Contexte de l’étude
Pouvoir accéder à la formation professionnelle de son choix pour exercer le métier que l’on a choisi est un des actes des plus contraints de nos sociétés. Ce choix est rendu surtout difficile en raison, d’une part, de l’offre restreinte de formation professionnelle qui pilote le processus d’orientation et, d’autre part, de l’organisation de l’enseignement dans nos pays qui ne donne pas à priori une égalité des chances aux enfants.
Cadre de l’étude
Les TICS et en particulier la FOAD se posent aujourd’hui comme une alternative crédible pour la régulation de l’offre de formation générale professionnelle et technique en donnant une chance égale à tous les exclus du système formel. En quoi la FOAD, et les possibilités d’ouverture de formation qu’ils induisent, permettent-ils d’optimiser les formations surtout professionnelles et techniques dans la perspective de l’égalité des chances entre citoyens ? Quelles sont les conditions d’accès à cette forme particulière d’enseignement-apprentissage pour les jeunes privés de formation en un moment crucial de leur vie ? Quelles mesures politiques, institutionnelles et pédagogiques pour y arriver et quels dispositifs didactiques mettre en œuvre le cas échéant ?
Méthodologie
La méthodologie adoptée s’articule autour de deux points : une analyse sectorielle et une enquête qualitative. L’analyse sectorielle consiste en un diagnostic des éléments structurels, fonctionnels et pédagogiques du système d’enseignement à distance ainsi qu’en l’établissement des options et pistes d’amélioration. Les principaux éléments à considérer dans cette partie présentant le diagnostic du système et l’analyse des politiques sectorielles dans le domaine de la FOAD et singulièrement en e-Learning sont (i) les caractéristiques du pays (en termes démographiques généraux et scolaires, macro-économiques et budgétaires, socioculturels, politiques et institutionnels), (ii) les flux d’élèves (en termes d’accès et participation, de rendement interne et de disparités dans la fréquentation), (iii) l’efficacité externe et (iv) les coûts et financement. L’ordonnancement de toutes les données à recueillir sera réparti en trois rubriques articulées autour des ressources et des résultats. Les ressources comprendront des données concernant les élèves, les enseignants, les infrastructures (locaux et équipements scolaires). Dans tous les cas, à l’exception des élèves, on opèrera une distinction entre, d’une part, les éléments humains et physiques et, d’autre part, les éléments financiers. Les résultats seront analysés sous plusieurs éclairages tels que les procédures d’évaluation, le devenir des élèves arrivés en fin de cycle ou l’insertion dans la société des sortants.
Résultats attendus
Montrer que la FOAD se pose aujourd’hui dans nos pays, comme une alternative crédible pour offrir à tous les apprenants une égale chance d’accès et de promotion et singulièrement en ce qui concerne la formation professionnelle et technique. Les pays africains, à l’instar des autres pays membres de l’UNESCO, ont pris l’engagement lors du forum mondial de Dakar en 2000 de réaliser l’éducation de qualité pour tous. Élargir de façon équitable l’accès à l’éducation est un véritable défi à relever. L’apprentissage initialement, de façon continue, devient une demande à laquelle l’offre publique doit pouvoir répondre selon des modalités favorisant l’égalité des chances. Eu égard à l’accès au savoir en ligne qui pourrait représenter une chance supplémentaire donnée à des populations défavorisées, des procédures d’apprentissage (FOAD, e-learning)… peuvent être mobilisées et optimisées pour accroître ou acquérir les connaissances de chacun et plus spécialement dans le contexte de l’usage d’outils facilitant l’apprentissage en ligne.
En quoi la FOAD, en particulier le e-Learning et les possibilités d’ouverture de formation qu’ils induisent, permettent-ils d’optimiser les formations surtout professionnelles et techniques dans la perspective de l’égalité des chances entre citoyens ? Les recherches de terrain, effectuées au Sénégal par Alexia Fournier Fall dans son ouvrage « Enseignement à distance supporté par les NTIC au Sénégal : (novembre 2006) », ont révélé deux tendances quelque peu contradictoires. D’un côté des gens fermement convaincus que la formation à distance permet un élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur ; mais d’un autre, ils font référence à une pluralité d’obstacles pouvant entraver l’accessibilité à l’e-formation pour de nombreuses personnes. Nous allons axer notre analyse sur trois facteurs pour nous permettre de démontrer que la FAOD peut contribuer au règlement des difficultés liées à la formation des jeunes ayant quitté l’école très tôt.
Le facteur financier : Il est vrai qu’un dispositif de formation à distance coûte très cher au démarrage (Ex : il faut calculer les investissements en matériel, en maintenance, en conception de cours et en gouvernance du projet) mais sur le long terme, pour une institution, il revient moins cher qu’une formation présentielle. Il s’agit-là d’un bon moyen pour juguler les coûts liés à la formation des jeunes déscolarisés et cela au niveau des différents ordres d’enseignement, malgré une crise économique récurrente sévissant dans de nombreux pays africains. L’État par le biais des ministères et institutions concernés pourra développer des formations ciblées et assurer ainsi leur financement sur le long terme. Ces aspects ont une conséquence directe sur le public qui sera toujours plus nombreux à pouvoir bénéficier des formations dispensées par les différentes institutions.
Le facteur sociologique : Nous sommes dans une société où la séniorité est d’importance capitale, par conséquent, il est souvent difficile de mettre dans une même classe des apprenants de classes d’âge différentes, ce qui ne pose pas souvent problème en milieu occidental. Il est dès lors presque impossible d’envisager plusieurs générations côte à côte dans une même salle de cours sans que cela ne remette en question certaines images et perceptions fortement ancrées dans notre société africaine. Grâce à la formation à distance, les gens plus âgés éprouvent moins de réticences à se former et l’environnement d’apprentissage leur est plus favorable. Les apprenants collaborent sans se voir, ils sont dans le virtuel. Ce mode de formation contribue aussi au développement de la formation tout au long de la vie, il a servi et servira encore plus dans le futur à permettre à des exclus du système scolaire pour des raisons d’âge, d’échecs antérieurs et de rejet de la situation classique d’enseignement, de reprendre un cursus de formation. Aussi, il permet aux individus d’acquérir, compléter, renforcer leurs connaissances et compétences, chaque fois qu’ils en éprouvent le besoin, au cours de leur carrière professionnelle.
La distance comme facteur géographique : Certains apprenants n’ont pas la possibilité de se déplacer pour diverses raisons (parce qu’ils sont malades, en prison, en voyage ou simplement par qu’ils sont dans un lieu où l’accès est difficile), d’investir du temps pour suivre des cours en présentiel, parce qu’ils travaillent. Remarquons que cette distance loin d’être un handicap peut être considérée comme une chance : c’est ce que pensent, par exemple les responsables d’entreprises des pays de l’Europe centrale et orientale qui préfèrent ne pas envoyer leur personnel en stage à l’étranger pour éviter la fuite des cerveaux. La formation à distance leur permet d’accéder aux cours depuis leur domicile ou leur lieu de travail, sans forcément l’obliger à se déplacer. Par ailleurs, l’enseignement à distance peut contribuer à une formation de masse et un accroissement rapide des apprenants, dans la mesure où les formations mises en place peuvent être exportées dans d’autres régions, d’autres pays africains. Selon cette optique, la formation à distance dispose d’un effet multiplicateur. Si les programmes dispensés à distance sont concluants au niveau d’un pays, des accords peuvent être passés avec la sous-région Afrique de l’Ouest pour l’octroi d’un accès à ces formations. Les apprenants ont, dès lors, la possibilité de se former tout en restant dans leur pays. Cette opportunité conférée par l’enseignement à distance conduirait peu à peu à un déploiement régional de ces formations et permettrait à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès à un cursus de qualité.
Quelles mesures politiques, institutionnelles et pédagogiques ?
L’adolescent déscolarisé est souvent oisif manque de repères pour organiser sa vie, il est soumis à une forte pression financière, pour combler ses besoins et/ou contribuer à ceux de la famille. Il est donc vulnérable aux risques comme le vol ou la toxicomanie. De façon plus générale, le non accès à une éducation et à une préparation digne de ce nom à la vie adulte représente une atteinte aux droits à la survie, à la croissance et au développement tel que défini dans la Convention relative aux Droits de l’enfant. Ceci a été relevé lors de l’Analyse de Situation et du Bilan commun de pays réalisés par le système des Nations Unies en 1999. L’un des objectifs essentiels fixés dans le Cadre d’action de Dakar (2000) concerne la nécessité de satisfaire les besoins éducatifs et la formation des jeunes au moyen d’un accès équitable à des programmes d’apprentissage et de formation adaptés.
Le Sénégal, à l’instar des pays d’Afrique subsaharienne, s’est engagé dans une politique visant à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et d’accéder à la scolarisation universelle en 2015. Dans cette optique, pour son développement socio- économique, l’État sénégalais mise sur la valorisation des potentiels humains. Il consacre actuellement, près de 40% de ses ressources à l’éducation et à la formation. Malgré ces efforts consentis, le système éducatif se confronte actuellement à de nombreux défis de taille relatifs à l’accès (90% de TBS pour l’élémentaire, 39% pour le moyen et 16% pour le secondaire), à la gestion administrative, à la formation de qualité des enseignants, à l’approvisionnement durable et suffisant en supports didactiques (manuels), à l’inclusion, à la qualité des apprentissages. L’État multiplie les initiatives dans le domaine des TIC pour l’éducation. Il est soutenu dans ce domaine par les partenaires techniques et financiers, les organismes internationaux, la société civile, le privé, etc. À titre illustratif, on peut citer quelques-unes de ces initiatives. La réalisation du projet Internet gouvernemental qui doit à terme offrir à tous les secteurs de l’éducation un accès privilégié aux TIC, fournir des supports de communication et mettre à disposition des ressources éducatives pour les institutions éducatives et de formation , les chercheurs, les agents de l’État. La signature de convention de partenariat avec les opérateurs de Télécom (Orange) pour la réduction des coûts d’accès à Internet les institutions d’éducation et de formation du public et les enseignants. L’accord avec Microsoft PIL, pour l’accès à des applications à des taux préférentiels et l’appui dans la formation des acteurs de l’éducation. La mise à disposition de salles informatiques (30 000 ordinateurs de seconde main sur 3 ans) pour quelques écoles par l’agence « Sénéclic » rattachée à la Présidence ; pour les lycées, grâce à l’Inde à travers le projet « Team nine », 100 salles seront équipées et les volets formation et maintenance pris en compte. La participation à l’expérimentation de modèles « e-school » du Nepad. L’extension des centres multimédias communautaires et la construction de e- case. Le développement de l’électrification rurale, le taux de couverture actuel est de 18% et l’État ambitionne de le porter à 50% d’ici 2012. Le développement de la formation à distance dans le supérieur ; par exemple, l’EBAD (école des bibliothécaires, archivistes et documentalistes, la faculté des sciences et techniques de l’éducation de la formation (FASTEF) , le Centre d’Enseignement à Distance (en direction des cadres du public et du privé), le Réseau africain d’enseignement à distance , la branche sénégalaise, pour la formation de cadres en édumatique, les formations offertes par l’AUF, la formation des enseignants (expérimentation de la formation des contractuels de l’éducation par le projet des volontaires, la coopération française pour les professeurs de discipline). Le développement du projet de l’université du futur africain. L’ouverture de portail avec des contenus éducatifs par le centre de ressources du RESAFAD.
Les ordinateurs sont de plus en plus présents dans le milieu scolaire mais, leur usage pédagogique est très limité ou inexistant. L’approche est plutôt techniciste et consiste à l’initiation des élèves à l’utilisation des TIC. Toutefois, des projets comme celui du Groupe pour l’étude et l’enseignement de la population (GEEP), de World-Links, de Projet qualité de la coopération avec la direction de l’enseignement élémentaire, la fondation Paul Gérin- Lajoie ont tenté des expériences d’informatique pédagogiques ponctuelles ou limitées dans le temps. « Acacia » a soutenu de 2003 à 2009, un projet de recherche sur l’intégration des TIC dans les apprentissages de base à l’école élémentaire au Sénégal qui représente une contribution du projet à la définition d’une stratégie d’intégration efficiente, efficace et contextualisée des TIC dans le curriculum de l’éducation de base dans le pays. Le Sénégal dispose d’atouts considérables en matière d’infrastructures de communication numérique comme analogique. Le pays est bien couvert par les médias : radiodiffusion, télévision, téléphonie mobile (avec un taux de pénétration de près de 51%), l’internet haut débit. Les technologies liées au m-learning (m comme mobile) pourraient représenter une opportunité pour améliorer l’accès à des ressources éducatives en faveur des acteurs comme des jeunes déscolarisés. C’est une des pistes à explorer pour la mutualisation et la prise en charge de ce public cible.
- l’État doit planifier la FOAD pour les déscolarisés, garantir sa qualité, la certifier, l’évaluer et la financer ;
- l’État doit exploiter les systèmes de formation par apprentissage traditionnel qui existent et identifier les modules qui peuvent être basculés en FOAD ;
- sensibiliser et informer un large public ;
- mettre en place des centres ressources pour que les apprenants puissent se connecter et se documenter pendant leurs moments de disponibilité et ainsi réduire le coût d’opportunités ;
- mettre en place la formation des tuteurs qui doivent intervenir dans l`encadrement au niveau national ;
- lier les offres de formation aux besoins nationaux et validées par les opérateurs économiques ;
- financer et accompagner la production de contenus numérisés et médiatisés ;
Quel modèle pédagogique ?
Nous pouvons proposer trois démarches : Une démarche additive ou complémentaire. Cette démarche est orientée vers la mise à disposition via une plateforme FOAD d’un complément « informatif » au cours présentiel (Figure 1), une démarche assistée (Figure 2) qui consiste à mettre à la disposition des apprenants l’ensemble des concepts fondamentaux d’un cours via une plateforme FOAD. Il ne s’agit plus ici de mettre en ligne des éléments additifs du cours mais plutôt le contenu du cours proprement dit. Les utilisateurs doivent consulter le contenu du cours qui va leur être dispensé. Cette démarche permet à l’apprenant de dégager les concepts fondamentaux mais aussi les questionnements auxquels le formateur devra répondre lors de la séance de regroupement. Une troisième démarche dite supervisée (Figure 3), à l’inverse des deux précédentes (additive ou assistée) s’adresse à des apprenants qui valideraient un cursus de formation uniquement en FOAD où l’enseignant guide l’apprenant tout au long de sa formation. L’équipe enseignante a un rôle très important car elle gère l’orientation des apprenants et doit assurer leur suivi sans séance de cours classique.
Bibliographie
Jacquinot Geneviève (1993) Apprivoiser la distance et supprimer l’absence ? Ou les défis de la formation à distance. Revue Française de Pédagogie, 102, 55-67
« Formation Ouverte et À Distance : l’opportunité de ré interroger nos pratiques », novembre 2003, www.ranfor.crefor.asso.fr
Perriault Jacques (1996) La communication du savoir à distance : autoroutes de l’information et télé- savoirs. Paris, l’Harmattan.
Rapport atelier international de restitution « Quelle formation professionnelle pour les déscolarisés ? » Dakar 28-30 octobre 2009
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