étudiants et 31 questionnaires formateurs ont pu être récupérés. Il n’a pas été possible dans certains cas de rencontrer au sein des institutions ces deux populations cibles.
Nous avions aussi demandé à rencontrer les étudiants de dernière année. Lorsque cette demande n’a pu être satisfaite dans quelques rares cas, nous avons ciblé les étudiants des années précédentes. De même, nous n’avons pu recueillir des questionnaires formateurs dans l’ensemble des institutions visitées. Une des raisons, et nous y reviendrons, est l’impossibilité pour certains formateurs de rester après les cours par leurs statuts de non-permanent et doivent quitter l’établissement pour aller enseigner ailleurs.
Ainsi, l’échantillon se compose de 31 formateurs ayant un âge moyen de 44 ans et de 32 ans chez les étudiants. La répartition hommes-femmes chez les étudiants (respectivement 118 et 93, 4 non réponse, total = 215) est assez équilibrée alors que chez les formateurs l’échantillon se compose de 7 femmes pour 24 hommes. Les niveaux de formation des formateurs sont assez hétérogènes puisque ceux-ci vont du Bac au Doctorat. En ce qui concerne les étudiants, si la grande majorité des étudiants rentrent dans l’institution de formation, il n’en demeure pas moins que certains sont issus de réorientations (avec déjà des années d’études dans d’autres cursus) et dans de rares cas une entrée dans l’institution sans validation du Bac.
Outils de recueil de données
L’ensemble des analyses est issu des trois outils élaborés pour cette étude. Ils nous permettent d’analyser les différents programmes et leurs applications dans les institutions visitées. Nous nous attendions à trouver, dans de très rare cas, que des curricula formalisés par écrit (IHFOSED, 2007), nous ne pouvions donc compter sur l’unique analyse des curricula pour comprendre le prescrit. La fiche signalétique, à remplir avec les responsables de l’institution, nous a permis de collecter les données relatives au prescrit (l’analyse des curricula en complément lorsque cela était possible). Le différentiel entre le prescrit et ce qui est enseigné a pu être collecté grâce aux questionnaires donnés aux formateurs et aux enseignants. Nous avons pu aussi assister à quelques cours lorsque l’agenda le permettait.
La fiche signalétique
Plus qu’une simple fiche, elle fait office de guide d’entretien. Ainsi, dans chaque institution, le ou les responsables des formations ainsi que les experts ont rempli cette fiche lors d’un entretien d’une durée moyenne de deux heures.
Cette fiche porte sur tous les aspects qui peuvent permettre de saisir la réalité des curricula, leur utilisation, tout comme les bonheurs et malheurs des institutions dans le procès de formation.
Le questionnaire formateur
Le questionnaire formateur a été rempli par les enseignants de l’institution présents sur place. Le questionnaire, à l’image de celui pour les étudiants, comporte quatre grandes parties :
- Recueillant les données démographiques comme l’âge, le genre, le niveau d’étude, etc.
- Évaluant la perception de leurs pratiques d’enseignement
- Évaluant les formations suivies dans les institutions
- Évaluant la perception du métier d’enseignant
Ainsi, nous avons pu récolter des informations sur l’application du prescrit, du point de vue des formateurs. La durée moyenne pour remplir le questionnaire a été de 30 minutes environ Nous avions contacté les institutions avant de venir afin de convenir d’une rencontre avec un maximum d’enseignants. Pourtant, nous n’avons pu recueillir que 31 questionnaires.
Le questionnaire étudiant
Le questionnaire étudiant comporte aussi une section récoltant des données démographiques, une évaluation de leur perception la formation dans leur institution, une évaluation de la formation suivie dans leur institution et une évaluation de la perception du métier d’enseignant. Le questionnaire étant très proche du questionnaire formateur la durée moyenne pour le remplir a été quasi identique.
Résultats de l’enquête et pistes de réflexions
Le niveau préscolaire
Appuis et Obstacles identifiés
Le préscolaire est actuellement insaisissable en Haïti. En effet il existe certes, mais dans une grande diversité d’offre et de qualité. Partout dans le Monde où les familles des élèves sont éloignées de la culture scolaire – ce qui est le cas pour une grande partie des parents haïtiens – le préscolaire en est que plus décisif. Sans un préscolaire et un premier cycle de l‘école fondamentale profondément repensés – aussi bien dans les curricula que dans les manières d’enseigner et aussi dans la relation école-famille, l’échec scolaire et le désenchantement des élèves et des familles continuera à être massif.
Une formation des enseignants du préscolaire est mentionnée par des facultés des sciences de l’éducation (université épiscopale, UPSEJ, Quisqueya…) ou des ENI (Les Cayes privée et publique, Jacmel, Pour la Vie, Cap Haïtien), mais elle ne renvoie en réalité le plus souvent qu’à un module dans les ENI, ou à une offre de formation pour des cadres intéressés par la demande de création d’institutions dédiées à la petite enfance dans les universités.
Des avancées et productions de grande qualité sont néanmoins d’ores et déjà disponibles (Université épiscopale, Ecole Normale de Jardinière d’Enfants Mikaline Kindergarten, ou l’École Normale de La Vie).
Recommandations
Le préscolaire doit être reconnu comme un niveau d’enseignement tout aussi légitime que les autres, et la recherche en éducation a montré qu’il représente un précieux atout pour la poursuite de la scolarité, en particulier pour les élèves des milieux populaires, dont de nombreuses familles sont éloignées de la culture scolaire (Fauguet, 1998).
Les établissements préscolaires dans les nouveaux programmes demeureront des écoles à part. S’il est prévu d’en faire des écoles à part entière, le danger serait de créer des écoles entièrement à part.
En Haïti, en prenant en compte le degré de pauvreté et les niveaux d’éducation de la population, il semble important d’avoir une offre de formation préscolaire. L’appellation « préscolaire » suggère que ce qu’on y fait n’est pas ce qu’on fait habituellement dans une école, ce qui procure à l’approche par compétences une importance décisive à ce niveau d’éducation. Doit-on lier les curricula du préscolaire aux curricula de l’école fondamentale, en créant ainsi un cycle préscolaire ramifié aux autres ? Il faut répondre positivement, sinon proposer des curricula formels n’aurait guère de sens.
Si l’on veut que le préscolaire soit reconnu comme un lieu d’éducation légitime, de dignité égale à celle des cycles supérieurs, alors il faudra que les enseignants du préscolaire aient un statut identique, donc une formation comparable.
Deux scénarii peuvent être proposés :
Curriculum spécifique pour le préscolaire
C’est le choix fait actuellement, avec des curricula produits en 2014. Le travail réalisé est de grande qualité, mais son application se heurtera à l’absence pour l’instant de formateurs maîtrisant ces curricula.
Sa mise en œuvre demandera une formation de formateurs massive, afin de disposer d’une formation de qualité, à même de répondre aux immenses défis que doit justement relever le préscolaire. Deux procédures peuvent être suivies :
Des partenariats entre les institutions de formation des enseignants d’Haïti et des institutions étrangères, avec un volet recherche en éducation susceptible de produire des experts dans chaque institution agréée
Un appel d’offre international pour une formation de formateurs en éducation préscolaire
L’école fondamentale
Appuis et Obstacles identifiés
L’enseignement fondamental est obligatoire, mais en réalité malheureusement nombreux sont les élèves qui abandonnent l’école avant de terminer le cycle primaire. Nombreux sont les enfants qui y entrent tardivement, ce qui, avec de nombreux redoublements, conduit à la présence d’enfants plus âgés que la normale dans chacune des classes.
La jeunesse haïtienne a besoin dans les années qui viennent d’enseignants bien formés et en nombre suffisant. Cela suppose de travailler à la fois sur la formation initiale pour les nouveaux recrutés, et sur la formation continue pour les enseignants en poste, d’ailleurs souvent vieillissants.
[1] École Normale d’Instituteurs
[2] Centre de Formation pour l’École Fondamentale
Le service public est à soutenir, dans une situation où les écoles privées sont majoritaires et proposent ainsi un ensemble d’écoles très inégales. En effet Haïti compte environ 15 200 écoles primaires, 90 % étant dirigées par des communautés locales, des organisations religieuses, ou des ONG. En 2010 les deux premiers cycles de l’enseignement fondamental totalisaient 2 106 805 élèves dont seulement 390 618 dans le public (18.5%) (IFADEM, 2013).
Dans cet écheveau l’évaluation est au poste de commande, que ce soit au niveau de l’enseignant vis-à-vis des connaissances et compétences des élèves, ou au niveau des corps d’inspections, chargés d’accompagner le redressement de l’école.
La formation des enseignants de l’école fondamentale est éclatée dans trois types d’institutions : ENI, CFEF, facultés des sciences de l’éducation. Une telle situation est illisible, inégale, en un mot intenable.
Chaque organisation dispose d’atouts : les ENI ont le privilège de l’histoire et de la spécialisation sur les deux premiers cycles ; les CFEF articulent les trois cycles et suivent ainsi les nouveaux curricula ; les sciences de l’éducation proposent des curricula ouverts sur d’autres métiers, et mettent sur le marché de l’emploi des étudiants licenciés.
Chaque organisation présente également des défauts : les ENI sont figées dans un mode qui s’est arrêté en 1989, avec pour certaines une amélioration avec l’expérience de la FIA ; les CFEF représentent sans doute le meilleur dispositif pour les trois cycles de l’école fondamentale, mais leur relatif isolement et leur absence totale d’autonomie les fragilisent et ne leur permette pas ou plus de représenter un modèle à suivre ; les facultés des SdE enfin ne proposent pas une carte complète de formation et leur relations aux écoles est faible.
Recommandations
Les institutions de formation d’enseignants agréées doivent proposer des maquettes de formation construites à partir des derniers curricula rédigés par la DFP. Cela n’empêche en rien l’autonomie des établissements universitaires, qui incorporent dans les contenus les apports des recherches effectuées dans leur institution. Une règle doit être acceptée par tous : c’est l’employeur qui indique les compétences et les connaissances dont il a besoin pour ses enseignants. Les institutions universitaires de formation répondent au cahier des charges avec leur expertise.
Il n’est plus tolérable que des ENI se réfèrent au curricula de 1984, ou à celui de 1989, ou que des facultés des SdE prétendent former des enseignants du fondamental quand la majorité des cours concernent le champ général de l’éducation et les perspectives de carrières hors enseignement.
Des « Etats Généraux de l’Education et de la Formation » pourraient être organisés par le Ministère et la DFP au cours de l’année universitaire 2016-2017 dans chaque région, avec l’objectif de définir collectivement les procédures de mise en place des curricula de formation des enseignants de l’école fondamentale.
Les curricula doivent faire l’objet de discussions, d’évaluation et d’évolution, afin d’adapter les contenus et l’architecture de la formation des enseignants aux contraintes et ressources locales, et assurer une formation de qualité partout.
Ces retours réflexifs sur les curricula de formation doivent prendre en compte les connaissances disciplinaires, les savoirs de métier et les stages en établissement scolaire.
Ils supposent deux préalables :
- Des structures de formation qui organisent la réflexion de tous et les décisions à prendre par des collèges représentatifs ;
- Un développement de la recherche en éducation, seule à même d’exercer de manière objective l’évaluation et le développement.
Les deux premiers cycles
Appuis et Obstacles identifiés
La formation des deux premiers cycles est historiquement l’apanage des ENI, et plus récemment du CFEF, ce que montre la figure 1. Seul l’enseignement de l’ ITAPE[1] manque à l’appel des ENI de Jacmel et du Cap Haïtien, tout comme du CFEF public.
Néanmoins nous constatons que la formation des maîtres de ces deux cycles est également prise en charge de manière complète par l’université Quisqueya, et de manière quasi complète par l’université épiscopale (sans l’ITAPE), ou l’UPSAC (sans l’ITAPE et les Arts). Les autres universités ne forment pas les enseignants de ces deux cycles.
Les ENI nous l’avons vu, travaillent à partir de curricula souvent figés, et n’ont pas la possibilité ni la mission de faire évoluer ces curricula. Les directions de ces institutions ont beaucoup insisté également sur le respect de la discipline, et d’ailleurs, alors que le déficit de personnel est regretté, un « responsable de la discipline » est la plupart du temps recruté et participe à l’animation de l’institution. Les principes auxquels ces institutions tiennent avant tout sont le suivi strict de la règle, le respect de la hiérarchie, les routines, qui leur procurent une reconnaissance de la part des familles et des étudiants.
Les nouvelles technologies sont peu ou pas du tout prises en compte dans la formation, et les dons de parc informatique que des organisations internationales peuvent quelquefois proposer ne permettent pas de dépasser l’obstacle de l’absence de formation en numérique éducatif des formateurs.
Enfin les enseignements transversaux, ceux sur les savoirs du métiers, savoirs qui viennent des avancées de la recherche en éducation, sont pris la plupart pris en charge par les formateurs disciplinaires, en l’absence d’enseignants de sciences de l’éducation.
Ces institutions ont pourtant des atouts, qui leur viennent de leur grande expérience et de leur proximité de ces deux premiers niveaux.
[1] Initiation à la technologie et aux activités productives
Recommandations
La formation des enseignants de l’école fondamentale doit être regroupée, pour les trois cycles, dans une même structure de type universitaire, en veillant à prendre en compte les savoirs accumulés par les formateurs des ENI actuelles.
- Structure universitaire pour permettre le contact avec la recherche en éducation, la mise en place de partenariats nationaux et internationaux en matière de formation, et s’assurer que les institutions ont les moyens de développer régulièrement leurs curricula, à l’aune des demandes du ministère, des expériences internationales et des avancées de la recherche
- Expérience des ENI à préserver car les universités actuelles, sauf exception, se sont construites et sont massivement destinées à l’enseignement secondaire et à la formation continue de formateurs, alors que les ENI ont quasi incorporé le terrain de l’école fondamentale de manière exclusive.
- Expérience nouvelle à construire pour les formateurs des deux Mondes, car il s’agit d’aider les maîtres des deux premiers cycles du fondamental à penser la continuité des apprentissages, en leur donnant sens à travers la notion de projet, ce qui ne se confond évidemment pas une juxtaposition de savoirs et didactiques disciplinaires bien maîtrisés.
Les IFE nouvelles auront donc d’une part à intégrer ces savoirs d’expérience portés par le personnel des ENI, et à mettre en place un plan de formation des formateurs de grande ambition, afin que chaque formateur des IFE dispose à la fois des connaissances venues de l’expérience, et des savoirs procurés par l’expérience internationale et la recherche en éducation. Il s’agira donc de considérer les deux corps comme les fondateurs, à légitimité égale, des nouvelles institutions.
Le troisième cycle
Appuis et obstacles identifiés
Il s’agit là du maillon resté un peu dans l’ombre du système éducatif haïtien. Ces formations se déroulent dans les CFEF et les facultés des sciences de l’éducation. Pour autant au moins deux exceptions ont été observées dans notre échantillon : les sciences de l’éducation de l’UEH à Limonade ne forment pas au 3ème cycle, et l’ENI pour la Vie de Port-au-Prince a des promotions de 3ème cycle.
Les chiffres que nous avons pu collecter en ce qui concerne le CFEF public mentionnent des promotions de 90 enseignants depuis 1999, et une première promotion de sortie en 2002-2003 constituée de 72 professeurs des trois cycles du fondamental. Les Ecoles Fondamentales d’Application Centre d’Appui Pédagogique (EFACAP) ont souvent un personnel issu du CFEF public.
Les promotions du CFEF privé sont plus imitées, de l’ordre d’une centaine pour l’ensemble des 4 années (il existe une 4ème année de licence avec une vingtaine d’étudiants). Chaque année sortent environ 18 à 20 futurs professeurs.
Le nombre d’enseignants du cycle 3 ainsi formés chaque année dans les CFEF est d’environ 90, un chiffre très faible.
Les facultés des sciences de l’éducation proposent souvent la formation de cycle 3, mais de manière partielle.
La figure 2 donne à voir les disciplines du cycle 3 prises en charge par les institutions de formation visitées lors de la deuxième mission. On voit que seule l’Université Quisqueya propose l’ensemble des disciplines, suivie du CFEF de Martissant, puis de l’ENI pour la vie, seule ENI proposant une formation pour le 3ème cycle.
Recommandations
Le cycle 3 se situe dans l’école fondamentale. C’est un choix ambitieux, que la plupart des pays n’ont pas fait. En effet pays riches comme pays pauvres continuent majoritairement à couper la scolarité en deux parties bien distinctes : le primaire (englobant ou non la petite enfance aux noms variés : « préscolaire », « maternelle », « pré-élémentaire »… ) , et le secondaire. Cette séparation est souvent une marque de l’histoire, qui destinait le primaire aux enfants du peuple, et le secondaire aux classes sociales favorisées.
La scolarité en trois cycles fondamentaux entend marteler une image forte : donner à tous les enfants d’Haïti une culture commune minimum de neuf années. Il serait donc primordial, à l’instar de ce grand dessein, que les enseignants des trois cycles baignent dans une culture commune du métier d’enseignant.
Nous proposons, à l’instar de l’expérience des CFEF et de ce qui est écrit dans les documents de cadrage ministériels de mettre en œuvre une formation avec un tronc commun sur les trois cycles, relatif aux savoirs et compétences transversales qui définissent le métier d’enseignant. Ce tronc commun doit avoir la même légitimité que les savoirs purement disciplinaires, faute de quoi il n’y aura pas de « communauté » enseignante, et le 3ème cycle ne sera que marginalement dans l’école fondamentale.
Aujourd’hui, à la lumière de notre enquête, la plupart des facultés des sciences de l’éducation qui forment les enseignants du 3ème cycle, ont tendance à penser ce cycle comme un élément du secondaire. D’autres pays, tels que la France, ont ainsi bâti leur système éducatif à l’envers, en commençant par le lycée pour continuer par le collège (c’est pourquoi les Français comptent à l’envers, la 1ère étant à la fin du lycée…). Dans cette vision du Monde, un gouffre culturel sépare l’école « primaire » de l’école « secondaire », et il est fort compliqué de penser la continuité.
Par la mise en place de l’école fondamentale, Haïti pense la continuité de la scolarité de la 1ère à la 9ème année. Il faudra beaucoup de volonté politique, et de formation de formateurs, pour que cette grande réforme soit un plein succès. Il faut des décisions fortes pour que les enseignants du 3ème cycle soient intégrés réellement aux deux autres cycles, et ne se pensent pas uniquement comme enseignants disciplinaires, c’est-à-dire comme enseignants du « secondaire ».
Nous proposons, dans les prochaines institutions de formation des enseignants, de faire deux corps professionnels. Le premier corps, avec au cœur du métier la notion d’interdisciplinarité, serait le corps des enseignants de l’école fondamentale. Les enseignants du cycle 3 seraient regroupés par champ disciplinaire large (sciences, maths / lettres, sciences humaines et sociales, EPS), et partageraient avec leurs collègues des 1er et 2ème cycles la culture de la pluridisciplinarité, du projet et de l’éducation partagée entre la famille et l’école. Le deuxième corps, celui des enseignants du secondaire, partagera avec l’autre corps les notions de projet et d’approche pluridisciplinaire, mais chaque enseignant resterait spécialisé dans une discipline.
L’école secondaire
Appuis et Obstacles identifiés
Comme pour l’école fondamentale, la formation des enseignants du secondaire n’est pas uniforme loin s’en faut (figure 3). Depuis les années 2000, la mise en place d’un PNF (Plan National de Formation) puis d’un PO, auraient pourtant dû contribuer à l’harmonisation des programmes de formations initiale et continue des enseignants du secondaire et par conséquence améliorer la gouvernance globale de la formation des enseignants Haïtiens.
Un autre fléau commun touche l’éducation secondaire : l’absence de règles suivies quant au recrutement d’enseignants. Dans le secteur public, l’ENS, le CFEF de Martissant, et les UPR[1] parlent d’une voix : les chefs d’établissements secondaires recrutent souvent sans se soucier de critères de formation. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle les étudiants de l’ENS manifestaient régulièrement pendant le temps de nos missions : bien que formés spécifiquement pour le secondaire, bien que recrutés après un concours difficile, et bien que dans les textes leur recrutement devrait être assuré, nombre d’entre eux ne sont pas recrutés car d’autres personnes sont en place[2].
Une autre difficulté a été identifiée dans le dernier bilan sur la formation des enseignants fait en Haïti : il existe une importante pénurie d’enseignants formés pour le fondamental et le secondaire. En effet, selon le MENFP (2012), près de 90% des 7000 professeurs du secondaire ont atteint l’âge de la retraite, et semblent peu qualifiés au plan des compétences disciplinaires. Néanmoins, enseigner est un métier qui s’apprend, les compétences disciplinaires ne sont pas les seules à devoir être considérées pour la formation. L’acquisition des compétences pédagogiques est une autre condition nécessaire à une formation d’excellence des enseignants du secondaire. Si cette crise de la vocation peut être expliquée en partie par le manque de structuration et d’attractivité de la formation, les représentations sociales du métier d’enseignant (comme étant un métier socialement peu valorisé) semblent aussi avoir un fort impact. En effet, les faibles revenus, les stages de formation initiale non payés et le manque de possibilités dans l’évolution de carrière pourraient demeurer un empêchement majeur au recrutement s’ils ne font pas l’objet de mesures rapides.
Les facultés des sciences de l’éducation
Dans une première approche les facultés d’éducation nous ont été présentées comme des lieux de formation des enseignants du secondaire. Les entretiens avec les doyens des facultés de sciences de l’éducation nous ont permis de clarifier les fonctions de ces facultés. Dans toutes les facultés que nous avons rencontrées deux filières en général sont proposées : les sciences de l’éducation proprement dites, et une filière « administration » (il peut y avoir d’autres filières, comme par exemple celle dévolue au secteur touristique au Nord).
La filière « sciences de l’éducation » reçoit des étudiants se destinant à l’enseignement, mais la plupart du temps les étudiants sont constitués d’enseignants déjà en poste ou appartenant à d’autres profession, tous ayant l’ambition de devenir cadres dans le secteur de l’éducation.
L’École Normale Supérieure
L’ENS est la seule institution dédiée spécifiquement à la formation des enseignants du secondaire. Traditionnellement est privilégiée l’expertise disciplinaire, et l’institution met d’ailleurs en place des mises à niveaux disciplinaires pour les candidats arrivant du lycée avec des connaissances trop faibles.
Dirigée collégialement par trois co-directeurs, ces derniers, avec lesquels nous nous sommes entretenus, confirment cette marque de fabrique de l’ENS, mais réfléchissent ces dernières années aux « savoirs de métier », aux compétences professionnelles à dispenser pour former des enseignants capables de saisir ce qu’enseigner veut dire.
Les promotions de l’ENS sont faibles, eu égard aux besoins du pays en encadrement des écoles secondaires.
[1] Universités Publiques en Région
[2] Moins grave mais illustratif des mêmes dérèglements, nombre de Cfefiens formés pour le 3ème cycle enseignent dans le secondaire.
Recommandations
Pour le secondaire comme pour le fondamental, les savoirs disciplinaires et les savoirs de métier doivent être également considérés. Ces « savoirs de métier » ne se réduisent pas à ce qui est habituellement renvoyé à la « pédagogie », mais prennent appui sur des connaissances disciplinaires issues de la recherche en éducation, et comprennent un large éventail de connaissances et compétences.
Le « Plan National de Formation » de 1997 énonce un certain nombre de formations qui n’ont pas fait l’objet d’une attention suffisante des institutions de formation (évaluation de l’apprentissage, philosophie de l’éducation, connaissance de l’enfant et de l’adolescent, théorie de l’apprentissage, l’école et la communauté, nouvelle technique d’information et de communication, didactique générale, histoire comparée de l’éducation).
Nous proposons que ces formations deviennent des formations de qualité, grâce à deux mesures :
Une formation de formateurs dispensée par des universitaires spécialistes de ces domaines ;
- Un recrutement sur profil de formateurs spécialisés et expérimentés
Le « document de cadrage stratégique » de 2015, propose d’autres entrées, comme autant d’enjeux pour l’éducation d’aujourd’hui (éducation inclusive, éducation à l’environnement, éducation à la santé, valeurs éthiques, citoyennes et démocratiques, inclusion de TIC dans les enseignements, évaluation, Éducation au développement durable, pédagogie et intervention…) :
Formation déjà en place :
- Les institutions disent former avec les TIC, mais les étudiants ne corroborent pas leurs dires. Les visites des établissements et les entretiens nous laissent à penser qu’au mieux les ordinateurs sont utilisés, mais nous sommes très loin du numérique éducatif ;
- L’éducation à l’environnement. Il serait nécessaire d’avoir les contenus des cours (ce qui n’existe pas ou que nous n’avons pas pu observer) pour savoir si le contexte haïtien est bien l’objet d’enseignement ;
- Les valeurs éthiques et citoyennes. La plupart du temps il ne s’agit que de cours sur l’éthique professionnelle, bien loin de l’éducation à la citoyenneté.
Formations inexistantes :
- L’éducation au développement durable
- L’éducation à la santé
- L’éducation inclusive
Nous proposons le même dispositif que plus haut :
- Une formation de formateurs dispensée par des universitaires spécialistes de ces domaines
- Un recrutement sur profil de formateurs spécialisés et expérimentés.
La formation professionnelle et les stages
Les stages dans les textes officiels et les rapports en Haïti
Les stages occupent une place bien trop réduite dans l’ensemble des textes de références que nous avons pu étudier, qui encadrent la formation des enseignants en Haïti. En effet le terme « stage » n’est même la plupart du temps jamais cité dans les textes de référence, ce qui est très surprenant. Tout se passe comme si la formation pratique, l’exercice du métier dans la classe était un moment très mineur de la formation.
Les rapports que nous avons eus en notre possession ne mentionnent pas eux non plus les stages, ou alors de manière critique (SOFRECO, 2014) :
L’organisation des stages pratiques ne procède pas d’une logique d’élaboration de compétences car ils sont :
- D’une durée relativement faible par rapport à celle de la totalité de la formation ;
- Sans objectifs spécifiques précisés à chacun des 3 degrés de stage annuel dans les écoles ;
- Sans consignes sur l’organisation et les critères de leur évaluation ;
- Sans consignes pour les remédiations nécessaires et l’exploitation à l’ENI ou en remédiation des acquis pratiques
Un moment fort de structuration des stages a pourtant eu lieu lors de la réforme Berland, et de la mise en place des EFACAP. Ces dernières constituent des écoles d’application du « Plan National d’Education et de Formation » (MENJS, 1997) et demeurent références de bonnes pratiques. Dans les textes constitutifs de la réforme en cours, les stages font l’objet à nouveau d’une structuration, et les « Instituts de Formation des Enseignants » doivent s’appuyer sur ces écoles d’application, tout comme la formation de formateurs à destination des enseignants de ces établissements devra être renforcée »
La réalité des stages dans les institutions de formation des enseignants en Haïti
Dans les institutions d’Haïti visitées, le panorama est très disparate.
Les stages d’observation peuvent avoir lieu en première, en deuxième, en troisième voire en quatrième année (faculté des sciences de l’éducation de l’Université épiscopale). Ils peuvent aussi n’être pas prévus et n’avoir pas lieu (ENS ou UP du Nord à Cap Haïtien). Leur durée va de quelques jours (ENI de Jacmel) à quatre mois à aucun stage (UPSAC).
Les stages en responsabilité sont mentionnés en deuxième, troisième ou quatrième année, d’une semaine à quatre mois (UPSAC), mais les malentendus sur la notion de « responsabilité » ont été très nombreux lors des entretiens, et il est probable que la vraie responsabilité – c’est-à-dire la prise en main d’une classe, seul et sans la présence de formateurs ni de l’enseignant titulaire – n’existe pas.
Autrement dit la formation pratique des enseignants est très mal en point, et doit faire l’objet d’une attention forte. Les représentations du métier d’enseignant qui se dégagent de notre étude laissent penser qu’un dispositif de suivi de la mise en place de la formation dans les classes est absolument indispensable, pour les premières années de fonctionnement des futurs IFE.
Recommandations
Des stages doivent bien entendu être intégrés dans la formation des enseignants dans toutes les institutions agréées, et pour tous les enseignants, ainsi que le préconisent les documents récents de la DFP et du MENFP.
Ces stages doivent permettre à l’étudiant d’acquérir au fil de sa formation l’expérience du métier. Ils prennent trois formes successives : stage d’observation, stage de pratique accompagnée, stage en responsabilité.
La pratique enseignante dans les classes est supervisée par l’institut de formation et l’établissement d’accueil. Pour ce faire, l’étudiant bénéficie de deux tuteurs de stage : un enseignant de l’institut de formation, et un enseignant de l’établissement de stage.
Une formation de formateurs de terrain est mise en place dans chaque institution de formation d’enseignant (tutorat, co-construction des savoirs, approche par compétences, pédagogie de projet…). Ces formateurs de terrain n’ont pas actuellement une place suffisamment reconnue dans les institutions visitées. Le « maître d’accueil » a un rôle qui va bien au-delà de l’accueil, et ces enseignants de terrain devront animer des séances de formation relatives aux savoirs de métier et à l’analyse réflexive de pratique professionnelle.
Une commission ministérielle doit être mis en place pour résoudre la question d’un stage de pleine responsabilité.
Les lieux de stage dans les préconisations ministérielles devraient être effectués dans les écoles d’application. Ce système en effet a montré son grand intérêt dans de nombreux pays. Pour autant il n’est pas le seul dispositif de qualité possible, et peut également faire l’objet de critiques. La première critique est le coût de telles écoles, qui supposent des enseignants-formateurs qualifiés, un encadrement supérieur au nombre de classes, des conditions matérielles satisfaisantes, l’usage du numérique éducatif…… La deuxième critique est le possible caractère déconnecté de la réalité des autres établissements, qui pourrait ne pas préparer pas les futurs enseignants aux difficultés du métier qu’ils rencontreront plus tard.
Des pays comme la France ont par exemple renoncé à ses « écoles annexes ». Ces dernières, situées à l’intérieur même de l’institut de formation, disposaient pourtant de toutes les conditions pour un accompagnement pratique de qualité. Mais le profil de ces écoles en faisait des lieux par trop privilégiés (recrutement dominant d’enfants d’universitaires et de cadres supérieurs par exemple), qui interdisait de placer l’enseignant-stagiaire devant les difficultés socio-scolaires qu’il allait trouver majoritairement à sa sortie.
C’est pourquoi nous proposons le dispositif suivant :
- Stages dans les écoles d’application dans les premières années :
Stages d’observation et de pratique accompagnée :
- Encadrement par un enseignant-formateur de l’école d’application
- Cet enseignant-formateur est associé aux équipes de formation de l’IFE, dans des modalités à discuter
- Stages dans les établissements ordinaires :
Stages de pleine responsabilité lors de la dernière année de formation :
- Stage massé d’un mois minimum
ou - Stage filé dans une classe à temps partagé toute l’année
Ces stages de pleine responsabilité supposent que le MENFP accrédite le stagiaire (examen, concours….).
Les stagiaires ainsi accrédités seraient alors défrayés pour leur travail en classe.
La recherche en éducation
La recherche dans les textes officiels et les rapports en Haïti
Le Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation est très sévère sur les capacités des universités à mener des recherches (MENFP, 2012 ; p.35 et p.86.) :
Quant à l’enseignement supérieur, la Direction de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (DESRS) du MENFP a le mandat d’en assurer la gestion et la régulation. Mais, en raison de ses faiblesses institutionnelles et des conflits socio-politico-juridiques entre l’exécutif et le rectorat de l’UEH qui revendique aussi le pouvoir régalien, la gouvernance du secteur n’est pas vraiment prise en charge.
(…) l’encadrement des étudiants ne faisant pas partie de la fonction enseignante, il devient difficile à l’Université de contribuer au développement d’une expertise sur les problèmes de la société haïtienne et à la production du Savoir qui, en retour, aiderait à enrichir l’enseignement dispensé. Si la recherche n’est pas totalement absente, il n’existe aucune structure, ni mécanisme destinés à la promouvoir.
C’est pourquoi le GTEF proposait la création de l’INERE (Institut National d’Études et de Recherche en Éducation) appuyé par la « Graduate School of Education » de l’Université de Pennsylvanie, mais aussi de l’IERALC, et proposait un ensemble d’e mesures et d’indicateurs pour promouvoir la recherche scientifique à l’université (MENFP. 2010)
Un rapport de 2007 pour le compte de l’USAID relevait de son côté l’ « inexistence de bibliothèque spécialisée et (le) manque de moyens technologiques pour la recherche » (IHFOSED, 2007).
Notre mission n’a pas infirmé cette analyse.
La réalité de la recherche dans les institutions de formation des enseignants en Haïti
A la lecture des rapports et de ma documentation lue, nous pensions trouver une recherche peu développée. En réalité nous pouvons malheureusement être plus inquiets : la recherche en éducation est absente dans les institutions rencontrées, sauf quelques exceptions où de jeunes équipes devraient être autant de points d’appuis (Université Quisqueya, CREFI, ENS). Mais même dans ces trois structures les enseignants chercheurs sont en nombre très limité, et leurs activités comme leurs productions n’ont pu nous être fournies.
Dans les formateurs questionnés, seuls deux disent faire de la recherche, et une seule annonce des publications.
Recommandations
Dans une perspective de développement durable de la formation des enseignants en Haïti, on ne peut penser la formation des enseignants sans l’adosser à de la recherche réalisée par des institutions Haïtiennes. En effet, elle doit reposer sur une réflexion locale d’organisation d’enseignements, de dispositifs pédagogiques et didactiques pour répondre à des problématiques souvent très contextualisées. Nous pensons que l’avancée des connaissances de la recherche en éducation pourra permettre à Haïti d’améliorer la formation de ses formateurs d’enseignants.
Cela passe par la mise en place de laboratoires de recherche en éducation. Ce développement, déjà existant à l’état embryonnaire à travers plusieurs initiatives sur le territoire Haïtien, doit être coordonné afin de permettre des rapprochements et des collaborations entre les institutions Haïtiennes. Cette structuration d’un ou plusieurs laboratoires pourrait permettre à court terme de créer un master recherche en éducation pouvant offrir une formation complémentaire aux formateurs d’enseignants. Ce ou ces laboratoires soutenus par des « masters recherche » en éducation seraient les lieux privilégiés de réflexions et de développement de dispositifs didactiques et d’organisations pédagogiques dont Haïti a besoin pour parfaire son système éducatif. Ce type de master a été par exemple développé dans des pays du Maghreb, ou est en gestation (Gabon), et permettent de structurer à terme une école doctorale, contribuant encore plus au développement de l’expertise des formateurs d’enseignants.
Ces exemples de réussite ne peuvent être engagés seuls. En effet, dans le cas de la Tunisie et du Gabon, le RAIFFET a pu apporter un support technique et scientifique, ainsi que son expérience pour monter ces projets formation. Il est aussi envisageable de construire dans un premier temps des masters en partenariat avec des universités étrangères offrant ainsi une co-diplomation. Nous pensons que les universités publiques UPR, l’UEH à Limonade, l’ENS et Quisqueya ont la capacité et la volonté d’être les fers-de-lance de ce projet ambitieux. Parmi les personnes rencontrées lors de cette mission, nombreux sont ceux ayant exprimé leur intérêt et leur enthousiasme pour ce type de projet.
La recherche n’est pas qu’une affaire de bonne volonté, elle ne peut exister que s’il y a une vie collective et instituée de la recherche.
- Nombre critique :
-Un laboratoire national vs des équipes réduites à développer
-Place de la recherche action / recherche formation
2. Vie de la recherche :
-Un séminaire régulier, mensuel
-Des programmes de recherche validés par le conseil de laboratoire ou d’équipe
-Des partenariats à construire avec des laboratoires hors Haïti
-Des réponses à projets financés après sélection
-Une école doctorale de rattachement
-Des articles scientifiques dans des revues à comité de lecture
3. Statut de l’enseignant – chercheur :
-À côté de ses heures d’enseignement, une production minimum tous les deux ans dans une revue à comité de lecture international doit être exigée
Bibliographie
Fauguet, JL (1998) Pratiques des parents et réussite scolaire des enfants dans les milieux populaires des quartiers Nord de Marseille. Lille : Septentrion
IFADEM (2013). Rapport de Mission en République d’Haïti Suivi-évaluation de l’Initiative francophone pour la formation à Distance des maîtres. Repéré à : https://www.ifadem.org/sites/default/files/divers/rapport-eval-expertsvf.pdf
IHFOSED (2007). Les institutions de formation initiale des enseignants du fondamental et du secondaire en Haïti. Rapport final. Repéré à http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pnadk047.pdf
MENFP. (2010). Vers la Refondation du Système Educatif Haïtien. Plan Opérationnel 2010-2015. Des Recommandations de la Commission Présidentielle Education et Formation. Repéré à https://ifadem.org/sites/default/files/divers/Planrefondation-Haiti.pdf
MENFP (2012). Plan Opérationnel 2010-2015. Des Recommandations du Groupe de Travail sur l’Education et la Formation. Repéré à : http://menfp.gouv.ht/PLAN_OPERATIONNEL_2010_2015_.pdf
MENJS (1997). Ministère de l’éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Plan National de Formation, volume I (décembre 1997), Port-au-Prince, Haïti.
SOFRECO (2014). Evaluation des capacités des institutions de formation initiale des enseignantes et enseignants en Haïti. Rapport final. Port-au-Prince, Haïti.
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