Summary
The adequacy between employment, qualifications, formations which distribute these qualifications, and the education system which feeds the devices of formation, are closely dependant without for all this these bonds are explicit or that they are organised. To organise these bonds supposes to anticipate and to plan the social organisation of work and employment. Indeed, to set up devices of professional training supposes to build establishments, to recruit and to train teachers or trainers, to conceive curricula and devices of formation, to attract the young people towards these formations and these qualifications, etc This is a complex process which supposes important financial liabilities. For the developed countries, Europe, North America, Japan, there exist many measuring instruments which make it possible to assess the trends, to envisage, as much as doing it can, the evolutions and thus to plan the development. For as much, these measurements only make it possible to reduce the taken risks; and the examples are numerous, in France like elsewhere, of heavy devices of professional training implemented which did not lead to employment. The social costs of these failures are always very high. For the emergent countries, like Gabon, such measuring instruments do not exist or, when they exist, cover only partially the various social components. In fact, to envisage the sectors under development, those to develop, generated employment, the qualifications necessary to occupy this employment, the formations to be implemented are as many the unknown ones of an equation impossible to solve. In this communication, starting from a study made on the Gabonese system, we will examine some of the elements which make it possible to qualify the bonds between the terms of this equation. That will lead us to examine some possible, obstacles and difficulties met to think these articulations.
Introduction
Le travail présenté ici résulte d’une importante étude conduite à la demande du Premier ministre et à l’initiative conjointe des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur du gouvernement gabonais. Plusieurs éléments sont à l’origine de cette initiative et de nombreux rapports précédents soulignaient les points forts et les faiblesses du système éducatif gabonais. Aucun ne s’intéressait globalement à cette question de l’articulation entre le système éducatif et l’insertion professionnelle des élèves à leur sortie, plus ou moins précoce du système éducatif. Dans cette présentation, un premier temps sert à repérer quelques touches de ce tableau particulièrement contrasté. Dans un second temps, un ensemble de propositions essaie de dresser des perspectives de développement durable car fondées sur un pari d’avenir : miser sur l’éducation et la formation des jeunes. En ce sens, l’expérience gabonaise est remarquable et mérite d’être remarquée.
Le contexte éducatif gabonais
Une étude très approfondie du système éducatif gabonais conduite en 2005-2006 (Ginestié et al., 2006) ayant pour objet de proposer un schéma directeur pour l’évolution de ce système à un horizon 2020, décrivait le contexte pour pointer un certain nombre d’éléments liminaires sur la situation actuelle. Ce rapport faisait suite à une première étude sur la structuration de l’enseignement technique et la formation professionnelle (Ginestié et al., 2004). Ce système éducatif est largement dépendant de faiblesses chroniques que les points forts – que l’on peut, par ailleurs, constater – n’arrivent pas à compenser (AFIDES, non daté ; AIF, non daté ; Association Paideia, non daté ; Ambassade de France, Mission économique, non daté ; Banque mondiale, 2002 ; CIA, non daté ; Ministère de l’Économie, des Finances, du Budget et de la Privatisation, 2000 ; UNDP, 2003 ; UNICEF, non daté). Nous résumons ici quelques-unes de ces caractéristiques qui marquent l’inefficacité générale et se traduit par une désadaptation globale du système éducatif gabonais en regard des évolutions sociales, économiques, professionnelles, culturelles et politiques, que ces évolutions relèvent des logiques internes du pays ou du contexte régional et international (Fourniol, 2003 ; Henry, 1996 ; Mouity, 1998 ; OECD, 1995 ; UNESCO, 1996).
L’école primaire ne joue pas son rôle dans l’acquisition des savoirs de base. Il n’existe pas d’accueil préscolaire, si ce n’est expérimentalement pour quelques centaines d’enfants âgés de cinq ans. L’entrée massive des enfants à l’école primaire se fait de manière tardive, plutôt vers l’âge de sept ans qu’à l’âge de six ans affichés institutionnellement. Les taux de redoublements constituent le problème majeur de l’école gabonaise avec des taux qui sont au-delà de l’acceptable. Ils allongent indûment la scolarité à l’école primaire – jusqu’à treize ans pour la majorité, bien au-delà pour un nombre significatif d’élèves – et ils font naître un sentiment d’échec chez les enfants et s’avèrent particulièrement coûteux en termes de sureffectifs dans les classes et de charge de travail pour les enseignants. Le sous- encadrement chronique prend deux formes différentes : dans les agglomérations urbaines, les classes sont surpeuplées (72 élèves par classe en moyenne à Libreville) alors que dans les zones rurales, elles sont confiées à des moniteurs sont sous-qualifiés (qui font office d’instituteurs). D’une manière générale, le niveau de qualification des instituteurs est trop faible, notamment en ce qui concerne les éléments intimement constitutifs du métier d’instituteur (pédagogie de la réussite, gestion de la polyvalence, processus d’évaluation…) résultant d’un dispositif de formation initiale totalement inadapté (formation trop courte, reposant sur une trop faible base disciplinaire de savoirs mal étayés).
L’entrée dans le secondaire repose sur un concours d’entrée en classe de sixième qui constitue un véritable goulet d’étranglement injustifié pour des enfants d’âge normal et qui ne fait qu’accroître les mécanismes d’échec et les processus d’abandons, voire d’exclusion de l’école. Or, le Gabon, actuellement, connaît une évolution sociale qui associe de plus en plus l’échec scolaire à l’exclusion sociale (le chômage des jeunes est en évolution croissante de manière dramatique et l’on constate un accroissement de la délinquance dans les grandes villes, tout particulièrement à Libreville). Par ailleurs, tous les maux identifiés à l’école primaire sont reproduits au niveau du collège pour chacun des points soulignés.
Au niveau des formations professionnelles, nous constatons une absence cruelle de structures de formation à quelque niveau que ce soit, qu’il s’agisse de former des ouvriers, des employés, des techniciens, des techniciens supérieurs ou des ingénieurs. Le système de sélection (concours) à l’entrée dans toutes les filières de formation est totalement inadapté. Il est continuellement contourné, voire détourné, il génère de nombreux dysfonctionnements tels que la falsification de documents administratifs (bulletins scolaires, actes de naissance…), ou le recours aux réseaux de relation… Les contenus de formation sont totalement inadaptés aux structures pédagogiques modernes. Par exemple, le découpage classique des disciplines scolaires est beaucoup trop rigoureux ; il est largement dépassé car fondé sur une vision hiérarchique des disciplines scolaires inadaptée à la massification des différents ordres d’enseignement et des voies spécialisées qui en résultent.
Le lycée et l’université sont pensés de manière trop restrictive en termes de formation d’une élite ; ils laissent trop sur le côté d’importants effectifs d’élèves et d’étudiants alors que le pays manque cruellement de cadres intermédiaires, notamment dans la diversité des métiers et des secteurs professionnels. Ainsi, des pans entiers d’activités porteuses de développement et d’emploi (par exemple, le tourisme, l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, la menuiserie et l’ébénisterie, l’entretien et la maintenance des installations domestiques, les métiers du bâtiment, l’agriculture et l’agroalimentaire, le secteur tertiaire…) sont dramatiquement absents du paysage universitaire qui n’accueille que quelques trop rares formations professionnelles de techniciens supérieurs, d’ingénieurs ou de cadres. Cette faiblesse ouvre la porte, d’une part, à la multiplication d’officines privées qui offrent des formations payantes dont le niveau, les contenus, l’intérêt et l’employabilité des diplômés sont proches de la nullité et, d’autre part, à un développement massif d’étudiants qui partent à l’étranger faire des formations, ce qui se révèle très onéreux pour l’état qui en assure le financement. Ce système de financement d’études à l’étranger est assez largement injustifié, les étudiants concernés vont suivre à l’étranger des formations d’inégale qualité alors que parfois les mêmes filières existent sur place ou que les budgets engagés permettraient de créer ces filières au Gabon.
L’articulation entre formation et emploi repose sur une concertation structurée, permanente et dynamique entre le milieu économique et le système éducatif (Atchoarena, 1998). Cette concertation est indispensable pour organiser les connaissances et penser l’évolution des formations professionnelles et des qualifications (Caston, 1996). Elle n’existe qu’à titre expérimental depuis quelques années. Par ailleurs, notons l’absence de données statistiques fiables sur tous les secteurs sociaux susceptibles de fonder toute réflexion et donc tout pilotage qu’il s’agisse de l’école, de la formation professionnelle, de la démographie ou de l’emploi. Cette absence de données est particulièrement dramatique pour éclairer les choix en matière d’investissements pour le développement et l’implantation des infrastructures scolaires, universitaires ou de formation professionnelle. Le Gabon est un petit pays du point de vue de sa démographie (environ 1,3 millions d’habitants) mais sa population est répartie inégalement sur un très grand territoire (près de la moitié de la population se concentre à Libreville). Par exemple, le croisement entre l’offre de formation dispensée dans des lycées professionnels, qui se construit nationalement, et l’aménagement du territoire qui vise à implanter un lycée professionnel dans chacune des grandes villes gabonaises met en tension deux logiques concurrentes. D’une part, l’absence d’un système d’hébergement digne de ce nom dans ces établissements susceptible d’accueillir des élèves qui viennent de loin est un obstacle important à la mobilité des lycéens. D’autre part, une répartition équi-géographique des établissements, si l’on peut en comprendre les objectifs politique, a une réelle limite si elle n’est pas modérée par une répartition selon des critères démographiques.
L’absence de données statistiques fiables a une autre conséquence d’importance, il n’y a pas de gestion prévisionnelle des flux d’élèves que ce soit longitudinalement – parcours d’un élève depuis son entrée au niveau du préscolaire jusqu’à sa sortie avec une qualification attestée par un diplôme – ou transversalement – répartition des élèves dans les différentes voies de formation ouvertes à un niveau donné, notamment répartition entre les différentes familles de métiers. De fait, sans prévision et sans pilotage à terme (moyen ou long), il est difficile de penser le développement des formations, de planifier l’implantation des établissements scolaires, de prévoir le recrutement des enseignants (ordre, niveau, compétences, secteurs disciplinaires…) et d’organiser leur formation (initiale ou continue). Actuellement, selon les données disponibles brièvement rappelées ci-dessus, le système éducatif gabonais est structuré selon le modèle d’organisation présentée ci-dessous (Cf. figure 1).
Figure 1 : schéma21 du système scolaire gabonais en 2005
S’interroger sur les causes d’inefficacité d’un système éducatif revient à s’interroger sur la structure générale de ce système. Notamment, l’investissement dans l’éducation est un paramètre essentiel. Par exemple, le nombre d’enseignants pour cent élèves est un indicateur intéressant des budgets consacrés à l’éducation et à la formation. Le tableau suivant présente ces taux pour quelques pays.
21 Les surfaces sont représentatives des effectifs d’élèves qui fréquentent un niveau scolaire donné ; les âges indiqués sont les âges moyens du public scolaire concerné
Préscolaire | Primaire | Premier cycle | Second cycle | Moyenne | |
Finlande | 7,88% | 6,35% | 9,39% | 6,49% | 7,53% |
France | 5,26% | 5,16% | 7,21% | 9,41% | 6,76% |
Tunisie | 5,20% | 4,56% | 7,89% | 7,14% | 5,03% |
Uruguay | 3,54% | 4,81% | 8,89% | 4,85% | 5,52% |
Égypte | 4,28% | 4,45% | 4,68% | 7,22% | 5,16% |
Turquie | 6,28% | 3,61% | – nd – | 4,77% | 4,89% |
Paraguay | – nd – | 6,08% | 6,95% | 5,53% | 4,64% |
Togo | 5,26% | 2,70% | 2,94% | 4,55% | 3,07% |
Gabon | 2,23% | 2,13% | 3,25% | 3,36% | 2,74% |
Moyenne | 4,38% | 5,00% | 6,03% | 5,47% | 5,20% |
Tableau 1 : Comparaison des taux d’encadrement de quelques pays (en nombre d’enseignants pour 100 élèves)
La comparaison avec la Finlande permet de regarder le premier de la classe (selon le système d’étude mis en place par l’ODE dans le cadre de l’enquête PISA). La référence à la France s’impose par les liens étroits entre les deux pays. Mais surtout, ce tableau rend compte du déficit en enseignants du Gabon et donc du faible niveau d’engagement financier dans le système éducatif. Toute évolution du système éducatif suppose, d’une part, une optimisation de l’utilisation des moyens consacrés à l’éducation et, d’autre part, envisager un accroissement conséquent de ces moyens.
Les axes d’évolution pour structurer un schéma directeur
La structure générale du système éducatif gabonais doit donc être adaptée aux besoins du pays, ce que montraient ces deux rapports successifs (Ginestié et al., 2006; Ginestié et al., 2004) mais également de nombreux autres (Mignot, 2002 ; Nicolau, 2003 ; Mourende Tsioba, non daté ; Nguema Endamne, 2003). De fait, le développement et la structuration de formations professionnelles à quelque niveau que ce soit reposaient sur le renforcement de l’éducation générale pour tous. Il s’agit d’amener le plus grand nombre d’élèves aux portes des charnières d’orientation, que ce soit après la classe de 5e pour l’enseignement professionnel court, après la classe de 3e pour la formation des techniciens ou après le baccalauréat pour les formations professionnelles supérieures de technicien supérieur ou d’ingénieur. Cela suppose de faire de la lutte contre l’échec scolaire à l’école primaire et au collège une priorité absolue. L’éducation générale repose sur le développement des structures préscolaires pour l’accueil des tout-petits dès l’âge de cinq ans, voire plus tôt, en organisant ces structures d’accueil qui favoriseront les apprentissages premiers de l’expression, de la socialisation et de la coordination psychomotrice. Il est nécessaire de généraliser l’accueil dès l’âge de six ans de tous les enfants en première année à l’école primaire et d’optimiser les cursus scolaires afin d’amener tous les enfants à rentrer au collège sans accumulation de retards scolaires. Cela suppose de rénover les organisations scolaires pour faire réussir les enfants, ce qui implique une modification en profondeur des curriculums d’enseignement, des modes de transmission scolaire et des méthodes pédagogiques. En ce sens, l’école gabonaise doit s’ouvrir à d’autres domaines disciplinaires scolaires qui relèvent des champs des éducations à tels que l’éducation à la santé, au développement durable…, et surtout elle doit intégrer une éducation scientifique et technologique afin de familiariser les enfants dès leur plus jeune âge avec les méthodes et les concepts qui fondent les voies et les filières scolaires et universitaires. Enfin, la réduction des effectifs d’élèves par classe suppose un plan d’accroissement du nombre d’enseignants. Atteindre ces objectifs ne peut s’envisager sans un plan d’investissement pour ouvrir de nouvelles classes et construire d’autres écoles et un plan de recrutement d’instituteur et de professeurs de collège qui s’appuie sur une restructuration de la formation des enseignants. Le rattachement des écoles normales d’instituteurs aux universités ainsi que l’universitarisation accrue des deux Écoles Normales Supérieures permettrait de passer à une organisation universitaire de type facultés d’éducation, telle qu’on la rencontre dans de nombreux pays. Cette organisation aurait l’avantage de faciliter la gestion des flux d’étudiants après le baccalauréat et d’ouvrir des possibilités d’orientation active. L’atteinte de ces objectifs doit être inscrite dans un programme pluriannuel de quinze à vingt ans. Ce programme pluriannuel s’appuierait sur l’effort initié ces dernières années par le gouvernement gabonais mais surtout il devra donner une accélération notable au processus de réorganisation, de rénovation et de développement de l’éducation pour tous dans les prochaines années. La planification du déploiement des classes doit se faire selon la logique des plus forts besoins : dans un premier temps, il s’agit d’augmenter le nombre de classes là où les effectifs par classe sont trop élevés. Au premier chef, sont concernés les écoles et les collèges des grandes agglomérations (Libreville, Port-Gentil, Franceville, Oyem…).
L’inscription dans un cursus de formation, à quelque niveau que ce soit, ne doit pas être une fin en soi. Les organisations mises en place doivent assurer un continuum de formation sur les trois niveaux de qualification (ouvrier, technicien, technicien supérieur) et articuler formation initiale des jeunes et formation continue des adultes. La formation initiale des jeunes doit permettre à un élève de rejoindre un cursus professionnel à quelques étapes charnières de son parcours scolaire (actuellement, après les classes de 5e, de 3e et de terminale) mais ces cursus de formation professionnelle ne doivent pas être des cursus fermés qui seraient vécus comme des voies de garage. Un élève qui entame, après la 5e, une formation de CAP ou de BEP, doit pouvoir poursuivre sa formation pour préparer un brevet de technicien et, pourquoi pas, la prolonger jusqu’à l’obtention d’un diplôme de technicien supérieur ou d’ingénieur. Ces continuums de cursus de formation doivent être inscrits dans les textes officiels régissant les organisations scolaires et universitaires ; les établissements de formation doivent mettre en place les structures qui rendront possible, avec de bonnes chances de succès, ces parcours. La formation professionnelle doit également permettre à un adulte sorti du système de formation initiale d’acquérir une qualification professionnelle validée par un diplôme reconnu. Cette organisation suppose bien sûr de partir du niveau scolaire atteint par la personne en formation initiale mais elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur la reconnaissance et donc sur la validation des acquis de la personne au travers de ses différentes expériences, qu’elles soient professionnelles ou dans d’autres secteurs d’activités sociales. L’objectif que se fixe le gouvernement gabonais est donc de structurer le système scolaire afin de proposer une éducation à tous les enfants gabonais et de les amener à acquérir une qualification qui facilitera leur insertion sociale et professionnelle. La figure 2 (page suivante) présente la structure générale d’un tel système. Le passage du premier schéma au second se fonde sur un contrôle efficace de la gestion des flux des élèves, en veillant à respecter les durées des différents cycles. Le principal travail à conduire est donc d’abandonner une politique de sélection par l’échec scolaire et de la remplacer par une politique de gestion des flux scolaires fondée sur la réussite des élèves et sur leur orientation en fonction des besoins de la structure sociale gabonaise. Il ne s’agit pas de remettre en cause le fait que le Gabon doive continuer à avoir un système éducatif lui permettant de former ses cadres de haut de niveau ; il est simplement question que le Gabon s’occupe de l’avenir de tous ses enfants, de leur insertion sociale qui repose pour grande partie sur une insertion professionnelle réussie et donc sur l’obtention, par le biais d’une formation professionnelle, d’une qualification répondant aux besoins sociaux du pays. Nous noterons qu’un tel schéma donne une indication sur les aspects quantitatifs, notamment les proportions d’élèves à orienter selon chacune des voies et les durées correspondant à chacun des niveaux d’études. Il fournit également des informations sur les aspects qualitatifs, notamment sur la signification de la mise en œuvre d’un tel système qui s’inscrit dans un schéma de développement à long terme.
Figure 2 : Structure du système éducatif à l’horizon 2020
L’ensemble des éléments de ce rapport indique des orientations et des pistes possibles pour assurer cette transition, qui doit s’échelonner sur une quinzaine d’années. Si l’objectif final est positionné à l’horizon 2020, atteindre cet objectif suppose un effort constant qui doit être engagé dès la rentrée 2005 et doit être poursuivi sans relâche durant les quinze prochaines années. Le passage à ce schéma doit faire l’objet d’un ensemble de lois de programmation qui vont engager l’État gabonais sur cette période. Cette évolution fondamentale peut se décliner en une dizaine de principes, simples à énoncer mais complexes à mettre en œuvre. Chacun d’entre eux repose sur les objectifs d’une éducation générale pour tous (100% d’une classe d’âge reçoivent une instruction de base), d’une lutte efficace contre la pauvreté (le système éducatif initial permet à chaque élève, 100% des enfants, d’obtenir une qualification professionnelle) et d’une structuration sociale de l’emploi et des qualifications (selon une répartition sociale classique qui compte 40% d’ouvriers et employés, 26% de techniciens, 9% de techniciens supérieurs et 7% d’ingénieurs et cadres supérieurs). Cet horizon de restructuration du système éducatif se décline en dix objectifs principaux : (i) 100% des enfants d’une même classe d’âge ont accès à un accueil dans un cycle préscolaire dès l’âge de cinq ans ; (ii) 100% des enfants d’une même classe d’âge entrent en CP à l’âge de six ans ; (iii) 100% des enfants d’une même classe d’âge entrée au CP accèdent au collège sans redoublement ; (iv) 33% des enfants d’une même classe d’âge sont orientés vers une voie professionnelle courte (ouvrier, employé) à l’issue de la classe de 5e ; (v) 33% des enfants d’une même classe d’âge sont orientés vers une voie professionnelle intermédiaire (technicien) à l’issue de la classe de 3e ; (vi) 40% des enfants d’une même classe22 d’âge obtiennent une qualification d’ouvrier ou d’employé à l’issue d’un cycle de formation professionnelle court ; (vii) 26% des enfants d’une même classe d’âge obtiennent une qualification de technicien à l’issue d’un cycle de formation professionnelle intermédiaire ; (viii) des passerelles sont mises en place afin de permettre aux élèves qui ont fini une voie professionnelle de pouvoir continuer leurs études dans une voie professionnelle de niveau supérieur. Ces passerelles sont couplées avec un système de validation des acquis d’expériences et un système de formation professionnelle et de promotion sociale tout au long de la vie, qui permettent à des personnes travaillant de compléter leur parcours pour acquérir un niveau de qualification supérieur ; (ix) 35% des enfants d’une même classe d’âge suivent un cursus universitaire supérieur organisé selon le principe du LMD. L’ensemble des cursus universitaires est repensé pour permettre à chaque élève d’obtenir un diplôme débouchant sur une qualification professionnelle et donc sur un emploi. Trois cursus sont mis en places : un cursus court qui conduit à une licence professionnelle délivrant une qualification de technicien supérieur ou de cadre intermédiaire (cursus en 3 ans), une licence suivie d’un master professionnel délivrant une qualification d’ingénieur ou de cadre supérieur (cursus en 5 ans), une licence suivie d’un master et d’un doctorat pour former les universitaires enseignants chercheurs dont le pays à besoin (cursus en 8 ans) et enfin (x) une voie métiers de l’enseignant est mise en place à partir des structures des Écoles Normales d’Instituteurs, de l’École Normale Supérieure et de l’École Normale Supérieure de l’Enseignement Technologique. Cette voie s’organise selon la même structure de LMD que les voies universitaires classiques et sur le modèle des facultés d’éducation que l’on trouve dans de nombreux pays. Ces trois types d’établissements développent des relations étroites entre eux et avec les universités gabonaises (mise en commun de modules de formation, d’enseignants, de ressources, etc.) ; des passerelles facilitent la mobilité des étudiants d’un cursus vers l’autre.
Pour que l’effort ait quelques chances d’aboutir, il est nécessaire de ne pas partir dans toutes les directions mais de concentrer les efforts sur un niveau après l’autre afin d’éviter la parcellisation des actions, l’émiettement des moyens et au bout du compte l’inefficacité du dispositif général. Cette mise en œuvre peut, de manière logique et efficace, s’échelonner selon la progression scolaire d’une classe d’âge d’élèves (enfants nés la même année), depuis leur entrée en première année de l’école primaire jusqu’à l’obtention d’une
22 L’engagement dans une filière de formation en vue de l’obtention d’une qualification doit permettre, en cas d’échec, à chacun d’obtenir la qualification du niveau inférieur. De la même manière, il s’agira d’offrir aux élèves qui échoueraient dans une voie générale la possibilité d’acquérir une qualification professionnelle. Le recours aux centres de l’ANFPP ou le développement d’accueils par l’AFC est certainement mieux adapté à ce type de public plus âgé.
qualification professionnelle. Ce parcours scolaire permet de penser une planification des chantiers à ouvrir et des organisations à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs : (i) : la réforme de l’éducation préscolaire et école primaire devrait se faire sur la période 2005- 2011, (ii) pour suivre ensuivre la réforme du collège sur la période 2011-2015, (iii) s’attaquer en 2013-2017 à la structuration de la formation professionnelle courte, (iv) ensuite à la réforme des lycées général et professionnel en 2015-2018 et enfin (v) la période 2018- 2026 qui devrait permettre de restructurer l’université. Une telle planification se fonde sur le parcours scolaire d’une classe d’âge ; la première génération d’enfants concernée par ce processus de réorganisation en profondeur de l’école est celle qui entre à cinq ans dans une classe préscolaire à la rentrée 2005, la classe d’âge concernée est celle des enfants nés en 2000 ; cette classe d’âge compte un peu plus de 40 000 enfants. Bien évidemment, les périodes indiquées ci-dessus signifient que les structures devront être opérationnelles lorsque les élèves arriveront à ce niveau d’étude. De fait, les travaux de structuration doivent commencer bien plus tôt. La nécessité de construire les bâtiments, de former les enseignants, de mettre en place les équipes d’encadrement doit être anticipées en prenant en compte les moyens matériels et humains existants, les besoins nouveaux, les reconversions et adaptations professionnelles à mettre en place. Certaines structures demandent plusieurs années avant d’être réellement opérationnelles : un étalement dans le temps, selon un programme strict, avec des objectifs explicites, est nécessaire afin de pouvoir prendre en charge de telles évolutions. La remise à plat complète du système éducatif va entraîner d’inévitables comparaisons et donc des tensions très fortes sur le processus de changement. Sans doute faut-il marquer le passage à ce système refondé, en changeant les appellations du cursus scolaire et en simplifiant les délivrances des diplômes. Il serait souhaitable que le système gabonais adopte une numération linéaire depuis la 1e année de l’école primaire (l’actuel CP1), école primaire qui se terminerait en 5e (actuel CM1), pour être suivie par quatre années de collège de la 6e année à la 9e année (actuelles classes de 6e à 3e) et enfin par le lycée qui s’étalerait de la 10e à la 12e année (actuelles classes de 2nde à Terminale). Une telle numération permettrait d’intégrer facilement les voies professionnelles et de marquer les possibilités des passerelles : la formation des ouvriers et des employés s’étalerait de la 8e à la 11e, celle des techniciens de la 10e à la 12e.
En guise de Conclusions : où en est le Gabon dans ce projet ?
Un tel schéma directeur conduit à repenser en profondeur l’ensemble du système éducatif, sa structure, ses fondements mais également le jeu et le rôle de ses acteurs. La planification proposée n’a que la vertu de permettre d’inscrire des objectifs clairs à atteindre ; bien évidemment, l’ampleur de la tâche est la première difficulté à surmonter. Il est assez aisé d’imaginer les résistances de tous ordres à un tel projet. Au niveau politique, la planification du redéploiement des infrastructures scolaires et universitaires selon une logique démographique se heurte de front, d’une part, à la logique d’aménagement du territoire actuelle – ce qui suppose pour le moins un engagement politique au plus haut niveau de l’état – et, d’autre part, à la logique des découpages des circonscriptions législatives existantes qui privilégie les zones rurales au détriment des zones urbaines – ce qui laisse entendre les résistances chez les élus nationaux. Au niveau des structures administratives, les ministères concernés sont des structures fortement hiérarchisées et fortement centralisées qui développent des logiques de prescription très forte. Une telle refonte du système éducatif suppose de tempérer ces habitudes prescriptives descendantes en dégageant des espaces d’initiatives locaux et donc de confier plus de responsabilité et d’autonomie aux établissements et aux équipes. Il est fort probable que les résistances au changement vont probablement s’ancrer dans les corps d’agents de ces administrations qui défendront leur position hiérarchique et les prérogatives attachées. Au niveau des enseignants, la remise à plat des curricula, des contenus de formation et des méthodes pédagogiques va profondément remettre en cause les pratiques actuelles, par exemple, en ce qui concerne les pratiques d’évaluation des élèves ou celles de gestion de classe. Ces changements vont susciter des résistances qui sont bien connues par ailleurs et qu’il faut accompagner par des dispositifs de formation qui seront nécessairement lourds car ils viseront tout autant des acquisitions de connaissances fondamentales dans les domaines disciplinaires peu ou pas couverts par les curricula actuels que des accompagnements au changement de pratiques professionnelles. La simple énumération de ces niveaux de résistance laisse entrevoir les difficultés évidentes à mettre en œuvre un tel schéma directeur.
Une évolution d’une telle ampleur n’a quelques chances d’aboutir que s’il est largement porté par l’ensemble des acteurs et il suppose donc un premier temps préalable de sensibilisation et de diffusion sur l’état objectif du système éducatif. Il serait par exemple significatif que le Gabon se dote des outils statistiques de façon à assurer un suivi de la situation et de son évolution ; il serait surtout significatif que ces données soient publiques et contribuent au pilotage du projet global de modernisation du système éducatif. Pour autant, la solution de facilité qui consiste à attendre l’émergence de cette volonté nationale pour agir serait également le meilleur moyen de ne rien entreprendre ; les acteurs ne peuvent simultanément formuler le souhait de plus d’autonomie et de responsabilité et camper dans une posture d’attente de directives nationales pour agir. En ce sens, la mise en place du Conseil National de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi est un premier pas d’une construction en cours. Cet ensemble complexe doit se construire de manière originale, il s’agit de penser globalement pour agir localement. Ainsi plusieurs communications de gabonais dans ce colloque font états d’initiatives locales qui vont dans ce sens. Le schéma directeur proposé devient plutôt une méta-référence des engagements nécessaires à prendre pour anticiper sur des évolutions démographiques, sociales, professionnelles, culturelles et politiques. Autrement dit, plutôt qu’un programme de réformes du système éducatif, le schéma directeur est un outil pour engager les débats au niveau du pays inter et intra les différents corps constitués et les différentes composantes de la société gabonaise.
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Résumé
L’adéquation entre l’emploi, les qualifications, les formations qui dispensent ces qualifications, et le système éducatif qui alimente les dispositifs de formation sont intimement liés sans pour autant que ces liens soient explicites ou qu’ils soient organisés. Organiser ces liens suppose d’anticiper et de planifier l’organisation sociale du travail et de l’emploi. En effet, mettre en place des dispositifs de formation professionnelle suppose de construire des établissements, de recruter et de former des enseignants ou des formateurs, de concevoir des curriculums et des dispositifs de formation, d’attirer des jeunes vers ces formations et ces qualifications, etc. Ceci est un processus complexe qui suppose des engagements financiers importants. Pour les pays développés, l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, il existe de nombreux instruments de mesure qui permettent d’apprécier les tendances, de prévoir, autant que faire ce peut, les évolutions et donc de planifier le développement. Pour autant, ces mesures ne permettent que de réduire les risques pris et les exemples sont nombreux, en France comme ailleurs, de lourds dispositifs de formation professionnelle mis en œuvre qui n’ont pas débouché sur des emplois. Le coût social de ces échecs est toujours très élevé. Pour les pays émergents, comme le Gabon, de tels outils de mesure n’existent pas ou, lorsqu’ils existent, ne couvrent que partiellement les différentes composantes sociales. De fait, prévoir les secteurs en développement, ceux à développer, les emplois générés, les qualifications nécessaires pour occuper ces emplois, les formations à mettre en œuvre sont autant d’inconnus d’une équation impossible à résoudre. Dans cette communication, à partir d’une étude faite sur le système gabonais, nous examinerons quelques-uns des éléments qui permettent de qualifier les liens entre les termes de cette équation. Cela nous conduira à examiner quelques possibles, obstacles et difficultés rencontrés pour penser ces articulations
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