2008 Le caractère multidimensionnel du phénomène de pauvreté vu sous l’angle de l’enseignement et de la formation Mohammed Ameur, Tawfik Benabdallah & Abed Maghdir

2008 Le caractère multidimensionnel du phénomène de pauvreté vu sous l’angle de l’enseignement et de la formationMohammed Ameur, Tawfik Benabdallah & Abed Maghdir

2008 Le caractère multidimensionnel du phénomène de pauvreté vu sous l’angle de l’enseignement et de la formation
Mohammed Ameur, Tawfik Benabdallah & Abed Maghdir

Summary

The analysis of the situation of poverty in the world made it possible to release a whole of reports and to learn the lessons for the future. This whole of reports reveals the multidimensional character of the phenomenon, the complexity and the tangle of its causes. The fight against poverty is not limited to the financial loans; it requires a scientific, technical, vocational and civic training of the man. Poverty explains the insufficiency of competence for the individual and collective management of the human societies. Indeed, the analysis of the economic development process of a country, of its degree of poverty, under the angle of teaching and the formation, is always interested in the finality of the school. Each cycle of teaching and formation establishes a pedagogical division of the process of training, adapted to the age and beforehand acquired knowledge. The program, the personnel, the didactic material, the handbooks are only teaching tools to facilitate the task. This communication, result of a deliberation, invites the participants in an ideological debate. The authors would wish to engage a research task in a network around these themes. If the objectives vary little from one country to another, the standards for each objective much vary, between countries in development, and highly industrialized countries. The universal school varies, according to the scientific level, technical and economic of its socio-economic environment.

Keywords: poverty, teaching, formation, pedagogy, training, didactic, development economy

Introduction

Le monde a atteint un niveau certain de développement et de richesse. En même temps, les inégalités entre les pays et individus se sont aggravées, la pauvreté s’est accrue et de nouvelles tensions internationales sont apparues. La pauvreté nous concerne tous car d’une part elle affecte ceux et celles qui en sont victimes et engendre d’autre part plusieurs formes de violence, d’insécurité, de flux migratoire et de dégradation de l’environnement. En tant que problème d’une actualité très brûlante dans le monde entier, la pauvreté a également attiré l’attention de nombreux chercheurs au cours de ces dernières décennies.

Généralement avant toute intervention visant à déceler les causes (multiples et variées, à la fois exogènes et endogènes), plusieurs questions nous interpellent : Qu’est-ce que la pauvreté ? De quelle pauvreté parlons-nous ? Quel est le critère permettant de la définir ? Est-elle un phénomène rural ou urbain ? Qui est pauvre et qui ne l’est pas ? Où sont les limites entre les uns et les autres ? Comment la qualifier pour pouvoir la quantifier ? Être pauvre maintenant a-t-il le même sens qu’il y a trente ans ? Est-ce qu’être pauvre en Australie signifie la même chose qu’être pauvre en Afrique ? Est-elle liée aux caractéristiques de l’école ? Qu’est ce qu’on entend dire par pauvreté lorsqu’on parle de l’enseignement et la formation ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples car la pauvreté peut prendre des formes qui évoluent rapidement. Notre travail se présente comme suit : Premièrement, nous présenterons quelques témoignages des pauvres eux même, quelques définitions et approches existantes dans la littérature. Deuxièmement,  nous donnons un aperçu sur l’état des faits et quelques statistiques sur la pauvreté dans le monde. En fin troisièmement nous évoquerons la réflexion sur ce que c’est le caractère multidimensionnel de la pauvreté quand on parle de l’enseignement.

Témoignages, définitions et principales approches de la pauvreté

Témoignages d’une enquête

Une enquête menée par la Banque mondiale dans 60 pays pendant dix ans a permis de recueillir 60000 témoignages sur la pauvreté c’est-à-dire la pauvreté vue par les pauvres (Delattre, 2000). Nous donnons quelques témoignages de propos ainsi collectés. « La pauvreté, c’est l’humiliation, le sentiment d’être dépendant et d’être forcé à accepter l’impolitesse, les insultes et l’indifférence quand nous cherchons de l’aide » (Lituanie, 1998).

« Elle ou son fils ? Souvent elle doit décider qui va manger » (Ukraine, 1996). « Les pauvres ont beaucoup de petits boulots, souvent dangereux, plutôt qu’un seul » (Afrique du Sud, 1998). « La pauvreté, c’est le manque de liberté » (Géorgie, 1997). « La pauvreté, c’est travailler plus de 18 heures par jour et ne pas avoir pour autant assez à manger pour moi, mon mari et mes deux enfants » (Cambodge, 1998). « Les riches ont profité du boom économique, mais nous, les pauvres, nous payons le prix de la crise » (Thaïlande, 1998).

Essai de définition

Nous essayons de donner quelques définitions de la pauvreté. commençons par une définition adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (2001) : la pauvreté est la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable ou chronique des ressources, des moyens, des choix, de la sécurité et du pouvoir nécessaires pour jouir d’un niveau de vie suffisant et d’autres droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Sahlins Marshall (1977) la définit ainsi : la population la plus primitive du monde avait peu de biens mais elle n’était pas pauvre. La pauvreté n’est ni la rareté de certains biens déterminés, ni un rapport entre les moyens et les fins ; c’est surtout un rapport entre les personnes. La pauvreté est un état social Et en tant que tel, elle est une invention de la civilisation. Une définition donnée par le dictionnaire (le petit Robert, 1996) : qui manque du nécessaire ou n’a que le strict nécessaire ; qui n’a pas suffisamment d’argent, de moyens pour subvenir à ses besoins. Gutierrez Alicia donne une autre définition dans sa thèse de socio-anthropologie (2001) : il s’agit d’un concept relatif et relationnel qui implique l’existence d’autres personnes riches ou qui, du moins, ne sont pas pauvre. Dans son noyau de signification se trouve la notion de carences. Le rapport du PNUD définit la pauvreté comme la privation de certaines ou de toutes les potentialités humaines d’un individu (1997). Dans un extrait d’une thèse rédigée par J. Vero (2007), on trouve également une définition de Molly Orshansky : la pauvreté, comme la beauté, réside dans les yeux du spectateur. La pauvreté est un jugement de valeur, ce n’est pas quelque chose que l’on peut vérifier ou démontrer, même avec une marge d’erreur. Dire qui est pauvre revient à porter toute sorte de jugements de valeur. Les définitions ne manquent pas. Il ne faut pas espérer parvenir à une définition universelle ou scientifique de la pauvreté. Ce ne sont rien d’autre que des conventions et des jugements de valeur. La pauvreté est donc un phénomène de société présent partout dans le monde, à des degrés divers et dans des contextes différents.

Différentes approches de la pauvreté

Les stratégies de lutte contre ce phénomène dépendent des approches de la pauvreté utilisées. La littérature sur les différentes approches est très abondante, elle est caractérisée par des ambiguïtés, menant à des perceptions différentes. Cela vient du fait que la pauvreté présente de nombreuses dimensions (monétaire, manques de besoins fondamentaux, aspects sociaux et psychologiques, etc.). Elle prend des formes différentes (insuffisance de ressources, précarité des conditions de vie, exclusion sociale) à travers l’espace et le  temps. La pauvreté est donc à la fois un phénomène spatio-temporel et à caractère multidimensionnel. Les approches et tendances proposées dans la littérature sont liées aux courants de pensée économique, des approches sociales, politiques ou anthropologiques, ou encore des points de vue d’institutions internationales.

La pauvreté monétaire (de niveau de vie) : cette approche est la plus ancienne, dans laquelle la pauvreté se manifeste par le manque ou l’insuffisance de revenus, réduisant la capacité pour l’individu d’accéder aux biens et services pour la satisfaction des besoins fondamentaux (alimentation, santé, l’éducation, l’habillement, …). La pauvreté monétaire se détermine à partir de l’élaboration d’un seuil de pauvreté au dessous duquel un individu pourra être considéré comme pauvre. Cette tendance présente la pauvreté comme un phénomène unidimensionnel, le critère du revenu n’est évidemment pas suffisant pour définir la pauvreté, même s’il s’agit de l’aspect le plus visible.

La pauvreté des conditions de vie : la pauvreté des conditions de vie (ou d’existence) est définie comme l’insatisfaction des besoins et des services essentiels comme : l’alimentation, la santé, le logement, l’habillement, la scolarisation… Cette approche permet d’appréhender la pauvreté dans la durée, contrairement à l’approche monétaire soumise à des variations conjoncturelles (comme le revenu ou les dépenses). Il s’agit là d’un indicateur objectif non monétaire abordant la pauvreté sous l’angle des résultats plutôt que des moyens.

La pauvreté en termes de potentialités (de capacités) : l’approche en termes de potentialités a été introduite par Amartya Sen (non daté). Son objectif initial était de développer une nouvelle conception de la valeur humaine (la valeur de la vie d’une personne dépend d’un ensemble de façons d’être (being) et de faire (doing), qu’il regroupe sous le terme général de fonctionnements). Cette approche reconnaît donc le développement comme un processus d’évolution des capacités humaines. C’est admettre que les individus sont capables d’être ou de faire avec les biens auxquels ils ont accès. Elle met donc la participation efficace et significative des personnes au centre du développement. L’appréhension par cette approche reconnaît le caractère multidimensionnel de la pauvreté. Bien que le revenu ait une énorme influence sur ce que l’on peut ou ne peut pas faire, il n’est qu’une des dimensions possibles de la pauvreté.

Pauvreté en termes de capital humain (ou pauvreté humaine) : la notion de pauvreté humaine élaborée par le PNUD (Sen, 1992), s’appuie donc sur les acquis des définitions antérieures, l’objectif relatif à l’élimination de la pauvreté insiste sur le caractère multidimensionnel (absence de revenu et de ressources productives, faim et malnutrition ; mauvaise santé ; mortalité du aux maladies ; absence ou insuffisance de logements ; environnement insalubre ; discrimination sociale et exclusion, et enfin la non participation des pauvres à la prise de décision dans la vie civile, sociale et culturelle. Le Programme des Nations unies pour le développement a créé l’indicateur synthétique de pauvreté (IPH). Ce dernier a pour ambition de synthétiser dans un indicateur unique la complexité de la pauvreté humaine. Il intègre cinq variables dans sa composition relevant de trois domaines différents à savoir la santé, l’instruction et la condition de vie.

Approche de la pauvreté par développement humain durable

Le développement humain durable est une approche intergénérationnelle et qualitative de l’évolution des sociétés selon laquelle il est important de léguer aux générations futures un environnement écologique, économique et social au moins meilleur que celui d’aujourd’hui. Les approches de la pauvreté décrites précédemment ne sont pas exhaustives, elles sont arbitraires et présentent des limites fondamentales, elles sont complémentaires entre elles et non concurrentes.

État des faits et statistiques sur la pauvreté dans le monde

La proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour23 dans le monde depuis 1981 est indiquée dans les tableaux 1 et 2 selon le rapport suivi mondial des objectifs de développement pour le millénaire, publié par la Banque mondiale en 2007 (PNUD, 2007). Il apparaît que, si les taux de pauvreté ont diminué dans certaines régions, ils sont en augmentation dans d’autres.

Régions24 1981 1990 1993 1996 1999 2002 2004 201525
EAP 57.7 29.8 25.2 16.1 15.5 12.3 9.1 2.4
China 63.8 33.0 28.4 17.4 17.8 13.8 9.9 2.6
ECA 0.7 0.5 3.6 4.4 3.8 1.3 0.9 0.5
LAC 10.8 10.2 8.4 8.9 9.7 9.1 8.6 6.0
MNA 5.1 2.3 1.9 1.7 2.1 1.7 1.5 0.8
SAR 51.6 43.0 37.1 36.6 35.8 34.7 31.9 18.0
Inde 54.3 44.3 42.1 40.6 38.8 37.5 35.8 22.1
SSA 42.3 46.7 45.5 47.7 45.8 42.6 41.1 35.4
Total 40,6 28.7 25.6 22.8 22.3 20.4 18.4 11.8
États fragiles26 49.0         54.2 50.4

Tableau 1 : Proportion de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour (en%)

Régions 1981 1990 1993 1996 1999 2002 2004 2015
EAP 796 476 420 279 277 227 169 48
China 634 374 334 211 223 177 128 37
ECA 3 2 17 21 18 6 4 2
LAC 39 45 39 43 49 48 47 38
MNA 9 5 5 4 6 5 4 3
SAR 473 479 440 459 475 485 462 304
Inde 382 376 379 385 387 393 386 283
SSA 168 240 252 286 296 296 298 326
Total 1489 1247 1172 1093 1120 1067 986 721
États fragiles   172         261 306

Tableau 2. Nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour (en millions)

Ces tableaux indiquent l’évolution du nombre des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour dans huit régions du monde en pourcentage et en millions respectivement. Entre 1981 et 2004, le nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour dans le monde est passé de 1489 à 986.millions. Dans cette période, le nombre en Asie de l’Est et Pacifique s’est réduit d’environ 796 à 196 millions, malgré l’impact de la crise financière. Une diminution rapide est observée en Chine, le nombre passant de 634 à 128 millions. On observe une diminution de presque de la moitié en Moyen-Orient et Afrique du Nord. En revanche, le nombre de personnes vivant dans une situation pauvreté s’est accru en Europe et Asie Centrale, Amérique Latine et Caraïbes, Afrique subsaharienne. Le tableau 1 et 2 présentent également les principales prévisions de la Banque mondiale en ce qui concerne

23 Le seuil de 1 $ par jour a été institué en 1990 par la Banque Mondiale. Pour chaque pays, il est calculé selon la méthode des parités de pouvoir d’achat.

24 EAP : Asie de l’Est et Pacifique, ECA : Europe et Asie Centrale, LAC : Amérique Latine et Caraïbes, MNA : Moyen- Orient et Afrique du Nord, SAR : Asie du Sud, SSA : Afrique subsaharienne.

25 Objectifs 2015

26 35 pays dont 5 îles, les plus mal gouvernés, les plus exposés à la violence et aux conflits : Afghanistan, Angola,

Burundi, Rép. Centrafricaine, Tchad, Comores, Rép. Démocratique du Congo, Rép. du Congo, Côte d’Ivoire, Erytrée, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Kosovo, Laos, Libéria, Myanmar, Iles Salomon, Somalie, Soudan, Timor Est, Togo, Iles Tonga, Ouzbékistan, Cisjordanie et Gaza, Zimbabwe. Auxquels s’ajoutent, selon les années : Cambodge, Djibouti, Gambie, Mauritanie, Nigeria, Papouasie Nouvelle Guinée, São Tomé & Principe, Sierra Leone, Vanuatu.

l’évolution de la pauvreté à l’horizon 2015.On observe une réduction qui serait très inégalement répartie entre pays. La pauvreté extrême disparaîtrait quasiment en Chine et en Asie de l’Est. Elle se réduirait très rapidement en Asie du Sud (en Inde en particulier). Par la même occasion, nous rappelons que la Banque mondiale reconnaît le caractère multidimensionnel de la pauvreté et l’absurdité de l’usage d’un unique seuil (1 ou 2 Dollars par jour) au niveau mondial dans son rapport (Banque mondiale, 2000).

Pauvreté en Algérie

La pauvreté en Algérie n’a été soumise à débat qu’en 2000, à l’occasion de la conférence d’Alger. La pauvreté a ainsi été consacrée comme une préoccupation importante pour le pays qui a justifié la tenue de cette première conférence nationale. Dans un autre document élaboré par le PNUD, il est noté qu’en Algérie une connaissance intuitive permet de relever que le phénomène s’est accru au cours des dernières années (Banque mondiale, 2000). En Algérie, l’analyse de la pauvreté n’a pas fait l’objet d’études systématiques et relativement précises. La seule étude disponible est celle relative aux niveaux de vie des populations, réalisée conjointement par l’ONS (Office National des Statistiques) et la banque mondiale  en 1995 (PNUD, 2004), cette dernière a servi comme base à une autre étude plus fine, orientée vers la cartographie et la caractérisation de la pauvreté en Algérie (ONS, 1995). L’examen des données fournies dans le tableau 3 nous montre que le taux de pauvreté en milieu rural largement supérieur à celui observé en milieu urbain.

Le nombre de pauvres en Algérie est estimé à 1,6 millions de personnes souffrant de pauvreté alimentaire (dont plus d’un million dans les campagnes), à près de quatre millions de personnes dont le revenu n’atteint pas le seuil de pauvreté globale inférieur (dont 2,7 millions de ruraux), et à plus de 6,3 millions d’habitants vivant en deçà du seuil de pauvreté globale supérieur (dont 4,2 millions de ruraux) (ANAT, 2001). La fraction de la population affectée par la pauvreté, vivant d’un revenu inférieur à 1.6 dollars, représentait ainsi en 1995, 23% de la population globale.

 

Zones de résidence27 Seuil de pauvreté alimentaire28 Seuil de pauvreté29 global inférieur Seuil de pauvreté global supérieur
Zones urbaines 3.6 8.9 14.7
Zones rurales 7.8 19.3 30.3
Ensemble 5.7 14.1 22.6

Tableau 3 : Incidence de la pauvreté selon le milieu d’habitat en 1995 (en%).

La pauvreté sous l’angle de l’enseignement et la formation

Le capital humain et le développement économique

La lutte contre la pauvreté ne se limite pas aux prêts importants de financement, elle exige au préalable une formation scientifique, technique, professionnelle et civique de l’homme.  La pauvreté est une insuffisance de compétence en matière de gestion individuelle et collective des hommes en société. Ainsi les dépenses qu’un pays effectue dans les domaines de l’éducation apportent non seulement une contribution directe à l’amélioration du bien-être des personnes et du pays mais aussi contribuent à l’accumulation du capital humain (Becker, 1975 ; CNES, non daté). Le rôle de l’investissement dans le capital humain

27 Source : Enquête sur les niveaux de vie (ONS, 1995)

28 Le seuil de pauvreté alimentaire : exprimé, en termes monétaires, sur la base des prix d’un panier de produits alimentaires fournissant un montant minimal de 2100 calories par jour et par personne

29 Le seuil de pauvreté globale : intègre, outre les besoins alimentaires incompressibles, les besoins non alimentaires fondamentaux

sur le développement économique est bien décrit par une abondante littérature. Les travaux de la banque mondiale estimaient le taux de rendement de l’éducation pour l’ensemble des pays en développement à 24,2% pour l’enseignement primaire, 15,4% pour le secondaire et 12,3% pour le supérieur (Becker, 1975 ; De Vreyer, 1998). Ainsi les pays où les taux de scolarisation sont faibles sont tous des pays pauvres. Il suffit de regarder le tableau des indicateurs du PNUD dans son Rapport mondial sur le développement humain (De Vreyer, 1998 ; PNUD, 2004). Plusieurs recherches également ont été menées aux États-Unis pour décrire et mesurer avec précision les rapports entre économie et éducation (Denison, 1979 ; Barro, 1991 ; PNUD, 2004). En effet, des ressources humaines bien formées et une recherche scientifique et technologique dynamique et adaptée constituent un préalable majeur à la réussite économique. Ainsi les pays avancés de demain sont ceux qui, aujourd’hui, sont relativement abondants en ces ressources. L’exemple récent des processus de développement économique dans les pays du sud-est asiatique (Japon, Singapour, Corée du sud, Malaisie et Hong Kong) qui, sans ressources naturelles considérables, ont émergé grâce à l’accumulation d’un important capital humain.

La pauvreté en termes d’enseignement

La pauvreté affecte non seulement le bien-être de l’individu quand il est en manque de ressources, mais aussi leur bien devenir, elle handicape leur capacité à évoluer, à se doter des ressources indispensables, comme les connaissances, les savoirs et la culture. Aborder la pauvreté en termes d’enseignement, c’est une multitude de questions que soulève ce phénomène. Qu’est ce qu’on entend par pauvreté, quand on parle de l’enseignement et de la formation ? La question des relations entre la pauvreté et l’échec scolaire est certainement l’une des préoccupations car elle est au cœur du mécanisme de transmission de la pauvreté d’une génération à une autre. Un enfant de milieu défavorisé rencontre des problèmes qui sont liés aux difficultés familiales (divorce, deuil, alcoolisme, maltraitance,…). C’est un enfant qui est tellement préoccupé par ce qu’il vit personnellement qu’il n’est pas disponible pour apprendre. Il est culpabilisé, se replie sur lui même parce qu’il existe des problèmes plus importants que les matières qu’on essaie de lui apprendre. Il fait constamment le grand écart entre la culture familiale et celle de l’école, qui sont souvent bien éloignées. L’échec d’un élève est généralement attribué à l’enfant lui-même ou à son milieu. Il est rare que l’enseignant remette en question sa propre pratique.

L’analyse du processus de développement économique du pays ou du degré de pauvreté, sous l’angle de l’enseignement et de la formation, s’intéresse toujours à la finalité de l’école. Cette finalité explique mieux l’unicité de l’école, du préscolaire jusqu’à l’université. Chaque cycle d’enseignement et de formation n’étant qu’une division pédagogique du processus d’apprentissage est adapté à l’âge et aux connaissances préalablement acquises. Or l’organisation scolaire, le contenu et les méthodes pédagogiques sont rarement adaptés aux besoins des enfants défavorisés. L’école qui s’adresse aux pauvres ne doit pas et ne peut pas être une école appauvrie dans ses objectifs et dans ses contenus. L’adaptation de la finalité de l’école aux préoccupations du secteur socio-économique touche principalement le programme d’enseignement et le personnel enseignant. Le matériel didactique, les manuels scolaires et universitaires n’étant que des outils de l’enseignant qui lui facilitent la tâche. Cela dit, quel que soit le niveau, une problématique commune existe : comment adapter l’enseignement et la formation à des réalités difficiles à reconnaître et à comprendre, et qui peuvent peser lourdement sur les capacités des apprenants ? Chaque niveau d’enseignement et de formation a un objectif spécifique. En général, ces objectifs varient peu de pays en pays. Mais les normes pour chaque objectif varient entre pays en voie de développement et pays hautement industrialisé, c’est pourquoi les principes pédagogiques sont universels ; ils sont comme toute loi de la nature. Mais, il n’y a pas d’école universelle, elle varie suivant le niveau scientifique, technique et économique du pays. Le souci de l’exigence de la réussite de nos enfants, nous conduit à nous interroger dans la perspective de réforme de notre regard et de nos façons d’apprendre et de faire apprendre. Enseigner signifie des choses différentes pour nous tous. Chacun a une définition, une approche personnelle. Pour moi, ce sont trois grands fondements de l’enseignement

  • Transmettre des connaissances et des savoir-faire en aidant à les intégrer dans une culture du monde qui
  • Aider à les rendre opérationnels de manière à pouvoir agir sur le monde et mesurer les résultats de son
  • Enfin, donner du sens à son action et, donc, donner du sens à sa

Si nous reconnaissons que l’apprenant doit se retrouver dans un rôle central et que tout doit se bâtir autour de celui-ci, alors il doit découler une modification radicale de l’approche univoque des enseignements scolaires. Une école qui est un instrument collectif et un lieu d’échanges pourrait alors devenir un espace privilégié, non pas pour de la scolarisation figée, mais pour de l’éducation au sens le plus pratique et aussi le plus noble du terme. Cette nouvelle façon de voir met en relief l’importance des capacités différentes de l’intelligence. Selon où se situe l’individu, les compétences à développer pourraient être très différentes. Par exemple chez Gardner, l’intelligence est très liée à une faculté de résoudre des problèmes ou de produire des biens qui ont une valeur dans une ou plusieurs cultures ou collectivités. L’école qui se base sur une univocité de la compétence a pour effet de développer chez une partie des apprenants un sentiment d’incompétence. Il faut partir du principe qu’il n’y a pas de recette magique. Il n’y a pas qu’une seule voie ; voilà pour moi pourquoi il faut changer le paradigme de l’uniformité scolaire

Les pratiques pédagogiques susceptibles de faire face aux difficultés de ces enfants

Les deux grands axes de pratiques pédagogiques visent essentiellement, à motiver l’enfant et à favoriser son autonomie. D’une part, la concrétisation de l’enseignement dont les objectifs sont de permettre à l’enfant de découvrir le sens de son apprentissage et de progresser selon son propre rythme (la pédagogie par projet, l’enseignement assisté par ordinateur, la pratique de l’audio-visuel…). D’autre part, la dynamique relationnelle est considérée comme une dimension essentielle du processus favorisant l’insertion scolaire (le développement de relations horizontale et verticale). L’articulation de certaines dimensions dans la pratique pédagogique qui se répartissent dans trois domaines : l’affectif (l’attachement, l’acceptation et l’investissement), le cognitif (la stimulation, de l’incitation à l’expérimentation et du renforcement) et le social (les besoins de communication, de considération et de structures). On peut alors se poser une question : les pratiques pédagogiques innovatrices sont-elles pertinentes, adéquates et efficientes par rapport à la situation rencontrée par la population pauvre ? La réponse que nous donnerons sera nuancée. Nous retiendrons les trois dimensions de l’étude initiale à savoir : la dynamique personnelle de l’enfant, la dynamique familiale et la dynamique environnementale.

Dynamique personnelle de l’enfant

En répondant aux difficultés des enfants issus d’un milieu pauvre par une pédagogie centrée sur l’écoute empathique, sur l’amplification des échanges enseignant enfant, sur la valorisation de l’élève, par une disponibilité totale à l’égard des enfants, sur le combat du sentiment d’infériorité, d’impuissance et sur l’incitation à être la source de leurs propres apprentissages. C’est donc une approche susceptible de stabiliser, voire d’améliorer, la situation critique de ces élèves. Un changement dans les mentalités s’impose si on veut vraiment conduire l’élève en situation de pauvreté vers un futur social et professionnel moins soumis aux mécanismes implacables de la reproduction sociale.

Dynamique familiale

La relation interactive entre l’école et les familles constitue le moteur principal du progrès social et l’un des facteurs principaux d’un développement humain. Celle-ci reste une problématique face à laquelle les enseignants se mettent à distance. Or, on sait actuellement qu’un travail de collaboration entre parents et enseignants est particulièrement propice à faciliter la scolarité des enfants. Un enseignant innovant a toujours le désir d’ouvrir l’école à l’extérieur par des activités extrascolaires (visites, bibliothèques, musées…).

Dynamique environnementale

Les enseignants innovants croient davantage aux ressources personnelles et tentent en quelque sorte d’adapter l’école au monde vécu de l’enfant. Ils manifestent leurs intentions de réduire la distance entre la culture scolaire et la culture familiale.

Conclusion

Actuellement, la lutte contre la pauvreté est une des préoccupations majeures pour un pays, car on est d’accord qu’on ne puisse pas acquérir un certain développement en laissant une partie de la population dans la pauvreté. Il existe une liaison dialectique entre l’éducation et le développement. On observe un impact réciproque de l’un sur l’autre. La bonne maîtrise de toutes les variables de l’enseignement et de la formation permet de comprendre combien le secteur de l’éducation est un facteur important dans la lutte contre la pauvreté. Le résultat de la bonne éducation, le bon citoyen compétent et efficace à son poste de travail est source de bien-être pour lui-même et pour la société. L’enseignement et la formation ont  des effets substantiels sur les différentes dimensions de la pauvreté, et permettent généralement d’accéder plus facilement au marché de l’emploi et de tirer profit des opportunités économiques. L’enseignement est examiné généralement à travers son lien avec l’emploi. Or nous sommes tous d’accord que la problématique de l’école et de l’enseignement est un thème plus vaste que cela. Il s’agit là de promouvoir la citoyenneté des personnes défavorisées, englobant non seulement les droits civiques et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels, y compris les possibilités de participer véritablement à la société. La qualité de l’enseignement a un fort retentissement sur les taux de scolarisation et de poursuite des études ainsi que sur la production et la productivité futures. Les attitudes et projets des enseignants visant à mieux faire face à leurs tâches peuvent être résumés de la sorte : écoute et disponibilité à l’égard de l’enfant, ouverture de l’école à l’extérieur, caractère fonctionnel des apprentissages (retour au sens), reconnaissance des différences dans les rythmes d’apprentissage, dans les styles cognitifs, dans les types de rapports aux savoirs, dans les projets des élèves, l’accompagnement sous des formes diversifiées et la nécessité de prendre en compte le niveau et le besoin de chaque élève et ses difficultés ou ses acquis, l’articulation entre savoir et culture.

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Vero J., (2007). Thèse préparée à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, sous la direction de

  1. Werquin.

De Vreyer. P., Lambert, S. and Magnac, T. (1998). Educating Children: A Look at Family Behavior in Cote D’Ivoire. Working Paper S. 12 B.

 

Résumé

L’analyse de la situation de la pauvreté dans le monde a permis de dégager un ensemble de constats et de tirer les enseignements pour l’avenir. Cet ensemble de constats révèle le caractère multidimensionnel du phénomène, la complexité et l’enchevêtrement de ses causes. La lutte contre la pauvreté ne se limite pas aux prêts financiers, elle exige une formation scientifique, technique, professionnelle et civique de l’homme. La pauvreté explique l’insuffisance de compétence pour la gestion individuelle et collective des sociétés. En effet, l’analyse du processus de développement économique d’un pays, de son degré de pauvreté, sous l’angle de l’enseignement et de la formation, s’intéresse toujours à la finalité de l’école. Chaque cycle d’enseignement et de formation établit une division pédagogique du processus d’apprentissage, adapté à l’âge et aux connaissances préalablement acquises. Le programme, le personnel, le matériel didactique, les manuels ne sont que des outils de l’enseignant pour faciliter la tâche. Cette communication, résultat d’un travail de réflexion, invite les participants à un débat d’idées. Les auteurs souhaiteraient engager un travail de recherche en réseau thématique. Si les objectifs varient peu d’un pays à l’autre, les normes pour chaque objectif varient entre pays en voie de développement et pays hautement industrialisé. L’école universelle varie, suivant le niveau scientifique, technique et économique de son environnement socio-économique.

Mots-clés : pauvreté, enseignement, formation, pédagogie, apprentissage, didactique, développement, économie

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