Résumé
L’enseignement des mathématiques et sciences physiques en lycée professionnel s’appuie sur la démarche d’investigation, l’usage des TUIC et l’évaluation par compétences. La modélisation mathématique et scientifique fait partie intégrante de la formation des élèves. L’utilisation des TUIC par les élèves pour construire des connaissances induit de la part de l’enseignant une anticipation et une réflexion pédagogique et didactique de cet usage.
Mots clés
Modélisation, démarche d’investigation, compétences, TUIC
La rénovation de la voie professionnelle qui a débuté en septembre 2009 a modifié profondément les pratiques pédagogiques en mathématiques et sciences physiques : démarche d’investigation, démarche expérimentale, utilisation des TIC, enseignement général lié à la spécialité… mais aussi par la mise en place du contrôle en cours de formation en classe de baccalauréat professionnel pour la certification intermédiaire et finale (classe de terminale). Les élèves de CAP sont évalués par le contrôle en cours de formation en mathématiques et en sciences physiques.
La certification se traduit par la réalisation de sujets par les enseignants, qui s’appuient sur une grille d’évaluation nationale mathématiques et sciences physiques. Elle se situe dans la continuité de la formation, à savoir l’évaluation par les capacités et compétences dont celle pour l’élève d’utiliser les TUIC.
Les TUIC font partie de la vie quotidienne des élèves et sont utilisés dans le monde professionnel. Le support matériel des TIC est multiforme : calculatrice, logiciel de simulation, logiciel tableur, logiciel grapheur, site dédié type Sesamath…
Dans une première partie, j’aborderai l’utilisation des TIC dans le cadre de la démarche d’investigation et de la notion de compétence. Puis j’examinerai le lien entre l’utilisation des TIC et la modélisation.
Démarche d’investigation, TUIC et compétence
Que ce soit en classe de CAP ou de baccalauréat professionnel, l’enseignement des mathématiques, des sciences physiques s’appuie sur différentes pratiques pédagogiques, dont la démarche d’investigation. Cette modalité pédagogique permet la mobilisation de différentes compétences chez l’élève.
Quel que soit le support utilisé, les TUIC doivent contribuer à la résolution de problèmes par les élèves à travers la construction de compétences mathématiques, scientifiques : construction de concepts, de connaissances mathématiques du programme. Elles doivent permettre aussi à l’élève de s’entraîner à la résolution d’exercices mettant en jeu différentes compétences.
Dans les programmes de baccalauréat professionnel (Bulletin officiel spécial no 2, 19 février 2009), la référence à l’usage des TUIC est explicite ; cet usage se trouve renforcé par son intégration dans la démarche de certification tant intermédiaire que terminale.
La mise en œuvre de la démarche d’investigation
La démarche d’investigation est une démarche pédagogique à privilégier pour permettre à l’élève d’être formé c’est-à-dire d’être capable de réfléchir et d’utiliser des outils mathématiques ou physiques pour résoudre des problèmes de la vie quotidienne. Elle participe à la démarche de modélisation en utilisant les TIC.
Lors du choix de la situation problème, l’enseignant s’appuie en sciences physiques sur le questionnement issu des modules et en mathématiques sur des thèmes issus de la spécialité du baccalauréat professionnel ou de la vie courante en l’intégrant dans l’une des 5 thématiques du programme. En lycée professionnel, la démarche scientifique est du type inductiviste c’est-à-dire que l’on part du réel pour aboutir à la propriété physique ou mathématique.
La construction d’un système de significations à travers l’utilisation des TUIC
Dans la grille de certification en mathématiques, l’outil TUIC (calculatrice, tableur…) doit permettre à l’élève d’expérimenter ou de simuler ou d’émettre des conjectures ou de contrôler la vraisemblance de conjectures. Ces différentes capacités concourent aussi partiellement à la modélisation du problème.
L’ordinateur est un outil de laboratoire, de découverte, de création, de vérification…
La situation problème est formulée par l’enseignant; à travers cette formulation, il fait des choix implicites qui peuvent conditionner certains types de réponses de la part des élèves.
Ce qui est important c’est qu’à travers les réponses des élèves, ces derniers se rendent compte qu’ils peuvent construire des outils mathématiques et/ou scientifiques leur permettant de résoudre des problèmes.
Lors de l’appropriation du problème par les élèves, l’enseignant permet à l’élève de définir des variables du problème pour aboutir à l’émission d’une conjecture.
La conjecture en mathématiques est une proposition mathématique que l’on soupçonne d’être vraie. Pour permettre la vérification d’une conjecture, il est possible d’énoncer des variantes d’une conjecture :
- facile à démontrer à l’aide d’outils mathématiques ;
- facile à réfuter.
Elle s’appuie sur l’analyse de la situation ou du phénomène à travers des paramètres explicités lors de la phase d’appropriation de la situation problème ou sur la problématique de la situation problème.
Émettre une conjecture permet aussi à l’élève de mobiliser la capacité à extraire une ou des informations puis à raisonner et à argumenter à partir de ses connaissances. L’émission des conjectures peut se faire en utilisant l’écrit et l’oral.
L’écrit permet à l’élève de structurer sa pensée à partir de ses propres mots à partir de ce qu’il a compris ou vu.
Dans la phase de l’écrit et de l’oral se construisent les éléments du modèle. En effet le phénomène scientifique n’est pas, selon Bachelard, signifiant au premier abord pour l’élève. Ce dernier devra passer par une mise à distance dontla description et le codage seront les leviers.
Une fois que la conjecture et/ou l’hypothèse est émise, l’élève doit passer à la phase de test. L’utilisation des TUIC permet à l’élève d’expérimenter en faisant varier des paramètres de la grandeur physique ou de la variable mathématique. Ces paramètres ayant été au préalable mis en évidence lors des différentes phases de la démarche d’investigation.
Elle apporte une plus-value pour la manipulation des paramètres car cela permet une visualisation rapide du phénomène et de l’influence des paramètres sur le phénomène étudié.
La modélisation
La modélisation est sous-jacente dans les programmes de mathématiques et de sciences physiques.
Dans le cas des sciences physiques, la physique sert à interpréter le monde matériel et à faire des prévisions. Cette interprétation se fait à partir de modèle(s). Le physicien doit faire des choix de simplification, et doit idéaliser par la pensée, la situation expérimentale. Ainsi il perd des données objectives pour en privilégier d’autres.
Faire des mathématiques, c’est fabriquer des modèles qui permettent de maîtriser des phénomènes de la réalité (notamment ceux issus de la vie professionnelle de l’élève).
Un modèle est par définition selon Sensevy et Mercier un système de significations susceptibles de nous apprendre des choses sur la réalité et par là même d’agir sur elle.
La modélisation scientifique peut se partager en deux lignes directrices selon Walliser (1977) : « l’induction description, du concret vers l’abstrait et la déduction de l’abstrait vers le concret (déduction et prévision) ».
- Fabre écrit « construire un modèle revient à construire une représentation du réel qui tient compte de ses aspects […] dans un monde qui donne sens au modèle (fonction explicative) et qui permet de le manipuler.»
Le travail de l’enseignant au niveau de la conception de la séance est de définir les éléments du monde réel qui passeront au prisme du simulateur pour être reconstruits. Cette reconstruction pourra permettre par exemple de définir la propriété mathématique ou physique permettant de modéliser la situation.
Caractérisation de la modélisation inductive
L’élève travaille en mathématiques sur « trois mondes définis » (Henry, 2001) par :
- le monde perceptible représenté par les objets perceptibles, les événements perceptibles ;
- le monde simulé : objets simulés, événements simulés et leurs propriétés ;
- le monde reconstruit : objets reconstruits, événements
Ainsi le rôle de l’enseignant est de permettre à l’élève de rendre lisibles ces différents passages entre les mondes décrits ci-dessus lors des activités en mathématiques.
Raymond Duval (1995) parle de représentations sémiotiques pour définir qu’un concept mathématique, un modèle, ne sont pas accessibles par les sens mais à travers des registres sémiotiques ; « pour qu’un système puisse être un registre de représentations, il doit permettre les trois activités cognitives liées à la sémiosis :
- la formation d’une représentation identifiable… ;
- le traitement d’une représentation est la transformation de cette représentation dans le registre même où elle a été formée… ;
- la conversion d’une représentation est la transformation de cette représentation en une représentation d’un autre registre, en conservant la totalité ou une partie seulement du contenu de la représentation initiale ».
Naissance et hasard
Ainsi en probabilité concernant le programme de baccalauréat professionnel, l’utilisation d’un tableur simulateur doit permettre aux élèves de se représenter le phénomène à travers une codification des données du problème pour construire un modèle.
Cette codification passe par le traitementde l’information du monde perceptible en information du monde simulé (exemple : la simulation des naissances de filles dans une zone géographique où la proportion n’est pas équiprobable avec celle des garçons par programmation du tableur avec les fonctions ENT, ALEA).
Situation problème :
« Les données statistiques suivantes ont été relevées :
- En 2000, dans le village de Xicun, en Chine, il est né 20 enfants, parmi lesquels 16 garçons.
- Dans la réserve indienne d’Aamjiwnaag, située au Canada, à proximité d’industries chimiques, il est né entre 1999 et 2003, 132 enfants dont 46 garçons. Ces observations sont-elles le fruit du hasard ? Proposer une » (2009 extrait document d’accompagnement mars MEN)
Il apparaît important que les élèves décrivent en termes courants la situation initiale. Elle permet à l’élève de sélectionner les éléments qu’ils considèrent importants au regard de la situation posée.
Les élèves émettent des hypothèses, calculent par exemple le pourcentage des garçons et filles. Puis ils manipulent et simulent en utilisant une pièce de monnaie les données de l’énoncé (naissance). L’utilisation de la pièce de monnaie indique que l’élève se situe déjà dans un premier modèle de la naissance : soit une fille soit un garçon à travers le pile et face.
Les lancers qu’effectuent les élèves leur permettent de se rendre compte qu’obtenir 16 garçons n’arrive que rarement.
Le lancer de la pièce de monnaie permet la simulation de la naissance au sens de Dodge et travaillent dans le monde simulé. Les élèves se rendent compte de la limite de l’outil pièce en termes de nombres de lancers répétitifs pour obtenir la taille de l’échantillon avec le calcul de la fréquence d’apparition de pile ou de face.
Les fonctions du tableur permettent à l’élève de simuler ces naissances de manière aléatoire et reproductible en faisant varier la taille de l’échantillon et le nombre d’échantillons. Puis les informations du monde simulé sont « traduites » dans le monde reconstruit à travers la création d’un modèle au sens de Fabre c’est-à-dire la formalisation du modèle en termes mathématiques symboliques. Mais il est nécessaire de ne pas perdre de vue que l’élève lors de l’utilisation des TIC pour modéliser, devra développer une réflexivité dans sa pratique c’est-à-dire qu’il devra être capable par exemple de porter un jugement critique sur une série de données recueillies mais aussi de déterminer les limites des données extraites de chaque monde.
TUIC et atténuation sonore
Pour l’EXAO, le phénomène réel étudié est présent, il est représenté à l’écran par les données numériques, des graphiques… Dans le cas d’une SAO, le phénomène réel est absent mais il est représenté à l’écran de manière réaliste accompagné d’autres types d’animations.
Dans le cadre par exemple d’une expérience assistée par ordinateur sur l’atténuation sonore d’un matériau, les résultats de l’expérimentation peuvent prendre différentes formes : numérique, écriture algébrique, représentation graphique…
Ces différentes formes mettent en jeu différents objets mathématiques : échelle, écriture fonctionnelle… L’utilisation des TUIC permet à l’élève de travailler sur ces objets en termes de différenciation mais aussi de mettre en relation le registre graphique, numérique, algébrique… Pour autant cette mise en relation doit se faire pour modéliser la situation physique en termes de variables (matériau, épaisseur) influençant l’atténuation.
Le concept de grandeur et celui de modèle se construisent par la mobilisation des différentes représentations au sens de Duval.
Conclusion
Les TUIC permettent à l’élève de construire des modèles mathématiques, physiques en travaillant sur les différentes compétences de la démarche expérimentale.
Cette construction de modèle contribue à la construction d’outils mathématiques, scientifiques utilisables dans la vie domestique et professionnelle. L’élève s’exerce aussi à la lecture critique de l’information scientifique et domestique.
Bibliographie
Bachelard, G. (1938). La formation de l’esprit scientifique.
Dodge, Y. (1993). Statistique. Dictionnaire encyclopédique. Paris. Dunod.
Duval, R. (1995). Sémiosis et pensée humaine. Registres sémiotiques et apprentissages intellectuels.
Berne : Peter Lang.
Fabre, M. (2011). Éduquer pour un monde problématique. Paris : PUF.
Henry, M. (2001). Autour de la modélisation en probabilités. Franche-Comté : PU.
Grille évaluation nationale en mathématiques et sciences physiques : http://eduscol.education.fr/ maths/actualites/doc-ressource-maths-science
En savoir plus sur RAIFFET
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.