RAIFFET 2008 L’alternance dans la formation professionnelle : compte rendu des expériences ivoiriennes Maninga Gbato & Yao Dibi

L’alternance dans la formation professionnelle compte rendu des expériences ivoiriennesManinga Gbato & Yao Dibi

L’alternance dans la formation professionnelle compte rendu des expériences ivoiriennes
Maninga Gbato & Yao Dibi

Summary 

It’s reproached to the professional training system to produce graduates little or not qualified, graduates unsuited to the labour market. To answer criticisms of the systems of professional training, the introduction of alternation is recommended. But, behind the word alternation, each one puts the meaning which is appropriate to him and sometimes without regard for realities of professional training and the growing number of young people to be formed. Vis-a-vis a burst collective representation, the construction of a system of formation alternated with the Ivory Coast manner arises under bad omens. Within this framework, a project of support to the introduction of alternation into professional training (AIFPA) was initiated in 2000, with the technical and financial support of the German cooperation. This pilot project is finished in February 2007. If the results obtained are appreciable in the sectors concerned with the experimentation, it’s necessary to wonder about the possibilities of perpetuation and generalization of such practices. Work of the laboratory of alternation (in creation) of the IPNETP will attempt to register alternation within a total institutional framework, especially to create an environment which can support the rooting of alternation in our system.

Introduction

La Côte d’Ivoire, comme de nombreux pays de la sous région, est confrontée à un chômage croissant de ses jeunes ; les formations dites ‘’formelles’’ mises en œuvre, répondent peu  ou pas aux besoins réels des emplois. Pour favoriser l’employabilité des jeunes issus de  nos formations, des solutions tous azimuts sont préconisées, notamment l’introduction de l’alternance dans la formation. Dans sa déclaration de politique générale, en septembre 1997, le ministre de l’ETFP d’alors, avait souhaité généraliser la FPA (formation professionnelle par alternance) dans tous les établissements, comme solutions au déficit de qualification des formations. La RFA fut sollicitée pour conduire un projet pilote d’introduction de l’alternance dans la formation, en appui sur quelques établissements. Ainsi, depuis le mois de mai 1998, jusqu’au mois de mars 2008, l’appui technique et financier de la GTZ a permis de conduire le projet AIFPA (appui à l’introduction de la formation professionnelle par alternance). Si le projet AIFPA a produit des résultats globalement positifs dans certains secteurs d’activités, il convient de s’interroger sur les conditions de sa généralisation, de sa pérennisation et de son efficience, au terme du projet, prévu en mars 2008. En effet, ce projet pilote s’est déroulé sans pouvoir véritablement créer les conditions de sa pérennisation. Il s’est préoccupé par contre, de ses impacts positifs immédiats ; ceci, pour prouver sa viabilité, certainement. Des études sectorielles (de faisabilité, de besoins en qualification, …) ont été menées, des acteurs de l’alternance ont été identifiés, des formations ont été mises en œuvre, sans que soient mises en place des structures formelles permettant la pérennisation de ses acquis. L’expertise était internationale ou locale de courtes durées ; le financement, également, était de la coopération allemande. A l’issue de ces études donc, des secteurs d’activités ont été retenus (mécanique auto, froid et climatisation, coupe/couture), des secteurs où la faisabilité était possible, en raison d’une certaine organisation déjà existante, et de l’implication des acteurs professionnels. Des secteurs, comme l’hôtellerie et le bâtiment, n’ont pu connaître un début d’exécution, malgré les études prometteuses et les tentatives d’organisation de leurs secteurs professionnels, pour en faire de véritables partenaires de la formation alternée. En fait, la conduite des formations professionnelles alternées, comme tous projets d’ailleurs, nécessite l’appropriation par les acteurs eux-mêmes, de tout le processus de mise en œuvre et d’évaluation, d’élaboration de normes de qualité, de règles consensuelles diverses ; l’identification claire des acteurs et de leurs rôles, également. Après une analyse globale de la conduite de ce projet, un certain nombre d’insuffisances de notre système de formation professionnelle sont à relever, notamment une absence de relation véritable de l’école avec l’entreprise ou encore une absence de textes réglementaires adaptés qui permettent aux acteurs de mieux appréhender la nature même de leurs responsabilités et leurs rôles dans le dispositif de formation professionnelle. Nous nous sommes rendu compte, au laboratoire d’alternance de l’IPNETP, que l’introduction de l’alternance dans la formation, nécessitait plutôt une réflexion globale sur le système, pour apporter des réponses globales aux déficits de qualifications des formations mises en œuvre. Elle nécessite également une opérationnalisation de la relation de l’école avec l’entreprise ; et cela, que la formation soit alternée ou non. Cette analyse nous a conduits à proposer une structuration des secteurs professionnels, pour en faire de véritables partenaires de l’école en matière de formation professionnelle. Dans ce cadre, nous avons proposé également une Loi d’orientation de la formation technologique et professionnelle en Côte d’Ivoire, qui précise un cadre réglementaire global de réponses aux déficits constatés dans les formations, pour que celles-ci favorisent l’employabilité des jeunes formés.

Une absence de relation véritable de l’École avec l’Entreprise

L’absence de relations école-entreprise conduit à la méconnaissance des besoins réels de qualification des entreprises par l’école. Ce débat, déjà vieux dans les pays occidentaux, et même dans les pays d’Afrique du Nord, n’est plus d’actualité. Dans les pays au sud du Sahara (exception faite de l’Afrique du Sud, certainement), si les enjeux d’un tel débat sont bien perçus parfois, le cadre adéquat, pour créer un environnement propice  au renforcement de la relation école-entreprise, reste à construire. Les raisons d’une telle déconnexion de l’école professionnelle d’avec son milieu, sont certainement nombreuses : faibles capacités d’analyse, de planification et de gestion, moyens matériels insuffisants… Ces constats aussi pertinents, paraissent néanmoins sévères ; oui, car parfois, il faut faire beaucoup de choses, avec peu de moyens ! La méconnaissance, par l’école, des besoins de qualification, nés des pratiques des emplois, constitue l’élément fondamental de l’inadéquation des formations aux emplois. Ainsi, les formations manquent de pertinence, mais aussi, d’efficience. En effet, comment mettre en œuvre des formations pertinentes si l’école, cloîtrée dans sa tour d’ivoire, demeure éloignée des réalités professionnelles ? Si elle ignore les vrais besoins des entreprises et continue de dérouler le ‘’fameux programme’’ traditionnel sensé couvrir tous les besoins des entreprises, dans un environnement en perpétuel mouvement ? Pour apporter une réponse globale et durable à ce déficit de communication et d’interaction, nous avons proposé la structuration de l’économie nationale en branches professionnelles, qui s’accompagne de l’élaboration de nomenclature des spécialités des formations dites formelles. Concrètement, dans chaque branche professionnelle, il sera mis en place un comité national de branche professionnelle (CNBP) qui aura pour rôle principal d’exprimer les besoins des entreprises (seul ou accompagné), d’élaborer et de valider les référentiels des formations formelles ; il sera en quelque sorte, un observatoire sectoriel. Un tel observatoire devrait être capable de fournir des informations relativement fiables sur le marché de l’emploi et sur celui de la formation : des données de contexte, données historiques, données potentielles en termes statistiques, en termes d’évolution ou de transformation des métiers du secteur considéré. En outre, nous avons proposé la mise en place de commissions professionnelles consultatives permanentes (CPC) par branche professionnelle, chargées de mener tout le processus d’ingénierie de formation et d’ingénierie pédagogique des formations formelles à mettre en œuvre. Ce processus curriculaire sera conduit selon une approche par compétences. Il est également prévu l’élaboration de deux guides à l’usage des CNBP et des CPC et la formation de ceux-ci à leurs nouvelles missions. La nouvelle configuration du système se présente comme suit avec une nouvelle structure organisationnelle.

Nouvelle structure organisationnelle

La nouvelle structure organisationnelle (voir figure 1) permet de définir et d’articuler les différents acteurs dans des institutions repérées.

Le conseil national de la formation professionnelle (CNFP)

Le conseil national de la formation professionnelle a une mission d’orientation de la politique nationale en matière de formation professionnelle et d’enseignement technologique. En ce sens, il est chargé de la définition et de la validation des grandes orientations nationales de la politique de formation professionnelle. Il doit veiller à la prise en compte, dans la formation, de nouveaux secteurs économiques et des évolutions, à la définition et la validation des priorités au regard des besoins de l’économie nationale et des évolutions. Il doit favoriser la prise d’initiatives en matière d’évolution des lois. Le secrétariat permanent est assuré par le ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Ses missions, son organisation et son fonctionnement seront précisés par décret.

Figure 1 nouvelle structure organisationnelle

Figure 1 nouvelle structure organisationnelle

Figure 1 : nouvelle structure organisationnelle

L’institut national des métiers et de la formation professionnelle (INMFP)

Une mission d’études des qualifications, d’ingénierie pédagogique, d’ingénierie de formation et d’observatoire des emplois et des métiers. Il pourrait être créé par fusion de l’observatoire et de l’AGEFOP et redéfinition des misions, notamment l’étude des besoins des entreprises en qualifications, l’élaboration et validation des curricula, l’élaboration et validation des nomenclatures des spécialités de formation, l’homologation des métiers et des formations pour l’ETFP, l’orientation et information professionnelles, la coordination, le suivi et le secrétariat permanent des CNBP, la coordination et le suivi des CPC ainsi que l’élaboration (par les CNBP et les CPC) des critères en tout genre de la FPA et l’apprentissage (choix des entreprises devant accueillir des apprenants, choix des tuteurs, choix des filières d’alternance, …). Ses missions, son organisation et son fonctionnement seront précisés par décret.

Direction du développement des formations professionnelles alternées (DDFPA)

Une mission de suivi de la mise en œuvre pratique des politiques d’alternance définies par la loi. Elle vise à développer les prises d’initiatives dans la FPA et l’apprentissage par le biais d’impulsion, de concertations, du choix des filières, du développement de nouvelles organisations des établissements de la FPA et de l’apprentissage. Il s’agit d’assurer la promotion de la FPA et de l’apprentissage, d’organiser un suivi au plan national de la politique de la FPA et de l’apprentissage, d’engager une politique de gestion des RH compétentes de la FPA et de l’apprentissage, d’assurer le suivi des contrats de la FPA et d’apprentissage, de prendre des initiatives en matière de rédaction des textes réglementaires de la FPA et de l’apprentissage. Il s’agit également d’assurer la prospection des nouvelles entreprises d’accueil, l’élaboration de la carte des formations professionnelles alternées, de développer des actions de sensibilisation et d’information, de renforcer les capacités du personnel enseignant et d’encadrement et de suivre la mise en œuvre de la VAP ou VAE (valorisation des acquis professionnel ou expérientiels). Ses missions, son organisation et son fonctionnement seront précisés par décret, généralement celui portant organisation du METFP. Cette dernière structure pose un problème au plan réglementaire ; ses missions telles que précisées plus haut, relèvent d’une direction centrale, qui généralement n’est pas inscrite en tant que telle, dans une loi, mais plutôt dans ses décrets d’application, comme celui portant organisation du METFP. Mais l’importance de ses missions est telle que nous avons préféré inscrire son existence dans la loi. Pour que, l’instabilité chronique qu’on constate depuis plus de 15 ans à la tête du METFP, ne finit pas par annihiler tous les efforts dans la mise en œuvre de l’alternance.

Renforcement de la relation école-entreprise

Quant au renforcement de la relation école-entreprise, il va se traduire à travers un processus dynamique de l’approche de la formation par une analyse des besoins de l’économie pour une meilleure adéquation emploi-formation. Il s’effectue selon le schéma suivant (figure 2). Les besoins de qualifications sont exprimés au METFP par l’économie nationale, à travers les branches professionnelles. Le METFP enclenche le processus de mise en œuvre de la formation, par l’élaboration d’un curriculum, auprès de l’institut national des métiers et de la formation professionnelle. Celui-ci fait élaborer et valider le curriculum et les dossiers techniques et d’évaluation, par les branches professionnelles (CNBP) et les commissions paritaires consultatives permanentes (CPC) (Voir projet en annexe : structuration des secteurs professionnels et nomenclature des spécialités).

Une absence de textes réglementaires adaptés

La loi de 1995, relative à l’enseignement en vigueur actuellement en Côte d’Ivoire, ne prend pas suffisamment en compte les relations emploi et formation, les partenariats et les dynamiques à créer entre ces deux composantes essentielles de notre système d’ETP. On assiste alors à la mise en place de nombreuses formations, sans cohérence.

Figure 2 schéma fonctionnel

Figure 2 schéma fonctionnel

Figure 2 : schéma fonctionnel

Dans ce processus, les vrais besoins sont ignorés à notre avis, et les secteurs professionnels n’ont pas eu leurs mots à dire dans la mise en place de celles-ci. La conséquence immédiate de cette insuffisance de la loi est que la plupart de ces formations ne sont professionnelles que de nom. Évidemment, il n’est pas étonnant de constater que de nombreux diplômés de notre système soient au chômage, n’ayant aucune qualification qui intéresse l’entreprise, alors que du côté des entreprises, des offres d’emploi sont insatisfaites. Tout ce qui précède, a justifié à notre avis, l’opportunité et la spécificité d’une loi, en vue de créer un cadre institutionnel global de la formation qui tient compte de l’emploi, et qui précise les responsabilités et les engagements des principaux acteurs (y compris les branches professionnelles), qui sont chargés de l’enseignement technologique, de la formation professionnelle et de l’emploi. C’est aussi, une volonté de pérenniser les acquis des contributions des pays amis de la Côte d’Ivoire, à travers des projets tels qu’AIFPA et AFPRO (appui à la formation professionnelle continue, de la coopération française, venu à terme en 2000). L’élaboration de ce projet de loi nous a conduit à nous informer sur les Lois sur la formation professionnelle de nombreux autres pays, notamment l’Allemagne, la France, le royaume du Maroc, l’Algérie et, évidemment, les lois ivoiriennes du 7 septembre 1995 et du 18 août 1977, relatives à l’enseignement et le projet de loi de la formation professionnelle de 2001 qui n’a pu être conduit à son terme. Le nouveau projet loi d’orientation emprunte des éléments à chacun de ces textes de loi, les complète et les adapte au contexte socio-économique national et universel. Concernant les lois ivoiriennes sur l’enseignement, le projet de loi d’orientation réaffirme la complémentarité et l’appartenance du système d’ETFP au dispositif national d’éducation, de formation et d’emploi dont le système d’ETFP est l’une des composantes essentielles, pour participer réellement, au développement économique et social durable de la Côte d’Ivoire.

Conclusion

Nous pensons, pour clore nos propos, que toute aide des partenaires au développement à notre système qui ne prendrait pas en compte cette nécessaire mise à plat, pour plus de lisibilité qui devrait conduire à des formations au profit des emplois, ne peut avoir que des impacts très limités. Par ailleurs, une telle organisation conviendrait bien aux systèmes de formation professionnelle dans tous les pays membres de l’UEMOA, avec quelques adaptations nationales. De nombreux bailleurs seraient prêts à participer à son financement. Avant de terminer, il convient de signaler que le processus d’appropriation de ce travail par le METFP a pris du retard, par rapport à ce que nous avions indiqué en juillet dernier, lors de l’appel à soumissions ; un séminaire national étant prévu fin mars 2008.

Références

Documents complets disponibles : Projet de Loi d’orientation de l’enseignement technologique et de la formation professionnelle en Côte d’Ivoire (Laboratoire d’alternance, IPNETP, Abidjan, 2007)

Résumé

Il est reproché au système de formation professionnelle, entre autres griefs, de produire des diplômés peu ou pas qualifiés, inadaptés au marché de l’emploi. Pour répondre aux critiques des systèmes de formation professionnelle, l’introduction de l’alternance est préconisée. Mais, derrière le mot alternance, chacun met le sens qui lui convient propre et avec, parfois sans égard pour les réalités de la formation professionnelle et pour le nombre croissant de jeunes à former. Face à une représentation collective éclatée, la construction d’un système de formation alternée à l’ivoirienne, se présente sous de mauvais augures. Dans ce cadre, un projet d’appui à l’introduction de l’alternance dans la formation professionnelle (AIFPA) a été initié en 2000, avec l’appui technique et financier de la coopération allemande. Ce projet pilote est arrivé à son terme en février 2007. Si les résultats obtenus sont appréciables dans les secteurs concernés par l’expérimentation, il faut s’interroger sur les possibilités de pérennisation et de généralisation de telles pratiques. Les travaux du laboratoire d’alternance (en création) de l’IPNETP s’attacheront à inscrire l’alternance dans un cadre institutionnel global, surtout pour créer un environnement qui puisse favoriser l’enracinement de l’alternance dans notre système.


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