Résumé
Dans un contexte d’explosion démographique phénoménal et de diversité de l’offre d’enseignement secondaire, l’enseignement technique professionnel supérieur sénégalais est aujourd’hui confronté à une double problématique : la massification des effectifs et leur hétérogénéité. Toutes deux sont sources de tensions et d’inégalité des chances de réussite scolaires et professionnelles.
Malgré un système de sélection démocratique à l’entrée du cursus universitaire, la question de la désarticulation entre le secondaire et le supérieur se pose et provoque une hétérogénéité sociologique et psychopédagogique des classes de (DUT). Cette situation d’iniquité où les étudiants démarrent un nouveau cursus avec des prés requis et des prés acquis différents, rend la pratique pédagogique très difficile pour l’étudiant comme pour l’enseignant.
Nous analyserons les difficultés de l’étudiant liées d’une part à la différence de capital socioculturel, des prés requis scientifiques, techniques ou des rythmes d’apprentissage. Aussi, les difficultés de l’enseignant liées aux particularités de la prise en compte de l’hétérogénéité de la classe, éclaireront les attendus de la pédagogie de réussite. On interrogera également le fait que même si au départ la démocratisation de l’accès de l’enseignement a été assurée, celle-ci n’entraine pas toujours la réussite universitaire. Face à ce problème complexe et multiforme, nous avons, en tant que praticien et chercheur été amené à interroger nos pratiques. Mieux comprendre l’origine de cette hétérogénéité et ses incidences sur les pratiques constitue une aide pour faire face et pour lever quelques uns des principaux obstacles soulevés.
La pédagogie différentiée fondée sur une connexion intelligente des pratiques pédagogiques et des pratiques sociales extrascolaires quand elle est associée à une exploitation des différences de pré requis, n’est-elle pas la solution appropriée pour régler la question de l’hétérogénéité des classes en DUT ?
Comment une pédagogie différenciée sur les pratiques sociales de référence et une prise en compte de l’écart de pré requis et des rythmes d’apprentissage peut –elle apporter une solution à la question de l’hétérogénéité des classes en DUT ?
L’objet de cet article est de répondre à ces deux grandes questions. Nous démontrerons à partir du cas de l’enseignement des sciences graphiques et de la technologie des matériaux au niveau (DUT) de (l’ESP), comment prendre en compte les déterminants culturels et psychopédagogiques dans les pratiques pédagogiques pour faire émerger une pédagogie différentiée de réussite. Ce travail débouche également sur une proposition de modèle de pédagogie différentiée inspirée des approches sociologiques et pédagogiques des apprentissages informels et ou traditionnels.
Mots clés
Hétérogénéité, pédagogie différentiée, massification, enseignement technique supérieur
Introduction
Au Sénégal, le choix des politiques éducatives relatives à l’augmentation des taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire, a fait naitre au cours des décennies passées, une forte explosion des effectifs ainsi qu’une disparité des enseignements dans le supérieur.
En effet au cours des années 2000, la carte scolaire du Sénégal a connu une réelle expansion avec la mise en place de beaucoup de lycées dans les endroits les plus reculés du pays, notamment dans les campagnes, créant ainsi une réelle disparité dans la qualité de l’offre d’enseignement.
L’arrêté interministériel n°8782 MEPEMSLN-SG-DAJLD en date du 10 septembre 2009 portant classement des établissements d’enseignement secondaire du Sénégal, fixe au niveau des statistiques, un nombre de 87 lycées et 575 collèges pour l’année 2007 – 2008.
Aussi entre 2001 et 2015, le nombre de bacheliers a plus que doublé, passant de 9159 en 2001 à 22.438 en 2007, à 20.476 en 2008 et à 45.081 en 2015, soit une croissance annuelle de 12.33%, [1]dépassant de loin la capacité d’accueil des universités.
Cette brûlante question de la massification des effectifs découle de l’explosion de l’offre d’enseignement secondaire qui a entrainé une augmentation du nombre de bacheliers qui demandent de plus en plus à accéder à l’enseignement supérieur.
Aujourd’hui cette massification spectaculaire et ces disparités dans les trajectoires scolaires des étudiants ont créé au niveau universitaire plusieurs conséquences, notamment la question de l’hétérogénéité des classes et la question de la démocratisation de la réussite.
Se pose alors l’équation de la gestion pédagogique des classes hétérogènes et pléthoriques dans un contexte de mondialisation où des organismes et des gouvernants misent énormément sur l’enseignement supérieur pour le développement des pays. D’ailleurs cette préoccupation de l’articulation entre le secondaire et le supérieur apparait également à travers la déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le 20éme siècle qui stipule à l’article 3 que «L’équité en matière d’accès à l’enseignement supérieur devrait supposer en premier lieu le renforcement et, au besoin, la réorientation, des liens avec tous les autres niveaux de l’éducation, en particulier avec l’enseignement secondaire.»[2]
L’enseignement supérieur, du fait des nouveaux enjeux de développement qu’il soulève, va exiger davantage des moyens de fonctionnement, coûter de plus en plus trop cher au contribuable, mais va aussi en retour, avoir une obligation de résultats et de bons rendements académiques en termes d’efficacité externe et interne.
Quelle réponse apporter pour relever ce défit actuel de l’enseignement supérieur et faire en sorte que la démocratie de l’accès puisse entrainer une démocratie de la réussite ?
Quel modèle pédagogique adapté, centré sur les contenus, sur les apprenants et sur le contexte faudrait-il appliquer pour agir fortement sur les situations d’apprentissage afin de régler cette question de l’hétérogénéité des classes et de la massification ?
Nous allons dans ce qui suit, à travers le cas de (l’ESP)[3], présenter la réponse que nous avons apportée à cette question de l’hétérogénéité en montrant comment nous avons mis en place une pédagogie différentiée par les pratiques sociales de référence, l’exploitation des vertus pédagogiques de l’apprentissage non formel puis proposer enfin une réflexion approfondie sur la question.
Ainsi nous centrerons notre propos autour des points suivants :
- La problématique du phénomène de l’hétérogénéité des classes de (DUT) au Sénégal: ses origines, ses formes, ses causes et ses conséquences.
- La présentation d’un cadre problématique
- La mise en évidence et l’analyse du phénomène de l’hétérogénéité à partir d’un dispositif de recherche qualitatif et quantitatif.
- La réponse à l’hétérogénéité des classes de (DUT) par la mise en place d’un modèle de pédagogie différentiée à partir des pratiques sociales de référence.
- La discussion et la conclusion.
Problématique
Au démarrage des formations (DUT)[4] au Sénégal, en Novembre 1967, l’option était une formation supérieure professionnelle courte de techniciens de qualité, destinés à l’industrie, aux entreprises et à la fonction publique. Le public ciblé avant la réforme des bacs, était composé de bacheliers des séries scientifiques B, C, D, E, puis après des séries S, provenant pour l’essentiel des lycées qui étaient concentrés au niveau des chefs lieux des régions. Le corps enseignant de très haut niveau, était composé essentiellement d’assistants techniques expatriés français pour la plupart et des nationaux formés dans des écoles normales supérieures ici ou en France.
Actuellement, l’enseignement supérieur sénégalais est confronté à deux types de problèmes majeurs d’ordre sociologiques et psychopédagogiques qui ne garantissent pas une pédagogie de réussite des étudiants.
Sociologiques du fait de la massification des effectifs et de l’hétérogénéité des étudiants venant du secondaire, conséquences de la lancinante question de l’inégalité des chances de réussite à l’école.
Psychopédagogiques du fait de la disparité des trajectoires scolaires des étudiants, de la différence de leur rythme de travail et de la diversité des profils de diplômes admis : bac série S1; (maths et sciences physiques) bac série S2, (maths, sciences physiques et SVT) bac série S3, (maths sciences et techniques industrielles).
De plus, certains étudiants ont fait les 4éme et 3éme technologiques, subi un enseignement scientifique de haut niveau, à travers des laboratoires pédagogiques modernes bien équipés, dont disposent leurs établissements, alors que d’autres n’ont pas pu avoir cette possibilité et cette chance pour avoir suivi un cursus dans des lycées de fortune ou de campagne.
En effet, parmi les cohortes d’étudiants que nous recevons, certains viennent de l’intérieur du pays, dans les campagnes où certains établissements de fortunes ne bénéficient pas parfois d’équipements scientifiques technologiques complets pour les expériences de laboratoire indispensables pour mieux asseoir les connaissances scientifiques et technologiques de base.
Il faut noter également qu’au paravent, la carte scolaire du Sénégal n’était pas très diversifiée ; les grands lycées étaient presque concentrés au niveau des chefs lieux de régions où chaque région possédait en général un bloc scientifique technologique ou un collège d’enseignement moyen technique.
Ce qui fait que seuls quelques rares élèves accessibles à cette offre d’enseignement pouvaient bénéficier de cet enseignement scientifique technologique de qualité permettant l’acquisition de bagages scientifiques et d’une culture scientifique technologique.
Problèmes qui posent les hypothèses de l’influence de la massification spectaculaire, des disparités des étudiants sur l’hétérogénéité des classes, la démocratisation de la réussite et les inégalités des chances de réussite vers l’enseignement supérieur.
Cette forte explosion de la demande de formation supérieure dans un contexte de diversité des trajectoires scolaires et de disparité dans la qualité de l’offre d’enseignement secondaire ne peut –elle pas être une source d’articulation entre le secondaire et le supérieur ?
Est-ce que dans ce contexte actuel de massification et d’hétérogénéité des classes, le système peut garantir une réelle démocratisation de l’enseignement ainsi qu’une égalité des chances de réussites aux jeunes bacheliers ?
Est-ce que le choix d’un modèle pédagogique articulé autour d’une pédagogie différentiée, d’une prise en compte des pratiques et valeurs sociales de référence ainsi que de l’exploitation des vertus pédagogiques de l’apprentissage non formel, ne constitueraient pas la réponse à apporter ?
Le constat est que même si les conditions de sélection et d’accès ont été objectives, la démocratisation de l’enseignement supérieur n’est pas pour autant assurée, on assiste encore à un déplacement de la question des inégalités des chances de réussite vers l’enseignement supérieur.
Se pose alors l’équation de la gestion pédagogique des classes hétérogènes et pléthoriques dans un contexte de mondialisation où des organismes et des gouvernants misent énormément sur l’enseignement supérieur pour le développement des pays.
D’ailleurs cette préoccupation de l’articulation entre le secondaire et le supérieur apparait également à travers la déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le 20éme siècle qui stipule à l’article 3 que «L’équité en matière d’accès à l’enseignement supérieur devrait supposer en premier lieu le renforcement et, au besoin, la réorientation, des liens avec tous les autres niveaux de l’éducation, en particulier avec l’enseignement secondaire.»[5]
Pour vérifier nos hypothèses de départ soulevés plus haut, nous avons opté au niveau méthodologique de travailler sur deux périodes : une première période correspondant au démarrage de la formation et une deuxième période correspondant à la fin de la formation.
La première période consiste d’abord à partir de dispositifs d’investigation quantitatif et qualitatif à déceler au départ de la formation les disparités des trajectoires scolaires puis ensuite à partir d’une évaluation prédictive rechercher et analyser les performances des étudiants.
La deuxième période se faisant en milieu de formation consiste à partir d’une étude diachronique suivie d’une évaluation sommative des étudiants, à étudier et à analyser l’impact de la pédagogie différentiée dans le contexte de massification et d’hétérogénéité des classes.
Cadre théorique
Afin de mieux répondre à notre problématique de recherche, nous avons choisi d’explorer trois cadres théoriques à savoir le cadre théorique de l’hétérogénéité, le cadre théorique de la pédagogie différentiée et le cadre théoriques des pratiques sociales de référence.
Cadre théorique de l’hétérogénéité
Définitions, fondements et évolution du concept d’hétérogénéité
Définition de l’hétérogénéité
Le terme de l’hétérogénéité est défini par le dictionnaire « Larousse encyclopédique » comme étant un ensemble composé d’éléments de nature différente qui manque d’unité alors que le dictionnaire « Hachette encyclopédique » souligne le caractère hétérogène comme un tout formé d’élément disparates et de nature différente.
Selon Marie Claude GRANDGUILLOT « une classe hétérogène peut désigner une classe où l’écart entre la rapidité des uns et la lenteur des autres est très grand. Ce peut être aussi celle où il existe un écart important entre le nombre de faibles et le nombre de bons élèves ».[6]
Aussi à travers son étude sur la question il propose deux grandes typologies d’hétérogénéités : une hétérogénéité découlant du cadre de vie des apprenants et une autre que l’on observe dans le processus d’apprentissage.
Pour notre cas, la question de l’hétérogénéité se pose à partir du vécu d’un constat sur des écarts de performances, sur une inégalité de culture scientifique et technologique, sur les rythmes d’apprentissage et une nette différence dans le degré de motivation d’apprendre.
Cette question lancinante de l’hétérogénéité découlerait de notre point de vue d’une diversité des trajectoires scolaire et sociales et culturelles des élèves du secondaire qui en sont des facteurs déterminants.
Quelques formes d’hétérogénéité
En général l’hétérogénéité peut prendre plusieurs formes : économiques, le cas où les étudiants n’arrivent pas avec les mêmes avantages matériels, pédagogiques, le cas où les étudiants ne viennent pas avec les mêmes prés requis, socioculturelles, le cas où les étudiants ne viennent pas avec les mêmes cultures ni les mêmes civilisations, psychologiques, le cas où les étudiants n’ont pas le même rythme de compréhension et de travail.
Dans notre cas il s’agit essentiellement de deux formes d’hétérogénéité : l’hétérogénéité socioculturelle et l’hétérogénéité psychopédagogique.
Comment celles-ci se sont-elles développées dans notre contexte ? Quels en sont les origines et les causes ?
Origines fondements, évolution et cause de l’hétérogénéité
Selon le contexte, les causes et origines de l’hétérogénéité peuvent être lu et perçu différemment. Ainsi Moreau Marie Aude dans son mémoire de master « comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ?»[7], situe les origines et les causes de l’hétérogénéité à plusieurs niveaux:
- Les différences socioéconomiques des apprenants
- Les différences socio-culturelles des apprenants
- Les différences des cadres de vie psycho- familiaux
- Les diversités du degré de motivation des apprenants
- Les diversités des profils et des prés requis pédagogiques
Elle précise également que « l’hétérogénéité constatée en classe provient des différences du cadre de vie des élèves (différences socio-économiques et culturelles, cadre psycho-familial). De même, l’hétérogénéité observée dans les processus d’apprentissage s’explique par les différences de motivation, de développement, de profils pédagogiques, de nature même des enfants..»[8]
Toujours dans les origines et cause de l’hétérogénéité Magdalena Le Prévost souligne « En sciences et sociologie de l’éducation, la notion d’hétérogénéité se définit a minima en rapport aux écarts de niveaux scolaires au sein d’une classe, souvent attribués aux évolutions dues à la massification de l’enseignement, à la suppression de certains paliers d’orientation, à la disparition progressive du redoublement, au collège unique, etc. »[9]
Un autre chercheur d’Halina Przesmycki (2000), fonde les origines de l’hétérogénéité sur « L’appartenance socio-économique », « l’origine socioculturelle », « les cadres psycho familiaux », les « stratégies familiales », « la diversité de la motivation des élèves à travailler et à apprendre », aux « rythmes », à «la diversité des modes de pensée et des stratégies d’appropriation »
D’autres auteurs comme Bruno Suchaut quant à lui expliquent les origines et les causes de l’hétérogénéité scolaire par la massification du système et la diversification des publics apprenant accueillis dans les établissements scolaires.
Selon lui « Cette évolution s’est traduite sur le terrain par des changements dans la composition du public d’élèves accueilli dans les établissements et la plus grande diversité des élèves est principalement le fait de deux mécanismes. Le premier tient au phénomène de massification. Le second, tient à la suppression de certains paliers d’orientation, de filières (et d’une partie des structures d’enseignement spécialisé). A cela, s’ajoute une évolution sociale, économique et culturelle de la société qui a provoqué des changements dans le rapport des individus à l’école. »[10]
Ce petit détour d’analyse du cadre théorique de l’hétérogénéité montre pour l’essentiel que l’hétérogénéité est un fait avéré qui constitue une difficulté majeur dans le processus d’apprentissage et l’une des solutions entre autre proposée pour lever cet obstacle est pédagogie différentiée.
Dans le contexte sénégalais, les origines et causes de l’hétérogénéité se situent au niveau des différences socio-économiques, socio-culturelles, du cadre de vie psycho- familiaux et du degré de motivation diversité des profils et des prés requis des élèves.
En effet, les étudiants qui abordent la formation du premier cycle universitaire nous arrivent avec certaines différences notamment sur la diversité culturelle, sur le mode de socialisation et sur l’origine du milieu familial ; favorisé, peu favorisé ou pas du tout favorisé.
En plus de cette diversité sociologique économique, culturelle et pédagogique, il existe aussi une diversité des trajectoires scolaires des étudiants. Certains ayant eu à bénéficier de laboratoires pédagogiques bien équipés et d’un enseignement scientifique de bon niveau et d’autres n’ayant pas eu cette chance.
Parmi les cohortes d’étudiants que nous recevons, certains viennent de l’intérieur du pays, dans les campagnes où les établissements de fortunes ne bénéficient pas parfois d’infrastructures et d’équipements scientifiques technologiques complets, pour les travaux de laboratoire ainsi que les expériences scientifiques nécessaires pour assoir les connaissances de base.
La conséquence de la non prise en compte de cette hétérogénéité est la légitimation de l’inégalité des chances de réussite que nous avons décelée au cours de notre pratique et de nos observations de terrain et qui ont montré que presque la majeure partie des étudiants qui réussissaient en sciences graphiques et en matériaux avaient fait des classes technologiques, fréquenté des lycées modernes équipés et étaient d’origine culturelle moderne ou mixte.
Pour remédier à cette question préoccupante de l’hétérogénéité, plusieurs auteurs comme MOREAU Marie-Aude[11] ont propose entre autre dans leurs travaux plusieurs solutions allant de la pédagogie différentiée, la mutualisation par les groupes jusqu’au tutorat entre pair.
Dans leurs démarches, ils partent en général d’une étude diagnostique pour mieux comprendre le phénomène l’hétérogénéité et ensuite par une étude de stratégie de correction par la proposition de modèles pédagogiques.
Nous avons aussi opté pour la même démarche en prenant le pari de traiter en amont l’hétérogénéité pour mieux appréhender ces questions complexes des différences et des diversités des apprenants et aborder en aval la question de la pédagogie différentiée comme solution de remédiation.
Prégnance de l’hétérogénéité et conséquence sur la démocratie de la réussite
Ce contexte où les étudiants démarrent un nouveau cursus avec des diversités de plusieurs ordres met à la fois les enseignants et les étudiants dans une situation de travail très difficile pour la conquête des savoirs.
La différence de capacités d’abstraction, de culture scientifique, technologique, de rythme de travail des étudiants, ne facilite souvent pas les apprentissages et plombe la relation pédagogique au niveau de l’animation, de la coopération et des interactions socio affectives.
La non prise en compte des inégalités du capital économique, du capital socioculturel et du capital psychopédagogique, l’absence de connexion entre disciplines scolaires et pratiques sociales, l’inexistence d’enseignement individuel et collectif par l’enseignant, ne permettent pas non plus une pédagogie de réussite.
Comme solution à la problématique de l’hétérogénéité, MOREAU Marie-Aude[12] dans ses travaux, propose entre autre la pédagogie différentiée, la mutualisation par les groupes ainsi que le tutorat entre pair. Dans notre projet didactique nous proposons dans une perspective de garantir l’équité ainsi que l’égalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur professionnel, de proposer en termes d’innovation pédagogique l’exploitation des activités scolaires dans les activités d’enseignement.
Cadre théorique de la pédagogie différentiée
Définition, fondements et évolution du concept de pédagogie différentiée
Définition de La pédagogie différenciée
Une pédagogie différentiée est une pratique d’apprentissage qui prend en compte la nature, les difficultés, les situations, et les prés requis des apprenants afin de leur permettre de mieux apprendre et d’atteindre les objectifs fixés par l’enseignement.
Comme définition institutionnelle, l’éducation nationale souligne que «(La pédagogie différenciée) est la démarche qui cherche à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire hétérogènes, mais regroupés dans une même division, d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs, ou en partie communs.»[13]
D’après MEIRIEUX « Différencier, c’est avoir le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité, s’appuyer sur la singularité pour permettre l’accès à des outils communs, en un mot : être en quête d’une méditation toujours plus efficace entre l’élève et le savoir.»[14]
Il ajoute également que la différenciation, c’est «Se laisser interpeller par l’apprenant, par l’élève concret, déroutant et irritant, mettant parfois en échec nos meilleurs intentions, faisant vaciller avec inconscience nos plus beaux édifices »….« Je ne respecte pas les différences, j’en tiens compte » (MEIRIEU 1989).
Pour Louis Legrand, le terme de pédagogie différenciée désigne « un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves.»[15]
Fondements et évolution du concept de pédagogie différentiée
Au niveau des fondements du concept, d’après Mérieux, P c’est déjà au début du 20éme siècle, que Célestin Freinet instituteur à Vence dans les Alpes pionnier, développe les premières tentatives de pédagogie différentiée en cherchant à donner du sens à l’apprentissage et en favorisant la coopération entre les élèves par la correspondance scolaire collective individuelle; texte libre, journal scolaire, sortie enquête.[16]
Il souligne aussi que les premières expériences d’individualisation de l’enseignement remontent vers les années 1905, à l’école de Dalton aux États-Unis, où Miss Parkhust, convaincue de la nécessité de différencier les parcours de formation des élèves en fonction de leur niveau et de leur « personnalité », décide de supprimer les classes et met en place un travail par fiches individuelles à partir de tests initiaux.
Toujours dans le registre des fondements du concept Bruno ROBBES[17] aborde aussi les origines sociopolitique et pédagogiques de la pédagogie différentiée et soulève les apports de la psychologie cognitive comme le conflit socio-cognitif de Jean Piaget[18] la zone proximale du développement (ZPD) du psychologue russe Lev Vygotski, «l’objectif-obstacle » développée par Jean-Louis Martinand.
Les études sur les fondements théoriques du concept font apparaitre à travers la littérature plusieurs thèses.
Celles à l’image de Freinet, Mérieux, J.M. DE KETELE, B. HALINA PRZESMYCKI (1991) C. Jean-Michel ZAKHARTCHOUK (2001), BURNS[19] Ponce Corinne(1996)[20] qui s’adossent sur les postulats pédagogiques de la prise en compte du milieu et de la nature de l’apprenant dans l’apprentissage.
D’autres qui diffusent des postulats politiques comme celui de la réponse à la massification, de la lutte pour l’égalité des chances, pour la démocratisation de la scolarisation ainsi que l’élévation du niveau de qualification des populations.
Postulats qui apparaissent du reste à travers la réforme René Haby en 1975, le décret « Missions de l’école » du 24 juillet 1997 Article 15 et au Sénégal à travers la première loi d’orientation N°71036 du 06 juin du système éducatif qui prône à son article 11 une égalité des chances de réussite par différentiation dans tous les cursifs d’enseignement
Aujourd’hui le concept est plus que d’actualité car étant au cœur du débat de la pédagogie universitaire et constituant un enjeu sociopolitique et pédagogique majeur dans les dispositifs d’enseignement supérieure s en Afrique.
Enjeux de la pédagogie différentiée dans notre dispositif de formation et réponse à l’hétérogénéité des classes de (DUT)
Dans ce contexte actuel de crise de l’enseignement supérieur où de grandes organisations internationales comme la banque mondiale, la conférence mondiale sur l’enseignement supérieur [21] prônent une meilleure articulation entre le secondaire et le supérieur, l’équité en matière d’accès à l’enseignement supérieur, la pédagogie différentiée constitue un enjeu de taille.
Aussi en milieu familial le jeune compte tenu de son contexte reçoit dans le cadre de sa socialisation, des connaissances, des savoirs, des savoir faire et des savoirs être en terme de normes de valeurs de pratiques dispensée par la société.
C’est sur l’ensemble de tous ces atouts et ces ressources diverses disponibles que nous allons nous appuyer pour bâtir une pédagogie différentiée qui a non seulement comme fonction la lutte contre l’échec scolaire, mais également l’amélioration de la relation pédagogique par la mise en avant de logiques d’animation, d’interaction socioculturelle, de mutualisation et de co- construction des savoirs.
La réponse à l’hétérogénéité des classes de (DUT) par la mise en place d’un modèle de pédagogie différentiée.
La pédagogie différenciée une réponse à l’hétérogénéité des classes de (DUT)
Pour apporter une réponse et corriger le phénomène de l’hétérogénéité, nous avons à partir du constat de diversité des étudiants et des nouveaux enjeux soulevés, tenté de mettre en place une pédagogie différenciée en exploitant des pratiques sociales de références ainsi que les différences de pré requis, de trajectoires scolaires des étudiants.
Comment la pédagogie différentiée est-elle présentée et opérationnalisée dans notre cas ?
Au Sénégal, la massification des effectifs consécutive au boom démographique ainsi que l’hétérogénéité des étudiants découlant de la diversité des trajectoires scolaires et du capital socioculturel, posent aujourd’hui la question de la mise en œuvre d’une nouvelle approche de la pédagogie différentiée à l’université de Dakar.
Cette pédagogie différentiée consiste à une stratégie d’apprentissage variée, diversifiée qui essaie de donner une réponse à une situation d’hétérogénéité des étudiants et de garantir une pédagogie de réussite pour tous. Elle consiste pour l’enseignant à concevoir puis à mettre en place des méthodes d’apprentissage et à déployer des moyens de traitement des difficultés rencontrés par les étudiants pour leur permettre de réussir ensemble.
La différentiation pédagogique s’opère à deux niveaux à celui des étudiants où l’enseignant exploite les atouts de l’apprentissage social comme le tutorat entre pairs, l’interaction sociale, le back grounds culturel des étudiants. A celui de l’action de l’enseignant qui s’appuie sur le mode d’organisation, d’animation de la classe, l’approche choisie, l’exploitation des écarts entre étudiants et la qualité des supports pédagogiques proposée.
Notre action pédagogique met en avant une certaine flexibilité méthodologique regroupant de façon cohérente une diversité des approches, une variabilité pédagogique, une adaptation au background culturel et au rythme d’apprentissage des étudiants.
L’organisation et la gestion de la relation pédagogique vont alors s’appuyer sur une triple bipolarisation de l’action d’apprentissage : une bipolarisation entre l’enseignant et l’apprenant, une bipolarisation entre l’enseignant et le savoir ainsi qu’une bipolarisation entre l’apprenant et le savoir.
Dans les deux pôles (enseignant – apprenant) et (enseignant- savoirs), nous avons dans l’activité d’enseignement, une fonction formatrice de coaching, de guidance de l’étudiant vers le chemin de la réussite par l’adaptation au rythme d’apprentissage des étudiants, et l’exploitation de ces différences socioculturelles pour développer les apprentissages.
Par exemple pour lever l’obstacle motivationnel et l’obstacle du doute de réussir, l’enseignant déclenche chez l’étudiant, la confiance en soit, le désir d’apprendre par un guidage vers la persévérance et l’engagement cognitif.
Il essaie ainsi d’augmenter le potentiel cognitif de l’apprenant en déclenchant un stimulus, une motivation à travers la persuasion de l’étudiant sur ses capacités à faire face et à réussir l’apprentissage ainsi que l’exploitation de son fond culturel.
Au niveau des deux bis pôles (enseignant – apprenant) formatif et (enseignant- savoirs) normatif, l’enseignant au niveau du premier, tient compte des écarts de pré requis et exploite la différence de capital culturel ou les pratiques sociales de référence pour faire passer le message.
Au niveau du deuxième bis pôle pole, il fait un travail d’adaptation des contenus au contexte par une transposition didactique externe appropriée et porteuse.
[1] Mamadou Youri Sall enseignant-chercheur UGB Le baccalauréat, un héritage trop lourd! Journal SENEGO.com du 21 Aout 2015
[2] DECLARATION MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR LE XXIe SIECLE : CONFERENCE MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR L’enseignement supérieur au XXIe siècle : Vision et actions 9 octobre 1998
[3] Ecole supérieure polytechnique.
[4] Diplôme universitaire de technologie.
[5] DECLARATION MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR LE XXIe SIECLE : CONFERENCE MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR L’enseignement supérieur au XXIe siècle : Vision et actions 9 octobre 1998
[6] Marie Claude GRANDGUILLOT (Enseigner en classe hétérogène, 1993, Pédagogie pour demain – Nouvelles Approches – Hachette pages 32 à 35)
[7] Moreau Marie Aude (comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ? 2005, mémoire de master, IUFM de Bourgogne.
[8] Moreau Marie Aude (comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ? 2005, mémoire de master, P5, IUFM de Bourgogne.
[9] Magdalena Le Prévost, « Hétérogénéité, diversité, différences : vers quelle égalité des élèves ? », Nouvelle revue de psychosociologie 2010/1 (n° 9), p. 55-66. DOI 10.3917/nrp.009.0055
[10] Bruno Suchaut. Le meilleur compromis pour tous. Cahiers Pedagogiques, 2007, pp.18-19.
[11] Moreau Marie Aude (comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ? 2005, mémoire de master, IUFM de Bourgogne.
[12] Moreau Marie Aude (comment gérer l’hétérogénéité d’une classe ? 2005, mémoire de master, IUFM de Bourgogne.
[13] (Inspection générale de l’Education Nationale, La pédagogie différenciée au Collège, Paris, CNDP, 1980, p. 5.)
[14] Différencier la pédagogie des objectifs à l’aide individualisée « réussir à l’école, des enseignants relèvent le défi » Edition Vie Ouvrière (P. MEIRIEU – N. ROUCHE) 1987
[15] (Louis LEGRAND, La différenciation pédagogique, Scarabée, CEMEA, Paris 1984)
[16] MEIRIEU P. (2001). Célestin Freinet. Comment susciter le désir d’apprendre ? Mouans-Sartoux : PEMF, p. 14.
[17] Bruno ROBBES,( 2009) La pédagogie différenciée : historique, problématique, cadre conceptuel et méthodologie de mise en œuvre Université de Cergy-Pontoise/IUFM de Versailles laboratoire CREF – EA 1589
[18] Piaget, J. (1976). La représentation du monde chez l’enfant. Paris : PUF.
[19] Burns, R. (1971). Methods for individualizing instruction. Educational Technology, 11, p. 55-56.
[20] [20] Ponce Corinne. Pédagogie différenciée. In: Revue française de pédagogie, volume 114, 1996. L’éducation à la santé. pp. 97-102;
[21] DECLARATION MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR LE XXIe SIECLE : CONFERENCE MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR L’enseignement supérieur au XXIe siècle: Vision et actions 9 octobre 1998
Au niveau du bis pôle formatif et interactif (apprenant – savoir), les étudiants mutualisent puis enrichissent leurs procédés de construction des savoirs au niveau individuel, collectif et l’enseignant exploite dans le cadre de la mutualisation, le principe du tutorat en mettant à contribution sous sa supervision, les élèves forts pour aider les élèves faibles à avancer vite.
En effet dans la mise en œuvre de notre modèle de pédagogie différentiée, en plus de la prise en compte de l’hétérogénéité, nous nous sommes adossés sur les apports des théories d’apprentissage notamment celles du développement social de Vigostky et celles de l’apprentissage social de Bandura. Dans la perspective de Vigostky nous avons exploité les atouts de l’interaction sociale ainsi que les fonctions de la zone de développement proximal dans l’apprentissage collectif et l’enseignement individuel.
Dans la perspective de Bandura, nous avons exploité les atouts de l’apprentissage vicariant c’est-à-dire l’apprentissage par observation ainsi que ceux de l’auto efficacité, c’est-à-dire la prise en compte de l’influence de la reconnaissance des potentialités d’apprentissage par l’apprenant, dans la motivation, l’augmentation du potentiel cognitif et dans l’apprentissage proprement dit.
Ce faisant nous allons fonder notre pédagogie différentiée sur trois grands paradigmes : un paradigme épistémique de construction de la connaissance, un paradigme de la dialectique sociale à savoir la prise en compte de l’homme de son altérité, son rapport à son environnement, un paradigme économique et politique de l’équité et de l’égalité des chances.
Cadre théoriques des pratiques sociales de référence
Définitions, fondements théorique et évolution du concept
Les pratiques sociales de référence peuvent être définies comme des activités de production agricoles, artisanales, industrielle, halieutiques, pastorales, forestières, domestiques et culturelles, pouvant servir de référence pour la conception et la mise en œuvre d’activités d’apprentissage.
Selon Develay « Une pratique sociale de référence est une activité sociale pouvant servir de référence à des activités scolaires. Le sens de la tache scolaire réside dans l’usage social ou domestique que l’on pressent. » [1]
Pour Jean-Louis Martinand (Astolfi, J-P., Darot, E., Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J., 2008), « les pratiques sociales de référence correspondent à des activités objectives de transformation d’un donné naturel ou humain (pratiques). Elles concernent l’ensemble d’un secteur social, et non des rôles individuels (sociales). »
Comme éléments de référence Jean L. Martinant propose ces activités de référence suivantes dans les pratiques scolaires :
- Les activités de recherche scientifique
- Les activités de recherche industrielle
- Les activités d’Ingegneri
- Les activités domestiques
- Les activités culturelles ou idéologiques
Dans notre contexte nous ajouterons à ces activités, les activités de production artisanale, les activités domestiques, agricoles, les activités d’apprentissage traditionnel, les modes de socialisation traditionnelles, les normes les valeurs les rôles les statuts sociaux ainsi que les activités de sports ludiques ou éducatifs.
Les activités de sports traditionnels dans notre contexte, peuvent à l’mage du postulat de Samuel Joshua [2] être porteuses de savoirs experts comme les notions de poids, d’équilibre statique, de pesanteurs de newton et peuvent même être exploité dans la compréhension du comportement mécanique des structures en béton armé au niveau de descentes des charges.
Ainsi comme on le perçoit les pratiques sociales de références interrogent les pratiques scolaires, étudient les écarts ou les articulations avec celles-ci et proposent des modalités de mobilisation des ressources matérielles et intellectuelles pour les apprentissages.
Fondements théorique et évolution du concept
Les fondements théoriques du concept apparaissent sous l’impulsion de Jean-Louis Martinand dans les années 1980 à travers une étude d’amélioration de l’enseignement de la technologie au collège par l’enrichissement des d’apprentissages centrés sur des objets isolés (le targettisme), par la prise en compte des activités scientifiques techniques et technologiques extrascolaires du champ social.
On voit également que cette théorie des pratiques sociales de références de Martinand vient compléter la théorie de la transposition didactique d’Yves Chevallard qui s’intéresse à une transformation d’un savoir savant académique à un savoir à enseigner. Martinand complète et enrichit dans la chaine de transposition didactique les savoirs académiques et universitaires à enseigner.
Aussi Michèle develay apporte dans le schéma de modélisation de la transposition didactique certains éclairages sur les modalités de connexion des pratiques sociale de référence et les savoirs savants pour construire les savoirs à enseigner. En effet il adosse cette connexion sur deux axes : un premier axe curricula ire de réponse à des objectifs et finalités éducatives et un deuxième axe didactique d’adaptation, de contextualisation, de réduction des écarts entre activités scolaires et activités extrascolaires.
[1] Develay De l’apprentissage à l’enseignement. (1992)
[2] Samuel Joshua (in Reuter, 2007 p 184).
Ce postulat de la connexion des pratiques pédagogiques avec les pratiques sociales de référence est décliné par des auteurs comme J.L. Martinand, Bloomer et Hodkinson (2000) qui montrent la dialectique existante entre les dimensions identitaires, épistémiques et cognitives dans l’apprentissage ainsi que leur prise en compte dans l’activité d’enseignement.
La littérature fait apparaitre une application de cette théorique des pratiques sociales de référence dans la didactique des disciplines comme l’éducation physique[1] , l’informatique[2] la danse, la technologie[3].
Dans notre cas cette théorie des pratiques sociales de référence est exploitée pour mettre en place une pédagogie différentiée en classe de première année DUT Génie Civil. Il s’agira ainsi dans le cadre des cours de sciences graphique, matériau de construction, mécanique des structures, de rechercher une connexion féconde entre les pratiques scolaires et activités extrascolaires.
Dans un premier temps, on cherchera à identifier dans les pratiques sociales pertinentes, les référents empiriques qui sont en rapport avec notre objet d’apprentissage et qui peuvent enrichir, compléter les savoirs savants académiques pour construire le savoir à enseigner.
Et dans second temps de voir comment il faudra exploiter ou connecter ces pratiques sociales aux savoirs savants de manière à mettre en place une pédagogie différentiée pour la réussite des activités d’apprentissage.
Méthodologie d’analyse du phénomène de l’hétérogénéité à partir d’un dispositif de recherche qualitatif et quantitatif
Méthodes d’analyse
Pour déceler ces disparités dans les trajectoires scolaires des étudiants et mieux cerner le problème de l’hétérogénéité, nous avons fait avant le démarrage des modules d’enseignement, des questionnaires, des entretiens oraux et des tests de pré requis que nous avons exploités.
Nous avons fait remplir aux étudiants une fiche d’enquête contenant comme variables : les origines sociales, le type de bac, la trajectoire scolaire, les origines culturelles et la note de l’élève au test. Après un mois d’observation suivi de séries d’entretien et de tests, nous avons collecté et exploité les informations recueillies.
Tableau 1 : Résultats des performances des élèves en fonction des trajectoires de facteurs socioculturels et pédagogiques après évaluation prédictive diagnostique
Origines sociales |
Typede bac |
Trajectoire scolaire |
Origines culturelles |
Note /20 |
|||||||
très aisée |
peu aisée |
pas aisée du tout |
Classes technologiques |
Lycée de ville |
Lycées de campagne |
Traditionnelles |
Modernes |
Mixtes |
|||
1 |
X |
S2 |
x |
x |
x |
16 |
|||||
2 |
x |
S1 |
x |
x |
10 |
||||||
3 |
x |
S2 |
x |
x |
13 |
||||||
4 |
X |
S3 |
x |
x |
12 |
||||||
5 |
X |
S2 |
x |
x |
14 |
||||||
6 |
x |
S1 |
x |
x |
12 |
||||||
7 |
x |
S3 |
x |
x |
x |
10 |
|||||
8 |
x |
S1 |
x |
15 |
|||||||
9 |
X |
S2 |
x |
x |
x |
17 |
|||||
10 |
x |
S2 |
x |
x |
14 |
||||||
11 |
X |
S1 |
x |
x |
09 |
||||||
12 |
X |
S3 |
x |
x |
13 |
||||||
13 |
x |
S2 |
x |
12 |
|||||||
14 |
X |
S2 |
x |
x |
13 |
||||||
15 |
x |
S1 |
x |
x |
15 |
||||||
16 |
X |
S1 |
x |
x |
x |
16 |
|||||
17 |
X |
S2 |
x |
x |
x |
17 |
|||||
18 |
X |
S1 |
x |
x |
13 |
||||||
19 |
x |
S2 |
x |
x |
12 |
||||||
20 |
x |
S1 |
x |
x |
x |
09 |
[1] Dugas Éric. Des pratiques sociales aux pratiques scolaires en EPS : des logiques de scolarisation plurielles In: Revue française de pédagogie, volume 149, 2004. pp. 5-17;
[2] Christian ORANGE DIDACTIQUE DE L’INFORMATIQUE ET PRATIQUES SOCIALES DE RÉFÉRENCE
[3] JIES – Communications dans les actes (1979- ) Pratiques sociales de référence et compétences techniques. À propos d’un projet
Résultats
Analyse du phénomène de l’hétérogénéité
Le dispositif de recherche qualitative et quantitative que nous avons mis en place au début du démarrage des modules, nous a donné des résultats assez intéressants mettant en évidence de manière significative cette diversité du capital socioculturel et psychopédagogique au sein des étudiants et a permis de déceler et de mieux comprendre cette question de l’hétérogénéité.
Après observation de terrain et exploitation des données collectées, nous avons fait une analyse des progressions des étudiants qui a montré de manière nette comme illustré ci-dessous, l’écart du capital socioculturel, psychopédagogique des étudiants ainsi que l’impact négatif de la non prise en compte de l’hétérogénéité et ses conséquences dans la conduite de classe.
L’analyse du graphique des performances des étudiants, montre que du point de vue des résultats, ceux ayant suivi un cursus avec classes technologiques, dans un lycée moderne et subi une culture moderne ou mixte sont moins nombreux et ont des notes comprises entre 14 et 18 soit (30% environ) alors que les autres ont des notes comprises entre. 09 et 13soit (70% environ) et sont plus nombreux.
Entre les groupes d’étudiants ayant suivi un cursus en classes technologiques, dans un lycée moderne, subi une culture moderne ou mixte et ceux n’ayant pas suivi ce même cursus et subi une culture traditionnelle, il y-a un écart de 7 points sur les résultats et un écart de 4 étudiants entre le nombre de bons (12) et de faibles (8).
C’est l’ensemble de toutes ces informations collectées : résultats statistiques, échanges de proximité avec les étudiants, vécu quotidien sur leurs réactions face à certaines situations pédagogiques, mode de construction des savoirs, cognition et métacognition, qui nous ont poussés à nous arrêter, à réfléchir et à analyser cette problématique.
Par exemple les tests prédictifs que nous avons faits en début de module, montrent de façon prégnante une grande disparité dans la maitrise des nouveaux concepts et des nouveaux principes technologiques comme la notion de la représentation en trois dimensions (3D) en deux dimensions (2D) et notamment le principe du va et vient entre (2D) et (3D) confirmant ainsi l’hypothèse de l’hétérogénéité.
Et c’est d’ailleurs tout le dispositif de vérification de l’hétérogénéité que nous avons mis en place, qui montre et démontre le facteur bloquant que constitue l’hétérogénéité, et qui en explique les origines et les incidences dans la pratique de classe.
Comme dans les sept postulats de BURNS[1] les étudiants n’ont pas le même rythme de travail, ni les mêmes motivations, ni les mêmes capacités de construction des savoirs. En effet pour certains étudiants, les capacités et les prédispositions mentales et intellectuelles fonctionnent à géométrie variable ; ils ne développent pas la même vigilance, les mêmes efforts, n’apprennent pas en même temps et n’évoluent pas à la même vitesse.
Phénomène lié sans doute à une non maitrise de la langue de communication qu’est le français, à un mode d’organisation de la pensée, d’appréhension et de transformation de la pensée abstraite, analyse inductive et déductive ainsi qu’à des périodes d’enseignement au cours desquelles on soumet l’étudiant à des efforts de concentrations excessives.
Nous avons d’ailleurs relevé dans nos tests prédictifs que tous les étudiants n’avaient pas les mêmes capacités ni le même rythme de migration de la (2D) à la (3D) et vice versa. Le problème étant non seulement la non maitrise de la communication graphique, mais aussi une diversité des trajectoires scolaires, consécutive à la différence et des écarts entre les pré requis et pré acquis des étudiants. Certains ayant fait des classes technologiques, des lycées équipés de laboratoire, bénéficié d’environnement familial riche en culture scientifique technologique et d’autres non.
Comme réponse à cette question de l’hétérogénéité, nous proposons comme alternative, d’agir sur le triangle pédagogique au niveau des axes (Enseignant -Apprenant), (Enseignant- savoirs) et (Apprenant- savoirs). Alternative pédagogique qui garantit une action pédagogique efficace à travers une flexibilité méthodologique, une variabilité des approches ainsi qu’une adaptabilité à l’identité culturelle et au rythme d’apprentissage des étudiants.
Opérationnalisation de la pédagogie différenciée
Pour élaborer les contenus et bâtir les stratégies d’apprentissages, l’enseignant dans la transposition didactique va puiser dans les ressources, les savoirs savants académiques, livresques et aussi dans les pratiques sociales de référence.
Au niveau des (DUT), dans l’enseignement en sciences des matériaux, le principe de l’analyse granulométrique construit à partir du référent pédagogique académique du tamisage en laboratoire, peut être complété et enrichi par la pratique sociale, technique du tamisage des grains de céréales à la maison, du tamisage traditionnel des coquillages de mer, pour montrer, démontrer l’idée et le principe de séparation des grains.
En matériaux de construction, pour expliquer le système organisationnel et fonctionnel des planchers avec hourdis et poutrelles, il est possible de compléter et d’enrichir le référent académique livresque par une pratique sociale technique des planchers en argile terre battue, poutres et solivage, pratiquée en Casamance ou au Sénégal oriental.
Aussi en sciences graphiques, il est possible à coté des pratiques académiques livresques de s’appuyer sur des objets, des instruments des pratiques sociales techniques de représentation et de communication graphiques que sont les signes, les symboles, les images, les icones pour expliquer les moyens de représentation graphiques, le sens de représentations graphiques, les méthodes de lecture, de codage et de décodage graphiques.
Au niveau des tracés géométriques simples, des angles, des formes, on peut aussi compléter et enrichir les pratiques académiques avec les instruments les pratiques sociales techniques comme les tracés traditionnels avec les méthodes d’alignement aux cordeaux et aux jalons.
On voit donc cette possibilité et cette pertinence pédagogique de connexion intelligente des savoirs savants académiques avec les connaissances endogènes, les objets les instruments traditionnels, les pratiques sociales techniques, pour faciliter les apprentissages et mieux prendre en compte les problèmes de l’hétérogénéité.
Tableau 2 : Exemple d’utilisation des pratiques de référence dans notre cas
Pratiques sociales de référence identifiées |
Compétences pratiques et posturesexploitées |
Objet à enseigner et apprentissage |
Connexion entre savoirs savants et pratiques sociales |
Savoir et compétences produits dans la pédagogie différentiée |
Activités artisanales de Fabrication des briques de terre en torchisRéférent empirique |
Savoirs techniques au niveau de la fabrication savoirs scientifiques empiriques tacites au niveau des caractéristiques du matériau argile armée |
Explication de l’origine de l’association du matériau béton et acierExplication des principes gé généraux de l’association du béton et de l’acier. |
La compréhension du principe d’augmentation de la résistance du brique en l’armant par du torchis donne une ouverture sur la compréhension du béton armé |
Principe de l’armement du béton par l’acier et les principes qui fondent cette association |
Pratiques sociales de référence identifiées |
Compétences pratiques et posturesexploitées |
Objet à enseigner et apprentissage |
Connexion entre savoirs savants et pratiques sociales |
Savoir et compétences produits dans la pédagogie différentiée |
||
Activités domestiques de tamisages des grains de céréales |
Savoirs techniques du tamisage des grains de céréalesRéférents empiriques techniques de transformation traditionnelle des céréales |
Explication de l’analyse granulométriques des granulats objectifs, lois principes, procédures |
Le lien entre le référent empirique de tamisage traditionnel favorise une meilleure assimilation et compréhension de la caractérisation des granulats par l’analyse granulométrique |
Principe de caractérisation des granulats par une analyse granulométrique |
||
Activités de sports (équilibre dans la superposition des personnes) |
Phénomène d’équilibre Notion de poids d’équilibre et d’attraction de newton |
Explication du principe de la descente des charges en comportement mécaniques des éléments en béton armé |
Le lien entre le référent empirique du sport traditionnel favorise une meilleure assimilation et compréhension du phénomène de la descente des charges et du principe de newton |
Principe de la descente des s par l’application de la loi de newton et par ricochet principe statique de dimensionnement des semelles de fondations |
||
Référent empiriques codes et symboles utilisés traditionnellement |
Explication de la communication graphique dans le projet de mise en œuvre d’ouvrage en génie civil |
Le lien entre le référent empirique du sport traditionnel favorise une meilleure assimilation et compréhension du phénomène de la descente des charges et du principe de newton |
Principe de la représentation en dessin : représentation orthogonales, coupes et 3D |
|||
Pratiques sociales de référence identifiées |
Compétences pratiques et posturesexploitées |
Objet à enseigner
|
Connexion entre savoirs savants et pratiques sociales |
Savoir et compétences produits dans la pédagogie différentiée |
||
Fond culturel le back grounds culturel des étudiants« Un roi n’est pas un parent ni un protecteur ».
|
l’obstacle motivationnel et l’obstacle du doute de réussir, l’enseignant déclenche chez l’étudiant, la confiance en soit, le désir d’apprendre par un guidage vers la persévérance et l’engagement cognitif. |
Par exemple pour leverIl essaie ainsi d’augmenter le potentiel cognitif de l’apprenant en déclenchant un stimulus, une motivation à travers la persuasion de l’étudiant sur ses capacités à faire face et à réussir l’apprentissage ainsi que l’exploitation de son fond culturel. |
Création d’un stimulus, d’un liant pédagogique fort qui a une triple fonction : ludique, culturelle par son aspect de socialisation et pédagogique de par le fait qu’il stimule, motive l’apprenant. |
|||
L’analyse de l’impact de la pédagogie différentiée à partir d’un dispositif de recherche qualitatif et quantitatif
Méthodes d’analyse
Comme pour la recherche d’indicateurs de l’hétérogénéité au démarrage des modules de formation, nous avons aussi fait en fin de modules, des tests sommatifs dont nous avons exploités et interprétés les résultats ci-dessous représentés.
Tableau 3 : Résultats des performances des ‘élèves en fonction des trajectoires de facteurs socioculturels et pédagogiques après évaluation sommative
Liste étudiants |
Origines sociales |
Type de bac |
Trajectoire scolaire |
Origines culturelles |
Note /20Fin de module |
||||||
très aisée |
peu aisée |
pas aisée du tout |
Classes techno
|
Lycée de ville |
Lycées de campagne |
Tradi
|
Modernes |
Mixtes |
|||
1 |
x |
S2 |
X |
x |
x |
18 |
|||||
2 |
x |
S1 |
x |
x |
14 |
||||||
3 |
x |
S2 |
x |
x |
15 |
||||||
4 |
x |
S3 |
x |
x |
16 |
||||||
5 |
x |
S2 |
x |
x |
17 |
||||||
6 |
x |
S1 |
x |
x |
14 |
||||||
7 |
x |
S3 |
x |
x |
x |
15 |
|||||
8 |
x |
S1 |
x |
18 |
|||||||
9 |
x |
S2 |
X |
x |
x |
17 |
|||||
10 |
x |
S2 |
x |
x |
16 |
||||||
11 |
x |
S1 |
x |
x |
14 |
||||||
12 |
x |
S3 |
x |
x |
15 |
||||||
13 |
x |
S2 |
x |
15 |
|||||||
14 |
x |
S2 |
x |
x |
16 |
||||||
15 |
x |
S1 |
x |
x |
17 |
||||||
16 |
x |
S1 |
X |
x |
x |
18 |
|||||
17 |
x |
S2 |
X |
x |
x |
19 |
|||||
18 |
x |
S1 |
x |
x |
15 |
||||||
19 |
x |
S2 |
x |
x |
16 |
||||||
20 |
x |
S1 |
X |
x |
x |
13 |
[1] Les postulats de BURNS édités dans « Essor des didactiques et des apprentissages scolaires » de JP ASTOLFI, 1995.
L’analyse du graphique des performances des étudiants, après évaluation sommative montre que les résultats de ceux n’ayant pas suivi un cursus avec classes technologiques, dans un lycée moderne et dans une culture mixte se sont nettement améliorés et l’écart de réussite s’est beaucoup réduit. Il est maintenant à 5 points entre étudiants faibles et étudiants bons, soit une augmentation de 2 point sur les 7 points au démarrage. De plus on note en fin de module, une moyenne de la classe de 15.9 pour une moyenne de 13.10 en début de formation, soit une augmentation de 2.80 de moyenne et un écart quasiment nul entre faible et bons.
Ce qui montre ainsi l’impact positifs de la mise en place d’une pédagogie différentiée dans la réussite scolaire des étudiants.
Analyse du modèle proposé et perspectives
Dans notre étude sur la pédagogie différentiée dans l’enseignement technique supérieur universitaire, nous avons proposé d’une part un modèle pédagogique qui s’appuie sur trois grands paradigmes et d’autre part un exemple d’utilisation des pratiques sociales de référence.
Nous avons aussi à partir d’un modèle conceptuel expliqué le processus de mise en œuvre de la pédagogie différentiée par une stratégie d’application des pratiques sociales de référence.
Le modèle de la pédagogie différentiée en (DUT) ci-dessous présenté repose sur une exploitation de l’hétérogénéité des classes, fondée sur les pratiques sociales de référence ainsi que les différences et les écarts dans les prés requis et les rythmes de travail des étudiants.
Il s’agit donc dans la mise en place de stratégies d’apprentissage, d’une pédagogie différentiée de faire une connexion féconde entre pédagogie moderne, pratique sociales de référence et vertus pédagogiques de l’apprentissage non formel.
Egalement dans cette nouvelle stratégie d’apprentissage, il s’agira tout en tenant compte des différences et des écarts entre les prés requis, de s’appuyer sur les écarts du le rythme de travail et de niveau scientifique et technologique pour amener la majeure partie de la classe vers la réussite
Discussion
A la lumière de cet essai de conceptualisation d’un modèle de pédagogie différentiée appliquée à l’enseignement supérieur professionnel et au regard des résultats obtenus, il apparait clairement que notre démarche de conception et de mise en place d’une pédagogie différentiée a été holistique, inductive déductive et fiable
En effet dans notre démarche de recherche d’indicateurs de l’hétérogénéité et dans l’évaluation de la pédagogie différentiée, nous avons utilisé des méthodes qualitatives, quantitatives de recherche.
Au niveau de l’animation et de l’interaction pédagogiques, nous nous sommes aussi inspirés des théories du développement de vygostky, de l’apprentissage social de Bandura et mis à fond la carte du tutorat entre pairs et l’interaction mutuelle, pour leurs fonctions de formation, de motivation et de renforcement.
Toutefois on ne saurait garantir à 100% la démocratisation de la réussite par une pédagogie différentiée centrée sur la prise en compte de l’hétérogénéité avec les variables mises en avant au début. Car à coté de celles-ci, il existe d’autres variables cachées comme la baisse de niveau des étudiants, la disponibilité des moyens didactiques dans les pratiques, la qualification et le niveau d’engagement des enseignants, la nature psychologique de l’étudiant. Dans tous les cas, compte tenu des résultats obtenus, cette approche de la pédagogie différentiée demeure une bonne alternative dans la recherche de la démocratisation de l’enseignement dans le contexte de massification et d’hétérogénéité des classes.
C’est pourquoi force est de reconnaitre que face aux enjeux majeurs de l’enseignement supérieur, cette pédagogie différentiée, quand elle est bien menée, peut ne pas être perçue comme une certaine utopie, mais une alternative porteuse à l’hétérogénéité des clases.
Ce qui nous permet par cette alternative de trouver une solution à la vieille et épineuse question de la reproduction sociale et de l’égalité des chances que Pierre BOURDIEUX pose en ces termes «La reproduction des inégalités sociales par l’école vient de la mise en œuvre d’un égalitarisme formel, à savoir que l’école traite comme “égaux en droits” des individus “inégaux en fait” c’est-à-dire inégalement préparés par leur culture familiale à assimiler un message pédagogique.»[1]
Conclusion
Ce travail d’analyse relative à une proposition de modèle de pédagogie différentiée dans l’enseignement des sciences graphiques et de la technologie des matériaux au niveau du (DUT) génie civil de l’ESP de Dakar a soulevé deux questions majeures la massification et la démocratisation de l’enseignement au niveau du supérieur.
L’analyse de l’hétérogénéité des classes, a permis de déceler en amont la prégnance et l’effet de l’écart des prés requis, des différences de trajectoires de l’écart des rythmes de travail des étudiants, puis de proposer en aval un modèle de pédagogie différentiée axée sur les pratiques sociales de référence et la prise en compte des différences de capital psychopédagogique.
Notre posture de praticien de terrain et de chercheur nous a permis après analyse de cette lancinante question de l’hétérogénéité des classes, de proposer une réponse pédagogique dans le cadre des pratiques innovantes.
En effet dans le système pédagogique triangulaire, au niveau des deux axes (Enseignants- Etudiants) et (Enseignants- savoirs), nous avons développé des aspects de formation, de régulation de médiation et d’animation en misant sur les fonctions de formation, de motivation et de renforcement de l’apprentissage social.
Au niveau de l’axe (Etudiants – savoirs), nous avons mis en évidence et montré cette dynamique de mutualisation et de connexion salutaire de la cognition et de la métacognition entre étudiants dans la conquête de la connaissance.
Au niveau de la chaine de transposition didactique externe comme interne nous avons pris en compte les diversités des prés acquis, les rythmes d’apprentissage, les pratiques sociales de référence pour mettre en place des stratégies appropriées.
Le modèle a permis une nette amélioration de l’égalité des chances, de la qualité des apprentissages par le degré de réussite des étudiants, de la modification positive de la relation pédagogique et de la démocratisation de la réussite. Il a aussi permis d’apporter une réponse appropriée aux grands défis actuels de l’enseignement supérieur, relatifs à l’équation de la démocratisation de l’accès de l’enseignement supérieur à la démocratie de la réussite.
Certes le modèle proposé s’avère être une clé pour résoudre la problématique de l’hétérogénéité des classes en DUT, toutefois malgré son adaptabilité au temps à l’espace, il demeure encore perfectible et affin able. En perspective il faudra beaucoup mettre l’accent sur la formation des enseignants à la pédagogie différentiée, assurer les moyens et les conditions nécessaires pour réussir cette stratégie pédagogique très innovante dans le contexte actuel.
Bibliographie
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DECLARATION MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR LE XXIe SIECLE : CONFERENCE MONDIALE SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR L’enseignement supérieur au XXIe siècle : Vision et actions 9 octobre 1998
Develay De l’apprentissage à l’enseignement. (1992)
André De Peretti (Les points d’appui de l’enseignement : pour une théorie
Dugas Éric. Des pratiques sociales aux pratiques scolaires en EPS : des logiques de scolarisation plurielles. In : Revue française de pédagogie, volume 149, 2004. pp. 5-17 ;
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(Legrand, Louis La différenciation pédagogique, Scarabée, CEMEA, Paris 1984)
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Walfadjri du 9 OCTOBRE 2009 Sénégal : L’enseignement supérieur au Sénégal – Enjeux et perspectives.
[1] Pierre Bourdieu – La reproduction, 1966
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