Summary
The finalities of the teaching of sciences and technology currently raise debates in many countries. They can correspond to various requirements: economic, utility, democratic or cultural According to an economic argument, the companies need scientific and technological competences to support and develop their economy. The utility argument refers to the potential utility of the scientific and technological knowledge for the people in practical situations. The democratic argument is based on the idea that scientific and technological knowledge and on sciences and technologies is necessary to take part in the discussions and to make decisions on societies’ problems where sciences and technologies are implied. The cultural argument considers that sciences and technologies are social and cultural productions and that the young people should be able to include/understand them and to determine the range of it. The relevance and the legitimacy of these various approaches or their articulation raise many questions with the researchers in education with sciences and technologies. It is advisable to explore them. In particular, the teaching of socio-scientific and socio-technique questions socially sharp falls under the prospect for an education citizen. To study new alliances between scientific and technological teaching and education with the citizenship can result in wondering about the particular visions of the citizenship, the democracy or social which could be implicitly proposed to the pupils via the teaching of questions socially sharp in the current context of an increasing complexity of our companies. The nature of social of today is in addition itself a question being able to be differently apprehended according to the theoretical orientations or the social practices. It is thus a critical approach which we privilege in order to apprehend the relations between education, sciences, technologies, cultures and companies.
Introduction
Ont émergé depuis quelques années dans le champ des didactiques des disciplines des recherches sur des questions socialement vives. En France, l’émergence de ces recherches peut être reliée à un contexte social marqué par de profondes mutations des rapports entre techno-sciences et société et au contexte éducatif de l’intégration récente dans les programmes de préoccupations sociales liées aux développements technoscientifiques. Dans cette orientation, l’enseignement des sciences et des technologies s’inscrit dans une perspective d’éducation citoyenne. Dans cet article, nous présenterons, dans un premier temps, différentes finalités de l’enseignement des sciences et des techniques qui font actuellement l’objet d’intenses débats dans le champ de l’éducation aux sciences et aux technologies. Nous explorerons ensuite comment, en particulier, l’enseignement de questions socio-scientifiques et sociotechniques socialement vives peut contribuer à la perspective d’éducation citoyenne actuellement prônée dans de nombreuses recherches et dans des programmes d’enseignement.
Différentes finalités de l’enseignement des sciences et des techniques
Au cours des années 1980, des préoccupations sociales, économiques et environnementales partagées par plusieurs pays et par des institutions internationales (OCDE et UNESCO par exemple) ont conduit à proposer que la formation en sciences des futurs citoyens devienne une priorité qui inclurait le développement des savoirs scientifiques scolaires au même titre que la sélection et la formation des prochaines générations de scientifiques. L’importance des sciences dans l’éducation est affirmée par l’OCDE dans une perspective de développement du capital humain nécessaire à un apprentissage tout au long de la vie. Le rôle essentiel de l’éducation scientifique est justifié en référence à la dimension scientifique des sociétés postindustrielles, dites sociétés du savoir (Olsen, 2005,
- 20-22). Le développement du capital humain doit permettre une participation sociale et démocratique active des individus. La science contribue à ce capital humain et au développement de ressources et méthodes pour comprendre le monde, agir de manière responsable, prendre des décisions, évaluer et utiliser des données empiriques. Depuis lors, on n’a jamais remis en question l’adhésion officielle au slogan Les sciences pour tous, dont le but est que les savoirs scientifiques scolaires profitent à tous les élèves (et non seulement à ceux qui s’orientent vers des carrières scientifiques). Cet objectif s’est répandu dans le monde sous le nouvel étendard de l’alphabétisation scientifique (Fensham & Harlen, 1999). Si tous les acteurs de l’école semblent d’accord pour considérer que l’éducation scientifique doive permettre l’alphabétisation de tous, cette nouvelle orientation éducative soulève des débats sur ses finalités et sur les situations d’enseignement à mettre en place. Certains y voient une possibilité de réconcilier élèves et citoyens avec les sciences et les technologies, et d’autres considèrent que sous ce nouveau slogan s’exprime un vieux projet hégémonique d’occidentalisation du monde (Carter, 2005 ; Legendre, 2004).
La mise au point de ces programmes a conduit à débattre de ce qui constitue une culture scientifico-technique et plus largement des finalités d’une éducation scientifique citoyenne. Pour Fensham (2002), la formation scientifique est essentiellement préparatoire, c’est-à-dire qu’elle vise à donner une culture scientifique aux étudiants les plus doués. Pour certains, il s’agit de former des citoyens avertis et compétents, aptes à s’insérer dans la société. Pour d’autres, le citoyen cultivé recourt judicieusement aux spécialistes pour résoudre les problèmes que posent les sciences en relation avec la société (Shamos, 1995). Pour d’autres enfin, il s’agit au contraire de considérer les savoirs comme répondant à des contextes, des projets ou des problèmes différents et de permettre aux citoyens de participer significativement aux décisions que les sociétés doivent prendre à l’égard de problèmes technoscientifiques. De plus, un aspect culturel de l’alphabétisation scientifique conduit les individus à considérer les sciences comme une entreprise culturelle et sociale comme l’art, la musique et la littérature. Ainsi Fourez (2002) souligne que la culture scientifique et technique vise la compétence qui consiste à savoir distinguer et croiser le scientifique, le technique, le social, l’éthique, le politique et le culturel. Elle doit ainsi être considérée en fonction d’un projet de société et non pas en fonction de contenus des disciplines scientifiques. L’enseignement de questions scientifiques socialement vives ou controverses socio-scientifiques rejoint la perspective de démocratisation des techno- sciences pour tous. Il ne s’agit pas de développer, comme la thèse pragmatique de la culture scientifique le propose, une confiance rationnelle dans les experts mais de viser un usage critique et raisonné de l’expertise et une participation démocratique aux procédures d’expertise et prises de décisions en matière technoscientifique.
L’enseignement de controverses socio-scientifiques et sociotechniques
Nous menons depuis plusieurs années des recherches en didactique des questions scientifiques socialement vives. L’entrée que nous privilégions est celle du fonctionnement social et épistémologique des savoirs. Les questions socialement vives impliquent selon nous d’examiner la nature et l’élaboration des controverses, en s’appuyant sur des approches didactiques enrichies par l’épistémologie et la sociologie des sciences. Une analyse des controverses sur une question scientifique socialement vive nous confronte à l’univers de la recherche scientifique et technique, invite à identifier le contexte sociopolitique des différentes positions débattues et à explorer les fondements et usages des arguments produits.
Nous nous inspirons des méthodes de la sociologie des sciences et des techniques pour procéder à une analyse des savoirs et pratiques de référence à propos de controverses socio-scientifiques. L’important est d’identifier les arguments des acteurs et ce qui les fondent. Il s’agit par exemple de cerner les modes de production des connaissances sur ces controverses : les données en jeu, les hypothèses discutées, les théories mobilisées. Les domaines de recherche des scientifiques et champs d’expertise des experts sont également identifiés, ainsi que les institutions dans lesquelles ils travaillent et lorsque c’est possible les financeurs des recherches menées ou expertises produites. Comme les producteurs de connaissances échangent entre eux, il s’agit également d’analyser ces situations d’interlocution qui peuvent être plus ou moins polémiques. Ces interactions permettent d’identifier les alliés, porte-parole, employeurs ou opposants des différents protagonistes d’une controverse et les objets sur lesquels portent les controverses. Les mises en forme des controverses par les protagonistes eux-mêmes sont également repérées (expérimentations par des institutions savantes, campagnes de presse, émissions télévisées, commissions d’enquêtes, débats publics organisés par l’État, comme dans le cas de conférences de citoyens ou de référendum), mobilisation de citoyens (pétitions, manifestations…). Il s’agit de se mettre dans la position de représenter la gamme la plus large possible des positions actuellement soutenues (Latour, 2007).
Cela consiste à considérer toutes les formes de littératures qui mettent en jeux ces controverses (publications scientifiques, presse généraliste et spécialisée, sites Internet, rapports d’experts ou de commissions d’enquête, articles de vulgarisation, conférences de presse ou à destination du grand public, débats publics, pétitions etc.). Partir de questions très spécialisées peut permettre d’identifier peu à peu leurs interactions avec les groupes concernés ou le grand public éventuellement (comme nous l’avons fait pour la téléphonie mobile). Un travail sur son histoire pour retracer l’émergence d’une question socio- scientifique peut aussi servir de point de départ pour analyser les controverses à son propos (cas du changement climatique). L’analyse peut être effectuée à partir d’articles de la presse quotidienne pour identifier des positions opposées et ensuite explorer la littérature spécialisée qui sous-tend les discours (cas de l’énergie éolienne).
Dans une perspective didactique, une telle analyse nourrie par une réflexion sur la nature des savoirs en jeu et inspirée de l’analyse sociale des sciences permet d’identifier les savoirs et pratiques des scientifiques, experts et profanes sur ces controverses (Albe, 2007a ; Bouras, 2007). Cela peut constituer un préalable à la mise au point de situations d’enseignement sur une question scientifique socialement vive ou également servir d’état de l’art sur une question vive lors de recherches visant à identifier les savoirs naturels des acteurs de la situation didactique (élèves et enseignants) sur ces controverses (Albe, 2007b).
Controverses sur les technologies de la téléphonie mobile
L’analyse des controverses sur les effets sur la santé des technologies de la téléphonie mobile indique que peu de savoirs sont actuellement stabilisés et montre la grande intrication des savoirs en discussion, des actions menées, des intérêts en jeu et des rôles adoptés par les acteurs impliqués (Figure 1). Les recherches présentent des résultats incertains et controversés et, dans le même temps, la réduction des incertitudes est présentée comme un objectif majeur des recherches par scientifiques et agences institutionnelles.
Figure 1 : Cartographie des controverses sur la téléphonie mobile
On note également que des scientifiques sont parfois amenés à commenter leurs recherches dans les médias ou sur leurs sites Internet et qu’ils peuvent à ces occasions là faire des recommandations de prudence sur l’usage des téléphones mobiles, adoptant alors un rôle d’expert ou de conseiller pour les décideurs politiques, ce qui multiplie la gamme des arguments produits et les positions des acteurs de ces controverses. Les scientifiques s’accordent sur l’apparition d’effets thermiques dus à une exposition aux champs électromagnétiques radiofréquences utilisés dans les technologies de la téléphonie mobile. Mais les avis divergent quant à l’impact sur la santé des échauffements établis, certains considérant une absence de danger, d’autres estimant un possible développement de cancers. Concernant les effets biologiques, des chercheurs ont établi que la barrière hémato-encéphalique se perméabilise sous l’effet des champs radiofréquences et indiqué que cela pourrait engendrer le développement de migraines ou de tumeurs cérébrales car pourraient alors pénétrer dans le cerveau des carcinogènes chimiques présents dans le sang. Des effets des ondes GSM ont également été observés sur des hormones et enzymes impliquées dans les phénomènes de cancérisation et sur le calcium qui intervient dans le métabolisme cellulaire. L’incidence pour la santé des effets mesurés est différemment estimée par les chercheurs. Concernant l’apparition de cancers, plusieurs études ont été menées en exposant des animaux à des champs radiofréquences du type de ceux émis par les téléphones mobiles. Des recherches ont conclu que les radiofréquences induisaient ou favorisaient l’apparition de tumeurs. D’autres recherches ont conduit à des conclusions opposées. Les protocoles expérimentaux diffèrent (modèle animal choisi, modes d’exposition, fréquences des ondes utilisées…) et tandis que les experts mettent en doute la fiabilité des résultats obtenus dans certaines études, les profanes regrettent que cette expertise critique ne porte le plus souvent que sur les études ayant indiqué un effet néfaste sur la santé. Par ailleurs, des industriels de la technologie mobile ont exprimé l’intérêt pour eux de faire répliquer des études montrant des effets en modifiant les protocoles pour obtenir des résultats contradictoires. Cette pratique apparaît destinée à produire des connaissances qui gênent ou ralentissent les processus d’établissement de savoirs assurés sur ces questions socialement vives et préservent les intérêts économiques des industriels.
Le bien fondé de certaines pratiques de recherche ou les choix effectués lors de la constitution des objets de recherche sont d’ailleurs parfois remis en cause à l’intérieur des communautés scientifiques (par exemple de négliger l’effet des ondes pulsées à très basse fréquence). Par ailleurs, les limitations constitutives de l’épidémiologie sont pointées par des sociologues des sciences et des citoyens. Des recherches de plein air selon les termes de Callon et al (2001) se développent pour décrire et comprendre les effets des ondes de la téléphonie mobile sur la santé.
Controverses sur les changements climatiques
Le climat soulève aujourd’hui de nombreuses questions à l’échelle internationale tant sur le plan scientifique, qu’économique, politique ou environnemental Pour tracer à grands traits les différentes positions sur la question du climat à l’heure actuelle, deux grandes tendances peuvent être identifiées. Pour certains, nombreux, un réchauffement climatique planétaire provoquerait des désastres écologiques majeurs menaçant le devenir de l’humanité, et il est alors urgent d’agir collectivement et individuellement pour lutter contre ce réchauffement, notamment dans le cadre du protocole de Kyôto de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour d’autres, minoritaires, la question d’un réchauffement climatique planétaire est une hypothèse, les variations du système climatique sont complexes et l’importance des activités humaines dans l’effet de serre atmosphérique surestimée par leurs opposants catastrophistes. Qualifiés par les premiers de sceptiques, ces derniers dénoncent la fabrication stratégique d’un pseudo-consensus scientifique à des fins politiques et un processus d’étouffement systématique de la raison critique dans le domaine climatique. Ils pointent des risques de fragilisation des systèmes économiques à l’échelle internationale.
Une analyse des controverses socio-scientifiques souligne l’interpénétration de la science, la politique, l’économie et les médias sur les questions du climat comme l’illustre la cartographie présentée (Figure 2). Ceci ne nous apparaît pas sans conséquences dans une perspective didactique d’éducation aux sciences plus citoyennes. Comment présenter les dimensions scientifiques, sociales, économiques, politiques qui parcourent les différentes positions ? Comment relater la science en train de se faire, consensus pour certains, élaboration frauduleuse pour d’autres ? Tandis que les discours majoritaires sur la question du réchauffement climatique présentent l’établissement d’un consensus et reproduisent une rhétorique courante visant à masquer les incertitudes inhérentes aux recherches, des discours minoritaires soulignent la nature chaotique du climat rendant par exemple illusoire les tentatives de prévisions du climat.
Conception de situations d’enseignement
L’analyse des controverses que nous venons de présenter constitue pour nous un préalable à la construction de situations d’enseignement dans une approche de didactique propositionnelle. Nous avons élaboré des situations d’enseignement ou de formation sur les controverses des téléphones cellulaires (Albe, 2005a), de l’énergie éolienne (Albe & Lelli, 2006) et des changements climatiques (Gombert & Albe, 2008) à partir de recherches collaboratives entre enseignants et chercheurs ou en interdisciplinarité selon une perspective d’ingénierie didactique.
Figure 2 : Cartographie des controverses sur les changements climatiques
La situation sur la controverse des téléphones cellulaires consiste en l’expertise par les élèves de recherches actuellement menées puis la réalisation d’un débat contradictoire sous la forme d’un jeu de rôle qui simule un procès sur la question. La structure de la situation d’enseignement que nous avons élaborée est présentée dans le tableau 1. La situation proposée aux élèves est fictive mais inspirée de cas authentiques. Un employé poursuit son employeur pour son mauvais état de santé, qu’il estime dû à l’usage du téléphone portable et en raison duquel il a dû quitter son travail. Cette activité vise à conduire à une prise de décision en situation d’incertitude, ce qui correspond à toute situation judiciaire, et rejoint sur le plan épistémologique la mise à l’épreuve de la preuve scientifique dans le contexte d’une science en train de se faire, incertaine et controversée. Cette prise de décision contextualisée dans la simulation du procès amène de plus à questionner la prise de décision individuelle des élèves vis-à-vis de l’utilisation de téléphones cellulaires en contexte d’incertitude quant à leur impact sur la santé.
Nous avons conduit cette étude de la question controversée de la dangerosité des téléphones cellulaires avec différents publics pendant une séance ordinaire d’environ deux heures : une classe de douze élèves de première en série technologique de l’enseignement agricole français lors d’enseignements de sciences physiques et une classe de dix stagiaires tunisiens en formation professionnelle de technicien supérieur en électronique lors d’enseignements de télécommunications. Nous avons dans ces contextes didactiques étudiés les opinions et prises de décisions individuelles d’élèves et d’étudiants, leur activité d’expertise et d’argumentation en petits groupes de discussion et leurs stratégies argumentatives lors du jeu de rôle en classe entière. Nos recherches montrent qu’élèves et étudiants appréhendent des controverses socio-scientifiques en s’appuyant sur une diversité de références parmi lesquelles les savoirs scientifiques et technologiques sont rarement mobilisés. Des connaissances profanes et épistémologiques jouent un rôle majeur. Les prises de décision s’appuient sur des considérations personnelles et une estimation des modes d’élaboration des sciences. Nos résultats confirment une surestimation du rôle des preuves empiriques dans la résolution des controverses. Lorsqu’ils débattent à propos d’une controverse socio-scientifique, les élèves s’appuient sur un répertoire argumentatif riche. Ils mobilisent plusieurs domaines de référence, développent des stratégies d’argumentation collaborative complexes et des procédés d’argumentation fallacieuse.
Phases d’activité | Activités | Durée |
Introduction | Présentation du thème :
· les titres de l’actualité · les questions que cela pose sur les relations entre technologies et société · insister sur la nature inhabituelle de la leçon : · estimer la qualité de la preuve scientifique · peu de prise de notes et beaucoup de discussions |
5mn |
Recueil des positions individuelles sur la dangerosité des téléphones cellulaires | 5mn | |
Présentation brève du fonctionnement des téléphones mobiles | Spectre EM
Y situer les micro-ondes Les fréquences d’utilisation Le réseau : comment ça marche ? |
5mn |
Présentation de l’activité : | Situation du jeu de rôle : un employé poursuit son employeur pour son mauvais état de santé, en raison duquel il a dû quitter son travail, qu’il estime dû à l’usage du téléphone portable.
Répartition en 2 groupes |
5 min |
Présentation du dossier | Glossaire
Extraits des recherches Grille d’évaluation |
|
Travaux en groupes | Expertise des extraits de recherche
Élaboration d’une liste d’arguments à développer face à l’autre groupe pendant le jeu de rôle Préparation des questions à poser à l’autre groupe |
50 min |
Jeu de rôle | Le groupe A, puis B présente ses arguments Débat contradictoire | 35 min |
Discussion sur le débat | Réactions sur la tenue du jeu de rôle
Réactions personnelles sur la dangerosité des téléphones |
5 min |
Recueil des positions individuelles sur la dangerosité des téléphones cellulaires et des conditions de changement d’avis | 5 min | |
Synthèse | Reprendre le document de l’introduction pour faire prendre conscience aux élèves que :
les résultats de recherche ne fournissent pas directement une compréhension claire des phénomènes ; les chercheurs ne sont pas toujours d’accord sur l’interprétation des résultats ; Identifier la nature des données, les méthodologies, les institutions de recherche est important pour expertiser des résultats scientifiques. |
5 min |
Tableau 1 : Structure de la situation d’enseignement sur la controverse des téléphones cellulaires
L’analyse des procédés argumentatifs que les élèves développent en petits groupes de discussion montre comment des facteurs épistémologiques, contextuels, et sociaux influencent l’argumentation collaborative dans ces situations (Albe, 2006). Les résultats obtenus dans ces différents travaux de recherche interprétative nous fournissent de plus des éléments pour procéder à une analyse rétrospective de la situation d’enseignement élaborée dans une approche de didactique propositionnelle et mise en œuvre en classe. De telles situations d’enseignement peuvent ainsi servir d’espaces de théorisation des processus d’enseignement et d’apprentissage à propos de controverses socio-scientifiques afin de développer une modélisation selon un processus itératif dans le cadre méthodologique des recherches sur la conception de situations d’enseignement (Research- based design en anglais). Les théories élaborées dans ce cadre sont dites humbles (Cobb et al, 2003) par leur caractère local et leur caractéristique de constituer également des outils pour l’action. Nous proposons une modélisation relativement ouverte et souple pour remplir une double fonction analytique et propositionnelle sur la scolarisation de controverses socio- scientifiques.
En guise de conclusion
Les questions scientifiques socialement vives nous confrontent à de vifs débats entre scientifiques et experts. Ce sont des questions pour lesquelles la science ne peut apporter de réponse unique, de certitudes, mais des savoirs en train de se construire, non stabilisés, controversés. Face à cette science en train de se faire, est affirmé dans les recherches l’objectif de présenter en classe une image authentique des sciences et des pratiques scientifiques. Différentes visions des sciences peuvent être convoquées. Notre approche même de la connaissance est alors interpellée lorsque l’on vise une compréhension avertie de la pratique des sciences et des technologies. Implicitement, de nombreux discours conférant aux sciences le pouvoir de résoudre la controverse et de permettre l’établissement d’une décision raisonnée sur la question sont nourris par une perception particulière des sciences. Un héritage scientiste est aux sources d’une survalorisation de l’expertise scientifique et d’une dévalorisation d’autres types de savoirs. Dans une telle hiérarchie des savoirs, seule la science a le pouvoir de dire le vrai sur le monde (Larochelle & Désautels, 2006). Un usage scientiste du principe de précaution tue le débat, le questionnement, et la pratique de la critique. Ainsi, ces controverses nous invitent à sortir de l’illusion de la neutralité des sciences et de la domination exercée par le langage technocratique (Thuillier, 1995).
Par ailleurs, l’enseignement de questions scientifiques socialement vives rejoint la perspective démocratique du développement de la culture scientifique et technique pour tous, entendue comme une compréhension critique des techno-sciences et des pratiques scientifiques et techniques. Lorsque l’on vise une éducation aux sciences citoyenne, ce n’est pas la transmission d’une hypothétique culture scientifique ni la formation de la relève scientifique qui sont alors au centre des préoccupations éducatives. (Désautels & Larochelle, 2003, p. 11). Il s’agit de contribuer par l’éducation aux sciences à la formation de citoyens et de citoyennes pouvant participer pleinement à l’amélioration de la vie démocratique dans nos sociétés. L’enseignement de questions scientifiques socialement vives rejoint dans ce cas l’éducation à la citoyenneté. Mais si l’objectif de citoyenneté est largement affirmé dans les programmes de sciences, différentes conceptions de la citoyenneté peuvent sous-tendre ces nouveaux enjeux éducatifs. Par exemple, communautarisme ou laïcité républicaine pour ne citer que quelques tendances actuellement débattues. Comme le souligne Tutiaux-Guillon (2006, p. 123), on voit actuellement se développer en Europe, peut-être en réaction aux excès des nationalismes, une conception de la citoyenneté centrée sur les compétences plus que sur les identités. La démocratie y est posée comme un mode pacifique de résolution des conflits qui naissent de la pluralité (ce qui met en évidence le rôle du droit), comme un système politique qui fait du désaccord son mode normal de fonctionnement, comme une construction sociale et politique où peuvent se négocier des compromis. Il en résulte que la capacité à assumer son point de vue, à l’argumenter, à participer au débat public devient le cœur des compétences citoyennes. On s’éloigne de la citoyenneté d’adhésion, voire d’obéissance. Du même coup la diversité culturelle est possible, dès lors que les citoyens partagent une culture suffisante pour permettre la communication et le débat. Pour le dire à grands traits, changer de citoyenneté de référence engagerait à passer d’un enseignement fondé sur la vérité et l’autorité à un enseignement fondé davantage sur le débat et la négociation du sens. Ainsi, derrière les différentes positions sur la citoyenneté, se profilent aussi en filigrane des visions différentes du monde social et de ce qu’il devrait être. Comme le soulignent Larochelle & Désautels (2006, p. 75) parler de questions socialement vives et de citoyenneté ne suffit pas. Il faut aussi réfléchir et imaginer un projet de société qui sous- tendrait une éducation aux sciences plus citoyenne, et qui permettrait aux jeunes de mieux négocier leur monde et d’y trouver un espace de jeu et d’existence. La question du projet sociopolitique qui sous-tend une éducation aux sciences citoyenne est alors posée.
Explorer des stratégies didactiques pour l’étude de questions scientifiques socialement vives en classe invite ainsi à s’engager dans plusieurs réflexions, sur la nature des sciences et des activités scientifiques dans le monde social contemporain et sur la question du projet sociopolitique qui sous-tend une éducation aux sciences citoyenne. Cette double préoccupation guide notre travail. Sans une telle mise en débat, l’expression question scientifique socialement vive pourrait être utilisée telle une boîte noire comme le soulignent Larochelle & Désautels (2006), au risque de transformer en slogan la promotion d’une éducation aux sciences plus citoyenne (Davies, 2004) et de négliger de s’interroger sur les visions particulières de la citoyenneté, de la démocratie ou du social qui pourraient être implicitement proposées aux élèves via l’enseignement de questions socialement vives dans le contexte actuel d’une complexité croissante de la société.
Bibliographie succincte
Albe, V. (2006). Procédés discursifs et rôles sociaux d’élèves en groupes de discussion sur une controverse socio-scientifique. Revue Française de Pédagogie, 157, 103-118.
Albe, V. (2007a). Des controverses scientifiques socialement vives en éducation aux sciences. État des recherches et Perspectives. Mémoire de synthèse pour l’Habilitation à diriger des Recherches. Université Lyon 2.
Bouras, A. (2007). Les nanotechnologies : une analyse sociale des controverses. Communication aux XXVIIIèmes JIEST sur le thème École, culture et actualités des sciences et des techniques, Chamonix, 24-28 avril 2007.
Carter, L. (2005). Globalisation and Science Education: Rethinking Science Education Reforms. Journal of Research in Science Teaching, 42, 561-580.
Larochelle, M. & Desautels, J. (2006). L’éducation aux sciences et le croisement des expertises. In A. Legardez & L. Simonneaux (Eds.). L’École à l’épreuve de l’actualité. Enseigner les questions vives. Paris : ESF (pp. 61-77).
Legendre, P. (2004). Ce que l’occident ne voit pas de l’occident. Paris : Mille et une nuits.
Thuillier, P. (1995). La grande implosion. Rapport sur l’effondrement de l’occident 1999-2002. Paris : Fayard.
Tutiaux-Guillon, N. (2006). Le difficile enseignement des questions vives en histoire-géographie. In A. Legardez & L. Simonneaux (Eds.). L’École à l’épreuve de l’actualité. Enseigner les questions vives. Paris : ESF (pp. 119-135).
Résumé
Les finalités de l’enseignement des sciences et des techniques soulèvent actuellement des débats dans de nombreux pays. Elles peuvent correspondre à différentes exigences : économique, utilitaire, démocratique ou culturelle. Selon un argument économique, les sociétés ont besoin de compétences scientifiques et technologiques pour soutenir et développer leur économie. L’argument utilitaire se réfère à l’utilité potentielle des savoirs scientifiques et technologiques pour les personnes dans des situations pratiques. L’argument démocratique se fonde sur l’idée que des savoirs scientifiques et technologiques et sur les sciences et les technologies sont nécessaires pour participer aux discussions et prendre des décisions sur des problèmes de société où les sciences et les technologies sont impliquées. L’argument culturel considère que sciences et technologies sont des productions sociales et culturelles et que les jeunes devraient être en mesure de les comprendre et d’en cerner la portée. La pertinence et la légitimité de ces différentes approches ou de leur articulation posent de nombreuses questions aux chercheurs en éducation aux sciences et aux technologies. Il convient de les explorer. En particulier, l’enseignement de questions socio-scientifiques et sociotechniques socialement vives s’inscrit dans la perspective d’une éducation citoyenne. Étudier les nouvelles alliances entre enseignement scientifique et technologique et éducation à la citoyenneté peut conduire à s’interroger sur les visions particulières de la citoyenneté, de la démocratie ou du social qui pourraient être implicitement proposées aux élèves via l’enseignement de questions socialement vives dans le contexte actuel d’une complexité croissante de nos sociétés. La nature du social d’aujourd’hui est par ailleurs elle-même une question pouvant être différemment appréhendée selon les orientations théoriques ou les pratiques sociales. C’est donc une approche critique que nous privilégions afin d’appréhender les relations entre éducation, sciences, technologies, cultures et sociétés
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