RAIFFET 2008 L’ingénierie pédagogique et les langages de modélisation au service de la formation universitaire. Lamia Bougrioau & Hassen Ben Messaoud

L’ingénierie pédagogique et les langages de modélisation au service de la formation universitaire.Lamia Bougrioau & Hassen Ben Messaoud

L’ingénierie pédagogique et les langages de modélisation au service de la formation universitaire.
Lamia Bougrioau & Hassen Ben Messaoud

Abstract

The use of information technology and the Internet for learning purposes has developed a course on the sequence of learning in the form of pedagogical scenarios. The integration of these technologies in the field of distance learning has initiated new ways of teaching and learning. ITCs have become media to the achievement of educational products and services in training. This paper aims to examine how these technologies can support learning networks. Perceived as media training activities and communication, the ITC questioning the direction of research, and practices in the areas of information technology, teaching and pedagogy. We discuss some problems and solutions related to the design, implementation and use of the collaborative learning environment and individual.

Keywords: ITC, learning, teaching engineering, modelling languages teaching.

Introduction

L’intégration des technologies de l’information et de la communication en pédagogie nous invite à remettre en question nos pratiques d’ingénierie pédagogique. On peut bien continuer à utiliser nos pratiques intuitives et artisanales dans la formation universitaire inchangée pour développer des cours intégrant les TIC. Mais on risque soit d’épuiser les enseignants, soit de gaspiller de précieuses ressources, ou encore de développer des environnements d’apprentissage peu cohérents au plan pédagogique ou de ne pas tirer tout le potentiel offert par les TIC pour renouveler la pédagogie. Le domaine de l’ingénierie pédagogique est riche en recherches, théories, modèles et méthodes. Il est malheureusement encore beaucoup trop méconnu, et c’est particulièrement le cas en pédagogie universitaire.

Dans cette communication, nous présentons en premier lieu quelques éléments de réponse sur la question : en quoi les technologies de l’information et de la communication changent- elles les pratiques d’ingénierie pédagogique de l’enseignant d’université ? Nous introduisons ensuite quelques grands courants théoriques touchant l’apprentissage collectif : les théories provenant des sciences cognitives, celles dont l’orientation est plus socioculturelle ou psychoculturelle, la théorie de l’activité, l’approche apprentissage situé et l’approche cognition distribuée. Notre objectif est de montrer quels sont leurs apports respectifs dans la compréhension de l’apprentissage collectif. L’intérêt d’intégrer ces outils dans un même environnement est, d’une part, de faciliter l’utilisation du système par les étudiants, et d’autre part, de pouvoir favoriser les activités collectives dans la perspective d’apporter des conditions d’interdépendance entre étudiants. Nous présentons aussi les outils nécessaires pour un administrateur dans la création et le suivi de la formation dispensée au sein de l’environnement. Enfin, les conclusions générales composent la partie ultime de cet article.

En quoi les TIC changent-elles les pratiques d’ingénierie pédagogique de l’enseignant d’université ?

Nous entendons par l’ingénierie pédagogique à l’heure des technologies de l’information et de la communication, l’aspect qui concerne plus spécifiquement le processus de développement de situations d’apprentissage intégrant les technologies de l’information et de la communication, et non le résultat de ce processus. Le terme Ingénierie pédagogique désigne toutes les phases du cycle de vie d’un système d’apprentissage. Ce cycle de vie comprend classiquement cinq phases, soit l’analyse, le design (ou conception), le développement, l’implantation et l’évaluation, désignées par l’acronyme ADDIE (en anglais : analysis, design, development, implementation, evaluation). Les TIC changent-elles les manières de concevoir, de développer, de mettre en œuvre et d’évaluer les cours dans les universités ? Trois changements majeurs apparaissent à notre sens dans le processus d’ingénierie pédagogique depuis que nous utilisons des TIC pour enseigner et apprendre. (i) L’enseignant doit jouer de nouveaux rôles au sein du processus d’ingénierie pédagogique ou céder certaines tâches à d’autres acteurs. Par exemple, dans des cours (ou des parties de cours) offerts à distance, l’un des nouveaux rôles qui doit être assumé au cours de la phase d’implantation de l’ingénierie pédagogique est celui de tuteur en ligne assurant le rôle d’accompagnement que l’enseignant assume en classe. (ii) L’étape de définition des rôles et tâches du tuteur, lors de la conception d’un dispositif d’apprentissage, est souvent négligée et réduite à une généralisation du rôle et de la tâche du tuteur qui doit alors répondre aux différentes questions rencontrées par les étudiants au cours de leur activité d’apprentissage. La multiplicité des questions peut engendrer une sollicitation excessive du tuteur et le manque de cadrage du tutorat, d’où une difficulté de compréhension du déroulement de l’activité de la part des étudiants. (iii) L’enseignant dispose de nouveaux outils pour l’aider à réaliser sa démarche d’ingénierie pédagogique : au cours des dernières années, les outils visant à faciliter et à améliorer le travail des acteurs de l’ingénierie pédagogique se sont multipliés.

On peut regrouper ces outils en quatre grandes catégories (Basque, 2004). (i) Les outils d’aide à des tâches spécifiques, par exemple, à la phase de conception, l’enseignant peut utiliser un outil de modélisation des connaissances pour spécifier le contenu, le scénario pédagogique, le modèle médiatique et le modèle de diffusion de son cours. À la phase de développement, il peut utiliser l’un ou l’autre des multiples outils intégrateurs multimédias généraux disponibles sur le marché (PowerPoint, Authorware, Photoshop, etc.). Certains outils permettent de développer des matériels plus spécifiques tels que des questionnaires ou des tests (Hot Potatoes, Course Builder, etc.). (ii) Les systèmes de support à la performance offrent des gabarits, des modèles, du guidage et/ou des conseils pour faciliter la prise de décision du concepteur au cours même d’une démarche d’ingénierie pédagogique. D’autres systèmes, appelés systèmes-auteurs (authoring tools), intègrent des règles pédagogiques fondées sur une théorie de l’enseignement spécifique et utilisent parfois des techniques d’intelligence artificielle pour conseiller le concepteur dans la sélection de stratégies pédagogiques en fonction de certains types d’objectifs d’apprentissage, du contenu, de la performance de l’étudiant, etc. (iii) Les systèmes intégrés de gestion où on retrouve deux types d’outils. Premièrement, un grand nombre de systèmes appelés plates-formes servant à supporter la diffusion de cours en ligne. Une deuxième catégorie de systèmes intégrés de gestion, parfois intégrés aux plates-formes, servent à gérer plus spécifiquement les dossiers académiques des étudiants (résultats scolaires, cheminement dans leur programme d’études, etc.). (iv) Quant aux banques de ressources pédagogiques, dépôts d’objets d’apprentissage (OA). Un OA est un granule de formation (allant d’un texte ou d’une simple photographie à un document audiovisuel, un outil de communication, un didacticiel ou un cours complet) qui peut être réutilisé et ré-agencé dans différents contextes pédagogiques. Les OA sont référencés au moyen de métadonnées qui permettent de les retrouver facilement en fonction d’un certain nombre de paramètres standards (contenu, technologie, format, niveau d’enseignement, langue, droits d’utilisation, etc.). L’enseignant a besoin de formation et d’un soutien institutionnel significatif pour faire l’ingénierie pédagogique de cours intégrant les TIC. Les enseignants ont besoin de formation en matière d’ingénierie pédagogique. Il ne s’agit pas d’un constat qui est totalement nouveau : la très grande majorité des enseignants universitaires n’ont pas reçu de formation à l’ingénierie pédagogique. Ils ont toujours été considérés à tort, dans le système universitaire, davantage comme des experts de contenu que comme des experts pédagogiques.

Apprentissage coopératif et apprentissage collaboratif

Les termes de coopération et de collaboration ne sont pas utilisés de façons identiques. Certains auteurs emploient l’un ou l’autre sans différenciation. D’autres encore les distinguent, mais pas toujours avec la même définition et parfois même avec des sens contraires. Nous trouvons une distinction franche entre collaboration et coopération dans les domaines de recherche analysant les groupes de travail humain. La collaboration autant  que la coopération implique un partage d’un objectif commun par plusieurs personnes mais la distinction se fait au niveau des sous-buts ou buts immédiats. En coopération, les différents acteurs ont des sous buts distincts, concourant à un but commun. En collaboration, les acteurs entretiennent alors le même but mais également les mêmes sous buts. Il en est de même entre les expressions apprentissage coopératif et apprentissage collaboratif. Ainsi, Pléty souligne que l’orientation coopération semble avoir été privilégiée dans le vocabulaire alors que, dans la réalité, l’apprentissage coopératif recouvre le plus souvent des pratiques de collaboration (Pléty, 1996, 1998). L’origine de l’expression apprentissage coopératif est essentiellement américaine mettant l’accent sur la nature sociale de l’apprentissage et sur la dynamique de groupe (Lewin, 1959). Selon Cuseo (1992), l’apprentissage coopératif est un procédé éducatif dans lequel des petits groupes de 3 à 5 étudiants, constitués intentionnellement, travaillent en interdépendance sur une tâche bien définie et structurée. Les étudiants sont responsables de leurs performances et le tuteur est un facilitateur, un consultant dans le processus d’apprentissage du groupe. Le groupe est formé selon des critères pédagogiques (comme l’hétérogénéité des niveaux des élèves). Toujours selon Cuseo, les rôles des étudiants doivent être assignés de manière à être interdépendants. L’intention de développer les aptitudes sociales est clairement explicitée dans cette approche. L’apprentissage collaboratif est une approche qui donne beaucoup de liberté à l’étudiant. Les activités ne sont pas très dirigées et les étudiants gèrent en grande partie leur travail de groupe. Par exemple, les rôles des étudiants ne sont pas assignés par le tuteur dans le cas d’un apprentissage collaboratif mais les étudiants négocient ces rôles entre eux (Matthews et al., 1995).

Théorie de l’enseignement coopératif

L’enseignement coopératif est un domaine d’étude pluridisciplinaire, entre les sciences de l’ingénieur et les sciences humaines et sociales. En effet, la conception d’un environnement informatique permettant de favoriser l’enseignement coopératif, nous impose de nous intéresser fortement aux théories sur l’apprentissage humain en général et à l’apprentissage social en particulier. Nous avons pris en compte des travaux appartenant aux domaines des sciences de l’éducation, des sciences cognitives et de la psychologie cognitive. Nous énumérons dans cette section les grands courants théoriques touchant l’apprentissage collectif. Les théories provenant des sciences cognitives, celles dont l’orientation est plus socioculturelle ou psychoculturelle, la théorie de l’activité, l’approche apprentissage située et l’approche cognition distribuée. Notre objectif est de montrer quels sont leurs apports respectifs pour comprendre l’apprentissage collectif.

L’approche socioconstructiviste : savoir comment l’interaction sociale affecte le développement cognitif individuel (Doise et Mugny, 1981).

L’approche socioculturelle : pour Vygotski, la dimension sociale est essentielle aux processus cognitifs régissant l’apprentissage et la vraie direction du développement ne va pas de l’individuel au social, mais du social à l’individuel.

La théorie de l’activité : la philosophie sous-jacente à cette théorie est de mettre en  évidence le fait que la connaissance est socialement construite (Dune, 1995). Les théoriciens de l’activité pensent que l’esprit évolue et se renforce grâce à l’interaction sociale. Nos activités sont insérées dans une matrice sociale composée d’individus et d’artefacts. Il est alors nécessaire de tenir compte du contexte social pour comprendre l’activité.

L’approche psychoculturelle : Bruner s’intéresse aux interactions entre les facultés de  l’esprit d’un individu et les moyens grâce auxquels la culture aide ou, au contraire, contrarie leur réalisation (Bruner, 1998). Il y voit un ajustement entre une culture donnée et la manière dont les individus s’adaptent aux exigences de cette culture. L’un des principes les plus importants de la psychologie culturelle est sans aucun doute celui qui dit que l’école ne peut jamais être considérée comme culturellement libre (Bruner, 1998). L’éducation n’est pas isolée et existe au sein d’une culture.

L’apprentissage situé : Il provient du courant de recherche sur la théorie de l’action située (Lave 88). La cognition située défend l’idée que tout acte cognitif doit être vu comme une réponse à un ensemble de circonstances.

L’approche cognition distribuée : Le point central n’est plus de savoir comment les  structures internes se construisent, mais de comprendre comment les sujets travaillent dans un système global (Oshima et al. 95). C’est le point de vue cognition partagée. L’intelligence devient alors collective et c’est toute la communauté qui progresse.

Nous retenons de ces différents courants théoriques que les aspects sociaux et collectifs sont à la base de toute forme d’apprentissage. Certes, l’apprentissage de l’individu nous préoccupe en premier lieu. Mais cet individu vit en interaction avec ses pairs. Cet ensemble d’individus est inscrit dans une institution, une culture.

Conclusions

Une approche interdisciplinaire était nécessaire pour appréhender une problématique d’apprentissage collectif médiatisé. Nous savions déjà que les recherches dans le domaine de l’Enseignement à distance (EAD) nécessitaient cette approche interdisciplinaire pour comprendre les théories sur l’apprentissage humain. Une recherche dans le domaine des Computer-Supported Collaborative Learning (CSCL) doit se préoccuper des théories sur l’apprentissage social. Nous avons alors adopté une démarche de conception qui consistait à déterminer en premier lieu les activités pédagogiques collectives mises en place dans l’environnement sous étude. En effet, il ne faut pas seulement compter sur les nouvelles technologies de la communication pour créer des situations d’apprentissage collectif. Les conditions qui nous paraissent primordiales pour favoriser l’apprentissage collectif sont la création d’interdépendance entre étudiants, la recherche d’un apprentissage par l’action et la mise en place d’activités en groupe devant aboutir à une production collective. Parmi les activités en groupe que nous avons recensées, nous paraît à privilégier celle visant à  aboutir à une résolution collective des exercices.

Références bibliographiques

Cuseo J. (1992). Cooperative Learning vs. Small-Group Discussions and Group Projects: The Critical Differences, Cooperative Learning and College Teaching, vol. 2.3.1992. p. 5-10.

Oshima. J ; Bereiter C. ; Scardamalia M. (1995). Information-Access Characteristics for High Conceptual Progress in a Computer-Networked Learning Environment, C. O’Malley, (Ed.), International Conference on Computer Support for Collaborative Learning (CSCL’95), Indiana University, Bloomington, IN, USA, (Lawrence Erlbaum Associates, Inc., 1995.

Bruner J. (1998). L’approche psychoculturelle de l’éducation, 4e biennale de l’éducation et de la formation, La Sorbonne, Paris, France, 1998.

Dunne R. (1998). Activity Theory (T3 Mathematics).1995.

Doise W. et Mugny G. (1981). Le développement social de l’intelligence. Inter-Éditions, Paris. 1981. Lave J. (1988). Cognition in Practice. Cambridge University Press, Cambridge.1988.

Pléty R. (1996). L’apprentissage coopérant, Lyon, ARCI Presse Universitaire, Collection Éthologie et psychologie des communications. 1996.

Pléty, R. (1998). Comment apprendre et se former en groupe, Paris, Retz. 1998.

Roberta S et Matthews, J.L. (1995). Cooper, Neil Davidson, Peter Hawkes, Building bridges between cooperative and collaborative learning, change, July /August 1995. p. 35-40.

Résumé

Avec l’utilisation des technologies de l’information et d’Internet à des fins d’apprentissage, s’est développé un courant sur la mise des séquences d’apprentissage sous forme de scénarios pédagogiques. L’intégration de ces technologies au domaine de la formation à distance a initié de nouveaux modes d’enseignement et d’apprentissage. Les TIC sont devenues des supports à la réalisation de produits et de services éducatifs en formation. Cette communication a pour objectif de s’interroger la manière dont ces technologies peuvent supporter l’apprentissage en réseaux. Perçues comme des supports à des activités de formation et de communication, les TIC questionnent les orientations de la recherche et des pratiques dans les domaines, entre autres, de l’informatique, la didactique et la pédagogie. Nous évoquerons quelques problèmes et les solutions liées à la conception, la mise en œuvre et l’utilisation de l’environnement d’apprentissage collaboratif et individuel.

Mots-clés : TIC, Apprentissage, Ingénierie pédagogique, langages de modélisation pédagogiques.


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