Éducation technologique et formation professionnelle : quels défis pour le développement de l’Afrique ? Brou Dieudonné Koffi koffibroudieudonne@gmail.com

Éducation technologique et formation professionnelle : quels défis pour le développement de l’Afrique ? Brou Dieudonné Koffi koffibroudieudonne@gmail.com

Éducation technologique et formation professionnelle : quels défis pour le développement de l’Afrique ?
Brou Dieudonné Koffi koffibroudieudonne@gmail.com

Résumé

L’éducation technologique et la formation professionnelle s’avèrent consubstantielles pour l’émergence de l’Afrique. Telle est l’idée essentielle que ce texte se charge d’ausculter et de développer. Pour ce faire, il s’agit, d’une part, d’indiquer la nécessité de la formation professionnelle pour des sociétés africaines en pleine industrialisation. D’autre part, il ressort que cette formation professionnelle, tant nécessaire aux pays africains, ne saurait se passer des nouvelles technologies de la communication et de l’information. L’éducation technologique concerne ainsi le milieu de l’enseignement professionnel et s’impose comme le moyen susceptible pour penser la formation professionnelle confrontée à plusieurs difficultés qui la discréditent et l’empêche de contribuer de manière efficiente au développement de l’Afrique. Le défi à relever pour l’émergence de l’Afrique doit ainsi consister essentiellement à mettre effectivement l’éducation technologique au service de la formation professionnelle.

Mots-clés

Développement industriel, éducation technologique, émergence, formation professionnelle, nouvelles technologies

Introduction

Les questions relatives à l’éducation et à l’école sont essentiellement philosophiques. C’est pourquoi l’éducation et la formation des citoyens ont toujours préoccupé des philosophes d’envergure considérable depuis l’Antiquité jusqu’aujourd’hui. La République de Platon, ouvrage philosophique connu du grand public et incontournable en philosophie politique, est fondamentalement un traité d’éducation. Rousseau, emblématique philosophe français des Lumières dévoile cette dimension cachée de l’œuvre platonicienne en affirmant qu’elle est « le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait » (Rousseau, 1996). Si le philosophe français reconnaît la dimension éducationnelle de cet ouvrage, c’est justement parce qu’il s’est particulièrement consacré à la problématique de l’éducation. L’on peut retenir de lui qu’« on façonne les plantes par la culture et les hommes par l’éducation » (Rousseau, 1996). Ce qui signifie que « sans l’éducation, l’homme doit s’attendre à l’étiolement de son esprit au point d’être confondu finalement aux bêtes » (Koffi, 2014).

L’éducation et par ricochet l’école étant des concepts fondamentalement philosophiques, Il est donc légitime pour un chercheur en philosophie de s’inviter dans un débat sur l’éducation et la formation professionnelle.

L’objectif principal consiste ici à penser l’éducation, notamment la formation professionnelle en Afrique, à travers une démarche philosophique. Il s’agira précisément de scruter les nouveaux défis qui s’imposent à la formation professionnelle en Afrique. C’est le sens de cette matière à réflexion : éducation technologique et formation professionnelle : quels défis pour le développement de l’Afrique ? Les questions suscitées par une telle formulation interrogative s’avèrent évidentes. Elles soulèvent la problématique de l’innovation dans le secteur éducatif et la question de la nécessité des nouvelles technologies à l’ère de la modernité. D’où la cohorte de questions suivantes : quelles sont les réformes nécessaires dans le secteur de la formation professionnelle pour une Afrique émergente ? Qu’est-ce qui fonde la nécessité de la formation professionnelle et quelles sont les difficultés qu’elle rencontre sur le continent africain ? Dans quelles mesures les nouvelles technologiques s’y imposent-elles aujourd’hui ? Au regard de ce questionnement, l’idée centrale qui mériterait d’être soutenue peut se formuler ainsi : pour une éducation professionnelle idoine à l’émergence de l’Afrique, les nouvelles technologies apparaissent nécessaires.

La nécessité de la formation professionnelle dans une Afrique en industrialisation

Après les indépendances, beaucoup de pays africains ont fondé leur développement économique sur l’Agriculture. En Côte d’Ivoire, par exemple, le président Houphouët Boigny a inculqué dans l’esprit collectif que le succès de ce pays reposait sur l’Agriculture. Ainsi, les bras valides, soutenus par une volonté populaire et des accompagnements politiques se sont ruées vers les forêts et ont positionné ce pays de l’Afrique de l’Ouest parmi les premiers producteurs mondiaux de cacao, de café, de palmier à huile, d’hévéa, etc. Ce qui a permis aux Ivoiriens de réaliser le « miracle économique » dans les premières décennies qui ont suivi les indépendances. Pour transformer ces produits d’exportations à l’intérieur du continent, afin de mieux accroître l’économie africaine confrontée de plus en plus à la détérioration des termes d’échanges et à de fluctuation qui dévalorisent le plus souvent les matières premières, beaucoup de pays africains, à l’instar de la Côte d’Ivoire, ont envisagé la voie de l’industrialisation. Qu’en est-il exactement ? En quoi l’industrialisation nécessiterait-elle l’enseignement professionnel ? Quelles pourraient être les difficultés de la formation professionnelle qui porteraient atteinte à la véritable industrialisation du continent africain ?

Malgré sa population galopante et sa jeunesse, le continent africain demeure le moins industrialisé du monde. Plusieurs raisons pourraient justifier ce constat amer. L’instabilité politique remarquable dans de nombreux pays n’encourage pas les investisseurs privés. Aussi la corruption et les détournements de deniers publics caractéristiques de la gouvernance en Afrique restent indéniablement attentatoires à l’effectivité de l’industrialisation. De nombreuses sociétés d’État ont été coulées par ces attitudes anti-démocratiques qui caractérisent la plupart des dirigeants africains. Face à ce tâtonnement, il convient de penser à de nouvelles recettes susceptibles de contribuer à la véritable industrialisation de l’Afrique.

Cette réflexion sur la réussite de l’industrialisation des pays africains dépasse le cadre des hommes politiques. C’est aussi l’affaire des intellectuels et des écrivains, ces penseurs et panseurs des sociétés. Ainsi, Dioum (2003) a-t-il décidé d’accompagner les dirigeants africains dans leur quête de l’industrialisation de leurs pays en leur donnant des préceptes relatifs aux transferts de technologie, à la maîtrise du processus de construction des usines et à la gestion des entreprises pour « réussir maintenant l’industrialisation de l’Afrique ». Pour ce penseur de l’industrialisation, plus de quatre décennies d’indépendances n’ont pas encore suffi à faire de l’Afrique un continent industrialisé, alors que son émergence, à l’instar de l’Asie, de l’Amérique et de l’Europe est nécessairement liée à son développement industriel.

Ce développement industriel passe nécessairement par des ressources humaines. La nécessité d’une main d’œuvre qualifiante s’impose alors. Or, l’enseignement général dans les établissements secondaires et dans les universités africaines, en général, ne prédestinent pas les apprenants aux industries. Les disciplines enseignées sont plus relatives à la théorie. Les sciences sociales et même les mathématiques et les sciences physiques enseignées sont de loin inadéquates aux usines. Il faut donc des enseignements spécifiques capables de répondre aux besoins des rares usines existantes et susceptibles de répondre aux attentes de l’industrialisation à venir.

Il point d’ores et déjà la nécessité de l’enseignement professionnel. C’est, en effet, dans les écoles professionnelles qu’on forme le mieux les apprenants aux métiers des entreprises et des usines. De ce fait, pour son industrialisation, l’Afrique devrait s’appuyer sur la formation professionnelle. Ce sont les grandes écoles, les Lycées techniques et professionnels qui offrent et offriront le mieux la main-d’œuvre qualifiée aux industries africaines. Les industries agro-alimentaires et textiles, parmi d’autres existant déjà sur le continent africain, et d’autres exemples pris dans les pays déjà industrialisés, montrent bien la nécessité de la formation professionnelle pour le fonctionnement des industries.

Plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne ont fait des efforts en matière de formation professionnelle. En Côte d’Ivoire, on compte une diversité d’établissements de formation technique et/ou professionnelle, aussi bien à Abidjan, où le Lycée technique de Cocody s’impose, qu’en l’intérieur du pays dans les villes d’Affery, de Bouaké, de Daoukro, de Man, de Ferkessédougou, etc. Les pays africains, à l’image de la Côte d’Ivoire, sont bien conscients que la formation professionnelle demeure une nécessité fondamentale dans une Afrique en industrialisation. Toutefois, elle est confrontée à d’innombrables difficultés relatives à la qualification des enseignants, des moyens et des conditions de travail, au chômage après la formation, etc. Pour résoudre ces problèmes, il conviendrait de penser aux nouvelles technologies.

Des solutions à l’ère des nouvelles technologies

Aujourd’hui, les nouvelles technologies s’imposent dans tous les domaines de la vie. Dans le cadre de la formation professionnelle, c’est surtout au niveau de l’auto-formation et de l’acquisition de nouvelles compétences qu’elles s’avèrent incontournables. L’auto-formation apparaît de loin comme le remède efficace pour la qualification effective des enseignants arrivés à la formation professionnelle avec des diplômes universitaires ou avec peu de compétences dans leurs matières. Cette auto-formation pourrait passer à l’ère des nouvelles technologies de la communication et de l’information par l’Internet où plusieurs modules de formation dans presque tous les domaines s’y retrouvent. La technologie devient ainsi un moyen incontournable pour l’éducation qui implique une meilleure formation des enseignants. Ces derniers pourraient également renforcer leurs capacités à travers des programmes offerts par le Mooc, cet actuel procédé d’acquisition des diplômes en lignes. Dès lors, l’éducation technologique apparaît nécessaire dans les sociétés africaines actuelles qui ont besoin des enseignants adéquats à leur industrialisation, gage de leur émergence socio-économique.

En clair, pour l’émergence de l’Afrique ses enseignants doivent impliquer davantage les nouvelles technologies de la communication dans leur formation. Ce qui sous-entend que dans la formation des apprenants ces nouveaux moyens d’apprentissage que sont les nouvelles technologies seront enseignés et imposés. L’éducation technologique se présente donc comme un défi à relever pour le développement industriel, et par ricochet pour l’émergence socio-économique, des pays africains. C’est d’ailleurs pourquoi l’auteur Déforge (1993) proposa depuis les années 1990 une éducation qui considère la nécessité de la culture technique dans l’enseignement professionnel et même dans les établissements secondaires.  Pour lui, et les faits lui donnent déjà raison, cette éducation technologique s’imposera à l’avenir.

Aussi, à travers les nouvelles technologies, l’enseignement doit désormais consister à former selon les besoins des sociétés ou à former plus d’employeurs que d’employés. Cela contribuerait à régler le problème de chômage qui discrédite l’enseignement professionnel qui mérite parfois d’être comparé à un laboratoire de fabrication des chômeurs, qui favorisent le plus souvent des crises sociales qui compromettent la stabilité sociale, fondement de l’émergence du continent africain. Pour mieux favoriser l’émergence des employeurs, l’éducation technologique doit considérer de nouvelles disciplines relatives au leadership et à l’éducation à la citoyenneté. Ces disciplines consolideront les valeurs sociales et pousseront davantage les jeunes à l’entrepreneuriat. Elles sont donc favorables à l’émergence des pays africains qui n’est possible sans le patriotisme ou le goût de l’entrepreneuriat.

Conclusion

Cette réflexion sur les défis actuels de la formation professionnelle en Afrique à l’ère des nouvelles technologies tourne autour d’une question fondamentale : quelles sont les réformes nécessaires dans le secteur de la formation professionnelle pour une Afrique émergente ? Pour répondre à cette interrogation, l’on a montré, d’une part, que l’enseignement professionnel est une importance capitale dans les pays africains en pleine industrialisation. Les mains d’œuvres nécessaires aux usines et aux entreprises qui pullulent en Afrique doivent se chercher, pour une bonne part, dans les écoles de formation professionnelle. Malheureusement, la formation professionnelle manque toujours d’enseignants qualifiés et dévoués ; des disciplines ne sont pas actualisées et de nouveaux champs d’enseignement bien implantés ailleurs, en Occident, n’existent pas encore en Afrique ; les formateurs et les étudiants travaillent dans des conditions précaires bien connues de tous et le manque d’emplois après la formation reste indiscutable. Ce cocktail de difficultés montre bien qu’il y a une nécessité de reformer le secteur de la formation professionnelle.

C’est justement de cette réforme indispensable que ce texte a consisté, d’autre part, à traiter. Cette innovation gravite essentiellement autour des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Elles doivent permettre de former convenablement les enseignants et contribuer à actualiser le contenu des cours dispensés en fonction de l’évolution des sociétés africaines et des besoins du moment. Désormais, l’enseignement doit essentiellement contribuer à former plus d’employeurs que d’employés afin de régler en amont le problème de chômage au fondement des crises sociales préjudiciables à la stabilité sociale, nécessaire à l’émergence du continent. L’éducation technologique doit également contribuer à la formation au leadership et à l’éducation à la citoyenneté et à la loyauté qui constituent le substrat pour l’émergence du secteur privé et le dévouement à la patrie tant nécessaire pour le développement des pays africains.

Ces nouveaux défis que doit relever le secteur de la formation professionnelle pour l’émergence des sociétés africaines doivent être l’affaire de tous. Depuis les politiques et les administrateurs jusqu’au citoyen lambda, en passant par les formateurs et les étudiants, chacun devrait à son niveau contribuer à la réforme de ce secteur qui est prometteur pour l’avenir reluisant du continent africain.

Bibliographie

Koffi, B. D. (2014). Tiken Jah Fakoly, les enjeux des coups de gueules, Abidjan : Balafons.

Dioum, I. G. (2003). Réussir maintenant l’industrialisation de l’Afrique, Addival.

Rousseau, J.J. (1996). Émile ou l’éducation, Paris : Garnier-Flammarion.

Platon. (1966). La République, Paris : Garnier Frère.

Deforge, Y. (1993). De l’éducation technologique à la culture technique. Pour une maîtrise sociale de la technique, Montrouge (France) : ESF éditions.

 

 


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