Résumé
Cette communication a pour objectif d’introduire l’apprentissage par problèmes comme l’une des solutions, à partir du constatde non satisfaction de l’enseignement traditionnel vis-à-vis des compétences attendues d’un ingénieur.
La comparaison de deux dispositifs : apprentissage par problèmes et formation traditionnelle universitaire, permet de faire émerger les compétences travaillées dans chacun d’eux.
Un état des lieux des expérimentations menées est ici réalisé.
Mots clés
Engagement, autonomie, compétences, efficacité
Introduction
Ce travail de recherche vise à comparer l’efficacité d’un dispositif d’apprentissage en APP, en la comparantà la méthode plus traditionnelle (cours, TD) utilisée à l’université. Je me suis concentré uniquement sur les compétences disciplinaires, ainsi que la rémanence des apprentissages.
Point d’entrée
L’université d’Aix-Marseille a pour mission de promouvoir la réussite du plus grand nombre de ses étudiants. Un des points essentiels, en dehors de la réussite aux examens, est de leur donner tous les atouts pour s’adapter au monde professionnel.
Au cours d’un appel à projet « Initiative D’Excellence en Formation Innovante » : (IDEFI), l’université a inscrit des formations sur un cursus universitaire labellisé « Investissement d’avenir ».
Le projet « FIGuRe » a été retenu par le jury international IDEFI.
FIGuRe est un groupement de 15 universités françaises, qui proposent une formation universitaire au métier de l’ingénieur « cursus master en ingénierie », basée sur le modèle international du « master of engineering »
Le cahier des charges de cette formation intègre parmi ses activités de mise en situation, les apprentissages par problèmes : APP.
Nous avons mis en place depuis 2013 des formations en APP au niveau des licences L2 et L3 dans le domaine de la mécanique et de la construction mécanique.
Le centre d’innovation pédagogique
La réflexion des acteurs du système éducatif sur la pédagogie a été nécessaire. Pour ceci, il a été créé en 2012 le Centre d’Innovation Pédagogique (CIPE) à Aix- Marseille Université.
Le CIPE a pour mission de promouvoir l’amélioration de la formation des étudiants par le soutien de projets d’innovation.
La formation des enseignants aux APP est un des axes de formation du CIPE dans lequel j’interviens.
Objectifs de formation des élèves ingénieurs
Dans une étude de l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur : AERES (2010), la formation d’un ingénieur ne se résume pas à une simple transmission de connaissances.
Les compétences nécessaires au métier relèvent de deux axes de formations :
- Connaissances : la spécialité, les autres sciences de l’ingénieur, les sciences de base et les disciplines d’ouverture vers les réalités économiques et
- Aptitudes qui assurent le succès de l’ingénieur depuis son entrée dans la profession, et tout au long de sa carrière (autonomie, créativité, capacité d’intégration, adaptabilité, capacité à apprendre tout au long de la vie).
Problématique
Quelques constats : paroles d’enseignants sur nos étudiants :
- Nos étudiants ne sont pas motivés, pas
- Ils viennent en TD sans avoir lu leur
- Ils sont dissipés, peu assidus, pas intéressés.
- Ils ne savent pas présenter leur travail à l’oral.
- Les notes sont en baisse.
Imaginez que je réponde à une question que vous ne vous posez pas. Seriez- vous plus attentifs que nos étudiants ?
C’est pourtant ce que nous faisons lorsque nous dispensons un cours magistral.
Alors ne soyons pas plus exigeants avec nos étudiants qu’avec nous-mêmes. Le défi : Comment rendre les étudiants maîtres de leur apprentissage ?
Une solution : Impliquer les étudiants dans leur apprentissage, notamment en leur proposant des formations en APP.
Ce travail est un début de réponse, qui vise à confirmer (ou infirmer) que l’APP est une réponse possible à la problématique.
Les apprentissages par problèmes
Mise en situation (problème)
Prenez pendant quelques instants le rôle de l’étudiant. On vous a distribué la situation problème qui suit.
Répondre à cette situation représente maintenant pour vous un défi. Que savez-vous sur ce sujet, que va-t-il falloir rechercher, et où ?
La situation problème
Les qualités requises d’une situation problème sont :
- issue du monde réel ;
- à la portée des étudiants ;
- ne menant pas à une solution immédiate ;
- éveillant la curiosité ;
- laissant de l’autonomie ;
- favorisant la collaboration ;
- représentant une plus-value d’apprentissage.
Définition
L’APP est une pédagogie centrée sur l’étudiant dans laquelle ils apprennent en petits groupes à partir d’une situation problème.
Deux objectifs sont recherchés :
- acquérir les compétences disciplinaires ;
- acquérir des compétences transversales permettant de s’adapter au monde
Historique des recherches sur l’efficacité
L’APP a été mis en place dès les années 1970 dans l’école de médecine de l’université McMaster d’Hamilton, en Ontario, par Howards Barrows.
Comparaison de l’efficacité | APP | Traditionnel | |
Connaissances de base et applications directes | Pas de différence significative | Berkson, Albanesse (1993) | |
Résolution de problèmes Compétences cliniques | + | Schmidt (1996) Frenay &
Galand (2007) |
|
Intégration des connaissances (à long terme) | + | Schmidt & Van Der Molen, 2006) |
Figure 2 : Études comparatives
Les fondements de l’APP
Les APP répondent à 5 postulats : (Albanese et Mitchell, 1993).
- Les nouvelles connaissances se construisent sur la base des connaissances antérieures.
- Une connaissance doit avoir subi un traitement actif de la part de l’élève pour être plus facilement encodée en mémoire.
- L’encodage et le transfert des connaissances ont de meilleures chances de se réaliser quand les connaissances sont contextualisées dans des situations réelles.
- Pour être récupérées plus aisément, les connaissances doivent être élaborées et organisées dans une structure qui facilite leur repêchage.
- La rétention des connaissances est meilleure dans les activités impliquant la discussion, le questionnement et la critique en
Structure d’un APP
Généralités
Les fondements de l’APP
Une situation problème complexe est donnée à un petit groupe d’étudiants.
La résolution du problème implique :
- de travailler en équipe ;
- de poser le problème ;
- d’identifier à quelles connaissances le problème fait référence ;
- puis de proposer une solution concertée qui prend appui sur les apprentissages
Tardif, J. (1998) indique que « la construction personnelle des connaissances repose sur les connaissances antérieures des apprenants ».
Les ressources d’apprentissages peuvent être variées (livres, cours numérique, bibliothèque, Internet), en partie fournies ou pas.
En APP un tuteur facilite la démarche d’apprentissage de l’équipe.
Les différentes phases de l’APP
Compétences travaillées en APP
Compétences d’un ingénieur
L’APP doit répondre au cahier des charges d’un ingénieur, à savoir :
- Compétences disciplinaires : expertise technique métier.
- Maîtrise des savoirs (Cd1).
- Application des savoirs (Cd2).
- Résolution de problèmes (Cd3).
- Rémanence des savoirs (Cd4).
Compétences transversales
- Faire des choix (Ct1).
- Travailler en équipe (Ct2).
- Apprendre tout au long de la vie (Ct3).
Enseignement traditionnel versus APP
Les tableaux 1 et 2 mettent en comparaison les compétences travaillées sur deux types d’apprentissage.
Tableau 1 : Compétences travaillées en enseignement traditionnel
Enseignement traditionnel | Compétence |
Cours | Cd1 |
Travail individuel | Cd1 |
Travaux dirigés | Cd2 |
Tableau 2 : Compétences travaillées en APP
APP | Compétence |
Séance Aller | Ct1, Ct2 |
Apprentissage individuel | Cd1, Cd2 |
Séance retour | Cd1, Cd2, Cd3, Ct1, Ct2 |
Travail individuel | Cd2 |
Restructuration | Cd1, Cd2 |
Un premier constat, fait apparaître une différence importante dans les compétences travaillées entre les deux dispositifs.
L’évaluation certificative doit en tenir compte si on veut respecter le contrat pédagogique que l’on a avec les étudiants.
Extrait du site Eduter.fr : « Le contrat pédagogique formalise l’engagement de l’apprenant et du centre de formation sur les objectifs et le rôle de chacun, les étapes, les modalités et le calendrier de formation ».
Expérimentation des APP menées sur Aix-Marseille Université
Nous avons entamé début 2014 une expérimentation en licence sciences pour l’ingénieur dans le domaine de la construction mécanique. Cette expérimentation s’échelonne de mars à septembre 2014, et a pour objectif de confirmer ou non l’efficacité de la formation en APP par rapport à la formation classique.
Rappel : le dispositif est efficace s’il répond aux attentes définies par l’AERES (2010).
Pour m’assurer de la validité des résultats, l’expérimentation sera reconduite en 2015 et 2016.
Les indicateurs de performance
Dans le domaine disciplinaire :
J’ai défini 3 conditions qui permettant d’évaluer l’efficacité des 2 dispositifs de formation ; ainsi que les indicateurs de mesure correspondants.
Conditions | Indicateurs d’efficacité retenus |
Condition 1 : Réussir l’UE | Post-test • score final
Score final ≥ 12/20 (acceptable ≥ 10/20) |
Condition 2 :
Le maximum des étudiants doit avoir un gain d’apprentissage important |
• Savoirs Pré-test • score initial
• Application des savoirs Post-test • score final • Résolution Gain Relative Moyen : GRM = (score final – score initial) / (score maxi – score initial) Si 0,5 ≤ GRM ≤ 1 • dispositif efficace Si 0,3 < GRM < 0,5 • juste acceptable |
Condition 3 : Connaissances ancrées : Rémanence | Post-test • score final
Test-à-long-terme • score rémanent Rémanence : R = (score rémanent – score final) / score final |
Tableau 3 : Indicateurs de mesure des performances disciplinaires
Méthodologie
Comparaison des résultats à des tests écrits sur deux groupes d’étudiants (groupe témoin et groupe expérimental).
Contenu des tests
Les tests font référence à :
- la connaissance des concepts ;
- l’application directe des concepts ;
- la résolution de problèmes.
Description de l’expérimentation
Un groupe expérimental a suivi lors de l’unité d’enseignement, trois contenus de formations en APP.
Le groupe témoin a suivi ces mêmes formations de façon traditionnelle (cours, TD).
Les deux groupes doivent effectuer trois tests pour chaque contenu de formation :
- un pré-test ;
- un post-test ;
- un test-à-long-terme.
Le tableau 4 décrit la chronologie de l’expérimentation.
Groupe expérimental | Groupe témoin | |
Nombre d’étudiants | 17 | 5 |
Dispositif de formation | APP | Traditionnel (cours-TD) |
Groupe expérimental | Groupe témoin | ||
Mars 2014
(licence L2) |
Thème 1 : | Pré test 1 | |
Dispositif APP | Dispositif traditionnel | ||
Post test 1 | |||
Avril 2014 | Thème 2 et 3 : | Pré test 1 | |
Dispositif APP thème 2 | Dispositif traditionnel thème 2 | ||
Dispositif APP thème 3 | Dispositif traditionnel thème 3 | ||
Post test 2 | |||
Sept 2014 (licence L3) | Thèmes 1, 2 et 3 | Test-à-long-terme |
Tableau 4 : Description de l’expérimentation
La comparaison des résultats entre les pré-tests et les post-tests permet d’évaluer le gain d’apprentissage.
La comparaison des résultats entre les post-tests et les tests-à-long-terme permet d’évaluer la rémanence des savoirs.
Résultats
Les 2 graphiques (figure 5) montrent comment se situent les étudiants tant sur la condition 1 que sur la condition 2 (au niveau de la moyenne des savoirs application des savoirs résolution).
Résultat 1
Sur la figure 5, nous voyons qu’une linéarité apparaît. Soit les étudiants satisfont aux 2 conditions, soit à aucune. Cela veut dire que les étudiants qui ont été efficaces ont aussi obtenu de bons résultats. Contre-exemple : 1 étudiant qui aurait eu 10 au pré-test et 12 au post-test satisferait à la condition 1, mais aurait un gain relatif de 20 %.
Ces résultats montrent que le dispositif en APP est plus efficace sur les conditions 1 et 2.
Détail au niveau des savoirs : le dispositif en APP a permis une meilleure appropriation. Ceci estencourageant, car une crainte lors de l’apprentissage autonome en APP, est que les étudiants non guidés n’assimilent pas les savoirs de base.
Lors d’expérimentations antérieures, Berkson (1993), montre que la réussite scolaire est comparable entre une formation en APP et une formation traditionnelle. Au niveau de l’application des savoirs, le dispositif traditionnel semble net- tement plus performant. La formation traditionnelle favorise lors des travaux dirigés, l’entraînement sur de nombreux exercices modélisés (exercices directs). En APP, l’entraînement sur les exercices directs est laissé à l’initiative des étudiants en dehors du temps scolaire.
En ce qui concerne la résolution de problèmes, ces résultats semblent indiquer une habileté à la réflexion en faveur de l’APP.
Lors d’expérimentations antérieures, Frenay et Galand (2007) indiquent que les étudiants qui ont suivi une formation en APP développent de meilleures compétences dans l’appréhension et la résolution de problèmes.
Ici aussi, mes résultats vont dans le sens des expérimentations antérieures.
Résultat 2
Ce résultat concerne la rémanence des savoirs.
Bien qu’on ne puisse pas comparer les 2 dispositifs (seulement 2 étudiants sur 5 issus du groupe témoin ont rejoint la licence L3), on note une bonne rémanence pour le dispositif en APP.
Lors d’expérimentations antérieures, (Schmidt et Van Der Molen, 2006), (Dochy et al., 2003) ont énoncés « l’APP serait plus favorable que les dispositifs traditionnels pour le développement des compétences d’application des connaissances, tant à court qu’à long terme ».
Interprétation des résultats
En formation traditionnelle, dans un temps limité (cours et TD), il n’est pas possible de donner des problèmes nécessitant un travail de recherche qui pourrait s’avérer long.
La formation traditionnelle favorise lors des travaux dirigés, l’entraînement à la résolution de nombreux exercices modélisés (exercices directs).
En APP, les étudiants travaillent sur un problème non modélisé (sur une durée importante), ou toutes les recherches sont à faire. L’entraînement sur les exercices directs est laissé à l’initiative des étudiants en dehors du temps scolaire.
De plus, les étudiants ont répondu à un questionnaire anonyme en fin d’unité d’enseignement.
Une question concerne le temps hebdomadaire consacré au travail personnel sur cette unité d’enseignement.
Les résultats indiquent que les étudiants du groupe expérimental y consacrent 1,2 h, et ceux du groupe témoin, 0,8h.
Même si le temps consacré au travail personnel est supérieur pour le groupe expérimental, il laisse peu de place à l’entraînement. En effet, le travail en autonomie (entre les séances Aller et Retour) pour apprendre les concepts, et répondre à la situation problème, prend la majeure partie du temps.
Tout ceci peut expliquer les résultats du tableau précédent.
Conclusion
Les apports de l’APP sont à rechercher dans les compétences transversales, plutôt que dans des compétences disciplinaires directes à court terme, notamment :
- la stratégie de traitement en profondeur de l’information (Albanese et Mitchel, 1993) ;
- la rémanence des savoirs (Schmidt et Van Der Molen, 2006), (Dochy et 2003) ;
- l’habileté de communication et de coopération (Schmidt et Van Der Molen, 2001) ;
- la capacité à apprendre tout au long de la
Formons-nous les étudiants à « réussir un examen » ou à être compétent dans la vie professionnelle ?
Perspectives
Ma recherche dans le domaine de l’efficacité s’est limitée à quelques indicateurs disciplinaires. Elle sera avec le temps complétée en y intégrant la comparaison des indicateurs transversaux.
Je rentrerai aussi plus dans les détails pour évaluer à quels types d’étudiants l’APP est profitable. L’APP favorise-t-il l’égalité des chances ?
Bibliographie
AERES. (2010). Formation universitaire au métier d’ingénieur.
Albanese, M. et Mitchell, S. (1993). Problem-based learning: a review of literature on its outcomes and implementation issues.
Berkson, L. (1993). Effectiveness of problem-based curricula: research and theory. Academic Medicine 68 (Supplement), 579-588.
Dochy, P. (2003). Effects of Problem-Based Learning: A Meta-Analysis From The Angle Of Assessment.
Galand, B. et Frenay, M. (2005). L’approche par problèmes etpar projets dans l’enseignementsupérieur : impact, enjeux et défis. Louvain-la-Neuve : Presses Universitaires de Louvain.
Gerard, F.-M. (2003). L’évaluation de l’efficacité d’une formation. Gestion 2000, vol. 20, no 3, 13-33. Schmidt, H.G. et Van Der Molen, H. (2001). Self-reported Competency Ratings of Graduates of a Problem-based Medical Curriculum.
Schmidt, H.G. et Van Der Molen, H. (2006). Longterm effects ofproblem-based learning: a comparison of competencies acquired by graduates ofa problem-based and a conventional medical school
Tardif, J. (1998). Intégrer les nouvelles technologies de l’information (p. 44). ESF éditeur.
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