RAIFFET 2008 La promotion de l’entrepreneuriat en TIC comme nouvelle stratégie pour la réduction de la pauvreté à Madagascar Josvah Paul Razafimandimby

La promotion de l’entrepreneuriat en TIC comme nouvelle stratégie pour la réduction de la pauvreté à MadagascarJosvah Paul Razafimandimby

La promotion de l’entrepreneuriat en TIC comme nouvelle stratégie pour la réduction de la pauvreté à Madagascar
Josvah Paul Razafimandimby 

Summary

Because of a university system of formation centred on wage-earning rather than on the enterprising, an always increasing mass Malagasy university graduates is each year in great difficulty of socio-professional insertion. The number of data processing specialists available to Madagascar is far from being sufficient, compared to the needs and requirements of the labour market. But the Malagasy system of higher education is exclusively training the students to be offering competencies and applicants for work on the job market, the sector of Communication and Information Technologies (TIC) lives under-exploited in Madagascar. It results from it that the data processing specialists rightly constitute sleeping economico-technological potentialities for the Large Island. Because, in the absence of policy and of suitable national strategies to combat unemployment and the poverty, a number more and more crescent of high-level technicians, and computer science engineers, expatriate and reinforce the brain drain. The communication thus proposes the joint promotion of the enterprising in TIC, and the systems of micro-financing, like effective strategy of support to the creation of companies, as well as alleviation of unemployment and socio-economic poverty in Madagascar.

Analyse du contexte

Sur le plan du développement socio-économique, Madagascar fait partie des pays les moins avancés (PMA) avec 67,5% de population vivant au-dessous du seuil de pauvreté selon les études 2007 de l’INSTAT. Comme pour la plupart des pays africains en développement, le chômage des diplômés universitaires fait partie des problèmes récurrents à traiter par la Grande Ile en raison d’une inadéquation de la formation dispensée par rapport à l’emploi (Banque mondiale, 2002). Le système d’enseignement supérieur à Madagascar, comme dans la plupart des PMA, est basé sur un mimétisme fort, calqué sur le modèle universitaire des pays industriellement avancés (Banque mondiale, 2002 ; Mve-Ondo, 2005). Plus généralement, l’inadéquation formation-emploi, qui fait partie de l’héritage d’un passé colonial et qui conduit au chômage massif des diplômés universitaires, est souvent considérée comme un facteur déterminant renforçant la pauvreté socio-économique (Banque mondiale, 2001 ; Landes, 1998). En 2007, sur 17 millions de population, le pays compte 3 millions de chômeurs, dont le tiers est constitué de diplômés sortant des universités, des écoles et des instituts. Les formations dispensées dans les institutions universitaires malgaches sont ainsi généralement trop académiques, et éloignées des réalités socio-économiques locales. La difficulté d’insertion professionnelle des diplômés s’explique par le fait que les formations dispensées ne correspondent pas souvent aux besoins évolutifs du marché de l’emploi. Et jusqu’à ce jour, aucune étude statistique nationale n’a été effectuée à Madagascar sur le devenir professionnel des diplômés universitaires. Cependant, dans le contexte de la mondialisation de l’économie, l’enseignement supérieur est tenu de participer de façon diversifiée au développement socio-économique des pays d’implantation de ces institutions de formation universitaire.

Pour être pertinent, l’enseignement supérieur doit toutefois avoir des impacts concrets et réels sur le développement économique des pays (Unesco, 2005). Par conséquent, le chômage des diplômés universitaires qui résulte d’un dysfonctionnement académico- économique, constitue une des facettes du sous-développement socioéconomique. C’est une lacune qui continue à persister de nos jours dans le système éducatif malgache. Car le chômage au terme des formations universitaires reste un éternel calvaire pour les étudiants malgaches en raison d’une carence de professionnalisation de l’enseignement supérieur et d’un faible interfaçage université-entreprise. Cet isolement institutionnel des universités dans leur tour d’ivoire engendre donc un déficit de collaboration entre le monde académique universitaire et le monde économique du secteur privé. A cause du gel de recrutement dans la fonction publique, mais également à la suite de l’application de la politique d’ajustement structurel recommandée par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, les organismes publics ne recrutent plus qu’un nombre limité de nouveaux employés depuis déjà plus d’une dizaine d’années. Ainsi, le secteur privé reste le seul et le plus grand pourvoyeur d’emplois dans le pays (Mada Business Journal, 2007). Le fait est que les programmes des cours dispensés dans la plupart des institutions universitaires publiques et privées forment et façonnent souvent les étudiants pour devenir de futurs demandeurs d’emplois, des salariés, voire des offreurs de compétence. Dans ces institutions de formation, l’initiation à l’entrepreneuriat, à la création d’emplois et d’entreprises est généralement négligée et reléguée au second plan. Le salariat est privilégié par rapport à l’entrepreneuriat. Par ailleurs, outre la non-pertinence de l’enseignement supérieur, la dévalorisation des diplômes universitaires par rapport aux besoins des entreprises et des sociétés, ainsi que la non- attractivité de l’université à cause du salaire non motivant et trop bas pour les enseignants-chercheurs sont les principales causes de l’émigration des cadres universitaires des PMA vers les pays industrialisés (Diene, 2003 ; Mve-Ondo, 2005).

Les cadres universitaires mal payés, marginalisés et mal entretenus dans leur pays sont attirés par les pays technologiquement avancés. Les pays pauvres financent de cette façon par leur hésitation à retenir leurs cadres par des conditions décentes et motivantes, les universités des pays riches à qui ils fournissent, presque gratuitement puisque déjà formée, une expertise de pointe et souvent expérimentée. Le risque est d’autant plus grand que beaucoup de pays industrialisés ont un déficit de cadres supérieurs en électronique, Informatique et autres technologies de pointe. La politique de l’immigration sélective appliquée par la France ou la loterie à la carte verte (Green Card) permettant d’obtenir un visa d’immigrant pour les États-Unis d’Amérique pour certaines catégories de personnes remplissant des conditions d’éligibilité, sont des procédures destinées à sélectionner les cadres supérieurs issus des pays en développement. La plupart des établissements universitaires malgaches sont victimes de la fuite des cerveaux. Il est à faire remarquer que les spécialistes informaticiens malgaches figurent parmi les candidats les plus nombreux à demander l’exode vers les pays étrangers technologiquement avancés, en raison d’un tissu économique et industriel local peu développé. Cet exode de compétences informaticiennes locales à destination des pays développés renforce davantage la fracture numérique et scientifique entre les pays du Nord et ceux du Sud, et creuse l’écart de développement socio-économique et technologique entre pays industrialisés et pays en développement. Il traduit un déficit de transfert de technologies dans les échanges nord-sud (Banque mondiale, 2001 ; Landes, 1998 ; Diene, 2003). A ce rythme, la réduction de l’extrême pauvreté de moitié dans le monde avant 2015 conformément aux objectifs pour le développement du millénaire, ne sera pas atteinte.

Analyse de l’existant en TIC

La Grande Ile dispose cependant de potentiels énormes et importants en informatique. A Madagascar, il existe une appropriation locale des technologies de l’information et de la communication (TIC) grâce aux étudiants diplômés de l’école nationale d’informatique (ENI) et ceux diplômés d’autres Instituts supérieurs publics et privés de formation en TIC. Ces technologies constituent un secteur économique porteur pour le pays au même titre que l’agro – industrie, le tourisme, les mines et le textile. Depuis la création de l’ENI en 1983 jusqu’à ce jour, cette école supérieure a formé plus de 1 300 spécialistes informaticiens, notamment des techniciens supérieurs de niveau Bac  + 2 et des  ingénieurs  de niveau  Bac + 5. Madagascar compte actuellement environ 3 000 spécialistes informaticiens, toute spécialité confondue, si l’on tient compte des spécialistes informaticiens diplômés d’autres institutions publiques et privées de formation en Informatique existant dans le pays. L’effectif de spécialistes informaticiens disponibles à Madagascar est loin d’être suffisant par rapport aux besoins – demandes sur le marché de l’emploi. Mais les salaires proposés par les petites et moyennes entreprises (PME) à ces informaticiens sont loin d’être motivants. Parmi les diplômés de l’École, 85% travaillent comme salariés dans des organismes publics, des sociétés privées et des organismes de coopération internationale. Seulement 10% d’entre eux ont réussi à créer des cybercafés, des centres privés de formation professionnelle, des sociétés de services et d’ingénierie informatique (SSII). Des techniciens supérieurs et des ingénieurs en Informatique diplômés de l’ENI travaillent actuellement comme salariés dans différentes sociétés pour la vente de matériels, de logiciels et d’équipements informatiques ou de consommables. Certains d’entre eux sont devenus des développeurs d’applications dans des compagnies d’assurances, des banques ou des sociétés commerciales. Des techniciens supérieurs diplômés de l’École ont été recrutés dans des sociétés privées pour l’installation, le montage, le dépannage et la maintenance des systèmes informatiques. Des ingénieurs informaticiens diplômés de l’ENI travaillent actuellement comme webmasters ou administrateurs des réseaux et systèmes chargés du paramétrage des routeurs, du référencement de sites, de l’installation de nouveaux logiciels serveurs ou de l’élaboration du schéma directeur informatique pour des sociétés (Made Business Journal, 2007 ; Razafimandimby ; 2000). Les investisseurs étrangers hésitent encore à investir dans le domaine des TIC dans le pays dans l’attente du déploiement du Backbone national qui est le réseau à fibre optique destiné à faire baisser les tarifs de communication, et dont l’opérationnalisation est prévue pour Juin 2008. La figure 1 présente le panorama des profils les plus recherchés en TIC à Madagascar pour les années 2006/2007.

Le profil le plus recherché dans le pays reste de loin celui du développeur d’applications. On note cependant l’émergence des métiers liés à l’Internet et à l’ingénierie des réseaux et systèmes. En général, la course à l’embauche d’informaticiens semble se poursuivre pour les cinq prochaines années à venir, notamment avec le raccordement de la Grande Ile à partir de 2008 au câble sous-marin de fibre optique East African Submarine System (EASSY). Ainsi malgré le sous-développement économique et industriel dans le pays, le secteur des TIC génère une pénurie de spécialistes en raison d’une demande massive. Les sociétés de téléphonie et de télécommunications, les banques, les compagnies d’assurances et les industries d’extraction minière ainsi que les organismes de coopération internationale se révèlent être les plus gros recruteurs d’informaticiens (Banque mondiale, 2002 ; PNUD, 2001 ; Mada Business Journal, 2007). Par ailleurs, bon nombre d’entreprises et d’organismes mettent en place de nouveaux projets portant sur l’utilisation de réseaux, de progiciels intégrés ou le développement d’applications client – serveur et Internet- Intranet. Ces domaines et technologies nécessitent des compétences spécifiques dont les sociétés utilisatrices ne disposent pas systématiquement en interne. Une autre circonstance encourageant la promotion de l’entrepreneuriat en TIC constitue la mise en œuvre à Madagascar du programme national de e-Gouvernance (PNEG). L’informatisation des différents services administratifs et la mise en réseau des différents ministères, régions et communes figurent parmi les actions prioritaires du PNEG. Cependant, le désenclavement des Régions et communes reculées par le biais de satellite sera obligatoirement conjugué avec l’électrification rurale et la dotation à ces collectivités territoriales de ligne téléphoniques. Le développement des TIC permet en effet de briser l’isolement géographique des communes reculées.

 

Figure 1 Panorama des profils les plus demandés en TIC à Madagascar

Figure 1 Panorama des profils les plus demandés en TIC à Madagascar

Figure 1 : Panorama des profils les plus demandés en TIC à Madagascar

Mais force est de constater que le secteur des TIC demeure encore sous-exploité à Madagascar, et que les spécialistes informaticiens constituent à juste titre des potentialités économico-technologiques dormantes (Banque mondiale, 2001 & 2002 ; Unesco, 2005).

La stratégie combinée de l’entrepreneuriat en TIC et du micro-financement pour réduire la pauvreté.

La promotion de l’industrie de services TIC permet de booster la croissance économique à Madagascar. L’avènement de l’Internet à haut débit offre de grandes perspectives à l’économie malgache. Le Backbone national à fibre optique fournit une capacité de bande passante assez large pour exploiter les technologies nouvelles, entre autres, le couplage voix/données la visioconférence et les applications multimédia. Le réseau à fibre optique qui sera opérationnel dès l’année 2008 assurera une communication plus fluide et fiable. La liaison satellitaire ne serait utilisée que pour faire du back-up. Et le Backbone permettra de faire baisser les tarifs de communication pour les consommateurs de services TIC. Une bande passante plus large permettra de développer des services liés à l’Internet comme le télétravail, les formations en ligne, le commerce électronique, les centres d’appels ou l’e- business. Actuellement, différentes grandes villes malgaches sont déjà branchées à l’Internet à haut débit. Ce sont Antananarivo, Toamasina, Antsirabe, Tolagnaro, Toliara, Nosy Be et récemment Fianarantsoa. Le nombre d’utilisateurs et celui de sociétés oeuvrant dans le domaine des TIC ont connu une hausse considérable. L’outil Internet s’intègre facilement dans la vie des Malgaches. Des cybercafés s’ouvrent à chaque coin de la rue. Le réseau à câble optique permettra à la Grande Ile de devenir un pays exportateur de services informatiques liés à l’offshore. Il va permettra au pays de remplir un rôle bien important au niveau de la sous-région de l’Océan Indien. Une connexion directe avec les îles voisines de la sous-région permettra en premier lieu d’accentuer les échanges bilatéraux commerciaux. Outre l’intégration de Madagascar au marché de l’offshore informatique, le réseau à fibre optique facilitera le désenclavement des régions et des communes à haute potentialité économique mais d’accès difficile. Ce vaste chantier va contribuer au désenclavement de Madagascar, en brisant son isolement insulaire. Il réduira notamment la fracture technologique entre les différentes régions du pays, et ouvrira des nouvelles opportunités de développement socio-économique (Mada Business Journal, 2007). Ainsi, la promotion de l’entrepreneuriat dans le domaine des TIC favorise le développement des SSII qui peuvent avoir des effets multiplicateurs permettant, notamment aux jeunes et aux femmes diplômées universitaires, non seulement de trouver plus facilement un emploi, mais aussi et surtout de créer leur propre entreprise (PNUD, 2001 ; Clark, non daté ; Mada Business Journal, 2007). La création de micros, petites et moyennes entreprises devra être encouragée pour les jeunes diplômés universitaires en début de carrière professionnelle.

L’avènement en 2008 à Madagascar de l’Internet à haut débit devra motiver la prise de décision de se lancer dans les affaires. L’entrepreneur essaie de se positionner sur un secteur porteur et innovant. Il est un professionnel qui recherche constamment les potentialités économiques et les opportunités : on ne naît pas entrepreneur, mais on peut apprendre à le devenir. L’entrepreneuriat a souvent sous-entendu l’esprit de combativité, d’initiative et de concurrence. L’entrepreneur n’a pas peur de foncer dans l’inconnu. Il transforme l’inconnu en opportunités d’affaires. Il doit savoir diagnostiquer des problèmes d’ordre socioéconomique afin de pouvoir y apporter des solutions novatrices. Le défi est de développer chez les étudiants la culture entrepreneuriale et l’esprit d’adaptation à la civilisation et à l’économie numérique. La Net économie est un formidable réservoir d’emplois pour les jeunes diplômés universitaires. Les opportunités d’emplois restent nombreuses sur l’Internet à condition d’être moteur. Le secteur de l’Internet accueille différents profils. Un panorama des métiers de l’internet est présenté sur la figure 2.

Figure 2 Panorama des métiers de l’Internet

Figure 2 Panorama des métiers de l’Internet

Figure 2 : Panorama des métiers de l’Internet

Cinq principales familles de métiers peuvent être représentées : la technique, la création, le commerce-marketing et la gestion-coordination. Les activités sur le web restent encore relativement limitées à Madagascar. La généralisation du réseau à haut débit grâce au câble à fibre optique, va accélérer davantage le développement de l’outil internet et la consommation des services web par la population locale. Parallèlement, le marché de formations en technologie Internet se développe dans le pays à la vitesse du Net : des formations coûteuses, mais pas toujours adaptées. Universités, écoles et instituts supérieurs publics et privés se sont mis à l’heure du web : les formations proposées se multiplient. Mais la spécialisation Internet s’acquiert le plus souvent dans le cadre d’une formation complémentaire (Razafimandimby, 2000). Par ailleurs, s’il est un secteur où l’Internet va changer la donne, c’est bien l’éducation, et en particulier l’université. On peut étudier autrement grâce à l’apprentissage en ligne. Se former en ligne aux métiers de l’Internet est possible. Mais les programmes de formation à distance mis en place dans le pays sont encore rares et chers.

Malgré la crise des start-up, l’embauche des spécialistes de la technologie Internet continue dans le pays. Presque chaque jour, il y a de nouveaux services TIC à créer, et le mouvement va s’accélérer avec la disponibilité future du réseau à haut débit. La promotion de l’entrepreneuriat en TIC fait donc partie des solutions d’entreprise à la pauvreté permettant d’employer les jeunes diplômés universitaires. L’entrepreneuriat est en effet un outil performant pour inciter les diplômés universitaires à intégrer le circuit économique. Cependant, l’entrepreneuriat dans le secteur des TIC ne peut pas démarrer et se développer sans un fonds de démarrage. Souvent œuvrant dans l’informel à Madagascar, les entrepreneurs ont besoin de premier financement pour évoluer vers le secteur formel. L’entrepreneuriat en TIC et le micro-financement sont deux stratégies complémentaires à combiner pour réduire efficacement la pauvreté. Les jeunes diplômés universitaires  en quête d’un premier emploi peuvent être les cibles privilégiées du micro – crédit, notamment en vue de l’acquisition des premiers matériels et logiciels pour la création d’une entreprise, ainsi que pour l’acquisition des équipements de connexion à l’Internet. Les institutions de micro-finance (IMF) contribuent dans le pays à la diversification des produits financiers. Une typologie des IMF est présentée sur le tableau 1. Le microcrédit peut devenir donc l’outil financier principal permettant d’aider les micro-entrepreneurs en TIC, notamment afin d’assurer la connexion à Internet.

Institutions financières Taux d’intérêt Capital Durée de prêt Typologie de projets
Banques primaires commerciales 17% à 18% + Moins de 5 années Projets de grande envergure
Institutions de micro- finance (IMF) IMF niveau 1 : 2% à 4% 2 à 36 mois Projets de petite envergure
IMF niveau 2 : 5% à 9% + 2 à 36 mois Idem
IMF niveau 3 : 10% à

16%

+ 2 à 48 mois Projets de moyenne envergure

Tableau 1 : Typologie des institutions de prêt financier

Il est à noter que, dans le système bancaire malgache, le taux d’intérêt appliqué à un prêt est de l’ordre de 17% à 18%. Cependant, pour les IMF de niveau 1, le taux d’intérêt varie entre 2% et 4% par mois. Et pour cette classe d’IMF, on n’a pas besoin de capital. Les IMF, parfois appelées les banques des pauvres sont en quelque sorte des banques de développement pouvant offrir des prêts à des taux d’intérêt nettement inférieurs à ceux pratiqués par les banques commerciales traditionnelles. Et le refinancement est facilité pour les IMF. L’allégement des procédures de décaissement et la durée de prêt variant de 2 à 48 mois mettent en évidence la flexibilité de la micro-finance. Et le microcrédit alloué par les IMF sert souvent à soutenir des activités économiques de taille minuscule, notamment dans les domaines des activités agricoles, de développement rural, de l’artisanat… Cependant, actuellement, l’innovation des produits proposés par les IMF attire davantage les opérateurs économiques réalisant des projets de moyenne envergure au lieu et à la place des microprojets. Il faut noter également que le taux de pénétration de la micro-finance à Madagascar reste encore très faible. Uniquement 7,6% de la population ont en recours en 2006/2007 au microcrédit. Comme la promotion de l’entrepreneuriat en TIC nécessite un encadrement et un accompagnement technique et financier, un centre spécialisé de micro- finance devra être mis en place à Madagascar pour venir en aide aux micro-entrepreneurs et entrepreneurs du secteur des TIC. En effet, les IMF offrent une large gamme de services financiers aux micros, petites et moyennes entreprises pour lesquelles les créateurs n’ont pas eu accès aux services bancaires.

Mesures d’accompagnement pour la promotion de l’entrepreneuriat en TIC.

Une série de mesures d’accompagnement devra être appliquée à Madagascar afin d’assurer une meilleure promotion de l’entrepreneuriat et de développer l’industrie des services internet : 1) réforme du système d’enseignement supérieur afin de favoriser le passage, à travers les programmes de formation, du salariat généralisé vers l’entrepreneuriat ; intégration dans les programmes de formation des modules tels que : Droits des affaires et fiscalité d’entreprise, création et administration d’entreprise, gestion stratégique des TPE et de PME en TIC, stratégies commerciales, montage d’un plan d’affaires, comptabilité d’entreprise… 2) allégement des procédures administratives de création d’entreprises ; amélioration de l’environnement des affaires et des investissements en promulguant la loi sur la concurrence et en appuyant le développement du secteur privé grâce à l’EDBM. 3) institutionnalisation de l’interfaçage universités-entreprises, afin de stimuler l’incubation d’entreprises (PNUD, 2001 ; Clark, non daté ; Razafimandimby, 2000).

4) création d’IMF spécialisées dans l’appui financier à la création d’entreprises du secteur des TIC afin de favoriser la multiplication des pôles de développement et de compétence en TIC. 5°) création d’un club d’entrepreneurs étudiants en TIC à l’ENI.

Conclusion

L’objet de la présente publication répond à un constat : le chômage massif des diplômés universitaires à Madagascar. A l’instar de la quasi-totalité des PMA, la Grande Ile n’est pas épargnée par le phénomène dégradant du chômage des diplômés universitaires qui constitue un naufrage social dont les victimes ne cessent, hélas, de se multiplier. On ne devra plus considérer la création d’emplois et d’entreprises comme un problème politique, mais comme le plus grand challenge moral de la société malgache à l’époque de la société de l’information et de l’économie numérique (Banque mondiale, 2001 ; Landes, 1998). Le type d’évolution exigé par la société mondiale de l’information concerne la réduction du temps et de l’espace en raison du développement de la technologie. Nos ancêtres n’avaient pas bénéficié de cet effet rétrécissant de la technologie. Dans le contexte de l’économie numérique, les hommes, les marchandises et l’information sont appelés à circuler plus vite (Unesco, 2005 ; Diene, 2003). Afin d’éviter que les pays pauvres ne s’appauvrissent et que les pays industrialisés et riches ne s’enrichissent davantage dans le cadre de l’économie numérique, les pays en développement comme Madagascar devraient promouvoir l’entrepreneuriat en TIC en utilisant les compétences locales. Les formations universitaires dispensées devraient avoir des impacts économiques et sociaux.

L’intégration économique régionale de Madagascar au sein de la SADC, du COMESA et de la commission de l’Océan Indien exige un renforcement du tissu économique et technologique du pays. La Grande Ile va intégrer les zones de libre échange de la SADC et de la COMESA à partir de 2008. L’entrepreneuriat en TIC stimule la création d’activités génératrices de revenus dans le secteur tertiaire. Il constitue à ce titre un puissant catalyseur pour le développement de l’industrie des services en TIC. Il rejoint les objectifs poursuivis par les e-Écoles du NEPAD, et contribue à la réduction de la pauvreté ainsi qu’à l’atteinte des objectifs de développement du millénaire (ODM). Le réseau Internet à haut débit qui sera opérationnalisé à Madagascar à partir de 2008, permettra en particulier de transmettre des signaux sous forme de son et d’images. Ce Backbone national assurera  des communications à prix abordable, et permettra le désenclavement et la décentralisation numérique des régions reculées de la Grande Ile. Toutes les régions du pays seront donc interconnectées via des infrastructures de télécommunication moderne et de grande qualité. Le développement de l’industrie de services TIC améliorera notamment la qualité de vie de la population malgache. Madagascar dispose de compétences TIC qui sont des valeurs ajoutées à exploiter et rentabiliser. La valorisation de ces compétences technologiques pourra conduire à une meilleure alternative de croissance économique du pays. L’entrepreneuriat contribue à pérenniser la recherche-action-développement. La promotion de l’entrepreneuriat en TIC et la micro-finance sont des stratégies complémentaires permettant de combattre le sous-emploi, la précarité de l’emploi et le chômage des diplômés universitaires par la création de richesses et des valeurs ajoutées grâce à la création d’entreprises. L’entrepreneuriat en TIC constitue un véritable levier pour la réduction de la pauvreté socio-économique. Et Madagascar possède tous les atouts indispensables pour être un pays de sous-traitance en TIC à l’instar de l’Inde et des autres pays émergents de l’Asie du Sud-est. La mondialisation de l’économie est synonyme de nouveaux défis qui appellent le développement de nouvelles compétences pouvant faire face à un nouvel ordre.

Liste des acronymes et abréviations

  • COMESA : Common Market of Eastern South Africa
  • EDBM: Economic Development Board of Madagascar
  • IMF : Institution de Micro-finance
  • INSTAT : Institut National de la Statistique
  • NEPAD : New Partnership for African
  • ODM: Objectifs de Développement du Millénaire
  • PNEG : Programme National pour l’E-Gouvernance
  • SADC : South African Development Community

Références bibliographiques

Banque Mondale, (2001). Globalization, growth and poverty. Building an inclusive world economy, December 2001.

Banque mondiale, (2002). Éducation et Formation à Madagascar. Vers une politique nouvelle pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, rapports économiques publiés en Mai 2002.

Clark B. R., (non date). Creating entrepreneurial universities: organizational pathways of transformation, IAU Press.

Diene I., (2003), La fuite des cerveaux dans l’Enseignement Supérieur : Impacts et solutions, Actes de la  IVe  Conférence  Internationale  sur  l’Enseignement  Supérieur  et  la  Recherche,  Dakar,     30 Sept-1er Oct.

Landes D. S., (1998), Richesse et pauvreté des nations, Ed-Albin Michel, Paris

Mada Business Journal, (2007). Mada Business Journal, Mensuel de l’économie des affaires N° 084, Décembre 2007.

Mve-Ondo B., (2005). Afrique : la fracture scientifique, Ed. Perspectives Futuribles, Juin 2005, Paris. UNESCO. (2005). Vers les sociétés du savoir. Rapport Mondial de l’UNESCO.

PNUD, (2001). Mettre les nouvelles technologies au service du développement humain, Rapport Mondial sur le Développement humain, de BOEK Université, Mars 2001, Paris Bruxelles.

Razafimandimby J., (2000), Le cursus rénové de la formation d’ingénieurs dans le contexte de la société de l’information, Actes des 7e Journées Internationales de Technologie de la CITEF, sur le thème Former les ingénieurs par l’Université Virtuelle, Beyrouth, Liban, 2-5 Mai, pp 253-259.

Résumé

En raison d’un système de formation universitaire axé sur le salariat plutôt que sur  l’entrepreneuriat, une masse toujours croissante de jeunes diplômés universitaires malgaches se trouve chaque année en grande difficulté d’insertion socioprofessionnelle. L’effectif de spécialistes informaticiens disponibles à Madagascar est loin d’être suffisant par rapport aux besoins et exigences du marché de l’emploi. Mais force est de constater qu’en raison du système malgache d’enseignement supérieur formant exclusivement des étudiants pour être des offreurs de compétences et des demandeurs d’emploi sur le marché du travail, le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) demeure sous-exploité à Madagascar. Il en résulte que les spécialistes informaticiens constituent à juste titre des potentialités économico-technologiques dormantes pour la Grande Ile. Car, à défaut de  politique et de stratégies nationales appropriées pour combattre le chômage et la pauvreté, un nombre de plus en plus croissant de techniciens supérieurs et d’ingénieurs informaticiens s’expatrie en renforçant la fuite des cerveaux. L’auteur de la communication propose ainsi la promotion conjointe de l’entreprenariat en TIC et des systèmes de micro-financement comme stratégie efficace d’appui à la création d’entreprises ainsi que de réduction du chômage et de la pauvreté socio-économique à Madagascar.

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