RAIFFET 2008 Quelques réflexions en didactique : des résultats de recherche à des perspectives de formation, applications au champ conceptuel du rayonnement Najoua Zaiane

Quelques réflexions en didactique des résultats de recherche à des perspectives de formation, applications au champ conceptuel du rayonnementNajoua Zaiane

Quelques réflexions en didactique des résultats de recherche à des perspectives de formation, applications au champ conceptuel du rayonnement
Najoua Zaiane 

Summary

In this work, we start by briefly recalling the contribution of didactic of sciences for the training of the teachers, and that while referring to reflections of didacticians in this field. These two practices are dependant one on the other. It is a question of seeing how to make this dependence effective. We project to transpose the results obtained in the field of the formation. We leave the idea that a research (or a formation) into didactic is inherent in other research in physics, in history, epistemology and in psychology. In our work, the conceptual field of reference concerns an energetic approach of the radiation and photometry. The finality of this work is to propose to the teachers of physical sciences, contents and a procedure of teaching of the energetic radiation and photometry, considered in relation to the difficulties of training. Thus the teacher would succeed in placing the pupil in a situation which enables him to build the concept of energetic radiation.

Introduction

En se référant à des travaux de didacticiens (Develay, Astolfi, Martinand, Dupin, Johsua, etc.), nous commençons par rappeler une des caractéristiques de la didactique comme étant à la fois une pratique de recherche et de formation. Comme pratique de recherche, elle est centrée sur les difficultés de l’apprentissage et l’amélioration de ses conditions. Comme pratique de formation, elle ne prétend pas avoir des recettes mais essaye de rendre intelligible les processus d’enseignement et d’apprentissage et aide les enseignants à construire du sens aux situations de classe et à repenser les contenus, les démarches et les dispositifs. Les composantes de recherche et de formation sont dépendantes l’une de l’autre. En effet, les résultats de recherche en didactique sont exploités dans une perspective de formation des enseignants. Cette exploitation nécessite, selon la situation de classe, une réflexion, une restructuration et une contextualisation. Dans notre travail de recherche, le thème général porte sur l’enseignement du rayonnement et de la photométrie. D’une part, à travers l’histoire, les physiciens ont rencontré des difficultés au cours de l’élaboration et du développement des théories du rayonnement et de la photométrie. D’autre part, dans les programmes tunisiens, il y a absence d’un enseignement explicite d’une approche énergétique du rayonnement et des concepts et des dispositifs expérimentaux de photométrie. L’objectif de ce travail est de repenser les résultats de recherche dans une perspective de formation en proposant aux enseignants de sciences physiques un contenu et une procédure d’enseignement de la photométrie.

Étude historique

Dans l’objectif d’enseigner la photométrie, nous sommes conduits à donner un aperçu historique de l’évolution de la photométrie. Nous insistons sur l’idée que la photométrie,  ainsi que son évolution conceptuelle, n’ont un sens qu’en rapport avec les théories du rayonnement. La photométrie visuelle est marquée par les théories non énergétiques du rayonnement (la théorie de la vision, la théorie de la substance, la théorie ondulatoire). Elle est fondée par P. Bouguer suite à l’ouvrage, qu’il a publié en 1729, Essai d’optique sur la gradation de la lumière. Cette photométrie visuelle s’inscrit dans le cadre théorique de l’optique géométrique avec le concept fondamental de rayon visuel mais aussi dans le cadre de la théorie mécanique-substantialiste par les concepts de force de la lumière et flux de corpuscules. La force de la lumière devient une quantité mesurable par une méthode de mesure. L’œil occupe une position centrale. Il est un instrument d’appréciation de deux éclairages identiques. Le début de la photométrie énergétique (ou physique) a été marqué d’abord par le premier instrument de mesure : la thermopile de M. Melloni (1833) pour mesurer l’intensité d’un flux lumineux. Ce début a été marqué ensuite par la considération du rayonnement comme une nouvelle forme d’énergie, suite à la publication du principe de la conservation de l’énergie (Mayer, 1840). Le développement de la photométrie énergétique s’est réalisé en parallèle avec l’élaboration des théories énergétiques du rayonnement (la théorie électromagnétique, la théorie thermodynamique, la théorie des quanta, la théorie de la dualité onde-corpuscule).

Dans la perspective de faire comparer visuellement, lors d’une situation de classe, par les apprenants, des éclairements reçus par deux récepteurs identiques (méthode propre à la photométrie visuelle), puis de leur faire mesurer ces éclairements avec des instruments physiques (méthode propre à la photométrie physique), nous proposons de souligner l’articulation entre la photométrie visuelle et la photométrie physique. La photométrie visuelle a un contexte d’éclairage (confort visuel). Ces concepts sont visuels et nous citons comme concept fondamental : le flux lumineux qui se conserve et qui est non corrélé au temps. La mesure est subjective puisque c’est l’œil qui est un instrument de comparaison d’égalité d’éclairements reçus. Alors que la photométrie physique a un contexte énergétique (coût). Ses concepts sont énergétiques tel celui de puissance de rayonnement qui est corrélé au temps. La mesure est objective et elle se fait par un instrument de mesure dont le fonctionnement est basé sur des transformations énergétiques.

Étude des programmes

L’objectif de notre étude des contenus des programmes de l’enseignement secondaire de la physique est de soulever des questions, des problèmes et des difficultés relatifs à l’enseignement du rayonnement et de la photométrie. Cette étude nous permet par la suite de repenser un nouveau contenu d’enseignement. Notre méthodologie d’analyse est basée sur une analyse de contenus dans le cadre de notre étude historique des théories du rayonnement et de la photométrie et de l’importance de l’expérience dans la construction d’une théorie. Nous accordons ainsi, une importance au système conceptuel mobilisé et aux instruments de mesures utilisés.

Notre étude des programmes nous permet de souligner que l’enseignement du rayonnement, comme forme d’énergie, n’est pas un objet explicite d’enseignement. Les concepts relatifs au rayonnement ne relèvent pas d’une cohérence théorique choisie comme objet d’enseignement. Elle nous permet également de noter l’absence remarquable de dispositifs et d’instruments de mesure dans les situations d’apprentissage du rayonnement d’où la nécessité de l’introduction d’un contenu d’enseignement relatif à la photométrie.

Expérimentation

Situation d’enseignement de la photométrie

Nous avons vu que le rayonnement énergétique fait référence à plusieurs domaines théoriques de la physique et à la photométrie physique. Mais le choix que nous ferons pour notre enseignement se limite ici à la photométrie qui n’est pas mentionnée dans les programmes. Les concepts photométriques n’ont de sens qu’en régime stationnaire de fonctionnement des sources lumineuses primaires. Les différents concepts et grandeurs (luminance, flux, intensité, éclairement, existence) portent les mêmes noms en photométrie visuelle qu’en photométrie énergétique, mais correspondent à des concepts différents, car ils sont insérés dans des contextes théoriques différents. Les unités des grandeurs qui leur sont associées sont différentes, ce qui traduit leur appartenance théorique différente. Cette coexistence de deux systèmes de grandeurs, a conduit la commission internationale de l’éclairage à proposer une terminologie pour les deux domaines. On associe alors au nom de la grandeur l’adjectif lumineux lorsqu’il s’agit d’une grandeur de la photométrie visuelle, l’adjectif énergétique lorsqu’il s’agit d’une grandeur de la photométrie énergétique et l’adjectif photonique pour les grandeurs de photométrie photonique. Nous ne proposons pas de présenter la photométrie visuelle (dispositifs et détecteur : l’œil) et la photométrie physique (dispositifs et instrument de mesure) mais seulement de préciser, en le justifiant, le choix pour les apprenants, de dispositifs photométrique et d’instruments de mesure du rayonnement émis par des sources à incandescence et à luminescences.

Dispositif photométrique proposé pour les apprenants

Nous avons essayé d’avoir les conditions expérimentales optimales et simples pour une étude quantitative du rayonnement dans une salle de travaux pratiques de lycée. Nous rappelons que nous ne prétendons pas faire réaliser aux élèves des mesures absolues du rayonnement, mais des mesures relatives qui peuvent se limiter à un dispositif expérimental simple. Pour notre enseignement, nous avons construit un dispositif adapté aux éléments matériels disponibles dans un laboratoire de lycée, simple à construire par le professeur et facile à manipuler par les élèves. Ce dispositif répond à des simplifications importantes du dispositif de la sphère intégrante. Pour chaque dispositif, nous avons utilisé une boîte en carton fermée dont les faces intérieures sont peintes en blanc. Les dimensions de la boîte (23,5 cm ´ 21,5 cm ´ 30 cm) sont dans un rapport correct avec celles des lampes à utiliser. Nous n’avons pas eu besoin de supports ni de fixations pour les instruments de mesure grâce à des découpages sur deux couvercles amovibles et verticaux et grâce à des supports de lampes (support en bois : 10 cm ´ 10 cm, placé au fond de la boîte et au milieu). Les découpages ont été adaptés à la forme et aux dimensions des récepteurs des instruments de mesure. Ce dispositif permet d’installer la lampe de façon à ce que la  surface du récepteur de l’instrument de mesure soit perpendiculaire à la direction principale de la propagation de la lumière et de façon à avoir une distance fixe entre l’instrument et la source. La construction de ce dispositif tient seulement compte de quelques paramètres relatifs aux mesures photométriques : distance source – récepteur, inclinaison de la surface réceptrice par rapport à la direction de la propagation de la lumière et atténuation de l’absorption par les parois. En particulier, il ne tient pas compte de la nécessité de diffuser la lumière.

Instruments de mesure proposés pour les apprenants

Dans notre enseignement, nous commençons par mettre l’accent sur les limites de l’œil utilisé comme instrument d’appréciation visuelle en photométrie visuelle. D’une part par sa subjectivité des mesures visuelles qui se traduit par les appréciations différentes faites par les observateurs. Cette distinction entre ces appréciations visuelles est expliquée par l’aspect qualitatif et non quantitatif de ces dernières. D’autre part par sa sensibilité limitée au visible. L’œil n’est pas sensible par exemple à l’infrarouge émis par la source incandescente. Il est nécessaire alors d’utiliser des instruments de mesure du rayonnement caractérisés par leur objectivité de mesure. Dans notre perspective d’enseignement (théorie quantique du rayonnement), nous utilisons des instruments de mesure ayant des détecteurs photoélectriques. Nous mettons à la disposition des apprenants : une photopile, un luxmètre et une photodiode.

Luxmètre

Nous avons utilisé des luxmètres. Cet instrument permet de mesurer l’éclairement reçu en un lieu (il mesure un flux reçu par unité de surface. Le récepteur photosensible du luxmètre a la forme d’une calotte sphérique de surface connue de l’ordre de 1 dm2. Le capteur photosensible est une diode au silicium avec des filtres qui le rendent sensible aux longueurs d’onde du spectre visible (450 nm à 700 nm) avec un maximum de sensibilité pour le jaune (550 nm). Dans les meilleures conditions de fabrication, le luxmètre a une sensibilité spectrale relative identique à celle donnée par la fonction V(l) = f (l) établie pour un œil moyen. Il donne une réponse indépendante de la distribution angulaire des luminances qui contribuent à l’éclairement. Par sa conception même, le luxmètre ne permet pas de mesurer des puissances de rayonnement. Nous utiliserons pour cela une photopile et une photodiode.

Photopile :

Nous avons utilisé des photopiles. Le récepteur se présente sous la forme de plaques de couleur sombre (pour absorber la lumière). C’est un photo-générateur équipé de bornes pour être branchées à un milliampèremètre. Les capteurs des photopiles sont constitués d’une diode à jonction p-n munie de filtres. Les photopiles que nous avons utilisées permettent de mesurer une puissance de rayonnement dans le visible. Nous savons par ailleurs qu’une photopile a une réponse linéaire dans son domaine de sensibilité spectrale. Nous soulignons que le courant électrique débité dépend des conditions d’éclairement du capteur de la photopile : de la puissance de rayonnement de la source, de l’inclinaison du capteur par rapport à l’axe de propagation principal de la lumière, de la distance entre le capteur et la source. Un des problèmes pour l’élève sera de comprendre la relation éclairement – intensité du courant ou la relation puissance de rayonnement – puissance électrique. Nous devrons lui expliquer succinctement le modèle interaction lumière – matière qui permet de comprendre l’effet photoélectrique.

Photodiode :

Nous avons utilisé une photodiode par classe d’apprenants. Elle est petite, facile à utiliser et à transporter. Elle est sombre. C’est une diode au silicium à jonction p-n dont la caractéristique courant-tension dépend de son éclairement. A l’échelle microscopique, un photon incident peut causer une paire électron-trou et produire des charges électriques mobiles. L’intensité de courant délivrée par la photodiode est proportionnelle au flux incident éclairant la jonction. Cette linéarité de la réponse entre le flux reçu et le courant délivré par la photodiode permet de qualifier cette dernière de capteur linéaire. L’intensité de courant est faible et nécessite une amplification. Les photodiodes sont variées (du point de vue de leurs caractéristiques de construction) et peuvent ainsi avoir des sensibilités différentes au(x) rayonnement(s). Les photodiodes au silicium ont des avantages : elles ont une sensibilité importante dans l’infrarouge, elles sont stables du point de vue de la sensibilité spectrale, elles ont une bonne sensibilité locale, elles ont des fenêtres en résine qui permettent de réduire le rayonnement réfléchi par leurs surfaces, elles ont des surfaces assez larges pour capter le faisceau lumineux traversant le diaphragme et pour minimiser les effets de diffraction. Dans le cadre d’un enseignement du rayonnement énergétique, nous utilisons la propriété des instruments photosensibles : ils donnent une réponse linéaire dans un domaine déterminé du spectre. Nous guidons les élèves pour qu’ils valident leurs théories visuelles du rayonnement en leur donnant une photopile sensible au spectre visible et pour qu’ils valident leurs théories non visuelles du rayonnement en leur donnant une photodiode (sensible au visible et à l’infrarouge).

Conclusion et perspectives

L’enseignement du rayonnement dans le cadre de l’énergie pose des difficultés pour l’enseignant pour construire son cours qui perçoit l’absence de cohérence conceptuelle. Cela explique la proposition d’un contenu d’enseignement relatif à la photométrie. Ce contenu peut être aussi complété par l’enseignement de concepts énergétiques : densité d’énergie de rayonnement, rayonnement et puissance de rayonnement. Cet enseignement devrait aussi poser des difficultés pour l’élève dans son apprentissage. Ces difficultés sont éclairées par des études historique et épistémologique, physique et didactique. Comme perspective, nous proposons l’élaboration d’une expérimentation pour attribuer à des élèves et des étudiants tunisiens des théories du rayonnement et de la photométrie. Nous nous baserons sur tous les résultats obtenus pour construire une situation d’apprentissage centrée sur le rayonnement énergétique et la photométrie.

Bibliographie

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Résumé

Dans ce travail, nous commençons par rappeler brièvement l’apport de la didactique des sciences pour la formation des enseignants, et cela en se référant à des réflexions de didacticiens dans ce domaine. Ces deux pratiques sont dépendantes l’une de l’autre. Il s’agit de voir comment rendre cette dépendance efficace. Nous projetons de transposer les résultats obtenus dans le champ de la formation. Nous partons de l’idée qu’une recherche (ou une formation) en didactique est inhérente à d’autres recherches en physique, en histoire, épistémologie et en psychologie. Dans notre travail, le champ conceptuel de référence porte sur une approche énergétique du rayonnement et la photométrie. La finalité de ce travail est de proposer aux enseignants de sciences physiques, un contenu et une procédure  d’enseignement du rayonnement énergétique et de la photométrie, réfléchis en relation avec les difficultés d’apprentissage. Ainsi l’enseignant réussirait à placer l’élève dans une situation qui lui permette de construire le concept de rayonnement énergétique.

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