Résumé
Dans le domaine des sciences appliquées, le savoir théorique s’accompagne systématiquement de savoir pratique, expérimental et manipulatoire dont la mise en accès global est plus difficile à opérer. Les cursus de formations professionnelles d’ingénieurs à distance sont en général handicapés dans la réalisation de projet impliquant difficilement les séances d’activités de travaux professionnels et pratiques en télémanipulation d’objet réel ou virtuel à distance. C’est ce qui peut expliquer de nos jours une ruée vers les logiciels de simulation en contexte de formation en ingénierie.
Le présent travail s’inscrit dans le cadre de nos différents essais expérimentaux de notre méthodologie et des tests de nos instruments de collecte des données que nous appliquerons dans nos recherches doctorales. L’objectif de la présente recherche vise à identifier les usages des logiciels de simulation en contexte de formation des élèves ingénieur en télécommunications. Nous avons également voulu évaluer l’impact de ses usages sur le niveau de satisfaction en termes de transfert des compétences pratiques acquis par ces apprenants tout au long de leur formation. Pour atteindre ses objectifs, nous avons mobilisé plusieurs outils de collecte des données comme entrevues collectives semi dirigées avec des étudiants (n = 5), observations participantes d’étudiants en séance des travaux pratiques (n = 6), analyse des contenus, des activités, des interactions et les traces des étudiants et tuteurs (n=20) sur la plateforme de formation à distance en MASTEL de l’ENSP.
Les résultats issus de ces différentes expérimentations montrent que 70% des cours en MASTEL ont des consignes identifiées d’utilisation d’un logiciel spécifique pour la réalisation des différentes activités liées au cours contre 30% ou aucune trace n’indique l’usage d’un logiciel. En consultant les travaux d’étudiants, il ressort trois grandes catégories d’usage des logiciels en MASTEL que sont : le design ou conception, l’implémentation et la simulation didactique. L’observation participante des étudiants lors des séances des travaux pratiques viennent confirmer ses trois catégories d’usage. L’observation montre également que durant la phase de conception et d’implémentation ou les étudiants font recours aux logiciels, ils sont pour la plupart enthousiastes mais lors de la phase manipulatoire plusieurs d’entre eux étaient « perdus » faute de pouvoir connaître manipuler des équipements et composants pour un déploiement grandeur nature. Ainsi, comme les auteurs (Mhiri & Al. 2012 ; Njingang Mbadjoin, 2015), nous affirmons qu’une formation hybride en ingénierie a besoin d’articuler les outils spéciaux de télé laboratoires ou de télémanipulations d’objets réels à distance impliquant les plateformes techniques adaptées à la spécialité, pour réaliser pleinement certains travaux professionnels, mais qu’aussi, à notre sens, tout cela ne devrait en aucun cas dispenser les manipulations en grandeurs nature.
Mots-clés
Dispositif hybride, logiciels, travaux pratiques, MASTEL, usage
Introduction
Dans le domaine des sciences appliquées, le savoir théorique s’accompagne systématiquement de savoir pratique, expérimental et manipulatoire dont la mise en accès global est plus difficile à opérer. Les cursus de formations professionnelles d’ingénieurs à distance sont en général handicapés dans la réalisation de projet impliquant difficilement les séances d’activités de travaux professionnels et pratiques en télémanipulation d’objet réel ou virtuel à distance. C’est ce qui peut expliquer de nos jours une ruée vers les logiciels de simulation en contexte de formation en ingénierie. La stratégie pédagogique vise à faire non pas un simple usage des logiciels, mais un usage efficace de son potentiel pédagogique dans le contexte des télémanipulations, des travaux pratiques voir des activités professionnelles, ce qui impacterait les représentations, les compétences des acteurs et la valeur ajoutée des dispositifs. L’Ecole Nationale Supérieure Polytechnique (ENSP) de l’Université de Yaoundé I à travers son dispositif de formation à distance en Master Professionnel en Télécommunication (MASTEL), n’est pas en marge de ce contexte peu reluisant.
Dans la phase de conception du dispositif MASTEL, les principaux acteurs ont opté pour une pédagogie par compétence. Pour ce faire, chaque cours du programme de formation est bouclé par une activité globale qui est un microprojet pour les étudiants. Pour ces microprojets en général, l’étudiant est plongé dans le monde socioprofessionnel réel et grâce aux logiciels adaptés doit solutionner le problème qui lui est posé. Ces microprojets qui font office des travaux pratiques à distance peuvent être mise en œuvre à l’aide de logiciels propriétaires tels que Matlab (Szyperski, 2002) et LabVIEW (Paquette, 1996) dans un contexte d’exécution de laboratoire. Pour Njingang Mbadjoing (2015), on assiste à une grande diversité des types d’usage pédagogique d’outils numériques incitatifs et interactifs dans les dispositifs de formation en sciences des ingénieurs. Les enseignants faute d’être préparés aux nouveaux usages se trouvent confronter au choix efficient des outils didactiques pour un meilleur accompagnement de leurs enseignements, avec comme objectif visé, de contribuer à la réussite des apprenants au regard des facteurs motivationnels et de leur sentiment de compétences.
Eu égard à ce qui précède, notre question centrale de recherche porte sur la pertinence des usages des logiciels de simulation en contexte de formation à distance dans le domaine des sciences de l’ingénieur. De manière spécifique, quels usages en font les étudiants des logiciels lors de leur processus d’apprentissage des télécommunications ? Est-ce-que les logiciels de simulation confèrent aux apprenants une compétence professionnelle avérée ?
Le présent travail s’inscrit dans le cadre des essais expérimentaux de notre méthodologie et tests de nos outils de collecte des données pour nos recherches doctorales. L’objectif de la présente recherche vise à identifier les usages des logiciels de simulation en contexte de formation en télécommunications. Elle vise également à évaluer l’impact de ses usages sur le niveau de satisfaction en termes de transfert des compétences pratiques acquis par ces apprenants tout au long de leur formation.
L’article va être structuré en 4 grandes sections entourées d’une introduction et d’une conclusion. La première section fera office au contexte et à la problématique de notre recherche. La deuxième section va circonscrire le cadre théorique de l’étude. La troisième section va décliner la méthodologie mise en œuvre pour répondre à notre question de recherche et en quatrième section, nous présenterons les résultats suivis de la discussion.
Contexte et problématique
La complexité croissante des systèmes de gouvernance universitaire incorporant les TIC en général et les logiciels en particulier, replace la dimension technique au cœur des processus de l’enseignement et de l’éducation. La maîtrise des technologies jouerait alors un rôle équivalent à celui joué naguère par la « science de l’organisation ». Les technologies ont le potentiel de jouer un rôle important comme outil d’enseignement qui permet aux professeurs de sciences de concevoir, de planifier, et de mener des investigations scientifiques (Ngunu, 2013).
Nous présentons dans la section suivante, l’environnement de formation en ingénierie en lien avec le contexte de notre étude puis se dégagera sur la base de nos différentes constations la problématique de notre étude.
Contexte
L’Ecole Nationale Supérieure Polytechnique (ENSP) de l’Université de Yaoundé I a mis en place avec le partenariat de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) depuis l’année académique 2007-2008, une formation à distance en MASTEL. Ce programme de formation participe au développement de la formation régionale africaine, ainsi qu’à l’augmentation des capacités d’accueil de l’ENSP de l’Université de Yaoundé I (UY1). Le MASTEL vient résoudre également un besoin en ingénieurs qualifiés en télécommunications qui se fait encore plus pressant chaque année. Les études du MASTEL visent à compléter, à renforcer et à spécialiser la formation acquise au cycle de licence en vue d’une insertion dans le milieu professionnel des télécommunications.
Le programme de formation à distance en Master (M2) en télécommunications comprend 20 cours regroupés en 6 unités d’enseignement avec une exigence d’un stage en entreprise et de la conduite d’un projet de mémoire de fin d’études conformément aux normes Licence Master Doctorat (LMD). Chaque cours est articulé en séquences suivant la norme SCORM, avec des activités d’autoévaluation, des devoirs rendus et corrigés. A la fin de chaque cours une séquence spéciale consacrée à l’activité globale, c’est un microprojet pour les étudiants. Pour ces microprojets en général, l’étudiant est plongé dans le monde socioprofessionnel réel et grâce aux logiciels adaptés doit solutionner le problème posé. C’est le cas par exemple de l’activité globale, liée au cours de ‘Radiocommunication Mobile : Systèmes et Concepts’. Cette activité concerne la conception de la didactique de radiocommunication mobile, présentée dans Tonyé (2010). Il s’agit de concevoir sous forme de site web une application permettant de faciliter la compréhension des concepts et les algorithmes de radiocommunication mobile. Dans la phase de mise en œuvre, l’étudiant devra créer une interface qui gère Easyphp avec le serveur web de Matlab afin d’effectuer des représentations graphiques.
Problématique
Des activités de travaux pratiques à distance peuvent être mise en œuvre à l’aide de logiciels propriétaires tels que Matlab (Szyperski, 2002) et LabVIEW (Paquette, 1996) dans un contexte d’exécution de laboratoire. Plusieurs scénarios d’utilisations peuvent être envisagés. C’est ainsi qu’il est possible d’implémenter des laboratoires virtuels basés sur des simulations ou accéder à des équipements électroniques à distance par les réseaux.
Les cursus de formations professionnelles d’ingénieurs sont en général handicapés dans la réalisation de projet impliquant difficilement les séances d’activités de travaux professionnels et pratiques en télémanipulation d’objet réel ou virtuel à distance (Mhiri et al. 2012 ; Loisier, 2011 ; Njingang Mbadjoin, 2015). Les auteurs Mhiri et al. (2012) et Njingang Mbadjoin (2015), affirment aussi de leur part que la formation bimodale (hybride) a besoin d’articuler les outils spéciaux de télé laboratoires ou de télémanipulations d’objets réels à distance impliquant les plateformes techniques adaptées à la spécialité, pour réaliser pleinement certains travaux d’ordre professionnels.
Dans un contexte des politiques éducatives africaines, qui ne répondent pas toujours concrètement aux demandes sociales de développement durable du continent avec les enjeux d’intégration du numérique aux besoins actuels des acteurs dans son système (Fonkoua 2007). Faute de disposer des laboratoires de pointes, une ruée vers des logiciels de simulation dans les dispositifs de formation (Ngunu, 2013). Une grande diversité caractérisée par différents types d’usage pédagogique d’outils numériques incitatifs et interactifs ou les enseignants faute d’être préparés aux nouveaux usages se trouvent confronter au choix efficient des outils didactiques pour un meilleur accompagnement de leurs enseignements, avec comme objectif visé, de contribuer à la réussite des apprenants au regard des facteurs motivationnels et de leur sentiment de compétences.
Fort de tout ce qui précède, nous nous interrogeons sur la pertinence des usages des logiciels de simulation en contexte de formation à distance dans le domaine des sciences de l’ingénieur. En d’autres termes, est-ce que l’utilisation des logiciels de simulation dans les dispositifs hybrides comme MASTEL participe de façon significative à l’atteinte des compétences professionnelles exigée dans la formation des élèves ingénieurs à l’ENSP ?
Cadre théorique
L’usage des logiciels de simulation présente de nombreux enjeux en milieux de formation aussi bien en contexte d’enseignement primaire, secondaire ou universitaire. Là où les Technologies de l’Information et de Communication en Enseignement (TICE) sont déjà présentes, leur impact chez les étudiants paraît très perceptible sur leurs activités d’apprentissage. L’émergence des logiciels incitatifs et interactifs offre des innovations pédagogiques, des facilitations d’apprentissage et permet le développement de la formation à distance.
Pour conduire cette recherche, nous avons mobilisé quatre dimensions servant de cadre de quadrillage du cadre théorique d’usage des logiciels de simulation en contexte de formation en sciences des ingénieurs dont fait l’objet la présente étude. Il s’est agi des dimensions :
- techno pédagogiques à travers laquelle l’intégration des outils techniques dans les dispositifs de formation concourent à l’explosion des dispositifs hybrides marqués par une délocalisation d’une partie des activités de la formation du présentiel à distance (Charlier, Deschyrever, Peraya, 2006; Depover et Strebelle, 1997; Mbadjoin, 2015; Mhiri et al.2011; Loisier 2011) ;
- conceptuelle et évaluation des outils à travers laquelle les conditions conduisant au choix et la validation d’un logiciel aussi bien du côté de l’apprenant que du côté l’enseignant sont abordées (Droui et al. En 2014 ; Fayers P., Machin D., 2000) ;
- contrôle pédagogique à travers laquelle l’évaluation est opérée du côté de l’apprenant. Il est question ici d’explorer le volet didactique du logiciel utilisé en formation des élèves ingénieurs et plus spécifiquement les scénarii d’enchaînement pédagogique rattachés à la conception du logiciel (J-Pernin, 1996 ; Gloria Cortés Buitrago, 1999) ;
- autodétermination et motivation à travers laquelle les sentiments d’autosatisfaction et les perceptions de l’apprenant sont appréciées pour ce qui est de l’usage des logiciels dans son apprentissage en terme de transformation réussie des savoirs en savoir-faire tant exigé en formation en ingénierie (Piaget et Vygotsky,1970; Karsenti, 2006).
La synthèse du cadre théorique en relation aux dimensions d’analyse est représentée sur la figure 1.
Méthodologie
Cette recherche se fonde sur une méthodologie de type mixte, comportant plusieurs sources de données collectées : entrevues collectives semi dirigées avec des étudiants (n = 5), observations participantes d’étudiants en séance des travaux pratiques (n = 6), analyse des contenus, des activités, des interactions et les traces des étudiants et tuteurs (n=20) sur la plateforme de formation à distance en MASTEL de l’ENSP. Le choix d’une méthodologie mixte nous permet de combiner les analyses quantitatives avec les analyses qualitatives pour la triangulation de certains résultats. Ainsi, non seulement le choix d’une méthodologie mixte semble-t-il justifié au regard des différents objectifs spécifiques que nous voulons atteindre, mais il permet aussi d’enrichir et de renforcer notre recherche.
Volet quantitatif
L’étude quantitative nous amène à produire des statistiques sur les taux d’utilisation des logiciels par les étudiants au cours de leur apprentissage. Elle nous fournit également des détails sur les proportions d’étudiants par rapport à leurs usages pédagogiques des logiciels.
Le volet quantitatif se base sur les données statistiques issues de l’analyse des contenus et des traces électronique laissées de l’usage des logiciels sur la plateforme MASTEL de l’ENSP.
Volet qualitatif
Ce volet permet d’appréhender les perceptions que les apprenants font des logiciels dans le processus d’apprentissage et même de saisir toute la complexité des modes d’usages des logiciels de simulation à des fins d’apprentissage. Ce volet se fonde essentiellement sur la description recourant à différentes sources de données qualitatives telles que les entrevues et les vidéos issues des observations participantes.
Entrevues collectives semi dirigées avec les étudiants
Pour ce qui est de l’entrevue, nous avons invité les 14 étudiants régulièrement inscrits de la promotion 2015-2016 de MASTEL de l’ENSP. Seulement 5 des 14 ont répondu présent le jour et à l’heure de l’entrevue. Compte tenu de la répartition géographique des étudiants, notre entrevue s’est tenue autour d’une session de tutorat programmé sur la plateforme de formation. Les questions étaient postées et par ordre de prise de parole, chacun donnait son point de vue sous le contrôle vigilent du tuteur qui devrait réguler les échanges.
Observations participantes d’étudiants en séance des travaux pratiques
Nous avons filmé les étudiants MASTEL de la même promotion 2015-2016 au cours des travaux pratiques portant sur les réseaux de télécommunication. Ces vidéos ont été enregistrées lors du deuxième regroupement présentiel à l’ENSP. En effet, dans le compte de la formation à distance de l’ENSP, deux regroupements présentiels sont prévus dont un premier en octobre pour la familiarisation des étudiants avec le dispositif de formation et le partage des ressources documentaires et logiciels. Le second regroupement qui se tient en juillet, juste après la fin des cours en ligne, est généralement consacré aux travaux pratiques animés par les entreprises intervenant dans le secteur des télécommunications. Ces vidéos nous ont permis de relever les comportements des étudiants face aux usages des logiciels à partir des observations participantes.
Analyse des contenus et traces des étudiants et tuteurs sur la plateforme de formation
Nous procédons à l’analyse du discours pédagogique et de l’apprentissage à travers les traces de contenus d’interactivité autour de l’activité globale et les fiches de présentation des contenus et activités des cours. La démarche par trace d’activité nous permet de compléter notre compréhension des opinions affichées par les répondants aux entrevues ainsi qu’aux observations participantes. Les traces nous offrent donc la possibilité d’analyser l’action et le comportement des acteurs impliqués au dispositif dans le cadre des interactions à l’aide d’artefacts de communication médiatisée.
Résultats et discussion
L’analyse des traces d’opérations liées à la conception des contenus et leurs diffusions dans le dispositif permet de se mettre en évidence que sur les 20 cours disponibles sur la plateforme de formation en MASTEL, 14 sur les 20 soit 70% des cours ont des consignes claires interpellant les apprenants à l’usage d’un logiciel spécifique pour la réalisation des activités liées au cours. Les 6 autres cours restant soit 30% n’ont aucune consigne aussi bien dans la présentation des contenus et activités clairement déclarés par les concepteurs faisant recours à tel ou tel autre logiciel de simulation pour l’apprentissage. Le tableau 1 ci-dessous nous renseigne sur les usages déclarés des logiciels au niveau des fiches de présentation des contenus et des activités dans le dispositif de formation MASTEL de l’ENSP.
Tableau 1 : Cours et usages déclarés des logiciels de simulation dans les fiches de présentation des contenus et des activités
Consignes déclarées d’usage de logiciel |
Pas de consignes déclarées d’usage de logiciel |
Total |
|
Nombre de cours |
14 |
6 |
20 |
Ce tableau nous donne une vision globale de l’utilisation des logiciels dans le dispositif MASTEL de l’ENSP. Nous avons obtenu ces valeurs sur la base de l’exploitation des informations transmissives sur l’organisation pédagogique en termes de diffusion des consignes, d’unité d’enseignement et cours aux formats multimédia sur la plateforme.
Les traces d’opérations incitatives (ou activités individuelles) médiatisées et interactives (ou activités collaboratives) avec les activités de création d’objet collaboratif et de dépôt de contenu interactionnel sur l’environnement de la plateforme nous permettent de catégoriser les différents usages des logiciels par les apprenants. Nous distinguons trois grandes catégories liées aux activités de design ou de conception, d’implémentation et de simulation didactique.
Les usages découlant des catégories conceptuelles font appel aux logiciels de type tuteur intelligent ou hypermédia, les étudiants exploitent ces environnements pour la modélisation des processus. La figure 2 présente un organigramme des séquences d’une application en conception visant à évaluer les paramètres permettant de quantifier l’état du signal en propagation ou d’optimiser les valeurs pour les critères de qualité définie. Pour sa réalisation, l’étudiant a exploité le logiciel Visio fournissant un environnement convivial d’exploitation et une base de données diversifiée d’outils couvrant plusieurs champs de spécialités.
La catégorie implémentation fait appel aux logiciels de type micro-monde ou les apprenant à partir des algorithmes et des codes écrits en des langages spécifiques comme C, C++, Java, Matlab, etc. fournissent des environnements pour la découverte de domaines abstraits. La figure 3, illustre un exemple d’environnement de travail conçu par un étudiant dans le cadre d’une activité liée au cours de « Communication numérique file d’attente pour réseau ». Les courbes qui s’y trouvent sur cette figure, teste les différents théorèmes du cours sur l’étude des systèmes stochastiques. L’étudiant a utilisé Matlab comme logiciel d’implémentation.
La catégorie d’usage liée à la simulation didactique fait appel aux logiciels de type simulation ou didacticiel de simulation des concepts. Ces environnements de simulation didactique fournissent aux apprenants des possibilités liées à la découverte des lois et des concepts du cours. La figure 4 illustre un exemple de simulations avec la « Didactique de Radiocommunications ». Elle simule le diagramme de rayonnement des antennes adaptatives à gauche et d’une antenne filaire à droite. Cette catégorie dispense l’apprenant de toutes connaissances en programmation tout en insistant sur des fonctions pédagogiques telles que présenter l’information, dispenser les exercices, véritablement enseigner et captiver l’attention et la motivation de l’étudiant.
L’observation participante des étudiants lors des séances des travaux pratiques viennent confirmer ses trois catégories d’usage. En effet, les entreprises en charge d’animer les travaux pratiques des étudiants MASTEL lors du regroupement en présentiel ont dans leur déroulé une phase expérimentale ou sont faites la conception, l’implémentation et les tests par simulation ; une phase déploiement ou sont procédés les différentes installations matérielles suivi des essais grandeurs natures. Si la première phase est acquise pour les enseignements en formation à distance, la deuxième phase qui requiert une manipulation physique exige qu’elle soit faite en présentiel. Cette double phase des pratiques observées, viendraient-elles à compromettre les atouts des enseignements à distance en contexte de formation en ingénierie ? L’animateur (TP-An3) de l’atelier 3 croit que l’usage des simulateurs comme outil d’enseignement et des travaux pratiques à distance (téléTP) comme en présentiel est à encourager en contexte des pays d’Afrique subsaharienne.
TP-An3 « […],le problème qu’on a dans notre contexte, moi j’aime à dire aux gens, nous serions capables de fabriquer des équipements, mais il faut à la base pour le faire à une échelle prôneuse, il faut à la base un environnement que nous ne pouvons pas comme chercheur mettre en place, c’est un environnement propice, c’est un environnement complet, un environnement ou il n’y a pas de poussière, ce sont les choses de ce genre si non on fabrique quelques prototypes qui marchent quelques temps et rapidement tombe en panne […] »
Les entrevues collectives réalisées avec les 5 étudiants ayant accepté de se prêter à notre recherche, nous ont permis de mieux comprendre les avis des étudiants MASTEL pour ce qui est de l’usage des logiciels de simulation en contexte de formation en ingénierie. Certains y voient aux logiciels de type micro-monde un environnement favorisant une parfaite exploration et représentation des concepts abordés en cours. L’étudiant (ENT-Etu2) affirme que :
ENT-Etu2 « A travers l’environnement MATLAB, nous pouvons à présent avoir une représentation des signaux qui sont ou peuvent être assez complexe pour une réflexion. Et il est aussi possible de gérer facilement les signaux aléatoires ».
Si l’usage des logiciels de type micro-monde présente des atouts indéniables, il reste qu’il exige de la part de l’apprenant des connaissances en programmation. Ces manques de prérequis entrainent aussi bien du côté des apprenants que des enseignants un désaveu des logiciels de type micro-monde et une ruée vers les logiciels de type simulation didactique.
ENT-Etu5 « Je ne m’y connais pas en programmation, je suis perdu dans les activités, la Didactique de Télécommunication sa passe encore puisque je n’ai qu’à apprendre à m’en servir ».
Les technologies peuvent donc avoir une fonction d’outil de productivité, un rôle de tuteur intellectuel et selon le contexte d’apprentissage, permettent à l’apprenant de résoudre des problèmes et de construire ses connaissances (Jonassen, 1995 ; Ngunu, 2013). Si les logiciels de type micro-monde, tuteur intelligent ou de simulation didactique doivent s’adopter comme des environnements virtuels pour téléTP, ils doivent s’inscrire dans une dynamique d’innovation pédagogique comme préconisé par Depover et Strebelle (1997), pour qui tout processus de virtualisation passe absolument par les tests d’adoption, l’implantation et la routinisation. Gloria Cortés Bruitrago (1999) ajoute qu’il faudra en plus intégrer le scénario de contrôle pédagogique qui consistera à observer si au niveau du logiciel il est possible pour l’enseignant de contrôler en détail chaque activité de l’apprenant et en le faisant suivre les progrès de ce dernier.
Nous avons observé lors des travaux pratiques que les étudiants étaient enthousiastes d’avoir appris à travers les logiciels, alors que lors de la phase 2 portant sur le déploiement, ils étaient confrontés aux problèmes de reconnaissance des équipements et des composants, des raccordements lorsqu’il s’agissait de souder un brin de fibre cassé ainsi que des difficultés d’ordre manipulatoire de certains équipements. Ce qui nous laisse à croire que la connaissance acquise grâce aux logiciels était restée plus savoir que savoir-faire. Ainsi, comme les auteurs (Mhiri & Al. 2012 ; Njingang Mbadjoin, 2015), nous affirmons qu’une formation hybride en ingénierie a besoin d’articuler les outils spéciaux de télé laboratoires ou de télémanipulations d’objets réels à distance impliquant les plateformes techniques adaptées à la spécialité, pour réaliser pleinement certains travaux professionnels, mais qu’à notre sens aussi, tout cela ne devrait en aucun cas dispenser les manipulations en grandeurs nature.
Conclusion et perspective
L’étude permet de comprendre les différents usages que font les étudiants des logiciels dans le cadre de la réalisation des activités en relation avec les cours en MASTEL de l’ENSP. À cet égard, en respectant la démarche méthodologique en cours d’exploration, nous avons recensé trois grandes catégories d’usage : conception, implémentation et simulation didactique. Nous avons observé un fort enthousiasme lors de l’usage des logiciels au cours de la phase 1 des travaux pratiques mais que cet enthousiasme s’estompait quand il fallait passer à la phase 2 axée sur les manipulations en guise d’un déploiement grandeur nature. Ainsi, comme les auteurs (Mhiri & Al. 2012 ; Njingang Mbadjoin, 2015), nous affirmons qu’une formation hybride en ingénierie a besoin d’articuler les outils spéciaux de télé laboratoires ou de télémanipulations d’objets réels à distance impliquant les plateformes techniques adaptées à la spécialité, pour réaliser pleinement certains travaux professionnels, mais qu’à notre sens aussi, tout cela ne devrait en aucun cas dispenser les manipulations en grandeurs nature et d’où la pertinence du modèle MASTEL de l’ENSP qui a été conçu sur le prototype des dispositifs hybrides.
Dans la continuité de ce travail, nous comptons dans les jours à venir étendre notre étude avec les questionnaires enseignants et étudiants en guise de compléter nos instruments de collecte des données. Nous y travaillons pour étendre notre test à une grande échelle en relation avec notre public cible composé de 296 étudiants et de 20 enseignants intervenant dans les deux programmes de formation à distance de l’ENSP.
Bibliographie
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Fonkoua, P., Marmoz, L.(2011). La décentralisation de l’éducation en Afrique subsaharienne In (dir, Fonkoua, p). Développement éducation en Afrique noire. Congo Brazzaville Gabon Guinée Conakry Kenya, Tchad, Togo, Congo-Brazzaville, Guinée Conakry. Edition Harmattan : http://www.editionsharmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=32964
Gloria Cortés Buitrago (1999). Simulations et contrôle pédagogique : architectures logicielles réutilisables. Autre [cs.OH]. Université Joseph-Fourier – Grenoble I, 1999. Français. <tel-00004821>
Jonassen, D. H. (1995). « Supporting communities of learners with technology : A vision for integrating technology with learning in schools ». Educational Technology, vol. 35, no 4, 1995, p. 60-63.
Karsenti, T. (2006). Comment favoriser la réussite des étudiants d’Afrique dans les formations ouvertes et à distance (FOAD) : principes pédagogiques. TICE et développement 2 (9), 9-23. http://karsenti.scedu.umontreal.ca/pdf/publications/2006/reussite_foad.pdf (Visité le 23 novembre 2008).
Loisier, J. (2011). Mémoire. Les nouveaux outils d’apprentissage encouragent-ils réellement la performance et la réusside des étudiants en FAD ? Document produit par le REFAD (Réseau d’Enseignement Francophone à Distance) : Canada. www.refad.ca/recherche/TIC/TIC_et_reussite_des_etudiants.pdf (consulté le 06 juin 2016).
Mhiri, R., Nerguizian, V., Saliah-Hassane, H., Saad, M., Kane, H., Deschênes, J-S. (2012). Les TIC et les nouvelles perspectives pour des travaux de laboratoire à distance et en mode « lab@home ». In T. Karsenti et S. Collins (dir) Les TIC en éducation : bilan, enjeux et perspectives futures. Colloques scientifiques 2012 : Montréal, Canada.
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Njingang Mbadjoin, T. (2015). Le changement par les technologies numériques en école d’ingénieurs : Étude d’impact. Thèse de doctorat, Science de l’éducation, Université Cergy Pontoise, France, 342 pages.
Paquette, G. (1996). La modélisation par objets typés : une méthode de représentation pour les systèmes d’apprentissage et d’aide à la tâche. Sciences et techniques éducatives, France, avril 1996.
Pernin, J-P. (1996). M.A.R.S. Un modèle opérationnel de conception de simulations pédagogiques. Thèse de l’Université Joseph Fourier, 1996.
Piaget, J. (1970). The Science of Education and the Psychology of the Child. New York, Grossman.
Szyperski C. (2002). Component Software : Beyond Object-Oriented Programming (2nd ed.). AddisonWesley, 624 pages. 2002.
Tonye E., (2010). Modélisation d’un dispositif pour la formation ouverte et à distance dans les pays africains subsahariens, frantice.net, N°2, p 72-85, décembre 2010, www.frantice.net. Consulté en juin 2015.
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