2008 Éducation et EFTP : comment lutter efficacement contre la pauvreté ? Teeluck Bhuwanee & Hervé Huot-Marchand

2008 Éducation et EFTP : comment lutter efficacement contre la pauvreté ?Teeluck Bhuwanee & Hervé Huot-Marchand

2008 Éducation et EFTP : comment lutter efficacement contre la pauvreté ? Teeluck Bhuwanee & Hervé Huot-Marchand

Summary

The objective of the presentation of the UNESCO-BREDA is first of all to inform and specify some key projections but also the limits recorded in the fight against poverty in the world and in particular in Africa Sub-Saharan (ASS). From there, it is a question of analysing the relevance of the shares carried out until there by the international community, and of specifying the strategies which appear currently most adequate for UNESCO, as well as precise shares led to the level of its Regional office for Education in Africa (BREDA). It is advisable first of all to specify the direction heard here fight against poverty, because the definition even of poverty varies largely according to the countries and their contexts socio-economic, cultural, environmental, and political, even if in all these variations the concept of deprivation is found there transversely deeply anchored. The framework here selected is that of the design such as it is adopted by the International community, defining extreme poverty by an income lower than a dollar per day (in the strong economies, this threshold can be carried with two dollars per day). This uni- dimensional and monetary definition is found in first line of the Objectives of the Millennium for the Development (OMD) of which the first1 is to reduce extreme poverty and the hunger, breaking up into two targets of which first is to reduce by half, between 1990 and 2015, the proportion of the population whose income is lower than a dollar per day.

 

Introduction

L’objectif de la présentation de l’UNESCO-BREDA est tout d’abord d’informer et de préciser quelques avancées clés mais aussi les limites enregistrées dans la lutte contre la pauvreté dans le monde et notamment en Afrique subsaharienne (ASS) ; A partir de là, il s’agit d’analyser la pertinence des actions menées jusque là par la Communauté internationale, et de préciser les stratégies qui apparaissent actuellement les plus adéquates pour l’UNESCO, ainsi que des actions précises menées au niveau de son Bureau Régional pour l’Éducation en Afrique (BREDA). Il convient tout d’abord de préciser le sens entendu ici de la lutte contre la pauvreté, car la définition même de la pauvreté varie grandement selon les pays et leurs contextes socio-économiques, culturels, environnementaux, et politiques, même si dans toutes ces variations la notion de privation s’y retrouve transversalement profondément ancrée. Le cadre ici choisi est celui de la conception telle qu’elle est adoptée par la Communauté internationale, définissant l’extrême pauvreté par un revenu inférieur à un dollar par jour (dans les économies fortes, ce seuil peut être porté à deux dollars par jour). Cette définition unidimensionnelle et monétaire se retrouve en première ligne des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dont le premier1 est de réduire l’extrême pauvreté et la faim, se décomposant en deux cibles dont la première est de réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour. C’est un des huit objectifs interdépendants (déclinés en 18 cibles et 48 indicateurs) adoptés en 2000, à l’initiative des Nations Unies, lors d’une réunion internationale de cent-quarante-sept Chefs d’États et cent-quatre-vingt-neuf gouvernements, qui a permis d’aboutir à la Déclaration du Millénaire manifestant une2 volonté forte d’œuvrer

1 http://www.un.org/french/millenniumgoals/index.shtml

2 Rapport Indicateurs pour le suivi des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, Groupe des Nations Unies pour le Développement, p. 3, 2005

pour le droit au développement, la paix et la sécurité, l’égalité des sexes, l’élimination de la pauvreté sous ses nombreux aspects et le développement durable de la personne humaine. Face à cette dimension restreinte du concept de pauvreté, il serait intéressant de réfléchir à d’autres angles d’entrée, d’appréciation de la lutte contre la pauvreté, notamment dans le contexte de l’Afrique subsaharienne. La limite économique internationale a néanmoins l’avantage de permettre une appréciation précise de l’évolution de l’éradication de ce type de pauvreté et de vérifier par là même la pertinence (ou non) des stratégies internationales actuelles par rapport à ce type d’éradication.

 

L’OMD n°1 : un bilan mitigé…

Différentes sources permettent de faire un bilan, notamment le rapport de la Banque Mondiale concernant le suivi des OMD3. Huit ans après leur lancement, le bilan global des OMD est très mitigé : Les quelques progrès qui ont été constatés restent bien insuffisants et à ce rythme, les objectifs fixés risquent de ne pas être atteints en 2015 pour beaucoup de pays. Concernant notamment l’OMD numéro un de lutte contre l’extrême pauvreté, il faut noter cependant des progrès mondiaux significatifs dans les pays en voie de développement, tant en valeur absolue (le nombre de personnes) que relative (pourcentage de la population) : ainsi le nombre de personnes dont le revenu est inférieur à un dollar par jour serait passé de 1247 millions en 1990 à 985 millions en 2004, soit une baisse globale de 21%, et annuelle de 1,5% ; Pouvant être certainement imputé à la Déclaration du Millénaire, la diminution annuelle moyenne fait apparaître en outre une accélération de la réduction de la pauvreté sur les périodes 1981-1999 et 1999-2004, avec un taux annuel moyen de diminution qui passe respectivement de 1,4% à 2,4%. Si ce rythme est maintenu, la projection au taux de ces cinq dernières années laisse espérer une diminution à 721 millions de personnes en dessous de un dollar par jour en 2015, soit une diminution déjà salutaire de 42% entre 1990 et 2015, proche des 50% fixés. Cependant, au-delà de ce bilan mondial, il faut noter que les progrès régionaux diffèrent fortement : Ainsi, si l’Asie de l’Est et du Pacifique a dors et déjà dépassé sa cible pour l’OMD1 (en enregistrant déjà 9% de pauvreté en 2004 avec une cible à 14,9% en 2015), l’Afrique subsaharienne reste fortement à la traîne avec 41,1% de pauvreté estimée en 2004 et une projection en 2015 à 35,6% contre 23,4% en cible.

Éducation et lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne…

La lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne (ASS) est donc plus que jamais urgente si l’on veut atteindre les objectifs de 2015, et l’éducation en est de manière évidente un outil décisif comme le rappelle4 l’Institut International pour la Planification de l’Éducation (IIPE) de l’UNESCO : L’éducation joue un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté. Les gens instruits sont moins menacés par la pauvreté que les autres ; ainsi, lutter contre l’extrême pauvreté en ASS, c’est lutter au minimum pour le développement d’une éducation de qualité accessible pour tous. D’une part parce qu’il a été largement montré5 qu’une éducation de base a un impact important sur le développement socio-économique des pays, mais aussi et d’abord pour le droit et le développement humain des individus, dans la lignée fondamentale de la Déclaration des Droits de l’Homme et dernièrement du cadre d’action de Dakar décidé la même année que les objectifs du millénaire. Le rapport mondial de suivi (RMS6) sur l’EPT 2007 rappelle d’ailleurs que les enfants vivant dans des situations d’urgence, de conflit et de post-conflit sont très vulnérables et qu’un enfant né dans un

3 Présentation MDG : Global Monitoring Report, 2007

4 Dans sa lettre d’information de juillet-septembre 2007 – Article de F. Caillods

5 Voir le rapport Dakar+7 l’urgence de politiques sectorielles intégrées sur www.poledakar.org, p207

6 Connu aussi sous l’acronyme anglais GMR pour Global Monitoring Report

monde en voie de développement a une probabilité de 40% de vivre dans l’extrême pauvreté. À ce titre, la situation au niveau mondial et en ASS des pays dits fragiles est préoccupante dans son évolution lente : Comme le rappelle la Banque Mondiale7, la fragilité des états est une condition persistante : 21 des 34 états considérés comme fragiles en 1980, l’étaient toujours en 2005. Les défis de cette lutte semblent quelque fois démesurés en ASS, dans des économies à croissance souvent faible ; L’espoir d’actions efficientes est cependant permis même dans ce contexte, car comme le rappelle la Banque Mondiale, le rythme de réduction de la pauvreté dépend davantage d’autres facteurs que de la croissance8. Ainsi, si certains pays connaissent une augmentation annuelle forte de leur PIB par tête (Chine : +8% par an entre 1999 et 2004) en même temps que des réductions annuelles fortes de leur pauvreté (Chine : environ 12% par an sur la même période), ce lien n’est pas partout vérifié avec9 quelque fois une diminution forte de la pauvreté avec une croissance quasi nulle du PIB par tête (cas du Brésil entre 1999 et 2002), une diminution faible de la pauvreté alors que le PIB croit nettement (cas du Mozambique entre 1996 et 2002), et même des augmentations de pauvreté alors que le PIB croit (cas du Laos sur 1997-2002 et du Pérou sur 1996-2003). L’accès à une éducation de base (ou au minimum au cycle primaire) apparaît donc depuis longtemps comme un outil important de lutte contre la pauvreté, et ce n’est donc pas un hasard si c’est un des deux seuls objectifs communs (avec l’aspect genre) à l’EPT10 et aux OMD. En a découlé pour les gouvernements et les bailleurs une attention toute particulière à ce secteur, avec des actions renforcées  et ciblées, dont l’efficacité mérite quelques éclaircissements, notamment à travers des précisions sur l’état des lieux et l’évolution de l’éducation en ASS.

Éléments significatifs de l’Éducation en ASS depuis le Forum de Dakar…

Les derniers rapports mondiaux de suivi sur l’EPT (RMS 2007 et 2008), ainsi que les présentations internationales qui en ont été faites, permettent de préciser les éléments clés de l’évolution de l’Éducation depuis notamment le Forum de Dakar de 2000 et les six objectifs qui avaient été décidés par la Communauté internationale. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’est pas ici le propos de faire un état des lieux exhaustif sur les six objectifs (le RMS contient tous les éléments dans ce sens), mais d’éclairer sur des éléments clés liés à l’éducation de base, en rapport avec les concepts admis jusqu’ici pour la lutte contre la pauvreté, et ensuite d’en tirer quelques enseignements qui conviennent selon l’UNESCO. Tout d’abord, on peut noter qu’au niveau mondial, la scolarisation primaire a augmenté dans la majeure partie des régions du monde (de 36% en Afrique subsaharienne, 22% en Asie du Sud et de l’Ouest et 11% dans les États arabes), avec une accélération significative dans de nombreux pays d’ASS après le Forum de Dakar et comparativement aux années 1990. Cette augmentation de la scolarisation est également vraie pour les filles, surtout au niveau mondial, avec 63% des pays qui ont réalisé en 2005 la parité entre les sexes dans le primaire. Le bilan est cependant moins encourageant sur la région Afrique, avec 35% des pays qui l’ont atteinte. Concernant le nombre d’enfants non scolarisés, leur nombre a par voie de conséquence diminué dans presque toutes les régions du monde (augmentation cependant en Asie de l’Est et du Pacifique), globalement de 25% entre 1999 et 2005 (ils étaient 96 millions en 1999, 77 millions en 2004 et 72 millions en 2005). Leur nombre reste néanmoins important en Afrique subsaharienne, région qui contient environ 50% du nombre mondial (33 millions en 2004), ce qui est inquiétant car comme le rappelle le RMS 2007 : un enfant déscolarisé est une proie pour la pauvreté. Cette non-scolarisation mais également la déscolarisation précoce ont des effets négatifs sur entre autres

7 Présentation MDG : Global Monitoring Report, 2007

8 Présentation MDG : Global Monitoring Report, 2007

9 Source : Banque Mondiale – Development economics

10 Objectif n°2 de l’EPT : Réaliser l’enseignement primaire universel d’ici 2015 et Obj. n°2 des OMD : Assurer l’éducation primaire pour tous

l’alphabétisation des populations. On estime ainsi en 2005 à 774 millions le nombre d’analphabètes au niveau mondial, et même si c’est en Asie du Sud et de l’Ouest que ce nombre est le plus important, l’ASS se retrouve encore une fois dans une mauvaise situation comme deuxième région la plus touchée et avec surtout une augmentation de ce nombre d’analphabètes entre les périodes 1985-1994 et 1995-2004. Ainsi, malgré le focus mis sur le développement de l’accès à une éducation de base de qualité, le bilan en ASS  est très mitigé, et l’atteinte des objectifs de l’EPT en 2015 reste difficile pour beaucoup de pays. Selon le RMS 2008 et sur 129 pays au niveau mondial, en considérant l’indice de développement de l’EPT, il ressort que 51 pays ont déjà atteint en 2005 les objectifs de l’EPT, mais aussi que 25 sont loin de réaliser ces objectifs, dont 16 en Afrique Subsaharienne. Les défis demeurent importants dans cette région parmi eux : i) une participation rare à l’enseignement pré-primaire, alors que les programmes d’enseignement et de protection de la petite enfance (EPPE) améliorent le bien-être des enfants et les préparent à l’école primaire ; ii) des inégalités entre les sexes qui persistent, de manière encore plus importante au-delà du primaire (seulement 37% de pays au niveau mondial l’ont atteinte en 2005 sur le secondaire) iii) une faible qualité de l’enseignement, même si de plus en plus de pays procèdent à des évaluations nationales de l’apprentissage et participent à des évaluations régionales et internationales (RMS 2008), ces mêmes évaluations soulignent l’insuffisance des acquis dans les matières de base, en particulier dans les pays en développement ; iv) une pénurie d’enseignants pour le primaire, dont l’augmentation en nombre n’a pas suivi celle des objectifs scolarisés en ASS. Les enseignants contractuels limitent la pénurie en Afrique subsaharienne francophone (et en Asie du Sud et de l’Ouest), mais leurs salaires sont moins élevés et ils sont moins bien formés.

Dans ce contexte, les pauvres sont les plus touchés…

L’Institut International pour la Planification de l’Éducation (IIPE) de l’UNESCO s’est penché11 sur la problématique de l’éducation pour lutter contre la pauvreté, en pointant la situation critique des familles pauvres dans le contexte déjà morose décrit : tout le monde n’a pas accès à l’éducation et encore moins les enfants de familles pauvres, ce qui entretient le cercle vicieux de la pauvreté. Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer la difficulté de scolarisation des enfants issus de familles pauvres, parmi eux : i) les longues distances à parcourir pour ces enfants bien souvent situés en zones rurales, ii) la difficulté à assumer  les dépenses liées à la scolarité, iii) la nécessité pour ces enfants de travailler pour aider leur famille, et ainsi la difficulté à suivre une scolarité régulière. S’ajoute à cela le problème de la qualité des enseignements que reçoivent ces enfants lorsqu’ils arrivent à suivre les cours : « lorsqu’ils s’inscrivent à l’école, les enfants pauvres reçoivent souvent un enseignement médiocre. Les écoles des zones rurales isolées et celles fréquentées par les pauvres sont en général moins bien financées que les autres ». De plus, la problématique dépasse le secteur rural, tous les pauvres ne se trouvent pas uniquement en milieu rural, une bonne part se trouve également en milieu urbain, notamment dans le secteur informel qui représente12 90% en moyenne des emplois en ASS, et qui se définit13 bien comme un secteur de la subsistance. Le développement de systèmes d’enseignement et formation techniques et professionnels (EFTP) pertinents en ASS doit prendre en compte ce facteur important de l’environnement socio-économique, afin de lutter efficacement contre la pauvreté en Afrique.

11 Dans sa lettre d’information de juillet-septembre 2007 – Article p8 de F. Caillods

12 Source : Rapport Dakar+7 du Pôle de Dakar, années 1999 à 2005

13 Voir les études de l’Agence Française de Développement sur ce secteur en ASS

Lutter contre la pauvreté : Quelles solutions finalement ? …

Si comme nous l’avons vu malgré un focus international, le développement d’une éducation de base de qualité est trop lent en Afrique subsaharienne pour permettre de lutter efficacement contre la pauvreté, il est bien probable qu’une des raisons de l’inefficience des actions vienne justement de cette trop grande focalisation, qui s’est faite au détriment des autres objectifs et ainsi avec une synergie restreinte des actions non favorable à un impact important. Cette déviance est venue tout naturellement de la prédominance de l’objectif du primaire qui se retrouve à la fois dans l’EPT et dans les OMD. Se centrer dessus au détriment des autres objectifs, c’était sans doute oublier toute l’interdépendance des cadres mondiaux et de leurs objectifs œuvrant dans une amélioration globale des systèmes éducatifs et du développement durable des pays. D’autres facteurs interviennent aussi bien évidemment, comme la réduction ces dernières années des aides extérieures aux pays, en contradiction avec les engagements du cadre d’action de Dakar qui affirmait qu’aucun pays qui a pris un engagement sérieux en faveur de l’éducation de base ne verra ses efforts contrariés par le manque de ressources14. C’est un axe important pour la bonne atteinte de tous les objectifs. Mais la focalisation sur le primaire a certainement joué un rôle négatif majeur : comment par exemple négliger le supérieur (même s’il n’est pas explicitement cité dans les objectifs de Dakar), alpha et oméga des dispositifs éducatifs, car également pourvoyeur d’enseignants pour tous les autres niveaux d’enseignement et donc clé essentielle pour la qualité des enseignements dans le primaire ? Pourquoi avoir tant négligé le Pré-primaire, premier palier d’accès à l’éducation ? Pourquoi l’EFTP est-il si souvent le parent pauvre des systèmes éducatifs alors qu’il est reconnu internationalement comme un outil décisif de lutte contre la  pauvreté ?  (Nous  y  reviendrons).  Ainsi  l’UNESCO préconise plutôt une approche inclusive, avec à la fois, d’une part, une approche globale des différents objectifs de l’EPT et des OMD, et de chacun d’eux : L’EPT doit être abordée de manière à la fois verticale sur les niveaux éducatifs qu’ils touchent (pré-primaire, primaire, …), mais aussi horizontale suivant leurs formes (formel, non formel, informel). Le Directeur Général de l’UNESCO le rappelait encore il y a quelques jours (le 7 avril 2008)  lors de son discours d’ouverture de la 179ème session du conseil exécutif de l’UNESCO :

« notre position est claire : la réduction de la pauvreté et le développement durable ne peuvent être atteints sans un investissement sur l’EPT dans son ensemble. L’inscription de seulement deux des objectifs de l’EPT dans les OMD a encouragé un focus trop marqué sur l’accès à l’enseignement primaire. Comme la Communauté internationale réfléchit à ce qui doit être fait pour atteindre les OMD, nous devons saisir cette opportunité pour recommander fortement une approche plus globale » et, d’autre part, une approche transversale des différentes formes d’éducation et  des  cadres  globaux,  par  les  décennies (décennie 2003-2012 des Nations Unies pour l’alphabétisation, décennie 2005- 2014 pour l’éducation en vue du développement durable, deuxième décennie de l’Union Africaine pour l’éducation en Afrique) et les Initiatives de l’UNESCO (TTISSA15 pour la formation des enseignants en ASS, life16 pour l’alphabétisation, EDUSIDA pour l’éradication du VIH/Sida).

Dans ce cadre et ce processus, des mesures dans les pays doivent être prises de manière générale à deux niveaux. D’une part, au niveau de l’éducation elle-même (y compris évidemment l’EFTP) il s’agit de suivre les recommandations issues des différentes analyses disponibles (RMS,…) telles que la nécessité d’améliorer la qualité des dispositifs et enseignements, la prise en compte des contextes locaux (langue d’instruction, …), des nouvelles approches d’éducation, de l’amélioration de l’accès, de la parité… D’autre part, ces réformes doivent s’accompagner de mesures gouvernementales fortes qui vont bien

14 http://www.unesco.org/education/wef/fr-leadup/fr_dakfram.shtm 15 Acronyme anglais pour Teacher Training in Sub Saharan Africa 16 Acronyme anglais pour Literacy Initiative For Empowerment

souvent au-delà du secteur de l’éducation, et qui nécessitent, comme le préconisait déjà le Cadre de Dakar, une réflexion et une action multisectorielles. Cela concerne notamment

  1. i) l’abolition autant que possible des frais liés à la scolarité, ii) l’instauration de projets de développement socio-économique du milieu rural afin d’augmenter les perspectives d’emploi ou d’auto-emploi de ces populations, iii) des programmes liés à l’alimentation en milieu scolaire, iv) la mise en place de programmes de microcrédits pour favoriser l’auto- emploi et les conditions de vie, v) une décentralisation humaine et financière des systèmes, et une implication au maximum des populations dans toutes les stratégies et actions pour lesquelles elles en sont les cibles principales, vi) l’accompagnement des programmes éducatifs avec une information et sensibilisation des populations sur les bénéfices de l’accès à une éducation, afin de susciter une véritable demande motivée. Dans toutes ces priorités, les systèmes d’EFTP ont un rôle majeur à jouer comme l’a clairement identifié la recommandation révisée concernant l’EFTP (2001), document normatif de l’UNESCO sur lequel se sont engagés les États membres : « l’EFTP doit être un moyen de faciliter la réduction de la pauvreté ». Ce rôle prépondérant a été réaffirmé par les experts internationaux réunis à Bonn en 2004 sur le thème apprendre par le travail, la citoyenneté et la durabilité (Séoul+5), dont la déclaration de Bonn a conclu à la priorité de placer l’EFTP comme axe central de la politique du développement durable et précise : « nous […] déclarons que l’EFTP doit être la cheville ouvrière permettant de réduire la pauvreté ». D’ailleurs, ce lien fort entre développement des dispositifs d’EFTP et développement des pays rejoint certaines analyses montrant clairement que les pays les plus développés d’ASS sont ceux qui ont des taux de couverture de l’EFTP les plus élevés. Ce n’est donc pas un hasard si l’EFTP figure également comme une des sept priorités du plan d’action de la deuxième décennie (2006-2015) pour l’éducation en Afrique (DDEA) de l’Union

La volonté internationale est donc forte à appuyer la pertinence du développement des systèmes d’EFTP : la même déclaration de Bonn proclame d’ailleurs que l’EFTP ne devrait plus être considéré comme une voie optionnelle et marginale. Mais qu’entend-on vraiment par EFTP ? Pour L’UNESCO17, l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels désigne les aspects du processus éducatif qui, en plus d’une instruction générale, impliquent l’étude des techniques et des sciences connexes, et l’acquisition de capacités pratiques, d’attitudes, d’une compréhension et de connaissances en rapport avec les professions des divers secteurs de la vie économique et sociale. Conséquemment, L’EFTP est18 i) une partie intégrante de la formation générale, ii) un moyen d’accès à des secteurs professionnels et de participation efficace au monde du travail, iii) un aspect de l’apprentissage tout au long de la vie et une formation à la citoyenneté responsable, iv) un instrument pour promouvoir un développement durable et v) un moyen de faciliter la réduction de la pauvreté. Cependant, dans la réalité de l’Afrique d’aujourd’hui, il est important de noter que19 la pertinence d’éducation secondaire peut être déformée par une préoccupation excessive de préparer de jeunes gens pour les études universitaires. En réalité, les grandes proportions de la jeunesse du secondaire n’auront jamais accès à l’enseignement supérieur et devront affronter le monde du travail sans les compétences exigées pour trouver et garder un travail. Les conséquences d’un EFTP inadapté sont nombreuses, parmi elles notamment : i) la frustration d’un grand nombre de jeunes gens, de n’être ni convenablement préparés à l’enseignement supérieur, ni armés pour l’entrée dans le monde du travail et l’intégration sociale, ii) une contribution à la ségrégation sociale entre les jeunes de l’ESG et de l’EFTP par une orientation trop précoce et trop fermée (canalisation) et basée essentiellement sur les résultats académiques, renforçant la perception selon laquelle l’EFTP est la voie des carrières inférieures, iii) une difficulté à recruter des travailleurs compétents, productifs et flexibles, iv) l’utilisation inefficace des

17 Recommandation Révisée concernant l’ETP (2001), p. 7

18 Ibid

19 Citation du Directeur Général de l’UNESCO

budgets de l’éducation et v) des services sociaux en augmentation de charge. Le rapport Dakar+7 a rappelé l’existence de grandes disparités sur le continent africain en matière d’EFTP, traduisant la variété des contextes et des choix politiques des différents pays. Il a également mis en évidence (notamment dans son chapitre 7) l’urgence d’une réforme du secteur, en faisant état d’un EFTP demeurant très largement inadapté dans ses modes formel et non formel.

Cette nécessaire réforme de l’EFTP doit concilier des objectifs de long terme avec une stratégie de court terme sur les dispositifs de formation. À court terme, il importe de concevoir une stratégie d’amélioration ou de mise en œuvre de dispositifs alternatifs, attractifs et pertinents, participant de manière performante, sur un large public, à l’insertion des individus sortants du primaire et au traitement efficace de l’exclusion. A long terme, dans la perspective d’une éducation de base incluant le premier cycle du secondaire, c’est au terme de cette éducation de base que devraient prendre place des dispositifs facilitant l’insertion directe au monde du travail. La mise en œuvre progressive d’un enseignement basique associant l’enseignement primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire est une option stratégique clé, directement liée aux nouvelles politiques sectorielles de structuration à long terme des enseignements post-primaires. Cette stratégie, au-delà d’un simple allongement de la durée de l’éducation primaire, implique une réelle extension des apprentissages. Elle pourrait prévoir20 notamment, sur le premier cycle du secondaire, une articulation forte entre l’enseignement secondaire général et l’EFTP, du fait que dans la plupart des métiers existants ou émergents, les premières qualités attendues sont souvent transversales. Cela implique une redéfinition importante des curricula qui devront permettre prioritairement aux sortants de l’éducation de base une insertion dans le monde du travail par l’acquisition de connaissances et de compétences leur permettant de s’adapter aux conditions évolutives de l’économie. Ces curricula doivent ainsi offrir un socle pertinent de connaissances reposant sur des compétences de la vie courante, de l’entreprenariat et des compétences génériques essentielles, non spécifiques à un métier, et moins axées sur des savoirs que sur des attitudes et des compétences transversales. Il est également important que les pays veillent à donner aux individus la possibilité de se former tout au long de leur vie (indispensable avec l’évolution des technologies et des besoins), et à promouvoir les attitudes et comportements citoyens des formés. L’insertion des jeunes doit être un axe essentiel de la qualité des dispositifs d’EFTP. Cet objectif passe par une amélioration de  leur pilotage et la recherche d’une adéquation formation/emploi fondée sur des enseignements adaptés au contexte socio-économique et à son évolution. Cela suggère notamment un pilotage et une gestion améliorés de ce secteur, dont un des éléments à développer pour nombre de pays africains est celui de l’intégration de systèmes d’informations statistiques fiables lui permettant de cibler ses actions en analysant la situation de l’emploi et les caractéristiques de l’insertion des jeunes.

Plusieurs pays redynamisent judicieusement leur stratégie sur des dispositifs performants en termes d’insertion tels que les dispositifs à forts partenariats école/entreprise (alternance dans le formel par exemple). De nombreuses initiatives existent en ce sens sur les différents marchés qui illustrent à ce niveau l’intérêt d’une approche multisectorielle de l’EFTP. Le repérage et la définition des besoins, l’application de techniques d’ingénierie pédagogique, sont facilités par la structuration préalable des représentations des acteurs des marchés (syndicats d’employeurs et de salariés) qui deviennent partie prenante des différentes étapes de la définition et de l’appréciation de la pertinence des formations. Plus globalement, les interactions indispensables entre l’EFTP et le marché du travail nécessitent de travailler à la structuration des branches professionnelles porteuses d’emploi. En Afrique,

20 Document UNESCO (2005) de Réforme de l’Enseignement Secondaire Vers une convergence de l’acquisition des connaissances et du développement des compétences

les marchés de l’emploi sont peu structurés, ce qui ne favorise ni leur développement, ni la synergie avec les systèmes éducatifs. D’autre part, ces mécanismes de coordination doivent favoriser l’émergence de nouveaux marchés et la création d’entreprises ou l’auto-emploi dans les secteurs porteurs ou innovants. Ils dépassent le seul cadre du secteur de l’éducation, et donnent tout leur sens à la nécessité de développement de partenariats multiples entre tous les acteurs concernés. Dans une approche multisectorielle d’adaptation des formations au contexte socioéconomique, les pays doivent se doter d’organes institutionnels nécessaires aux mécanismes de coordination et de financement du secteur, et qui remplissent véritablement leur rôle. Au-delà des initiatives nationales, la dynamique régionale doit se poursuivre là où elle est possible. L’amélioration de l’insertion doit inclure également, au moins à court terme, le développement de formations de niveau intermédiaire, pertinentes et attractives, accessibles entre autres aux exclus du primaire et aux non scolarisés, dans le respect impératif du droit des enfants sur lequel les États se sont engagés. Les secteurs des formations préprofessionnelles et de l’apprentissage traditionnel (sur une tranche d’âge et des publics beaucoup plus larges) méritent ainsi une attention accrue au regard de l’état des lieux de la situation de l’emploi en Afrique. Des initiatives de promotion de ces types de formation doivent être encouragées, en vue d’une généralisation et d’une intégration adaptée dans les dispositifs actuels. Dans ce cadre, des stratégies pertinentes doivent viser le renforcement du lien entre les systèmes d’EFTP et l’alphabétisation. C’est par exemple le cas de l’éducation qualifiante des jeunes et des adultes (EQJA) qui, centrée sur les activités dans le secteur informel, se présente comme une initiative prometteuse. Le Bureau Régional pour l’Éducation en Afrique (BREDA) mène dans ce cadre plusieurs programmes sur l’EFTP en vue de lutter contre la pauvreté, notamment :

  • Projet (exécution terminée) conjoint BREDA/PNUD/OIF visant à réduire la pauvreté par la pédagogie de l’entreprenariat dans les collèges et Daaras, sur trois régions pilotes du Sénégal. L’objectif était globalement de créer une passerelle entre l’enseignement général et la formation professionnelle afin de développer une offre éducative et la culture de l’entreprenariat chez les
  • Projet sous-régional de définition d’un cadre commun de qualifications, pour les pays de la CEDEAO, dans différents domaines d’activités, afin de favoriser sous-régionale la mobilité des formés et des formateurs,
  • Projet multi-pays pour le développement de l’accès à l’EFTP des groupes marginalisés, notamment pour les populations rurales éloignées de centres de formation, et ce au moyen d’un dispositif souple, mobile et une implication forte des populations,
  • Observatoire régional sur l’éducation en vue du développement durable, centre de collecte et d’échanges d’informations autour de la décennie de l’EDD, le suivi de la mise en œuvre, les bonnes pratiques…,
  • D’autres actions sont également coordonnées avec les bureaux pays ou multi-pays de l’UNESCO en Afrique

En brève conclusion…

Les progrès actuels sur la scolarisation primaire universelle ont été importants  depuis Dakar, ils doivent se poursuivre d’ici 2015, mais comme nous l’avons vu, la lutte contre la pauvreté ne saurait porter réellement ses fruits sans une approche plus globale, synergique et multisectorielle des différents objectifs de l’éducation pour tous, ce qui concerne à la fois les pays eux-mêmes mais aussi les partenaires techniques et financiers. Dans ce cadre, l’EFTP a un rôle crucial à jouer : Ces dispositifs sont une des clés essentielles en vue d’un développement durable des pays, à condition qu’ils soient mis en place de manière adaptée et pertinente dans les pays d’ASS, ce qui est possible comme en témoigne un certain nombre de bonnes pratiques qui existent déjà dans ces pays. Avec la pression numérique grandissante sur les dispositifs post-primaires (et/ou post-basiques), mais aussi avec les difficultés d’emploi des jeunes formés dans les marchés spécifiques d’ASS, le regain d’attention sur ce secteur est grandissant, et il devient ainsi urgent et opportun de redoubler d’énergie et d’espoir pour mettre en place les solutions adéquates.

Résumé

L’objectif de la présentation de l’UNESCO-BREDA est tout d’abord d’informer et de préciser quelques avancées clés mais aussi les limites enregistrées dans la lutte contre la pauvreté dans le monde et notamment en Afrique Subsaharienne (ASS). À partir de là, il s’agit d’analyser la pertinence des actions menées jusque là par la communauté internationale, et de préciser les stratégies qui apparaissent actuellement les plus adéquates pour l’UNESCO, ainsi que des actions précises menées au niveau de son Bureau Régional pour l’Éducation en Afrique (BREDA). Il convient tout d’abord de préciser le sens entendu ici de la lutte contre la pauvreté, car la définition même de la pauvreté varie grandement selon les pays et leurs contextes socio- économiques, culturels, environnementaux, et politiques, même si dans toutes ces variations la notion de privation s’y retrouve transversalement profondément ancrée. Le cadre ici choisi est celui de la conception telle qu’elle est adoptée par la Communauté internationale, définissant l’extrême pauvreté par un revenu inférieur à un dollar par jour (dans les économies fortes, ce seuil peut être porté à deux dollars par jour). Cette définition unidimensionnelle et monétaire se retrouve en première ligne des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dont le premier est de réduire l’extrême pauvreté et la faim, se décomposant en deux cibles dont la première est de réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour.


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