RAIFFET 2008 Concevoir pour apprendre et/ou transmettre Stéphane Brunel, M. Zolghadri, Ph. Girard

Concevoir pour apprendre et ou transmettre Stéphane Brunel, M. Zolghadri, Ph. Girard

Concevoir pour apprendre et ou transmettre Stéphane Brunel, M. Zolghadri, Ph. Girard

Summary

In this account, we propose some prospective ideas allowing a company to take a strategic position on the specific markets of education, by using knowledge like strategic means. These ideas are based on the creation of new knowledge and their conservation, as well for the future customers as for the employees of the company themselves. To be done, we propose a framework containing a macro- and micro-models, showing the elements of generated knowledge and their interdependencies. These put together models require an analysis of the situation about knowledge, and require the construction of a planning of the future training throughout the life cycle of the product. These models are illustrated through a case studied by our care.

Keywords: process of engineering, knowledge, training, design

Introduction

Selon Porter (1990), les règles de la concurrence sont incarnées et réparties en cinq forces différentes entrant en compétition : Entrée de nouveaux concurrents, Menace des produits de remplacement, Pouvoir de négociation des acheteurs, Pouvoir de négociation des fournisseurs, et Rivalité parmi les concurrents existants. Ces règles peuvent être amendées par un élément de compétitivité plus subtil et complexe tel que la création de connaissance et sa gestion au cours de toutes les phases du cycle de vie du produit. L’utilisation des connaissances est un élément de différenciation stratégique entrant dans un enjeu tout à fait complexe. La connaissance au sein de l’entreprise possède une nature variée, des formes et des éléments issus de l’activité même de l’entreprise, de sa structure, de sa culture, et de son environnement. La différenciation stratégique offre évidemment de grands inducteurs ainsi que des indicateurs forts dans la compétition commerciale. La connaissance lui fournit un environnement fertile. La connaissance doit être appréciée comme une source vitale et indispensable de l’avantage compétitif. En accord avec Nonaka (Nonaka et al, 2000), nous pensons que la connaissance est un processus de création continu dans un système dynamique constitué d’interactions diverses et variées issues des individus et des organisations dans un contexte spécifique. Cependant, tous ces éléments ne sont pas tous explicites. La spécificité très importante de nos travaux de recherche est que les produits étudiés sont des produits orientés vers l’apprentissage et l’enseignement. Ce concept se concentre sur la manière dont un produit participe et supporte n’importe quelle connaissance. Avant d’aller plus loin, notez que nous avons distingué deux sortes de clients potentiels pour les futurs produits dans un contexte d’apprentissage associant étude théorique et entraînement pratique. Les clients directs (professeurs ou instructeurs par exemple) sont les clients qui vont utiliser le produit pour apprendre et transmettre une notion ou une connaissance. Les clients indirects sont les clients utilisant le produit orienté apprentissage comme support de transmission (les stagiaires ou élèves par exemple). Par conséquent, la conception des produits pour apprendre et transmettre doit prendre en compte les besoins des clients directs et indirects, simultanément.

La connaissance globale, générée, stockée et réutilisée dans une entreprise, provient de toute activité répondant de mieux en mieux aux besoins spécifiques des clients. Ces besoins doivent être collectés, compris (plus ou moins précisément) et traduits en contraintes utilisables par les équipes de conception et de développement de produits. Dans un projet de développement de produit classique (i.e. produit orienté usage), ces aspects sont rarement compris ou étudiés correctement. Nous appelons ces projets produits à utiliser, parce que l’objectif principal de ces produits est uniquement l’utilisation. Ordinateurs portables, voitures, téléphone mobiles … sont tous des produits orientés usage. Cependant, à y regarder de plus près, les recherches sur les produits destinés à l’apprentissage et à l’enseignement (le robot Sony™ Aibo ou Lego par exemple) sont, dans le meilleur des cas, très succinctes ou, dans le plus mauvais des cas, inexistantes. Dans les limites de ce que nous avons pu étudier, il n’y a aucune méthode ni outil susceptible d’étudier avec une grande acuité les besoins des clients directs ou indirects de ces produits spécifiques. D’ailleurs, la manière dont ces méthodes nécessaires devraient être employées par les entreprises concevant de tels produits n’est pas étudiée. En d’autres termes, le paradigme du concevoir pour apprendre et/ou transmettre est encore empirique. Nos recherches sont axées plus précisément sur ce sujet. Dans cet article nous proposons un nouveau modèle, appelé Processus d’Ingénition. Ce processus de génération des connaissances est basé sur la réponse en termes d’acquisition de compétences au travers de produits conçus spécifiquement pour l’apprentissage et la transmission de ces connaissances révélées. La suite de cet article est organisée de la façon suivante. La section deux donne une vue brève de l’état de l’art. Les concepts principaux de notre approche, le processus d’ingénition sont présentés dans la section trois. Nous illustrons au travers d’un exemple d’une notion de mécanique simple à transmettre, nos micro-modèles. Les conclusions et perspectives terminent cet article.

Un bref état de l’art

Très souvent les exigences des clients sont exprimées en termes d’usage concernant le produit envisagé. Ce sont en fait les toutes premières nécessités des usagers. C’est pourquoi, les théories de la conception se sont focalisées essentiellement sur les produits ou services orientés vers les usages. La conception autour des formes, des structures et des fonctions a été très largement étudiée. D’une façon ou d’une autre, la conception est un processus qui couvre les différentes étapes menant de l’identification des besoins sur le marché à la réalisation du produit. Ce processus est séquencé par plusieurs étapes intermédiaires passant de la représentation du produit, les croquis, les modèles ou les prototypes. Tollenaere (1992) montre qu’il est nécessaire de modéliser les données et connaissances relatives au produit dès le début du processus de conception. Plusieurs méthodologies étudient les possibilités de représentation de la connaissance issue du produit par la résolution de problème spécifique telle que les phases de conception ou les phases du cycle de vie du produit. De Martino et al (1998) traite ce problème par des modèles multi-vues (géométrique et simulation). Holmqvist (2001) étudie l’architecture les produits de grandes variétés. Enfin, l’intégration entre la définition géométrique du produit et ses comportements physiques est abordée en conception concourante, appliquée en intelligence artificielle par Finger et al (1992). Dans cette école de pensée, le modèle fonction-comportement-état de Umeda et al (1990) et le modèle fonction-évolution-procédés de Shimomura et al (1995) ont des caractéristiques similaires. Ces caractéristiques passent par la définition de trois étapes séquentielles décomposant le travail des concepteurs. Les propositions d’Andreasen (1991) sont centrées sur la structuration des connaissances de n’importe quel produit autour de quatre domaines correspondants à quatre champs d’activités différents de la conception : phénomènes physiques, fonctions, organes et éléments constitutifs. Le multi-modèle de produit, développé par Tichkiewitch (1997) envisage la conception innovante comme un processus cherchant à garder la connaissance produite issue de diverses activités de base et travaux en gérant leurs interactions tout au long du cycle de vie du produit. L’approche multi-modèle conduit tout naturellement aux graphes structurels et fonctionnels. Un ou plusieurs composants physiques sont associés à une fonction et vice versa. Ceci nous amène à l’identification des parties, de leurs fonctionnements et des interactions dans le produit lui même.

Le prototype permet l’utilisation de ces fonctions et participe à la définition de la phase primaire de l’approche. En bref, le prototype conçu a une seule architecture avec plusieurs facettes liées aux métiers (assemblage ou tournage par exemple). Cette structure permet de garder une trace des actions et objectifs passés. En accord avec Ouazzani et al (1998), c’est ce qui pousse les concepteurs vers des solutions particulières. Mais dans ce travail, l’aspect opérationnel n’a pas été étudié et les liens entre le modèle et les autres activités dans le processus ne sont pas mentionnés. C’est, de notre point de vue les limites, de ce modèle, pour la génération des connaissances, pour leur réutilisation et pour leur capitalisation. Pour terminer rapidement notre aperçu de notre champ de recherche, Brangier (2003) propose le concept d’affordance. Cette idée se réfère à la capacité d’un produit à être compris et employé pour ce qu’il est sans informations complémentaires. Ce concept est clairement lié à des produits qui seront utilisés par des clients eux mêmes. Il est possible d’employer ce concept pour qualifier les produits pour apprendre et/ou transmettre parce que ces produits devront être facilement utilisés par les clients directs et indirects. Pour compléter la qualification d’un produit, nous proposons le concept de potentialité d’apprentissage qui se réfère à la capacité d’un produit à devenir le support de la transmission de la connaissance en connexion avec le client direct ou indirect. Ce concept inclut l’affordance. La potentialité d’apprentissage d’un produit donné peut être évaluée, analysée et améliorée en appliquant le procédé d’ingénition comme il est décrit ultérieurement.

Ingénition : un processus pour améliorer la qualité de la conception des produits pour apprendre et/ou transmettre

Le procédé global d’ingénition est basé sur un cycle qui étudie deux inducteurs communs des connaissances et des compétences (voir figure 1). Au cours des premières étapes du processus, sont définies dans un macro modèle (la grille en haut de la représentation) afin de déterminer les orientations stratégiques de la société en termes de formations internes pour les employés et les stratégies externes pour les futurs clients. Les détails de ce modèle sont fournis dans le prochain chapitre. Les situations d’apprentissage et/ou transmission supportées par des produits pour apprendre et/ou transmettre sont étudiées afin de mieux comprendre quelles sont les attentes des futurs clients. Ces situations sont représentées  par As Is graphe des éléments de la connaissance appelé aussi ingenition micro-model.  Ces graphes sont obtenus après avoir recueillies des observations et réactions des étudiants ou professeurs au cours des processus d’apprentissage ou de transmission des connaissances.

Après avoir analysé le graphe, concernant divers objectifs réalisables en termes de connaissances et compétences, plusieurs graphes des connaissances To Be ont été établis. Une fois qu’il a été évalué et analysé, le graphique le plus approprié est choisi et il sera employé comme cadre principal à partir duquel des contraintes particulières pour le modèle devront être extraites. D’ailleurs, de ce nouveau graphique, des protocoles concernant des sessions de formation ont pu être recensés afin de satisfaire au mieux les clients en offrant des séquences d’apprentissages plus efficaces. La méthodologie complète du processus d’ingénition n’est pas décrite ici. Nous vous proposons, dans la suite de l’article, deux outils principaux.

Figure 1  modèle général du processus d’ingénition

Figure 1 modèle général du processus d’ingénition

Figure 1 : modèle général du processus d’ingénition

Macro-modèle du processus d’ingénition

Quand un chef de projet au sens de Nonaka et al (2000) conduit sa mission, il devrait en avoir une vue fonctionnelle-croisée (horizontal). En étendant cette notion à tout le cycle de vie de produit, il peut voir que le processus d’apprentissage est intégré dans les phases de cycle de vie. Cela signifie qu’il y a un processus d’apprentissage parallèle à tout le cycle de vie du produit. Ce n’est évidemment pas le cas des décideurs stratégiques qui n’ont, très souvent, qu’un point de vue fonctionnel (ou vertical) d’une partie du système ou du processus complet. Ceci signifie que pour un projet donné au cours de son développement, il pourrait être nécessaire de modéliser toute l’étude dans un modèle global couvrant l’ensemble des processus d’apprentissage verticaux et horizontaux. Nous employons un macro-modèle pour représenter ces deux vues complémentaires du même processus d’apprentissage (figure 2).

Une fois établi, ce modèle rend possible l’identification, de la plupart des éléments indispensables au développement du futur produit ainsi qu’une indication sur la durée de vie utile au développement du produit permettant d’agir en conséquence. Il est important de noter que nous nous sommes efforcés de permettre l’intégration de toutes les techniques de créativité, en partant des modèles issus de la conception collaborative, coopérative, distribuée, et participative. Les typologies de Sriram et al (1989) ou Gero (1990) peuvent être intégrées dans ce modèle. Définissons maintenant les composantes principales de ce macro-modèle.

Descripteurs environnementaux : un produit utilisé pour un usage donné ou un apprentissage particulier a des caractéristiques (fonctionnelles, structurelles et comportementales) qui ne sont pas les mêmes. Évidemment, il y a une échelle continue allant des produits d’usage aux produits pour apprendre et/ou transmettre. Les contraintes sociales et culturelles doivent être également prises en compte. En schématisant ces contraintes par une position relative d’un curseur sur une échelle continue, le contexte socioculturel de l’environnement du produit est ainsi montré après avoir été défini. Une analyse d’experts permettra la définition de la position relative de ces curseurs.

Figure 2  macro-modèle du processus d’ingénition

Figure 2 macro-modèle du processus d’ingénition

Figure 2 : macro-modèle du processus d’ingénition

Analyse du produit étendu : un produit orienté pour apprendre et/ou transmettre est un produit étendu contenant, non seulement le produit matériel mais également des services associés. Dans notre cas, afin de simplifier l’étude, nous considérons le produit matériel avec un service associé (l’apprentissage). On suppose une intégration des éléments de connaissances accumulées par la société elle même (représentées par KΔ). Il sera possible de produire de nouvelles compétences (représentées par CΔ) pour les clients indirects. La différence entre la connaissance et la compétence et le procédé qui permet la transformation de la connaissance en compétence est basée sur le modèle allostérique de Giordan et al (1994).

Modèle de la valeur ajoutée : la partie inférieure du réseau emploie le modèle de la valeur ajoutée développé par Porter.

Analyse de la stratégie d’apprentissage SWOT : cette partie de la grille récapitule le résultat d’une analyse stratégique de la production de connaissances au niveau de chaque fonctionnement primaire. L’analyse permet une analyse comparative de la situation dans divers secteurs de la société. Nous collectons toutes les informations au sujet des ressources humaines (compétences), outils (outils, procédés et infrastructures) et les connaissances identifiables et disponibles dans les différents services. L’objectif est de recenser rapidement ce que la société sera en mesure de mettre en œuvre par ses propres moyens et ce qu’elle sera obligée de chercher à l’extérieur. Elle pourra aussi envisager les investissements nécessaires.

 

Micro-modèle du processus d’ingénition

Le but principal du processus d’ingenition est de se concentrer sur les compétences et la manière dont ces compétences CΔ sont obtenues à partir des connaissances KΔ. Les compétences sont des éléments de la connaissance recueillie, structurés et utilisables par des usagers. Ces compétences sont obtenues au cours de diverses séquences de formation. Formellement nous pouvons modéliser cette interaction principale par KΔ CΔ. La ligne verticale représente la séquence de formation. Le processus d’ingénition permet de mieux observer ce processus de transformation. La transformation des connaissances en compétences emploie des supports particuliers et variés. Un ou plusieurs Objet d’apprentissage {LO} peut supporter ce processus, modélisé par : KΔ CΔ. Par exemple, le progiciel mis en application dans un robot et le robot lui-même représentent les deux objectifs d’apprentissage pour un objectif d’apprentissage particulier ; voir par exemple Bourda (Bourda, 2000). D’un point de vue générique, il est possible de décomposer KΔ en une séquence d’éléments de connaissances détaillées et dépendantes les unes des autres. Le schéma de la partie gauche de la figure 3 représente ce graphe. Ci et Cf représentent respectivement le niveau initial et final de la compétence des clients indirects (étudiants par exemple). CΔ correspond alors à la différence entre ces deux niveaux de compétence. Dans l’ellipse, nous pouvons voir le graphique des éléments interdépendants de la connaissance.

L’ellipse modélise la frontière du processus d’ingénition. Chaque couple d’éléments de la connaissance est connecté ensemble par un lien de dépendance. Par exemple, K1 est un élément nécessaire de la connaissance pour K2 (base de l’électricité, K1, est exigée pour la compréhension du fonctionnement d’un transistor, K2). Ce graphique, qui souhaite montrer comment apporter des compétences à des étudiants, est supporté par un ensemble d’objectifs d’apprentissage. Le processus en entier est exécuté par les acteurs mais pour simplifier la représentation nous n’avons volontairement pas tout représenté. L’analyse du graphique de la connaissance peut être basée sur les diverses dépendances recensées dans le graphique. Trois rapports logiques fondamentaux de dépendance peuvent être recensés dans le graphique :

  • antécédence : La compréhension et la description de Kj n’est pas possible sans explication Ki. Dans ce cas-ci, Ki est un antécédent de Kj (la représentation d’une matrice est nécessaire avant la représentation modélisée des torseurs mécaniques).
  • parallélisme : La compréhension de Ki et Kj est indépendante. Ki et Kj peuvent être expliquées sans se référer l’une à l’autre. (La loi d’Ohm et la loi de Newton).
  • simultanéité : K1 et K2 devraient être traitées en même temps. Toutes les propriétés (plusieurs éléments de connaissance : transitivité, commutativité …) de Boole devraient être enseignées simultanément.

La considération de ces diverses dépendances pourrait définir directement la manière dont les objectifs d’apprentissage sont employés (situation As Is). En analysant ces scénarii, compétences cibles d’une situation d’apprentissage, les objets d’apprentissage et leurs connexions et les décisions stratégiques d’apprentissage, recensés dans le macro-modèle d’ingénition, il devrait être possible d’établir des solutions d’apprentissage de substitution (le schéma côté droit de la figure 3), (situation To Be). Chaque alternative d’apprentissage définit les compétences cibles, les objets d’apprentissage nécessaires, et le graphe des dépendances des connaissances. La définition de ces solutions de rechange impose des contraintes structurelles et fonctionnelles pour les objets d’apprentissage et leur réalisation. Le graphique de dépendance de la connaissance ainsi obtenu est basé sur l’analyse des compétences cibles, appelé le graphe de dépendance primaire. Basés sur le choix des objets d’apprentissage, des graphiques complémentaires peuvent être ajoutés au graphique primaire afin de laisser les clients indirects atteindre les compétences cibles. Ces graphiques complémentaires sont appelés graphes auxiliaires et leur existence et leur complexité peuvent donner une indication claire de l’efficacité de l’apprentissage. Utiliser un moteur pour montrer une liaison pivot exige des connaissances complémentaires très importantes pas forcément les plus simples ni les plus judicieuses pour un élément de connaissance de départ plutôt élémentaire. Dans le chapitre 5, ces deux types de graphiques seront illustrés en détail.

Figure 3  Graphe de dépendances des connaissances

Figure 3 Graphe de dépendances des connaissances

Figure 3 : Graphe de dépendances des connaissances

Objets d’apprentissage, produits d’apprentissage et processus de conception

Un produit peut être analysé suivant divers points de vue : conception, réalisation… et apprentissage. Toutes ces définitions devraient être reliées d’un point de vue conception. En fait, le point de vue détermine le reste du processus de développement du produit et de son usage. Du point de vue apprenant, un produit est décomposé en arborescence d’objets d’apprentissage (comme défini dans le chapitre précédent). Chaque nœud de cette décomposition correspond à un objet d’apprentissage réel. Un objet d’apprentissage peut être une collection de produits modulaires qui peuvent être utilisés comme support de transmission de la connaissance. Défini en tant que tels, il est clair qu’il pourrait y avoir des intersections entre deux objets d’apprentissage pris séparément tandis qu’il n’y a aucune intersection entre deux modules. Mais, les modules ont des échanges mutuels. Ce sont les principales différences entre les objets d’apprentissages et les modules d’un produit. La Figure 4 représente deux décompositions d’un produit donné.

Figure 4  Espaces des modules et des objets d’apprentissage

Figure 4 Espaces des modules et des objets d’apprentissage

Figure 4 : Espaces des modules et des objets d’apprentissage

Description de notre étude de cas

Ce modèle est appliqué à une compagnie appelée Innovia qui conçoit et fabrique des produits pour les collèges, les lycées et même les universités. Les dirigeants de cette entreprise recherchent un nouveau produit comme support de formation en mécanique dans les classes de STI de lycées polyvalents. Le produit est un dirigeable. Le milieu social et culturel n’impose pas de contraintes dures au produit (voir  le curseur 1  en haut de la  Figure 2). C’est la raison pour laquelle le curseur est positionné à l’extrémité gauche de l’échelle. Un autre curseur (curseur triangulaire 2 en haut de la figure 2) est positionné sur l’échelle d’usage. Cette échelle permet de fixer le premier usage du produit. Le curseur se déplace sur un continuum qui va d’objet d’apprentissage pur à un objet voué uniquement à l’utilisation. Pour son dirigeable, Innovia sélectionne volontairement un produit voué à l’apprentissage. Les implications directes de ces deux échelles sont en termes de forme, matériaux, manœuvrabilité du produit et devraient être prises en compte dès le début du projet de développement du nouveau produit. Les micro-modèles ont été développés pour représenter des solutions de rechange potentielles pour la transmission de la connaissance d’une liaison pivot (K11) et d’un pivot glissant (K12). On peut enseigner chaque type de liaison par au moins une des approches suivantes : diagramme cinématique 2D (K111 or K121), diagramme cinématique 3D (K112 or K122) ou par l’expression de leur torseur (K113 or K123). Avant de transmettre les notions concernant les liaisons pivot, on décide de transmettre également la mobilité des solides dans l’espace (K1). En représentant tous ces éléments de la connaissance, le graphique primaire de dépendance est obtenu et est montré dans les ellipses (nœuds blancs et les liens pleins). Trois objets d’apprentissage potentiels peuvent être employés pour illustrer la liaison pivot : un frein de bicyclette, un motoréducteur ou un moteur (ellipses sur la figure 5).

Figure 5  Micro-modèle d’une liaison pivot

Figure 5 Micro-modèle d’une liaison pivot

K1 Mobilité d’un solide dans l’espace      
K11 Pivot K12 Pivot glissant
K11 1 Cinématique du pivot en 2D K121 Cinématique du pivot glissant en 2D
K11 2 Cinématique du pivot en 3D K122 Cinématique du pivot glissant en 3D
K11 3 Torseur de la liaison pivot K123 Torseur de la liaison pivot glissant
K2 Puissance, Énergie, Travail, Force K3 Manipulation de torseur
K4 Transmission de puissance    

Figure 5 : Micro-modèle d’une liaison pivot

Le graphe primaire est le même pour ces trois solutions cependant, à l’aide du moteur, il est évident que les éléments supplémentaires de connaissance devraient être inclus dans le graphique de dépendance de la connaissance. C’est le graphique auxiliaire qui contient : la théorie de la transmission de puissance (K4) qui requiert une bonne compréhension des principes fondamentaux de la mécanique tels que l’énergie, les efforts, la puissance, le travail… Le graphique auxiliaire est représenté par les nœuds bleus et les liens pointillés.

 

Quelques observations ont été effectuées à partir de ces micro-modèles

Graphe primaire : il est nécessaire de recenser clairement le graphique primaire des dépendances de connaissance. Une analyse plus précise de ce graphique permet d’extraire des recommandations pour les concepteurs et également pour les clients directs. En faisant ainsi, nous faisons de l’ingénierie de produits pour apprendre et/ou transmettre.

Graphe auxiliaire : il est évident qu’un objet d’apprentissage tel que le moteur pour la connaissance à transmettre envisagée (liaison pivot) diminue la capacité à transmettre efficacement de la connaissance à cause d’une trop grande complexité. Presque chaque séquence de transmission de connaissance peut contenir des graphes auxiliaires plus ou moins complexes. C’est un indicateur important de rendement pour les usagers finaux. Il semble être possible d’analyser les diverses solutions de rechange dans une stratégie d’estimation de rendement afin de choisir l’objet d’apprentissage le plus approprié à l’objectif attendu par les étudiants ou stagiaires.

Conclusion

Dans cet article nous avons étudié la dimension potentielle d’apprentissage d’un produit. Nous avons montré aussi que la génération de connaissances ne représente pas seulement une source interne importante d’innovation mais également que l’entreprise peut employer l’apprentissage et la connaissance produite comme un outil de positionnement sur un marché très concurrentiel. Après un état de l’art, nous avons proposé deux modèles issus du processus d’ingénition. Cette méthodologie est construite pour s’assurer de deux objectifs : analyser et concevoir des produits orientés pour apprendre et/ou transmettre. L’ingénition est une méthodologie pour concevoir des processus d’apprentissage et de transmission de la connaissance directement liés au cycle de vie du produit. Un exemple est présenté en fin d’article. En résumé, les principaux outils présentés composent une grille d’analyse qui permet de (i) modéliser l’environnement social et culturel concernant les objectifs d’apprentissage de la société, (ii) souligner les objectifs du produit, en vue de l’apprentissage ou l’utilisation ou entre les deux, (iii) garder la trace de la connaissance produite en relation avec l’activité considérée et (iv) mesurer les variations entre ce que la société peut faire par elle même et ce qu’elle devra externaliser. Les micro-modèles représentent des graphiques de dépendance des connaissances. Ces graphiques correspondent dans le meilleur des cas à une cartographie des connaissances nécessaires pour un objectif donné. Chaque graphique est supporté par un ou plusieurs objets d’apprentissage. Notre recherche est concentrée sur un marché très dynamique : le marché de l’éducation. Selon l’OCDE (OCDE, 1998), la dépense mondiale dans des systèmes éducatifs dans la décennie à venir représente environ 2 000 b$. Malheureusement des produits sont conçus et souvent industrialisés sans utiliser d’approche véritablement scientifique. Nous nous rendons compte du fait que de nombreux travaux doivent encore être effectués dans ce domaine pour affiner nos propositions. Notre approche a été expérimentée en partie dans une des plus grandes industries allemandes du secteur d’éducation et leur a permis l’arrêt d’un nouveau projet de développement de produits à cause d’une inadéquation avérée du produit aux attentes des futurs clients ! Les auteurs travaillent sur une description complète de la méthodologie d’ingénition en l’appliquant dans vingt écoles différentes du sud-ouest de la France. Les résultats de cette étude consolideront l’approche du processus d’ingénition.

Références

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Brangier E., Barcenilla J., (2003), Concevoir un produit facile à utiliser. Adapter les technologies à l’homme, Éditions d’Organisation, ISBN : 2-7081-2900-7.

De Martino T., Falcidieno B., Habinger S., (1998), Design and engineering process integration through a multiple view intermediate modeller in a distributed object-oriented system environment, Computer-Aided Design, vol.30, n° 6, pp.437-452.

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Umeda Y., Takeda H., Tomiyama T., Yoshikawa H., (1990), Function, behavior and structure, Applications of Artificial Intelligent in Engineering, Springer-Verlag.

Résumé

Dans cet article, nous proposons quelques idées prospectives permettant à une entreprise un positionnement stratégique sur les marchés spécifiques de l’éducation en utilisant les connaissances comme leviers stratégiques. Ces idées se basent sur la création de nouvelles connaissances et leur conservation aussi bien pour les futurs clients que les employés de l’entreprise eux mêmes. Pour se faire, nous proposons un cadre contenant un macro-modèle et des micro-modèles montrant les éléments de connaissances générées et leurs interdépendances. Ces modèles mis ensemble nécessite une analyse de la situation au niveau des connaissances, et nécessite la construction d’une feuille de route des futurs apprentissages tout au long du cycle de vie du produit. Ces modèles sont illustrés à travers un cas étudié par nos soins.

Mots-clés : processus d’ingénition, connaissance, apprentissage, conception


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